Contenu du sommaire : L'Europe et ses voisins : marchandages migratoires

Revue Plein droit Mir@bel
Numéro no 114, octobre 2017
Titre du numéro L'Europe et ses voisins : marchandages migratoires
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Édito

  • L'Europe et ses voisins : marchandages migratoires

    • Le premier accord migratoire était franco-italien - Caroline Douki p. 3-6 accès libre avec résumé
      Revenir sur le couple franco-italien qui a conclu la première convention bilatérale sur les migrations en 1904, puis perfectionné ce dispositif jusqu'aux années 1950, permet d'observer comment ont émergé des principes décisifs pour la définition des droits des travailleurs étrangers, ainsi que des outils administratifs d'encadrement, dont les pouvoirs publics et les acteurs économiques ont toujours fait un usage ambivalent.
    • L'UE prend les frontières africaines pour les siennes - Claudia Charles, Pascaline Chappart p. 7-10 accès libre avec résumé
      Incapables d'accueillir dignement les personnes en quête de protection internationale, les États membres de l'Union européenne rejettent leurs responsabilités sur des pays toujours plus lointains, sommés de bloquer les candidats à la migration à leurs frontières. Cette politique d'externalisation du contrôle des frontières extérieures de l'UE ne cesse de se déployer à coup de millions d'euros dont les sous-traitants les plus méritants sont les premiers bénéficiaires. Mais à quel prix ?
    • Contrôle (migratoire) contre « nourriture » - Sara Prestianni p. 11-14 accès libre avec résumé
      Depuis deux ans, l'Afrique est de nouveau la cible des autorités européennes qui misent sur les pays d'origine et de transit des migrants pour bloquer les flux migratoires vers l'Europe. Cette politique d'externalisation renforcée, qui passe par l'installation de centres de tri dans des pays pauvres et/ou sans État et s'appuie sur leur docilité, détourne à son profit les fonds européens dévolus à l'aide au développement. Si développement il y a, il est à rechercher du côté des moyens de contrôle policier et militaire… et du nombre de morts dans le désert.
    • Accords de réadmission : tensions et ripostes - Clara Lecadet p. 15-18 accès libre avec résumé
      Le principe de la réadmission des étrangers par leurs États d'origine apparaît comme la pierre de touche de la politique de libre circulation mise en œuvre par l'UE à partir des années 1990 et de son corollaire, les renvois d'étrangers en situation irrégulière. Les accords de réadmission signés avec les pays tiers permettent d'inscrire les expulsions dans un cadre juridique « négocié » et d'atténuer leur caractère unilatéral. Fondée sur des rapports de force interétatiques inégaux, reproduisant largement les partitions héritées de la période coloniale, la réadmission a cristallisé au Mali l'opposition aux nouvelles formes d'hégémonie imposées par les politiques migratoires.
    • UE-Afrique : des accords de paupérisation - Jacques Berthelot p. 19-22 accès libre avec résumé
      En 2000, les accords de Cotonou, négociés entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, prévoyaient que des accords de partenariat économique soient conclus entre les parties avant 2008. Ils ne l'ont toujours pas été, et continue de se poser la question de leur finalité (avantager l'Europe) et de leur impact réel sur l'Afrique. Plusieurs analystes pointent les risques de paupérisation des pays africains signataires avec, pour corollaire, l'accroissement des migrations de populations privées d'avenir.
    • « Accord » UE-Turquie : le troc indigne - Catherine Teule p. 23-26 accès libre avec résumé
      Avec la « déclaration » UE-Turquie du 18 mars 2016, l'Union européenne a franchi un nouveau cap dans sa politique d'externalisation du contrôle de ses frontières extérieures, en externalisant, dans un pays peu réputé pour la défense des droits de l'Homme, le droit d'asile. L'Union européenne sous-traite désormais à ce pays, qualifié de « sûr » l'accueil des demandeurs d'asile venant principalement du Moyen-Orient, voire leur réadmission dans leur pays d'origine. Un asile sûr, la Turquie ?
    • Droits sociaux : des accords ignorés - Hélène Gacon p. 27-30 accès libre avec résumé
      Les droits sociaux constituent depuis longtemps un domaine d'application des conventions internationales. Pour une raison simple : il existe souvent dans la législation nationale des conditions posées exclusivement à l'égard des étrangers, alors même qu'ils résident en France de manière légale. Deux vagues de contentieux de masse ont fait apparaître la question de la compatibilité, au regard des engagements internationaux de la France, de discriminations dont ils sont victimes : celle portant sur les prestations non contributives, au cours des années 1990, et celle qui a trait aux prestations familiales, jusqu'à aujourd'hui.
  • Hors thème

    • L'émigration comme horizon à Dakar - Kelly Poulet p. 32-35 accès libre
    • Passer la frontière pour ramasser les déchets - Marie Percot p. 36-39 accès libre avec résumé
      Dans les environs de Moralganj, au Bangladesh, des milliers de paysans sans terre ont, depuis près de vingt ans, trouvé une niche migratoire. Ils partent dans les grandes villes indiennes pour, comme ils le disent, « ramasser les déchets du voisin ». Du point de vue bangladeshi officiel, ces migrants illégaux n'existent pas : ils traversent silencieusement la frontière pour rejoindre un secteur informel déjà bien organisé.
  • Mémoire des luttes

    • À chacun(e) sa radio d'intervention - Mogniss H. Abdallah p. 40-44 accès libre avec résumé
      Dans les années 1970, des préfigurations de radios libres privilégient tantôt des émissions interculturelles dans le cadre de « radios d'intervention » à fort ancrage local, tantôt des projets immigrés spécifiques ou pluri-communautaires. Le 14 juillet 1981, Radio Soleil émet depuis la Goutte d'or à Paris. D'autres stations essaiment, se concurrencent, dans la perspective de leur légalisation, au risque d'un fractionnement communautaire. Depuis, la montée en puissance de « radios locales privées » à fins lucratives brouille davantage encore les repères. À l'heure d'internet, les radios associatives font de la résistance.
  • Le focus juridique

    • La coopération sans le(s) droit(s) : le foisonnement des accords « injusticiables » avec les pays tiers - Louis Imbert p. 45-48 accès libre avec résumé
      Depuis plus de deux décennies, l'Union européenne (UE) et ses États membres ont mis en place une étroite coopération avec les pays non européens – dits « tiers » – afin d'externaliser les frontières européennes1. L'instrument le plus emblématique de cette coopération est l'accord de réadmission, traité international par lequel chaque partie s'engage à réadmettre sur son territoire ses propres citoyens ainsi que, dans certains cas, les ressortissants d'autres pays ayant transité par son territoire. Cet engagement se traduit par la mise en place d'une procédure simplifiée et accélérée d'éloignement. Outre les nombreux accords bilatéraux conclus par les États membres, l'UE a elle-même signé de tels accords avec dix-sept pays2. Or, en facilitant la réadmission des étrangers, ces conventions neutralisent le droit au recours effectif et accroissent le risque de refoulement des demandeurs d'asile, qui peut intervenir directement vers le pays d'origine ou « en cascade », puisque les pays de réadmission concluent eux-mêmes des accords avec d'autres pays3. Ils sont en effet encouragés à mieux verrouiller leurs propres frontières, pour éviter de réadmettre des individus ayant transité par leur territoire. Ils instaurent ainsi des politiques restrictives des visas4 et empêchent par tous moyens la sortie de leur propre territoire, notamment en « criminalisant » l'émigration, en totale méconnaissance du droit de chacun à quitter tout pays, y compris le sien.