Contenu du sommaire : Mise en ordre, mise aux normes et droit à la ville : perspectives croisées depuis les villes du Sud

Revue Métropoles Mir@bel
Numéro no 21, 2017
Titre du numéro Mise en ordre, mise aux normes et droit à la ville : perspectives croisées depuis les villes du Sud
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  • Dossier

    • Mise en ordre, mise aux normes et droit à la ville : perspectives croisées depuis les villes du Sud - Marianne Morange, Amandine Spire accès libre
    • Faire place aux minorités dans le centre de Mexico. Des squats à la propriété, enjeux et limites d'une politique de résorption de l'habitat irrégulier - Anna Perraudin accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En analysant une expérience de relogement mise en place à Mexico pour des populations dites « indiennes », cet article cherche à comprendre comment des normes institutionnelles et juridiques cherchant à établir un nouvel ordre social et spatial peuvent coexister avec, ou même produire, les pratiques qu'elles visaient à éradiquer. Dans les années 2000, la municipalité de Mexico a entrepris de favoriser l'accès à la propriété de familles indiennes établies dans des squats du centre-ville. Cette politique de logement visait à compenser les formes d'exclusion du marché résidentiel rencontrées en tant que pauvres, migrants et population racialisée, tout en témoignant sur le plan symbolique du droit à devenir propriétaires et citadins à part entière, dans un centre urbain convoité. Pourtant, plus de dix ans après les premières réalisations du programme, l'habitat irrégulier perdure pour une large part de la population visée. En analysant les jeux d'acteurs et les rapports de pouvoir qui ont abouti à l'élaboration d'une politique ambitieuse, en s'interrogeant sur le rapport des populations précaires à la centralité, l'article cherche à expliquer la permanence des squats. Il s'appuie sur des données collectées au cours de plusieurs séjours, entre 2003 et 2015 : entretiens avec des responsables des politiques de logement, analyse de documents administratifs et enquête ethnographique dans des squats du quartier de la Roma occupés par des familles indiennes.
      Through the analysis of an “indigenous” population rehousing experiment carried out in Mexico, this article aims to understand how institutional and legal norms intended to establish a new social and spatial order can co-exist with, or even produce, the practices they sought to eradicate. During the 2000s, the Mexico City town council promoted access to home ownership for indigenous families living in irregular settlements in the city center. This minority housing policy was intended to compensate for the exclusion of the poor, immigrants and racialized groups from the housing market. It also symbolically acknowledged their right to become full owners and citizens, in an urban city center many sought to live in. Yet, more than a decade after the program started, a considerable part of the targeted population still lives in irregular habitat. Analyzing the interplay of actors and the power relations that led to the implementation of such an ambitious policy, questioning precarious populations' relation to centrality, this article seeks to explain why most of the irregular settlements are still in use. The paper is based on data I collected during several stays in Mexico City, between 2003 and 2015: interviews with housing-policy officials, analysis of administrative documents and ethnographic investigation carried out in irregular settlements in the La Roma neighborhood occupied by indigenous families.
    • Droit à la ville et replacement dans les contextes autoritaires d'Addis-Abeba (Éthiopie) et de Lomé (Togo) - Amandine Spire, Marie Bridonneau, Pascale Philifert accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose une lecture du déplacement contraint en ville dans sa relation au processus de construction de l'espace politique urbain, c'est-à-dire dans sa capacité à interroger la formation et la déformation de l'ordre urbain. Nous considérons le replacement non pas sous l'angle de l'exclusion des franges citadines les plus vulnérables, mais en tant que prisme méthodologique pour analyser concrètement l'ajustement des pratiques et des conduites en situation de contrainte. Ce processus est saisi à travers des transformations urbaines majeures et l'émergence de nouveaux agencements sociospatiaux afin de cerner les contours du droit à la ville ici compris comme le produit de relations renouvelées entre autorités et citadins et appréhendé sous l'angle des pratiques ordinaires. En positionnant notre analyse après le temps du déplacement, il s'agit de proposer une lecture du droit à la ville et des enjeux de gouvernement affranchie de l'étude du conflit politique ouvert. L'étude s'ancre dans deux villes marquées par des contextes politiques autoritaires, Lomé et Addis-Abeba, et dans deux secteurs de réinstallation faisant suite soit à la réalisation d'une rocade périphérique (Lomé), soit à la restructuration du parc de logements urbains (Addis-Abeba). Dans les deux cas, les citadins réinventent leurs pratiques quotidiennes : bousculent-ils pour autant les ordres préexistants ? Dans quelle mesure la réinstallation traduit-elle un moment de normalisation ou d'infléchissement des conduites en ville ?
      This paper aims to connect forced eviction with the construction of urban political space, the former sustaining the latter in order to reshape urban order. Here the resettlement process is considered beyond its sole function of exclusion for city dwellers. It is considered as a particular methodological situation used to analyse the concrete adjustment of practices and behaviours in constraint situations. This process is understood through major urban transformations leading to new socio-spatial layouts. It aims at working out the right to the city as the result of a new relationship between authorities and city dwellers, which is scanned by ordinary practices. Drawing up this study in the period following the displacement, the paper will discuss the right to the city, and the government issues tied to it, beyond open and visible political conflicts.To that end, the research is anchored in two different capital cities characterized by authoritarian political context: Addis Ababa and Lome. It is based on a survey conducted within two resettlement sites following either the restructuration of housing stock (Addis Ababa) or the building of a new bypass (Lome). In both cases the city dwellers recreate everyday practices. But do they shake up previous orders? Does the resettlement manifest a normalisation process or a shift of urban behaviours?
    • Mise en ordre néolibérale de l'espace et fabrication de « bons commerçants » au Cap et Quito : le commerce « de moins en moins dans la rue » - Marianne Morange, Aurélie Quentin accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans les centres-villes de Quito (Equateur) et du Cap (Afrique du Sud), on observe des dynamiques convergentes de régularisation du commerce de rue. Ces dernières sont liées à l'affirmation d'agendas entrepreneuriaux, fondés notamment sur des programmes de régénération urbaine. Ces processus sont interprétés par la littérature critique néomarxiste comme l'un des effets de la néolibéralisation des politiques urbaines et ils sont analysés en termes de rapports de forces et de conflits ou de domination. S'inspirant des approches foucaldiennes du pouvoir et d'une lecture foucaldienne de la néolibéralisation comme gouvernementalité, ce texte propose de décaler la perspective sur les processus de pouvoir à l'œuvre dans ces opérations en s'intéressant non pas à la violence qui est faite aux commerçants au moment du conflit, mais à la mise en ordre des pratiques et des représentations dans le moment post-déplacement. A travers la promotion des dispositifs techniques du « marché » et du « mall », leurs pratiques, leurs valeurs entrepreneuriales et la représentation qu'ils se font d'eux-mêmes s'ajustent, se transforment et se recalent dans le sens d'une conformation au projet entrepreneurial municipal, ainsi qu'à la place qui leur est assignée dans ce projet. L'article analyse la manière dont cet alignement opère, par le biais d'une discipline spatiale, d'un encadrement social et d'une bureaucratisation des pratiques. Puis il discute du sens et des effets ambivalents de ce processus qui produit à la fois de la conformation et de la transgression, une forme de responsabilisation individuelle et certaines attentes vis-à-vis de l'Etat.
      In the city centers of Quito (Ecuador) and Cape Town (South Africa), street trading activities are being increasingly regularized. This is done primarily by forcing the traders to operate in formal markets. In both cities, this process is linked to the rise of entrepreneurial agendas of urban regeneration. In critical neomarxist urban theory, these movements tend to be construed in terms of conflict, domination and power structures and they are discussed in reference to the debate on the neoliberalisation of urban policies. Drawing on a foucauldian understanding of power and of neoliberalisation as a process of governmentality, this paper analyses the socio-spatial reordering of street traders' activities once they have been regularized. Instead of focusing on the violence that is exercised against them during the regularization itself, we look at the reordering of practices and the reshaping of representations once regularization has happened. We argue that the technical tools and planning formulas of the “street market” and of the “mall” act as dispositives of power that reshape the street traders' identities, practices and values, aligning them with the entrepreneurial municipal project and with the municipal vision of their contribution to the entrepreneurial city. The paper shows how this alignment is realized through spatial discipline, intensified social control and an increased bureaucratization of the traders' practices. It thus contributes to reframe our understanding of the power relations at stake under neoliberal urban regeneration. In the last section of the paper, we discuss the ambiguous effects of this process: it generates both conducts of compliance and practices of transgression; it fosters an increased sense of individual responsibility among the traders; it nurtures political and social expectations toward the local State.
    • Les petits commerçants informels des favelas face à la régularisation électrique : entre tactiques, ajustements et inadaptations - Francesca Pilo' accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis que la candidature de Rio a été retenue pour accueillir plusieurs grands événements internationaux, les favelas font l'objet d'interventions multiples de la part des acteurs publics et privés. Ces interventions visent à produire dans ces quartiers un ordre sociospatial inspiré par des politiques néolibérales. Cet article analyse ce processus à partir des effets de la régularisation du service d'électricité sur les pratiques quotidiennes des petits commerces informels dans deux favelas de la zone sud de Rio de Janeiro, Santa Marta et Cantagalo. Ce processus de régularisation dont l'objectif est de bannir les branchements illégaux suscite des transformations « silencieuses » des pratiques des commerçants qui se manifestent par des tactiques, des ajustements, mais aussi des inadaptations. Plus largement, ces pratiques semblent témoigner de la coproduction d'un ordre sociospatial où les commerçants visent à garantir leur place dans la favela, au-delà de l'enjeu de l'accès à l'électricité dans le cadre d'un service commercial.
      Following the selection of Rio de Janeiro as the host city of several major international events, a multitude of measures have been introduced in the favelas by both public and private stakeholders. These measures aim to produce a socio-spatial order in these neighborhoods inspired by neoliberal policies. This article analyzes this process by examining the effects of electricity regularization on the daily practices of small informal businesses in two favelas in the southern zone of Rio de Janeiro, Santa Marta and Cantagalo. This regularization process, the aim of which is to ban illegal connections, leads to the "silent" transformations of traders' practices, manifested by tactics, adjustments and also shortcomings. More broadly, these practices seem to show the co-production of a socio-spatial order in which traders seek to guarantee their place in the favela, and which goes beyond the issue of access to electricity as part of a commercial service.
    • Informal Trading and a Right to the City in the Khayelitsha CBD: insights from the field - Emma Broadway accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le commerce informel est un moyen bien connu et classique de gagner sa vie dans les villes sud-africaines. Bien que, dans le contexte post-apartheid, son potentiel en matière de développement économique local soit reconnu, il se trouve aussi souvent en tension avec les politiques de régénération urbaine. Cet article examine le cas du CBD de Khayelitsha (township noir situé en périphérie immédiate de la métropole du Cap), un espace central qui a été reconfiguré dans le cadre d'un grand Projet de Régénération Urbaine directement porté par le maire du Cap. À travers un travail de terrain à caractère ethnographique, on explore le sens symbolique et matériel des pratiques quotidiennes liées au commerce de rue dans le CBD de Khayelitsha. Plus particulièrement, on étudie la manière dont les commerçants négocient leurs pratiques commerciales, dans ce contexte de redéveloppement du mall et de ses abords. On observe la manière dont les commerçants informels évoluent concrètement dans cet espace complexe, où ils se trouvent pris entre projets de régénération urbaine excluant et attente d'Etat. Dans ce contexte, les commerçants s'inventent une place à travers la négociation et l'empiétement tranquille, s'autogérant afin de sécuriser leurs moyens de subsistance et de faire prospérer leur entreprise, en même temps qu'ils « espèrent » des opportunités commerciales et des améliorations matérielles de leur environnement à long terme. Mettre l'accent sur la dimension symbolique de ces expériences et sur l'agir des commerçants dans le CBD de Khayelitsha permet de comprendre la réalité quotidienne, ordinaire et souvent invisible de ces vies commerçantes, à travers lesquelles sont produits une politique de la rue et un « droit à la ville de fait ». Dans cet espace de transition, où la régénération urbaine et le commerce de rue se trouvent en tension, il est urgent de donner la parole à ces commerçants, ce qui donne toute sa valeur à une recherche qui vise à restituer toute l'épaisseur de cette réalité.
      Informal trading is an everyday livelihood practice in South African cities. Although praised for its local economic development potential, in the post-Apartheid context, it often sits in tension with urban regeneration plans. This research examines the case of the Khayelitsha Central Business District (KCBD), just outside of Cape Town, built as part of the Mayor's Urban Regeneration Program. Drawing on ethnographic fieldwork, this research explores the material and symbolic spaces and everyday practices of street trading in the KCBD—specifically, how traders negotiate their trading practices in a context of on-going development. What we see in practice is informal traders existing in a complex space—caught somewhere between exclusionary urban regeneration projects, and waiting for the state. Concurrently, traders are inventing spaces through negotiating, quietly encroaching and self-managing in an attempt to secure livelihoods and grow businesses in the meanwhile; whilst ‘waiting' in the long-term for physical and entrepreneurial development opportunities. By focusing on these symbolic experiences and actions of street traders in the KCBD, we can understand the often invisible, ordinary, everyday realities of the traders, through which ‘street politics' is produced and an ‘actual' right to the city is claimed. In this transitioning space, urban regeneration sits in tension with informal trading—a context in which these traders need to be given a voice, and where such research becomes valuable, in displaying a textured reality.
  • Varia

    • Le développement logistique des grandes périphéries métropolitaines : régimes (péri)urbains et privatisation silencieuse de la production des espaces logistiques - Nicolas Raimbault accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La multiplication des implantations d'entrepôts dans les grandes périphéries métropolitaines est intimement liée à la mise en œuvre de nombreuses actions publiques locales dans ces territoires : aménagement de zones d'activités et d'infrastructures de transport, autorisations d'urbanisme. Ce développement économique suppose en ce sens une forte interdépendance des sphères politiques et économiques. Or celle-ci est au fondement de l'approche des « régimes urbains » (Stone, 1989) et fait écho aux concepts de « development regimes » (Stone, 1993) et de « growth coalitions » (Logan, Molotch, 1987). Cet article propose donc d'appliquer cette approche et ces concepts au cas des grandes périphéries métropolitaines concernées par le développement logistique. Il repose de cette façon la question de leur transfert des villes américaines aux villes européennes (Le Galès, 1995) en mettant en relation les capacités publiques des gouvernements locaux et les modalités de participation des acteurs économiques privés à l'action publique locale dans le contexte de la financiarisation de l'immobilier d'entreprise et des discontinuités de gouvernance. Apparaissent ainsi dans la grande couronne francilienne des coalitions public-privé relativement stables et dominées par les grandes firmes de l'immobilier logistique, conduisant à une privatisation silencieuse de la production des espaces logistiques.
      The multiplication of logistics establishments in the outer suburbia of large urban regions is embedded in a diversity of public actions in these spaces: transport facilities, land development and building permits. Thus, this economic development supposes a strong interdependence between economic and political spheres. This interdependence is at the heart of “urban regimes” approach (Stone, 1989) and echoes the concepts of “development regimes” (Stone, 1993) and “growth coalitions” (Logan, Molotch, 1987). Thus, this paper proposes to apply these approaches and concepts to the case of the outer suburbia of large urban regions concerned by the logistics industry development. This way, it calls for reopening the issue of the transposition of these theories from the American cities to the European cities (Le Galès, 1995) by linking the analysis of the public capacities of local governments with the analysis of the modalities of involvement of private economic actors in local public actions in the context of the financialization of commercial real estate and governance discontinuities. Eventually, through this lens, quite stable public-private coalitions which are dominated by the logistics property firms appear in the outer suburbia of the Paris city-region, which leads to a silent privatization of the production of logistics spaces.
  • Recension croisée

  • Recensions