Contenu du sommaire : 1917

Revue Cahiers du monde russe Mir@bel
Numéro volume 58, no 1, janvier-juin 2017
Titre du numéro 1917
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • 1917 : Historiography, revolutionary dynamics and disputed remembrance - Catherine Gousseff, Stefan Plaggenborg, Alessandro Stanziani p. 9-14 accès libre
  • Interviews

  • Historiographie

    • ‪The Russian Revolution in German Historiography after 1945‪ - Matthias Stadelmann p. 57-78 avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article retrace les voies empruntées par l'historiographie ouest‑allemande sur la révolution russe après la grande césure de 1945. L'historiographie allemande sur la Russie dut alors se risquer à de nouveaux départs au‑delà des paradigmes nationaux socialistes de perception. À l'époque, les historiens se concentraient sur les activités politiques, les perspectives de développement d'une monarchie constitutionnelle en Russie et la force destructrice du bolchevisme. Le tournant général vers l'histoire sociale a aussi conduit à un changement radical dans l'interprétation de 1917. Les chercheurs se sont mis à problématiser les structures apparemment déficientes de la « Vieille Russie » et ont fait glisser leur perspective, celle‑ci passant de l'État et de la politique aux besoins et aux intérêts de la société. Ils en ont conclu que les bolcheviks avaient pu l'emporter, seulement parce qu'ils avaient bénéficié d'un soutien considérable de la part des masses. Dans l'ensemble, l'attitude envers les préoccupations bolcheviques était plutôt favorable ; parfois le balancier se plaçait sur la position marxiste léniniste : l'influence de l'historiographie est‑allemande n'y était pour rien, cela résultait de l'ambiance « progressiste » largement répandue au sein des jeunes générations de l'Allemagne fédérale. Cependant, vers la fin des années 1980, l'attrait fascinant de l'Union soviétique s'est éteint. Les historiens allemands eurent alors à choisir entre deux voies : celle des descriptions et des évaluations générales de l'événement révolutionnaire ou celle des essais d'approches culturelles et historiques. Mais cela n'a engendré aucun nouveau récit sur 1917. Que des approches comparatives sur le long terme conduisent à une relance de la recherche innovante sur 1917, même en cette année anniversaire 2017, ne semble pas encore concevable.
      The article traces the paths of West German historiography on the Russian Revolution during the post‑war period. After the great caesura of 1945, German historiography on Russia had to venture into new beginnings beyond national‑socialist paradigms of perception. Historians then concentrated on political activities, perspectives of development of a constitutional monarchy in Russia and the destructive force of Bolshevism. The general turn to social history brought about a paradigm shift in the interpretation of 1917. Scholars now problematized the seemingly deficient structures of “Old Russia” and changed their perspective from state and politics to the needs and interests of society. This led to the insight that the Bolsheviks could carry out their coup only due to considerable support by the masses. Mostly the attitudes towards the bolshevist concern were rather sympathetic; sometimes the pendulum swung even to a Marxist‑Leninist self‑positioning, which never was the result of an influence by East German historiography, but came from a widespread “progressive” mood among younger generations in West Germany. Towards the end of the 1980s, however, the fascinating appeal of the Soviet Union had tapered off. As a result, German historians chose among two different paths—overall descriptions and evaluations of the revolutionary event on the one hand and experiments in cultural‑historical approaches on the other. Novel grand narratives of 1917 did not arise out of that; whether comparative and longue durée approaches lead to a revival of innovative research on 1917 is—even in the anniversary year of 2017—not yet conceivable.
    • ‪The Russian Revolution as Continuum and Context and Yes,—as Revolution‪ : Reflections on Recent Anglophone Scholarship of the Russian Revolution - Peter Holquist p. 79-94 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cet essai, l'auteur analyse les derniers travaux parus en langue anglaise sur la révolution russe et porte une attention particulière à ceux d'entre eux qui soulignent le rôle de la guerre et de la violence. Il met ainsi en relief les tendances actuelles à présenter la révolution comme s'inscrivant dans une continuité et à placer la période de la guerre et de la révolution dans un contexte plus large mettant la société russe en regard avec d'autres sociétés. Les études récentes sur le rôle de la Première Guerre mondiale et sur le rôle de l'empire dans la chute de la Russie impériale sont des développements positifs. Cependant, l'essai fait valoir que nous ne devrions pas perdre de vue les dynamiques étudiées dans la littérature antérieure sur la révolution, telles que l'agitation ouvrière et paysanne dans la Russie européenne.
      ‪The author reviews recent English‑language works on the Russian Revolution, with particular attention to those works emphasizing the roles of war and violence. The review essay highlights the recent trends to present the Revolution as a part of a larger continuum, and to contextualize the period of war and revolution as compared to other societies. The recent focus on: 1) the role of the First World War; and, 2) on the role of empire in Imperial Russia's deluge, is a very welcome development. Yet, the essay argues, we should not lose sight of the dynamics examined in an earlier literature on the Revolution, such as labor and agrarian unrest in European Russia.‪
  • Dynamiques révolutionnaires

    • ‪Zemstvo severnoi oblasti v epokhu rossiiskoi grazhdanskoi voiny ‪ : Mezhdu politicheskim predstavitel´stvom i upravlencheskoi biurokratiei - Liudmila Novikova p. 95-122 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Basé sur les archives de la province (gubernija) septentrionale d'Arhangel´sk, cet article étudie l'activité politique et administrative des zemstva (sing. zemstvo) pendant la guerre civile. Liquidés après l'arrivée au pouvoir des bolcheviks, les zemstva ont repris leurs fonctions avec le gouvernement des Blancs du Nord (mi‑1918 à 1920). L'article souligne que dans les conditions d'un lourd conflit armé et, indépendamment du soutien manifesté par la population, les zemstva n'étaient plus ces lieux de discussion et de prise de décision dédiés à la gestion des problèmes locaux : ils s'étaient transformés en instrument du pouvoir pour mobiliser populations et ressources pour la guerre. La centralisation de l'administration autonome du zemstvo reflétait la consolidation de l'appareil du parti soviétique qui s'était produite du côté rouge du front pendant les années de la guerre civile.
      The article examines the political and administrative functions of the zemstvos in Arkhangel´sk province in northern Russia during the Civil War. Zemstvos were liquidated in the province in early 1918 after the Bolsheviks' seizure of power, but later resumed their work under the anti‑Bolshevik Provisional Government of Northern Russia between mid‑1918 and 1920. The reinstated zemstvos enjoyed significant popular support in the North. Still, in the conditions of the Civil War, they abandoned their role as public forums for debating and solving local problems, and instead became an instrument in the government's policies aimed at mobilizing people and resources for the war. The centralization of the zemstvo self‑government closely mirrored the consolidation of the Bolshevik and Soviet party apparatus that took place at the same time on the other side of the Civil War front.
    • ‪War, Refugeedom, Revolution‪ : Understanding Russia's refugee crisis, 1914‑1918 - Peter Gatrell p. 123-146 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'auteur étudie la crise des réfugiés en Russie pendant la Première Guerre mondiale et la révolution. Il examine l'historiographie, les raisons des lacunes de celle‑ci et s'interroge sur l'importance politique, sociale et culturelle de cette crise. La crise des réfugiés a soulevé des questions fondamentales sur la portée, le propos et les résultats des tentatives de prise en charge des personnes déplacées, et ce, sur une échelle sans précédent et de façon imprévisible. L'article cherche aussi à comprendre dans quelle mesure les réfugiés étaient capables de s'exprimer, soit pour déplorer les circonstances qui les avaient conduits à se déplacer, soit pour critiquer les dispositions prises à leur égard, soit encore pour formuler leur perception de l'avenir. Dans sa première partie, l'article traite certaines des sources existantes, y compris les témoignages en anglais. Il examine ensuite les politiques et les pratiques du travail humanitaire, notamment celles d'organismes semi‑officiels comme le Comité Tatiana, d'organismes publics comme le Zemgor, et de nouveaux comités nationaux qui revendiquaient les réfugiés au nom de la « nation ». L'article s'attache également aux conséquences des déplacements de population en 1917 et au‑delà, ainsi qu'au rapatriement des réfugiés. La dernière partie examine directement la question du témoignage personnel et donc celle de ceux qui s'arrogeaient le droit de parler au nom des réfugiés.
      ‪This article examines the refugee crisis in Russia in the era of war and revolution. It considers the historiography and the reasons for historiographical neglect; and asks questions about its political, social and cultural significance. The refugee crisis posed fundamental questions about the scope, purpose and outcomes of attempts to manage people who were on the move on an unprecedented scale and in an unforeseen manner. The article also asks to what extent refugees were able to express themselves, whether to lament the circumstances leading to their displacement, to criticise the arrangements made on their behalf, or to articulate a sense of their future. The first part of the article discusses some of the extant source material, including anglophone accounts. It goes on to consider the politics and practice of relief work, including by semi‑official bodies such as the Tatiana Committee, by public organisations (notably Zemgor), and by new national committees that claimed the refugee on behalf of the “nation.” Attention is also devoted to the ramifications of population displacement in 1917 and beyond, including the repatriation of refugees. The final section addresses directly the issue of personal testimony, and who claimed the right to speak on behalf of the refugee.‪
    • ‪La fin des révolutions‪ : Raskol´nikov et Robespierre - Tamara Kondratieva p. 147-178 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'histoire de Fëdor Raskol´nikov (1892‑1939) est marquée par la dualité entre l'image du héros de la révolution d'Octobre et de la guerre civile, et celle du traître transfuge qui, alors qu'il est diplomate en poste en 1938, se soustrait à l'ordre de Moscou de rentrer en URSS. Après sa réhabilitation, il apparaît comme un vrai bolchevik léniniste, un diplomate sans faille et un écrivain qui prend une part très active à l'élaboration du romantisme révolutionnaire. Cependant, une de ses œuvres littéraires est négligée par tous ses biographes : Raskol´nikov est l'auteur de Robespierre, une pièce de théâtre montée en 1931 à Leningrad, puis au théâtre de la Porte Saint‑Martin à Paris, à l'occasion du cent cinquantenaire de la Révolution française en 1939. Dans cette pièce s'opère à l'évidence un jeu de miroir entre deux révolutionnaires face à leur propre fin tragique. Nous proposons de mettre au jour les conditions de production, de diffusion et de réception par les contemporains de ce texte et de ce spectacle, en l'inscrivant dans les deux contextes successifs de sa création, celui de l'Union soviétique en 1931 et celui de Paris en 1939, afin de nourrir une réflexion sur les représentations de la fin des révolutions.
      ‪The life story of Fëdor Raskol´nikov (1892‑1939) is marked by the duality between the image of the hero of the October Revolution and the Civil War, and that of the traitor‑defector who, when he was in a diplomatic post in 1938, evaded Moscow's order to return to the USSR. After his rehabilitation, he appeared as a real Bolshevik‑Leninist, a flawless diplomat and a writer who took a very active part in the elaboration of revolutionary romanticism. However, one of his literary works has been neglected by all his biographers: Raskol´nikov is the author of ‪‪Robespierre‪‪, a play first staged in 1931 in Leningrad, then at the Porte‑Saint‑Martin Theater in Paris, on the occasion of the sesquicentennial of the French Revolution in 1939. In this play, there plainly is a mirror game between two revolutionaries facing their own tragic end. The article aims to bring to light the conditions of production, dissemination and reception of the play and its text by contemporaries by placing it in the two successive contexts of its creation: that of the Soviet Union in 1931 and of Paris in 1939, in order to contribute to a reflection on the representations of the end of revolutions.‪
  • Mémoires contestées

    • ‪Resursy kul´turnoi pamiati i politika pamiati o pervoi mirovoi voine v Rossii‪ - Boris Ivanovich Kolonitskii p. 179-202 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cet article, l'auteur analyse et évalue différents projets russes actuels de commémoration de la Première Guerre mondiale. Il souligne en quoi ces projets diffèrent de la politique mémorielle soviétique et apprécie leur probabilité de succès. L'histoire de la mémoire et/ou de l'oubli de la Première Guerre mondiale en URSS est comparée à celle de quelques uns des autres pays européens belligérants. Ce faisant, l'auteur prend en considération l'action conjuguée de différents acteurs : organisations gouvernementales ou de la société civile, historiens, éditeurs et mémorialistes. Une attention particulière est accordée à l'œuvre des écrivains et des artistes. Le développement de la littérature et de l'art russes dans les années 1914‑1917 se distinguait substantiellement de celui des principaux pays européens belligérants et ceci a notablement influé sur la mémoire culturelle sur la guerre. ‪Cet impact est encore palpable à ce jour.‪

      ‪The article reviews and evaluates different Russian World War‪
      ‪ ‪
      ‪I commemoration projects and shows how they differentiate themselves from Soviet remembrance policies. It compares the history of memory and/or oblivion of World War‪
      ‪ ‪
      ‪I in the USSR with similar projects in some other belligerent European countries. The author reviews the activities of different actors—government agencies, civil society organizations, historians, publishers, memoirists, paying particular attention to the role of artists and writers. The development of literature and arts between 1914 and 1917 in Russia was different from that in the European combatant countries and had a profound impact over the cultural memory of war. This impact can still be felt today. ‪
    • ‪La mémoire impossible‪ : La Russie et les révolutions de 1917 - Maria Ferretti p. 203-240 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article reconstitue la manière dont les révolutions de 1917 ont été représentées en Russie depuis la perestroïka jusqu'à aujourd'hui. On y analyse, à l'aide d'une pluralité des sources, les différentes figures mémorielles qui se sont succédé, en mettant en lumière les enjeux multiples, à la fois politiques, idéologiques et identitaires, qu'elles mobilisaient. En particulier, le débat sur les interprétations de 1917, impliquant différentes manières d'envisager l'avenir du pays, a joué un rôle crucial dans la formation de la culture politique des nouvelles forces politiques en gestation, des libéraux et des nationalistes en premier lieu. Si, pour les premiers, la Russie avait été détournée en 1917 du cours « naturel » de l'histoire emprunté par l'Occident, et qu'il s'agissait donc d'y revenir pour mettre le pays sur le chemin de la prospérité et de la démocratie libérale, pour les autres, 1917 avait été une catastrophe provoquée, d'une façon ou d'une autre, par l'Occident lui‑même, afin de détruire la grandeur de la Grande Russie, qui devait donc reprendre son « chemin particulier », nouvelle hypostase de l'ancien mythe de Moscou troisième Rome. Le but de ce travail est donc de mettre au jour, en les inscrivant dans une perspective plus vaste, les raisons qui expliquent pourquoi, les révolutions de 1917, tout en étant fortement enracinées dans la mémoire de la société russe, ne peuvent pas s'inscrire dans la Russie de Putin, qui se veut de plus en plus comme l'héritière de la Russie impériale tout en ayant intégré la mémoire de l'époque soviétique, récupérée sous le signe du nationalisme. Tout cela fait des révolutions de 1917 une mémoire impossible.
      ‪The article traces the ways in which the 1917 revolutions have been represented in Russia since perestroika. Drawing on a great variety of sources, the author studies the memory figures that have been successively showcased and highlights the political, ideological and identity issues that went along with them. In particular, the debate about how to interpret 1917, in which various ways to envisage the country's future were discussed, has played a crucial part in the formation of the political culture of emerging—primarily liberal and nationalist—political forces. While the former considered that in 1917, Russia diverted from the “natural” course of history followed in the West and must be brought back on track in order to recover prosperity and liberal democracy, the latter saw 1917 as a disaster brought about by the West itself to undermine the greatness of Russia. The country must then continue on “its own way” as a new hypostasis of the ancient Moscow‑as‑third‑Rome myth. The study thus purports to reveal and place in a broader perspective the reasons why the 1917 revolutions, while firmly rooted in Russian society's memory, cannot be part of Putin's Russia: the country increasingly sees itself as the heir of Imperial Russia, and even if it has integrated the Soviet era into its collective memory, it has appropriated it to nationalist ends. This makes remembrance of the 1917 revolutions impossible.‪
  • ‪Livre reçus‪ - p. 249-254 accès libre