Contenu du sommaire : Terrorisme(s)
Revue | Confluences Méditerranée |
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Numéro | no 102, automne 2017 |
Titre du numéro | Terrorisme(s) |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Terrorisme(s) - Jean-Paul Chagnollaud p. 9-12 Un des paradoxes majeurs du terrorisme réside dans l'écart abyssal existant entre les logiques de ses modalités d'action, toujours à peu près les mêmes à travers le temps et l'espace, et ses racines sociologiques multiples et changeantes selon les séquences historiques dans lesquelles il fait irruption...
- La France et ses « siècles de plomb » - Gilles Ferragu p. 13-28 Le terrorisme serait-il une invention française ? En suivant, depuis la fin du X VIIIe siècle, l'émergence de ce phénomène et sa récurrence dans l'histoire française, on peut tout à la fois en esquisser une première généalogie, mais aussi saisir l'ampleur de son influence sur l'histoire politique nationale. Bien loin d'être une violence « extraordinaire », il apparaît que le terrorisme, sous ses diverses acceptions, hante l'histoire contemporaine et s'inscrit dans une autre histoire de la modernité politique.
- La définition du « terrorisme » : débats, enjeux et fonctions dans le discours juridique - François Dubuisson p. 29-45 En dépit des divergences qui persistent entre les Etats, certains éléments de définition du terrorisme ont été établis, dans les instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux. Ces éléments demeurent cependant très flous, ce qui laisse une large marge d'appréciation aux Etats, dans la mise en œuvre de la qualification de terrorisme. Dans cette mise en œuvre, trois fonctions principales sont remplies par la notion de « terrorisme » dans le discours juridique des Etats. Elle permet d'appliquer un régime juridique spécifique dérogatoire, d'établir une situation d'urgence justifiant l'adoption de mesures exceptionnelles et d'attribuer un label infamant aux ennemis. Au final, la notion de « terrorisme », par sa flexibilité, offre aux Etats un outil privilégié permettant la justification et la légitimation de politiques sécuritaires.
- Aux racines du jihadisme : le salafisme ou le nihilisme des autres ou... l'égoïsme des uns ? - François Burgat p. 47-64 Les deux thèses explicatives du phénomène jihadiste portées par Gilles Kepel et Olivier Roy dominent le champ médiatique français. Elles s'opposent sur l'importance de la variable religieuse. Mais elles s'accordent pour isoler largement le phénomène jihadiste des processus socio-politiques qui lui donnent naissance. Dans le théâtre politique « oriental » comme au sein des sociétés occidentales, elles minimisent ou même nient complètement l'impact essentiel, de la persistance des vieux rapports de domination Nord-Sud sur le comportement des acteurs concernés. Dire en quoi cette omission est trompeuse constitue un enjeu bien plus important que n'affectent de le penser ceux qui ne veulent y voir, un peu paresseusement, qu'une vulgaire querelle d'egos.
- Le terrorisme avant et après l'État islamique - Mathieu Guidère p. 65-74 Les attentats à répétition revendiqués au nom de l'État islamique font que cette organisation occupe le devant de la scène médiatique, mais ils ne doivent pas masquer le fait qu'elle s'inscrit dans une longue histoire du terrorisme islamiste débutée au siècle dernier. En effet, même si l'essentiel des attentats est aujourd'hui perpétré par des organisations sunnites, l'islamo-nationalisme chiite a été précurseur en la matière. Cet article retrace l'histoire tumultueuse du terrorisme d'inspiration islamique en replaçant dans leur contexte idéologique et géopolitique ses épisodes les plus marquants.
- « Nous contre eux » : l'État islamique ou la narration militante d'une altérité radicale - Myriam Benraad p. 75-87 Malgré une profusion de commentaires, d'analyses et d'études publiées au cours des dernières années, la problématique du discours jihadiste n'a fait l'objet que d'une attention relativement limitée dans le champ des sciences sociales. Une observation d'autant plus étonnante que ce volet a acquis une place accrue dans le débat stratégique. Le discours est en effet central dans les dynamiques de mobilisation, et c'est à travers lui qu'un groupe comme l'État islamique a marqué cœurs et esprits, multipliant les avancées dans le monde musulman et au-delà. C'est par la rhétorique qu'il a recruté parmi un public large, notamment des centaines de Français dont certains encore présents dans la zone syro-irakienne en 2017. Le discours jihadiste émet plus qu'une représentation du monde : il le transforme. Tout discours est aussi un fort marqueur culturel et identitaire pour ceux qui l'articulent et s'en réclament.
- Les armes du Hezbollah : terrorisme, droit à la résistance et principe de légalité - Nicolas Dot-Pouillard p. 89-102 Terroriste, ou libérateur ? Depuis le milieu des années 1980, le Hezbollah suscite des interprétations divergentes. Pour les uns, c'est un mouvement terroriste, qui doit être éradiqué : tel est le point de vue d'Israël ou des Etats-Unis, rejoints, depuis 2016, par l'Arabie saoudite. Pour les autres, le Hezbollah est condamnable : mais il y a un principe de réalité. L'Union européenne distingue ainsi entre une branche politique et une branche militaire du Hezbollah. Il est possible de dialoguer avec la première, il faut en finir avec la seconde. Enfin, il y a la narration du Hezbollah et de ses partisans : le Hezbollah n'est pas un mouvement terroriste, puisque ses armes bénéficient d'un principe de légalité au Liban. Son opposition à l'Etat islamique lui permet enfin d'intégrer la rhétorique de l'anti-terrorisme à son arsenal conceptuel. Les divergences d'interprétations au sujet du Hezbollah montrent surtout que l'adjectif terroriste relève moins de l'ordre du droit, que de l'ordre du dire.
- Les Kurdes de Daech : les raisons de la radicalisation d'une génération - Adel Bakawan p. 103-117 Le djihadisme kurde a déjà une histoire de 37 ans. Il est passé par plusieurs phases : de l'islamisation de la lutte kurde (Mouvement Islamique du Kurdistan), à l'internationalisation de la lutte islamiste (Ansar al-Islam). Et puis, de 2012 à 2017, une nouvelle génération de djihadistes kurdes est entrée dans le processus de la reterritorialisation de lutte armée et s'est intégrée à l'Organisation de l'État Islamique (Daech). Pourquoi devient-on djihadiste au Kurdistan ? Comment le processus de radicalisation fonctionne dans un Kurdistan en quête d'indépendance ? Pour mettre en exergue ces questions, cette article propose une grille d'analyse à six niveaux : la part de l'islam dans la radicalisation de cette nouvelle génération ; la culture de la violence dans l'histoire récente kurde ; l'exclusion sociale exercée par la nouvelle oligarchie kurde et la frustration de toute une génération livrée à la rue ; l'avènement des révolutions du monde arabe ; le déploiement sans limite des réseaux sociaux qui voit Facebook remplacer la mosquée ; et enfin la kurdistanisation des grands mouvements islamistes, qui a déçu certains acteurs.
- « Le terrorisme en débat » - Rachid Benzine p. 119-123
- Regards croisés sur le terrorisme - Philippe Bannier p. 125-132 Cet article propose une comparaison des ouvrages de David Thomson (Les Revenants, Seuil, 2016) et d'Eric-Emmanuel Schmitt (L'homme qui voyait à travers les visages, 2016) avec en arrière-plan une interrogation sur les liens entre violence et religion. Croiser une investigation journalistique et une démarche littéraire permet de mettre en lumière, selon la logique propre de chacun de ces champs, la complexité des mécanismes qui conduisent à l'idéologie djihadiste.
- Grèce : un retour factuel sur un terrorisme méconnu - Christophe Chiclet p. 133-144 Terre de violence politique et sociale, comme l'Espagne, la Grèce n'a pas connu de mouvements terroristes jusqu'à la dictature des colonels de 1967 à 1974. Cependant au retour de la démocratie à Madrid en 1975 et à Athènes en 1974, certains groupes ont continué la lutte armée ; nationaliste au Pays basque, marxiste-léniniste en Grèce. A Athènes les deux groupes les plus sérieux ont été en grande partie démantelés en 2002-2003. A noter que les autorités américaines, avant les attentats du 11 septembre, avaient décrété que les terroristes grecs étaient les plus dangereux du monde. En effet, les agents américains étaient la cible privilégiée de ces groupes. De ce fait les groupes armés étaient sûrs d'obtenir le soutien de la majorité des Grecs ayant souffert de l'ingérence américaine de 1947 à 1974 qui est aussi à l'origine de la tragédie chypriote de juillet-août 1974. Depuis quelques années sont apparus de nouveaux groupes, moins puissants, qui se sont fait connaître, entre autres, en envoyant des lettres piégées à Berlin et au siège parisien du FMI au printemps 2017. Provenant de la mouvance anarcho-autonome, ils incarnent les enfants perdus de la crise économique. Au départ engagé contre la dictature, devenu anti-impérialisme, ce terrorisme s'attache maintenant au combat contre l'austérité.Cette nouvelle figure du terrorisme appelle un retour sur l'histoire. Moins pour percevoir une généalogie entre ce terrorisme récent et des phases antérieure de violence politique, que pour faire un point, essentiellement factuel sur une trajectoire finalement très méconnue.
- Terrorisme(s) - Jean-Paul Chagnollaud p. 9-12
Variations
- Sécularisation et contre-sécularisation au Liban. Le système confessionnel à l'épreuve de l'improbable - René Otayek p. 147-168 Parler de sécularisme ou, a fortiori, de laïcité à propos du Liban paraît anachronique compte tenu de la nature confessionnelle de son régime politique. Celui-ci repose en effet sur le partage du pouvoir entre les 18 communautés religieuses officiellement reconnues. Pourtant, des dynamiques de sécularisation peuvent être observées comme, dans la période récente, la mobilisation transcommunautaire du printemps 2005 ayant abouti au retrait des troupes syriennes présentes sur le territoire libanais depuis, 1976, la relance du débat sur le mariage civil, ou encore le mouvement social qui s'est cristallisé autour de ce qu'on a appelé la « crise des déchets ». Cet article revient sur le processus socio-historique de formation de l'Etat confessionnel au Liban, avant de s'interroger sur ces dynamiques sécularisantes et leurs limites.
- Tombeau d'Alep : Et de quelques autres lieux tués - Serge Airoldi p. 169-179 Je me souviens du nom de cette ville : Everytown. Cette ville est « la ville de tous ». C'est : Toutes les villes. Au début du film Things to Come, réalisé en 1936 par William Cameron Menzies, le bombardement d'Everytown a lieu. Terrifiant. Comme une prémonition. Les temps présents d'alors parlent déjà à ceux du futur proche. Ce bombardement terrible, c'est déjà le Blitz de Londres que mène la Luftwaffe. Avec cinq ans d'avance.
- Dépolitisation de l'urne et politisation de l'électeur en Egypte : quelques enseignements des élections législatives égyptiennes 2015 - Mahmoud Abou Kassem, Mona Amer, Akram El-Alphy, Sarah Ben Néfissa p. 181-196 Cet article a pour objectif d'analyser les caractéristiques politiques et sociales de la participation électorale lors des élections législatives de 2015 en Egypte. L'abstention très élevée est riche en significations politiques. Elle est un indice du mécontentement des électeurs vis-à-vis du régime actuel et elle exprime le désarroi d'une partie importante de son propre électorat qui, pourtant une année auparavant, lui était très favorable. De même l'article met en exergue les spécificités socio-économiques et spatiales de la participation électorale effective : ce sont les classes moyennes supérieures éduquées et âgées du milieu rural qui se sont le plus mobilisées.
- Sécularisation et contre-sécularisation au Liban. Le système confessionnel à l'épreuve de l'improbable - René Otayek p. 147-168
- Notes de lecture - p. 198-207