Contenu du sommaire : Trahison(s)

Revue Droit et cultures Mir@bel
Numéro no 74, septembre 2017
Titre du numéro Trahison(s)
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : Trahison(s)

    • Trahison(s)1 - Julie Meyer p. 9-13 accès libre
    • Réflexions sur la trahison et les proditores sous la République romaine - Cynthia Couhade-Beyneix p. 15-35 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'intéresse au phénomène de la trahison, et plus particulièrement à son agent : le proditor, ou le traître ordinaire, à la fin de la République romaine. Une enquête menée sur les occurrences du verbe prodere et les substantifs proditor et proditrix a livré plusieurs informations. Premièrement, un grand nombre d'entre elles ne se rapportent pas à la trahison. Deuxièmement, la proditrix n'existe pas, ce qui pose la question des traîtresses et de la trahison féminine. Troisièmement, les occurrences du mot proditor ne sont pas pléthoriques contrairement à ce que l'on aurait pu attendre. Elles ne concernent qu'un nombre restreint de personnages historiques, ce qui interroge. Il semblerait que cette réticence à utiliser ce terme, hautement péjoratif, soit liée au sentiment de pudeur et au fait qu'il renvoie une image négative, celle du mauvais comportement et de l'excès, en contradiction avec l'image collective. En effet, la figure du proditor s'écarte de la norme attendue. En brisant la fides qui lui était accordée, il agit contre l'intérêt commun. Cela fait de lui un individu d'autant plus redoutable que l'on ne peut prévoir sa trahison. C'est pourquoi les Romains éprouvent de la haine pour ces hommes fourbes et opportunistes. En définitive, il apparaît que les Romains manifestaient une aversion plus profonde envers les proditores qu'envers la proditio, parce que celle-ci pouvait s'avérer « bénéfique ».
      This article is interested in the phenomenon of the treason at the end of the Roman Republic, and more particularly in his agent: the proditor, which is called the common betrayer. A led investigation on the occurrences of the verb prodere and the nouns proditor and proditrix delivered several information. In the first place, a large number of them do not relate to the treason. Secondly, the word proditrix does not exist, what raises the question of the traitors and the feminine treason. Thirdly, the occurrences of the word proditor are not plethoric, contrary to what we would have been able to wait. They concern only a number restricts of great names of history, what is curious. It would seem that this reticence to use this term, highly pejorative, is connected to the feeling of modesty and to the fact that it sends back a negative image, that of the bad behavior and the excess, in contradiction with the collective image. In fact, the figures of the proditor deviates from the expected standard. By breaking the fides which was granted to him, he acts against the common interest. It makes of him an all the more formidable individual as we cannot plan his treason. For that reason, the Romans feel hatred towards these deceitful and opportunist men. After all, it seems that the Romans showed a deeper aversion to the proditores than to the proditio, because this last one could turn out beneficial.
    • La geste du jarl Guinelon et de quelques autres… Aperçu sur la trahison dans la Scandinavie médiévale à la lumière de la Karlamagnús saga - Gilduin Davy p. 37-63 avec résumé avec résumé en anglais
      Dans la Scandinavie médiévale, la trahison (svíka) tient une place importante. D'abord, parce qu'en tant qu'antonyme de la confiance (trú), elle caractérise un comportement répréhensible qui fait de son auteur un individu infâme, à l'opposé du drengr ayant une attitude constamment honorable. Ensuite, et par conséquence, parce qu'elle constitue souvent un élément clé du ressort narratif présenté dans les sagas, particulièrement les « sagas des chevaliers » dont la Karlamagnús saga constitue le plus célèbre exemple. Cette étude se propose donc de mettre en lumière cette notion cardinale et, à travers la trahison du jarl Guinelon, d'aborder les effets juridiques qu'elle engendre.
      In medieval Scandinavia, betrayal (svika) holds an important place. First, because as opposite of trust (trú), it characterizes misconduct which made its author a vile person, away from drengr who has constantly an honorable attitude. Second, and as a result, because it is part of the recurrent component of the icelandic sagas, mainly « sagas of knights » whose Karlamagnús saga is the most famous example. This study therefore aims to enlighten this notion and, through the betrayal of jarl Guinelon, the legal consequences it engenders.
    • « Nous ferons de notre pire… »1. Anarchie, illégalisme … et lois scélérates - Anne-Sophie Chambost p. 65-87 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À la fin du 19e siècle, l'illégalisme interroge le système des valeurs anarchistes et les représentations de l'idée et des moyens de l'action révolutionnaire. La confrontation du discours et de la pratique révolutionnaires suscite un intéressant jeu de miroir, où l'idée de trahison est centrale : autour des vols et des attentats, le mouvement anarchiste est pris en tension entre légitimité et légalité, face au risque de trahison des principes ; mais les excès de la législation anti-terroriste (mesures préventives et répressives contre les menées anarchistes) semblent trahir les principes républicains. Face aux critiques d'instrumentalisation du danger anarchiste, le jugement porté sur les lois scélérates éclaire en quoi la réponse juridique à une menace dépend de la perception que l'on s'en fait – ainsi d'ailleurs que de l'image que l'on a de l'ennemi qui la manipule ; l'une et l'autre semblent moins reposer sur des faits objectifs que sur une construction idéologique.
      By the end of the 19th century, illegalism questions the system of anarchist values, and the link between ideas and ways to the revolutionary action. The confrontation of revolutionary speeches and practices, arouses an interesting mirror effect, where the idea of treason is essential: around thefts and terrorist attacks, the anarchist movement is torned between legitimacy and legality, facing the risk of treason of the principles; but the excesses of the antiterrorist legislation (preventive and repressive measures against the «menées anarchists») seem to betray the republican principles. Faced with critics pointing the political use of the anarchist danger, the judgment on evil laws stresses the fact that the legal answer to a threat depends on the perception of it – as well as on the image which we have of the enemy that threatens; both seem to be based on ideological construction rather than on facts.
    • La trahison en droit des affaires - Aurélie Ballot-Léna p. 89-113 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La consultation d'un dictionnaire permet de dégager deux acceptions du terme trahison. La première, qui vient immédiatement à l'esprit d'un juriste, correspond à l'action de trahir son pays, sa patrie. La trahison est ici contraire à l'intérêt général. De manière plus particulière, la seconde acception de la trahison renvoie au fait de tromper la confiance de quelqu'un, de faire preuve de déloyauté. C'est ici l'intérêt particulier de celui qui avait fait confiance qu'il s'agit de protéger. Même si le droit des affaires peut être présenté comme le siège des libertés économiques, où règne le principe de libre concurrence, des solutions peuvent être regardées comme des applications particulières de la trahison, entendue comme une déloyauté. Tantôt il s'agira de sanctionner un tel comportement, tantôt il s'agira de la prévenir en consacrant un devoir de loyauté ou de fidélité. De manière plus surprenante, ces derniers temps ont vu se développer des mesures encourageant la dénonciation. Celle-ci se faisant au mépris d'un engagement, d'une parole donnée, est ainsi légitimée une certaine forme de trahison. De telles mesures sont justifiées par la protection de l'intérêt général, le droit des affaires ayant pour particularité, par rapport à d'autres branches du droit privé, de connaître des règles visant tant la protection d'intérêts particuliers que celle de l'intérêt général.
      A French dictionary offers two meanings of the term treason (or betrayal). The first one, which comes at once to jurist's mind, corresponds to the act of betraying one's country. In this meaning, treason is contrary to the general interest. The second meaning refers to the fact of misleading or betraying somebody's trust. In this way, it is the particular interest of the victim of the disloyalty which is protected. If business law can be described as the field of economic freedoms, dominated by the principle of free competition, some rules can be considered as particular applications of treason (or betrayal). Some of its rules lead to sanction disloyalty, some others lead, upstream, to prevent such disloyalty, by stating a duty of loyalty or fidelity. More surprisingly, recent measures appeared to encourage denunciation. Those measures legitimize a kind of betrayal. Such measures are justified by the protection of the public interest. Indeed, this is a particularity of business law, of which rules can protect public interest as well as particular interests.
    • L'appréhension ambiguë de la trahison par la procédure pénale - Camille Viennot, François Desprez p. 115-135 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'appréhension de la trahison par la procédure pénale est marquée par de fortes ambiguïtés. Alors que l'exemplarité de la justice semble s'opposer au recours à des procédés déloyaux en vue de démontrer l'existence d'une infraction et d'en déterminer les responsables, l'impératif d'efficacité, également assigné à la justice pénale, amène l'institution à admettre des procédés relevant, plus ou moins directement, de la trahison. Ainsi, la trahison est tolérée lorsque le comportement déloyal émane d'une partie privée au procès pénal. Des éléments probatoires issus d'une trahison sont admis et les révélations de personnes tenues à une obligation de secret peuvent être jugées opportunes. Au-delà, la procédure pénale va jusqu'à instrumentaliser la trahison. Elle incite à un tel comportement, notamment en octroyant une réduction de peine au repenti ; la procédure pénale permet, en outre, aux autorités publiques elles-mêmes d'employer certains dispositifs d'enquête fondés sur un comportement déloyal, comme l'infiltration, pour démontrer l'existence d'agissements criminels. Ces éléments témoignent, dans leur ensemble, d'un mouvement favorable à la trahison en procédure pénale qui aboutit à tempérer sérieusement la loyauté dans la recherche de la preuve.
      Perception of treason in criminal procedure contains major ambiguities. Although the exemplary nature of justice seems to prohibit use of unfair means in order to demonstrate the existence of a crime and to determine the persons responsible, the requirement of effectiveness, also related to criminal justice, leads to admit means deriving, more or less directly, from treason. Thus, treason is tolerated when the unfair behavior comes from a private party to the criminal process. Evidentiary elements coming from treason are admitted and statements made by persons under an obligation of confidentiality may be deemed appropriate. Beyond, criminal procedure manipulates treason. It encourages such behavior, notably giving a lesser sentence to the convert; besides, criminal procedure enables public authorities themselves to use some investigative powers grounded on unfair behavior, such as infiltration, to demonstrate the existence of criminal acts. Together, these elements show a favorable move towards treason in criminal procedure, which leads to seriously temper fairness in collection of evidence.
    • La personne de confiance et les directives anticipées. Des dispositifs anti-trahison du patient en fin de vie ? - Camille Bourdaire-Mignot p. 137-154 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'étude porte sur la personne de confiance et les directives anticipées. Initialement conçus comme une aide à la décision médicale, ces dispositifs, récemment réformés par la loi du 2 février 2016, sont devenus contraignants pour le médecin. Cette évolution révèle leur véritable objet : empêcher toute trahison de la volonté du patient en fin de vie. Néanmoins, ni la personne de confiance, ni les directives anticipées ne semblent à même d'abolir la distance qui sépare la volonté du patient, exprimée à l'avance, de son consentement lorsqu'il est à la fin de sa vie. Pour cette raison, on peut douter que ces dispositifs permettent d'éviter toute trahison de la volonté du patient en fin de vie. Ils pourraient même devenir les instruments d'une telle trahison.
      The subject of the study is the appointed representative of the patient and the living wills, modified by the recent law of 2 February 2016. These measures were first designed to help medical personnel in their medical decisions. With the new law, the patient's wishes recorded in their living wills have become legally binding on the practitioner. This evolution reveals the real purpose of these measures: to avoid the betrayal of the patient's wishes. Nevertheless, neither of these measures can reduce the distance between patient's wishes expressed formally in advance and consent of the end-of-life patient. For this reason, these measures would appear to be useless in avoiding the end-of-life patient betrayal. They have the potential to become the instruments of such a betrayal.
    • La clause de conscience en matière d'IVG, un antidote contre la trahison ? - Tatiana Gründler p. 155-178 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le législateur a légalisé l'avortement en 1975 et fait des médecins les débiteurs du nouveau droit reconnu aux femmes. Soucieux du compromis indispensable à l'adoption de la loi mais aussi de la nécessaire collaboration du corps médical, il a permis à ses membres la possibilité d'invoquer une clause de conscience les dispensant de participer à une interruption volontaire de grossesse. Depuis, l'attention des pouvoirs publics a constamment porté sur la meilleure effectivité de ce droit. C'est la raison pour laquelle nombre de leurs interventions juridiques et politiques ont consisté à faciliter l'accès des femmes à l'IVG (délai allongé, remboursement, suppression du délai de réflexion, dispense de l'autorisation parentale pour les mineures, etc...). Dans cette perspective, l'existence de la clause de conscience n'a jamais été véritablement remise en cause. Cela est d'autant plus curieux que l'invocation de cette clause par un médecin, praticien hospitalier, constitue une entorse au principe de neutralité/laïcité régissant les services publics, sur lequel pourtant l'attention est aujourd'hui particulièrement aiguë. Aussi en matière d'IVG, pour ne pas que les médecins trahissent leurs convictions personnelles, le législateur admet-il la trahison de certains principes essentiels du droit.
      The legislator legalized abortion in 1975 thus rendering physicians the duty bearers of the new right conferred to women. Aware of the necessary balance between the adoption of the law and the collaboration of the medical professionals, he granted them the possibility to invoke the conscience clause to refrain from participating in a voluntary termination of pregnancy. Since then, the public authorities have paid a constant attention to improving the effectiveness of this right. This is the reason why a number of their legal and political interventions have consisted in facilitating women's access to abortion (lengthened time period, full social security coverage, elimination of the reflection period, exemption of parental authorization for minors, etc.). Nevertheless, the existence of the conscience clause has never really been called into question. This is all the more curious in that the invocation of this clause by a physician, hospital practitioner, constitutes an infringement to the principle of neutrality/secularism governing public services, to which acute attention is given nowadays. As such, with regard to abortion, the legislator is betraying certain basic principles of law so that physicians do not betray their personal convictions.
    • Les juristes peuvent-ils trahir ? Réflexion à partir de La trahison des clercs de Julien Benda - Yves-Edouard Le Bos p. 179-196 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir de l'ouvrage de Julien Benda intitulé La Trahison des clercs, on se demandera si les juristes peuvent, à l'instar des philosophes et des écrivains qu'il attaque, trahir leur fonction cléricale. Le clerc n'est pas un « intellectuel », ce qui signifie qu'il n'est pas de sa fonction principale de s'engager dans le débat public. Il doit se consacrer avant tout à la spéculation et à la contemplation. Néanmoins, contrairement à une idée reçue, le clerc peut prendre part dans certains conflits politiques, à condition que des « faits politiques » mettent en jeu des valeurs cléricales, comme celles de Vérité et de Justice. Ainsi, les juristes universitaires peuvent être rangés dans la catégorie des clercs. Les récentes polémiques résultant de l'engagement public de certains d'entre eux, mené ès qualités et au nom du droit, seront analysées en s'appuyant sur les réflexions de Benda.
      Upon reading La trahison des clercs by Julien Benda, one wonders if law academics can betray their clerical junction, just as the philosophers and writers Benda attacked did. « Les clercs » are not “intellectuals”, and thus being involved in public debates is not a primary function of theirs. For Benda, their life is devoted to speculation and contemplation. Nonetheless, contrary to common beliefs, « les clercs » can be involved in some aspects of political conflicts as long as they concern clerical values they are committed to defend, such as Truth or Justice. Therefore law academics can be assimilated with « les clercs ». Recent polemics brought by the public engagement of some of them, as jurists and in the name of Law, will also be analysed, based on Benda's writing.
  • Études

    • Les Droits de l'homme sont-ils mortels ? - Norbert Rouland p. 199-218 accès libre avec résumé
      La notion de Droits de l'homme universels est d'apparition récente et rien ne garantit qu'elle soit durable. Elle souffre de beaucoup d'incertitudes à la fois dans ses fondements et ses contenus. Ses faiblesses ont été critiquées dès son apparition et continuent de l'être actuellement. D'où la nécessité d'une anthropologie des droits de l'homme.