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Revue | Sociologie du travail |
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Numéro | vol. 59, no 4 , octobre-décembre 2017 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- Les détectives dans la cage de fer néo-managériale ? Une analyse de deux polices britanniques - Jacques de Maillard, Steve Savage Cet article questionne les relations entre réformes néo-managériales, organisations policières et dynamiques professionnelles dans les services d'investigation de deux polices britanniques. Prenant pour point de départ les réformes néo-managériales qu'ont connues les polices depuis le début des années 1990, il montre qu'à partir d'un suivi de l'activité plus détaillé et resserré temporellement et d'une accountability chiffrée, on assiste à une plus forte intégration organisationnelle, redéfinissant les conditions d'exercice de l'activité professionnelle. Ces réformes donnent lieu à des jugements contradictoires : certains considèrent les objectifs chiffrés, le suivi plus précis et automatisé comme bénéfiques, là où d'autres y voient des contraintes affectant négativement leur activité professionnelle. Malgré sa rigidité, ce régime de performance autorise tout de même des réappropriations qui peuvent s'opérer selon trois logiques : spécialisation, aménagement de la temporalité et usages différents des indicateurs chiffrés dans la gestion des équipes.This article questions the relationship between neo-managerial reforms, professional police and professional dynamics in investigatory police units of two British forces. Based on the analysis of neo-managerial reforms that have impacted upon the British police since the 90's, it shows a stronger organisational integration based on a more detailed and tightened monitoring of activity and an internal accountability focused on numerical targets which redefine the conditions of professional activity. These reforms are the object of contradictory judgments: some officers consider that numerical targets, automatized monitoring and increased control are beneficial to police activity, whilst others see them as unnecessary constraints with perverse effects. Despite its ap–parent rigidity, this performance regime still allows professional adaptations that can operate within three logics: specialisation, management of temporality and different uses of quantitative indicators in team management.
- Travailler le client pour « réussir » une mission. Ethnographie d'une expérience de conseil en stratégie - François-Mathieu Poupeau Pourquoi les consultants réussissent-ils (presque) toujours leurs missions ? Derrière cette formule lapidaire et un brin provocatrice se cache un paradoxe fréquemment soulevé à propos du travail des consultants : malgré les critiques dont ils font l'objet, ces derniers sont rarement mis en difficulté lors des activités de conseil qu'ils mènent pour le compte d'organisations publiques ou privées. En d'autres termes, ils « réussissent » très souvent leurs missions, ce terme renvoyant non pas à la question de leur performance réelle (au demeurant difficile à évaluer), mais aux efforts qu'ils déploient pour neutraliser toute forme de contestation potentielle de la plus-value de leur intervention. En s'appuyant sur une expérience de conseil en stratégie, cet article se penche sur les conditions concrètes de cette « réussite ». L'hypothèse ici défendue est qu'au-delà de l'expertise mobilisée par les consultants, qu'il ne faudrait pas négliger, la « réussite » est le fruit d'un travail sur le client qui, dans le cas étudié, fait intervenir trois principaux types de savoirs relationnels : enrôler ses interlocuteurs (pour en faire des collaborateurs actifs de la mission), faire communauté avec eux (en redéfinissant les frontières professionnelles pré-existantes) et gérer les rapports de force internes (en nouant des alliances ciblées avec certains acteurs).Why are consultants (almost) always successful in their assignments? Concise and somewhat provocative as it is, this assertion conceals a common paradox in consultancy work: despite however much criticism they attract, consultants providing consultancy services for public or private organisations are seldom challenged. In other words, they are often “successful” in their assignments, if success refers not to actual performance (in any case difficult to assess), but to their ability to neutralise doubts about the value of their contribution. Drawing on experience in strategic consultancy, this article explores the concrete conditions underpinning this “success”. It argues that, despite the genuine expertise that consultants bring, a successful assignment is also the result of “work” on the client that entails, in the case study, three kinds of relational skills: the recruitment of actors within the client structure (to turn them into active collaborators), the development of complicity (through the redefinition of existing professional boundaries) and the management of power relations (by building alliances with specific actors).
- Travailleurs indépendants mais subalternes. Les rapports à l'indépendance des bûcherons non salariés - Julien Gros Cet article vise à rendre compte de la différenciation sociale des expériences de l'indépendance professionnelle à travers l'exemple d'une activité du bas du monde du travail, le bûcheronnage. Il s'agit d'examiner les significations, en termes de mobilité sociale, de passages à l'indépendance par une activité proche du monde ouvrier. Deux modalités d'accès à l'indépendance sont mises en évidence, associées à des milieux sociaux différents, qui se distinguent par leur place dans les parcours professionnels : l'une, majoritaire, dans laquelle l'installation intervient après une expérience durable du travail ouvrier qu'elle permet de quitter ; l'autre dans laquelle elle est une manière, pour des individus plus dotés, d'éviter la subordination ouvrière dès l'entrée dans la vie active. Ces modalités d'accès à l'indépendance débouchent sur des rapports au travail différents une fois installé dans le métier. En particulier, elles sont associées à des capacités très inégales à tenir à distance le caractère subalterne de l'activité. L'article s'appuie principalement sur des entretiens réalisés durant une enquête de terrain au long cours sur l'emploi dans le secteur forestier.This article seeks to explain social differentiation in the experience of self-employment through the example of a job situated at the lower end of the hierarchy of work – woodcutting. It examines the meanings, in terms of social mobility, of the transition to independence in a job that is essentially manual. It focuses on two methods of achieving independence, associated with different social backgrounds, which are distinguished by their position in the career hierarchy: one — the most common case — where self-employment follows and is facilitated by lengthy experience of working-class employment; the other where it is a way for middle-class individuals to avoid the subordination of employee status in a working-class job. These ways of achieving independence lead people to hold different attitudes to their work. In particular, they are reflected in differences in their capacity to distance themselves from the subaltern nature of their activity. The article draws mainly on interviews conducted during a field survey on employment in the forestry sector.
- La nouvelle gestion publique de l'école au Québec : vers une gestion de la pédagogie - Christian Maroy À partir d'une méthodologie d'études de cas multiples, cet article analyse les stratégies et les outils de mise en œuvre de la politique de « gestion axée sur les résultats » (GAR) au Québec (Canada) par quatre commissions scolaires (CS). Inspirée de la nouvelle gestion publique, la gestion axée sur les résultats est une politique d'accountability qui institue de nouveaux outils de gestion (plans, contrats, reddition de comptes) censés améliorer les résultats du système scolaire en fonction de cibles fixées par le Ministère. En prenant appui sur la sociologie de l'action publique croisée avec une sociologie néo-institutionnaliste, nous montrons que la mise en œuvre de la gestion axée sur les résultats par les commissions scolaires favorise une « gestion de la pédagogie ». En s'appuyant sur des outils statistiques et d'accompagnement professionnel, les commissions scolaires cherchent à visibiliser, changer et rendre plus « efficace » le travail pédagogique des enseignants, bref à le gérer. L'article souligne que ces orientations ne dérivent pas seulement des politiques centrales du gouvernement du Québec, mais s'appuient sur des dispositifs institutionnels et des acteurs situés au niveau intermédiaire contribuant à diffuser de façon mimétique ou normative plusieurs outils ou référents clés de la gestion axée sur les résultats. Au terme de ce processus, le découplage entre dispositifs de régulation et noyau technique de l'école tend à s'amoindrir.Employing a methodology of multiple case studies, this article analyses the strategies and tools used to implement results-based management (RBM) policy by four Quebec (Canada) school boards (SB). Inspired by new public management, RBM is an accountability policy that institutes new managerial tools (e.g. plans, contracts and accountability mechanisms) with the goal of improving results in the school system and meeting the targets set by the Ministry. Drawing on the Sociology of Public Action coupled with a Neo-Institutional approach, we show how the implementation of RBM by SBs leads to the management of teaching practices. Leaning on statistical as well as professional support tools, SBs seek to change the pedagogical work of teachers, to make it more visible and “efficient”, in short to manage it. This article underlines the fact that these mechanisms are not only the outcome of the Quebec government's central policies, but also rely on intermediate-level institutional mechanisms and actors that contribute to the normative or mimetic spread of key RBM tools and criteria. Ultimately, this process diminishes the decoupling between regulatory mechanisms and the core technical activity of schools.
- Activité militante et dynamiques de globalisation d'une cause. L'accès aux médicaments face à la lutte anti-contrefaçon - Mathieu Quet, Marine Al Dahdah Cet article analyse les dynamiques de globalisation qui affectent le déroulement d'une controverse transnationale. Il étudie trois conflits croisés : les protestations provoquées par la loi anti-contrefaçon au Kenya, les manifestations en Inde contre l'accord de libre-échange entre l'Inde et l'Union européenne, et les mouvements de critique de l'Anti-Counterfeiting Trade Agreement (ACTA) au sein de l'Union européenne. À partir d'une analyse de corpus de presse et d'entretiens avec les acteurs de la controverse, il montre dans quelle mesure des conflits initialement distincts convergent. Il présente les dynamiques à travers lesquelles la globalisation de la controverse a lieu : les croisements spatiaux, d'acteurs, de thématiques, de temporalités sont permis par la constitution d'événements en affaires à l'échelle internationale, mais aussi par des opérations de cadrage et de constitution de publics et par des logiques d'organisation du travail militant.This article analyses how the dynamics of globalisation affect the development of a transnational controversy. It examines three linked conflicts: protests against the Anti-Counterfeit Act in Kenya, demonstrations against the India-European Union free trade agreement in India, social movements against the Anti-Counterfeiting Trade Agreement (ACTA) in the European Union. Based on an analysis of press articles and on interviews with actors involved in the controversy, it shows the extent to which initially separate conflicts converge. It presents the dynamics behind the globalisation of the controversy: the interweaving of places, actors, themes and temporalities brought about by the transformation of local events into international public issues, but also by framing processes, by the formation of interest groups, and by the organisational mechanisms of activist work.
- Les détectives dans la cage de fer néo-managériale ? Une analyse de deux polices britanniques - Jacques de Maillard, Steve Savage
Comptes rendus
- Jean-Louis Fabiani, Pierre Bourdieu. Un structuralisme héroïque - Johan Giry
- Olivier Favereau (dir.), Penser le travail pour penser l'entreprise - Gérald Gaglio
- Dominique Lhuilier et Anne-Marie Waser (dir.), Que font les 10 millions de malades ? Vivre et travailler avec une maladie chronique - Renaud Crespin
- Caroline Protais, Sous l'emprise de la folie ? L'expertise judiciaire face à la maladie mentale (1950-2009) - Romain Juston
- Iris Loffeier, Panser des jambes de bois ? La vieillesse, catégorie d'existence et de travail en maison de retraite - Valentine Trépied
- Andreas Wimmer, Ethnic Boundary Making: Institutions, Power, Networks - Ana Portilla
- Nicolas Jounin, Voyage de classes. Des étudiants de Seine-Saint-Denis enquêtent dans les beaux quartiers - Kevin Geay
- Alberta Andreotti, Patrick Le Galès et Francisco Javier Moreno Fuentes, Un monde à la carte. Les villes européennes des cadres supérieurs - Vincent Hugoo
- Florence Bergeaud-Blackler, Le marché halal ou l'invention d'une tradition - Ronan Le Velly
- Philippe Steiner, Donner… Une histoire de l'altruisme - Philippe Chanial
- Romain Pudal, Retour de flammes. Les pompiers, des héros fatigués ? - Sylvie Morel
- Gérôme Truc, Sidérations. Une sociologie des attentats - Nicolas Dodier
- Gabrielle Hecht, Le Rayonnement de la France. Énergie nucléaire et identité nationale après la Seconde Guerre mondialeGabrielle Hecht, Uranium africain, une histoire globale - Sezin Topçu
- Soraya Boudia et Emmanuel Henry (dir.), La mondialisation des risques. Une histoire politique et transnationale des risques sanitaires et environnementaux - Valerie Arnhold
- Pascal Ragouet, L'eau a-t-elle une mémoire ? Sociologie d'une controverse scientifique - Emilien Schultz