Contenu du sommaire : Les relations police-population

Revue Droit et société Mir@bel
Numéro no 97, décembre 2017
Titre du numéro Les relations police-population
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial - Pierre Brunet, Laurence Dumoulin p. 453-468 accès libre
  • Dossier : Les relations police-population

    • Les analyses sociologiques des relations police-population : vers une reconnaissance de la variété des pratiques policières. Présentation du dossier - Thierry Delpeuch, Jacqueline E. Ross, François Bonnet p. 457-468 accès libre
    • La fabrique de territoires policiers. Des pratiques professionnelles en débat dans une commune francilienne - Marie Morelle p. 469-484 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Partant des pratiques et des discours d'une brigade spécialisée de terrain (BST) et d'une brigade anti-criminalité (BAC) locale, cet article étudie les manières dont des policiers entretiennent un rapport distinct à un même espace d'intervention et aux populations y résidant. Il s'agit de repérer ce qui fait l'objet de discussions internes parmi les hommes et les femmes des deux brigades, quant à la définition du métier de policier exerçant en matière de sécurité publique. Cela implique également de discuter de la place de l'autonomie policière dans l'interprétation des missions définies en amont par la hiérarchie. Deux styles de police se dégagent, en lien avec un rapport au territoire qualifié d'occupation pour la BST, et d'investissement pour la BAC locale.
      This article is based on a study of the practices of a BST (brigade spécialisée de terrain) and a local BAC (brigade anti-criminalité) in an Ile-de-France Municipality. It discusses the manner in which police officers from two squads develop a distinct relationship to the same professional space and to its inhabitants. It identifies current debates among police officers, especially the definition of the profession and their norms of public security. The author engages, too, in reflection about the place of police autonomy within the hierarchy. Two policing styles intersect in the same space: the BST maintains a sense of occupancy while the local BAC develops a sense of commitment with regard to the space and its population.
    • Styles de police et légitimité policière. La question des contrôles - Jacques de Maillard, Mathieu Zagrodzki p. 485-501 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les styles de police matérialisent au quotidien le mode d'action, les décisions, les priorités des services de police. À travers une étude ethnographique sur le travail des forces de l'ordre dans deux agglomérations françaises, cet article propose de mettre en lumière le style de police pratiqué en France à l'aune de l'utilisation des contrôles d'identité discrétionnaires. S'il existe des nuances en fonction des types d'unités, des lieux et de l'impulsion donnée par la hiérarchie de proximité, la façon de faire de la police est avant tout proactive et conflictuelle, se caractérisant par la multiplicité d'unités dotées d'un mandat « offensif ». Le contrôle d'identité est à la fois un outil de recherche d'infractions, de maîtrise du territoire et d'affirmation de l'autorité policière, notamment quand celle-ci est contestée.
      Policing styles are reflected in law enforcement agencies' methods, decisions, and priorities. Based on an ethnographic study of police work in two major French metropolitan areas, this article identifies the style of policing enforced in France in light of discretionary identity checks. Even though there are nuances based on the variety of police units, places, and watch commanders, the style of policing remains mostly proactive and confrontational, which is reflected in the multiplicity of units with an aggressive mandate. Identity checks are used to detect criminal activity, control the territory, and assert police authority, especially when the latter is challenged.
    • Le Code de déontologie : un outil de régulation des relations police-population ? - Christian Mouhanna, Christian Mouhanna p. 503-519 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La réception du Code de déontologie de 2014 par les acteurs policiers de terrain montre les difficultés d'application que suscitent les tentatives de régulation des forces de sécurité par le droit, et les limites qu'elles rencontrent. Outre les traditionnelles résistances fondées sur l'autonomie des professionnels de terrain – la discrétionnarité – qui freinent sa mise en œuvre, le déploiement de ce code n'apporte pas non plus de réponses claires aux dilemmes auxquels se heurtent ces agents opérationnels, et notamment les contradictions qui existent entre les ordres donnés par la hiérarchie et le respect des droits de l'Homme. Au lieu de s'inscrire dans une stratégie de rapprochement entre police et population, ce code répond davantage à des préoccupations internes à l'organisation policière, qui le détournent en partie de ces objectifs.
      The implementation of the police Code of Ethics of 2014 sheds light on the challenges surrounding the use of the law to regulate police forces. Firstly, beat police officers often use their discretion to limit the effectiveness of rules if they interfere with their work. Secondly, the code does not provide a clear answer to dilemmas faced by police officers, especially the tensions between official orders and human rights. Instead of improving the relationship between police officers and citizens, this code seeks to solve internal problems: it is used by police authorities to assert their power.
    • Le policier-éducateur et l'effectivité du droit. Exploration comparée des répertoires policiers de pédagogie du droit en France et au Canada - Anne Wuilleumier p. 521-536 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir des années 1980 au Canada, 1990 en France, les policiers sont amenés à déployer des modules pédagogiques en établissements scolaires, sous l'effet du développement continu de programmes de prévention des risques ciblés sur le public juvénile. Cet article s'intéresse à la manière dont ce nouveau mandat policier a été intégré par les organisations policières, sur un plan pratique et symbolique. Il compare les modalités de son appropriation au plan de la sociologie policière dans les deux contextes nationaux. Il fait également le constat que ces interactions à visées éducatives contribuent à diffuser des rapports au droit et à son effectivité différents selon les deux pays. Il s'interroge sur les raisons de cet écart entre les stratégies nationales s'agissant de faire de l'ordre juridique un objet désirable.
      Starting in the 1980s in Canada and the 1990s in France, police started to implement teaching curricula in schools, as part of a risk management and crime reduction program targeting juveniles. This article examines the ways in which the police interpreted and applied their new teaching mandate, and how they developed their teaching heuristics. As a study in the sociology of policing, this article compares the very different ways in which French and Canadian police made sense of their new responsibilities. The article contends that these pedagogical interactions with students help shape the very different ways in which the police in the two countries construct their citizens' relationship with the law and with its application to real-world situations. The article explores the reasons why the police of France and Canada take such different approaches to their efforts to make the legal order appealing to their young charges.
    • Les instruments policiers d'intelligence influent-ils sur les relations police-population ? - Thierry Delpeuch, Jacqueline E. Ross p. 537-552 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article discute la thèse selon laquelle tout outil d'action publique incarnerait une certaine philosophie des rapports administration-administrés. À partir de deux exemples d'instrument policier d'intelligence, dont nous comparons les usages en France et aux États-Unis, nous montrons que ces outils sont malléables, au sens où ils peuvent être placés au service de conceptions très différentes des relations police-population. Ainsi, l'analyse stratégique, qui a originellement été introduite dans le monde policier pour étayer les approches territorialisées-préventives de police de résolution de problème, a par la suite été adaptée à la police de renseignement criminel et à sa philosophie d'action managériale-répressive. De même, l'infiltration policière a été utilisée dans une grande variété de cadres d'action, dont chacun induit des relations spécifiques avec les destinataires du travail policier : l'investigation judiciaire, la police des activités politiques, le contrôle des mœurs, la réduction des désordres urbains.
      This article examines the thesis according to which every management tools is thought, by its very nature, to favor a model of interaction between public actors and citizens. Taking strategic analysis and undercover policing as our case studies, we compare the ways in which these tools are used in the United States and France, suggesting that these tools are, in practice, highly malleable, since they can serve very different configurations of the relationship between police and citizens. Thus strategic analysis, which was initially developed as a crime prevention technique, in the context of problem-oriented policing, was subsequently adapted to intelligence-led policing, which emphasized a criminal enforcement paradigm. Likewise, undercover policing configures the relationship of the police to its public in a wide variety of disparate ways, which including the investigation of organized crime; peace-keeping functions; vice enforcement; and public order policing.
  • Question en débat

    • Expliquer le rejet de la police en banlieue : discriminations, « ciblage des quartiers » et racialisation. Un état de l'art - Guillaume Roux p. 555-568 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Quels sont les ressorts du rejet de la police qui s'exprime, depuis plusieurs décennies, dans les cités de banlieue ? Cet article propose un état de l'art, à partir de travaux sur la France et d'autres pays (États-Unis, Royaume-Uni…), issus de traditions de recherche qui, souvent, ne se rencontrent pas. D'après le domaine d'étude des Attitudes toward the police (ATP studies), l'image de la police est le produit des « contacts » avec les policiers et du profilage racial. Au-delà de l'expérience individuelle, d'autres travaux documentent la construction collective d'un conflit, historiquement situé : l'action policière produit des formes spécifiques de racialisation. Des catégories se sentent ainsi visées sur la base d'une assignation raciale mais aussi territoriale (ou spatio-raciale), laquelle les constitue en tant que « groupes à risque ».
      What are the dynamics of minorities' hostility toward the police in the French banlieues or poor urban neighborhoods? This state of the art is based on French and international studies (United States, United Kingdom…) from different and often distant research traditions. For Attitudes toward the police (ATP) studies, hostility toward the police mostly follows from individual contact with the police and racial profiling. Beyond personal experience with police officers, other works document the collective construction of an historical conflict: police action produces specific forms of racialization. Some groups feel themselves categorized and targeted on a racial as well as territorial basis (i.e., spatio-racial) and singled out as an “at-risk group.”
  • Études

    • Penal Legislation Inflation and Convergence in the West: A French Example - Elizaveta Glotova, Sacha Raoult p. 571-594 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse les textes légaux de trois États occidentaux afin de documenter l'inflation pénale (l'augmentation du nombre de lois pénales) et la convergence (l'adoption de lois pénales similaires) en France depuis 1992. En utilisant une méthode systématique et quantitative, nous montrons que cette inflation concerne un petit nombre de sujets, d'importance nationale ou supra-nationale. Nous trouvons un taux constant d'inflation pénale aux États-Unis, tandis qu'en France, cette inflation s'est considérablement accélérée dans les années 2000. Puisque les taux de violence, qui sont les mieux illustrés par les taux d'homicide, sont synchronisés, ce décalage des taux d'inflation pénale suggère que celle-ci est plutôt liée à la perception de la sécurité en tant que problème majeur sur l'agenda politique qu'à une réponse à une violence réelle.
      This article analyzes legal texts in three western countries to document the penal legislation inflation (the increase in the number of penal laws) and convergence (the adoption of similar penal laws) in France since 1992. Using a systematic and quantitative method, we show that this inflation concerns a small number of issues, some of national and others of supra-national significance. We find that there was a constant rate of penal legislation inflation in the United States, while in France the rate accelerated dramatically in the 2000s. Since the rates of violence, which are best illustrated by homicide rates, are synchronized, this “delay” in the penal legislation inflation rates suggests that penal legislation inflation has more to do with the perception of “security issues” as a major problem on the political agenda rather than with a response to actual violence issues.
    • Du devoir marital au viol conjugal. Étude sur l'évolution du droit pénal suisse - Geraldine Brown, Thierry Delessert, Marta Roca i Escoda p. 595-614 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir d'un examen sur l'évolution de la définition du viol dans le Code pénal suisse (CPS), cet article met en lumière la « circulation » des normes juridiques entre les droits pénaux et civils. Les auteur-e-s effectuent une généalogie de la catégorie juridique du « viol d'une femme hors mariage » formulée dans le CPS entré en vigueur en 1942. En 1992, le CPS reconnaît un viol conjugal. En prenant appui sur des moments clés du processus de construction de l'article pénal sur le viol (premier Code pénal unifié ; travaux d'experts, projet de loi et débats parlementaires portant sur la révision du CPS), cet article montre comment un référentiel de droit civil définissant le mariage influence, de manière différenciée, un article pénal sur le viol.
      This article analyses the evolution of rape's definition in the Swiss Criminal Code. It describes the genealogy of the legal categories, from its inception in the first unified Swiss Criminal Code (1942) to the revision of 1992. The revision of the Criminal Code focuses on key moments of the process, which have led to the renegotiation to new definitions of rape including marital rape. The authors show the importance of marital definitions contained in Swiss civil law – used as a legal resource against the criminalization of marital rape. This article contributes to an historical and sociological study on the transmission between different areas of law and of joint constructions of gender norms by civil and criminal codes.
    • La doctrine du droit pénal de l'ennemi et l'idée de l'antiterrorisme. Genèse et circulation d'une entreprise de dogmatique juridique - Dominique Linhardt, Cédric Moreau de Bellaing p. 615-640 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En dépit de la rhétorique guerrière qui l'a accompagnée depuis ses débuts, la lutte contre le terrorisme a longtemps été mise en œuvre par les institutions pénales, suivant des normes et des procédures qui ont conduit à faire du terrorisme une catégorie de la criminalité et à soumettre son traitement aux principes de l'État de droit. Mais nombre d'analyses estiment aujourd'hui que l'orientation prise par la lutte contre le terrorisme s'affranchit radicalement de ces contraintes en considérant les terroristes comme des « ennemis » plutôt que comme des « criminels ». L'objet de cet article est de préciser ce diagnostic en repérant ce déplacement dans la pensée juridique, à travers l'étude de la genèse et de la circulation de la doctrine dite du « droit pénal de l'ennemi ». Le but poursuivi est alors de conduire l'analyse sociologique d'une entreprise de dogmatique juridique tout en réfléchissant aux limites auxquelles se heurte actuellement la critique de la raison antiterroriste.
      Despite the war rhetoric surrounding the fight against terrorism from the outset, police and judicial institutions have nonetheless implemented counterterrorist policies that follow norms and procedures categorizing terrorism as a crime and subordinating this fight to the principles of the rule of law. Yet, increasingly, studies show that, nowadays, counterterrorism radically exonerates itself from the constraints of the rule of law by considering terrorists “enemies” rather than “criminals.” To expound on this shift, we will study the genesis and the circulation of the so-called doctrine of “criminal enemy law.” In doing so, we will not only outline a sociological analysis of a dogmatic legal enterprise, we will also think about the current limitations of the critique of counter-terrorist reason in the most recent period.
  • À propos