Contenu du sommaire : Philanthropies et prestige d'État en France

Revue Genèses Mir@bel
Numéro no 109, 2017/4
Titre du numéro Philanthropies et prestige d'État en France
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : Philanthropies et prestige d'État en France, XIXe–XXe siècles

    • Philanthropies et prestige d'État en France, XIXe-XXe siècles - Nicolas Duvoux p. 3-8 accès libre
    • Une politique sans État ? : Charité catholique et régulation de la pauvreté à Paris au XIXe siècle - Matthieu Brejon de Lavergnée p. 9-31 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le premier XIXe siècle connaît un contexte de régulation libérale de l'assistance où l'État se tient en retrait, favorisant une gestion locale des secours dévolue aux échelons communal, associatif et congréganiste. Il s'agit ici de montrer comment les catholiques investissent le champ traditionnel de la charité, renouvelé par la veine philanthropique, au sein de vastes associations particulièrement développées à Paris tout autant que de congrégations féminines qui jouissent d'une quasi-délégation de service public dans les bureaux de bienfaisance, les écoles et les hôpitaux. La démonstration s'appuie sur une analyse de l'espace parisien conduite à l'échelle du quartier et de la rue qui permet de tester l'hypothèse d'une « nébuleuse » charitable / philanthrope / réformatrice à l'heure où la résolution de la question sociale mobilise des univers sociaux et religieux variés.
      Assistance for the disadvantaged underwent a period of liberal regulation in early nineteenthcentury France, when the State held back and left it to municipalities, civic organizations, and religious congregations to manage such help locally. This article demonstrates how Catholics invested in the traditional field of charity with renewed philanthropic inspiration, in female congregations and in massive organizations especially well developed in Paris, that were all but delegated with assuring public services in charity offices, schools, and hospitals. The demon stration is based on a neighborhood- and street-level analysis of the Parisian space, making it possible to test the hypothesis of an amorphous charitable/philanthropic/reformist network at a time when a variety of social and religious worlds were actively seeking solutions to social problems.
    • Aménager, subvertir et contester l'ordre électoral : Philanthropie et politique sous la Restauration (1819-1830) - Nagisa Mitsushima p. 32-56 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Paris, 1815 : l'introduction du suffrage bouleverse les mécanismes de domination. L'article montre le rôle qu'a eu en France la philanthropie dans l'acclimatation du système représentatif, tant pour le roi qui cherche à ménager ses aristocraties dans ce moment d'incertitude que pour l'aristocratie libérale qui s'en saisit pour subvertir l'ordre électoral. Mode d'action privilégié de la haute noblesse, la philanthropie devient, dans un contexte de radicalisation partisane, une modalité essentielle de la contestation.
      Paris, 1815 : The introduction of the vote shook the mechanisms of domination to their roots. This article demonstrates philanthropy's role in acclimating French elites to the representative system – as much the king, who was trying to manage aristocrats in a moment of uncertainty, as the liberal aristocracy, which seized upon it as a means to subvert the electoral order. Long a privileged form of action for the high nobility, in a context of partisan radicalization philanthropy also became an essential way to protest.
    • Une construction sociale de l'utilité publique : Associations et fondations devant le Conseil d'État (1870-1914) - Chloé Gaboriaux p. 57-79 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article envisage le rapport entre l'État et la philanthropie à travers la procédure de reconnaissance d'utilité publique des associations et fondations telle qu'elle est pratiquée au début de la Troisième République. Plus précisément, il s'interroge sur la façon dont les membres du Conseil d'État, que le gouvernement doit consulter en la matière, jugent de la recevabilité des demandes qui leur sont soumises. Il montre qu'au-delà des critères juridiques, malléables, ces grands serviteurs de l'État s'appuient sur leur connaissance des œuvres, partielle et partiale puisque limitée à la « nébuleuse réformatrice » dont ils font partie.
      This article portrays relations between the State and philanthropy through the procedure for the recognition of public utility of associations and foundations in the early Third Republic. More specifically, it explores how members of the Conseil d'État, which the government had to consult on the matter, judged the admissibility of the submitted requests. It demonstrates that in addition to malleable legal criteria, these great servants of the State also relied on their knowledge of their works, knowledge that was both incomplete and biased because it was limited to the “amorphous reformist network” to which they themselves also belonged.
    • Le mécénat culturel d'entreprise dans la France des années 1980-1990 : une affaire d'État - Sabine Rozier p. 80-99 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le mécénat est souvent associé à l'expression du libre choix d'individus mettant une partie de leur fortune au service des arts et de la culture. L'article analyse les conditions ayant favorisé des alliances entre de grandes entreprises et des acteurs artistiques et culturels dans la France des années 1980-1990, et montre que ce « mécénat » a surtout été conçu comme un apport complémentaire aux crédits publics. Il souligne le rôle décisif joué par l'administration culturelle étatique française, qui a ardemment travaillé à enrôler les entreprises mécènes au service du financement de ses propres institutions.
      Patronage is often associated with the expression of an individual's free choice to contribute part of their fortune to the arts and culture. This article analyses the conditions fostering alliances between big business and artistic and cultural actors in France in the 1980s and 1990s, showing that this “patronage” was above all conceived as a supplementary contribution to public funds. It emphasizes the decisive role of the French State's cultural adminis tration, which worked tirelessly to enroll corporate patrons in funding its own institutions.
    • L'État comme ressource symbolique dans le monde philanthropique ? : L'exemple des American Friends des institutions culturelles françaises - Anne Monier p. 100-117 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article pose la question des formes de soutien que l'État apporte aux American Friends – associations qui lèvent des fonds aux États-Unis pour les institutions culturelles françaises. Il analyse la centralité des ressources symboliques que les acteurs étatiques étudiés (diplomates, élus, présidents d'institution culturelle, conservateurs, etc.) mettent à leur disposition : ouverture des lieux de pouvoir, remise de décoration, etc. Pour ce faire, il s'appuie sur une enquête qualitative multisituée menée en France et aux États-Unis, qui éclaire la dimension transnationale de la philanthropie, et questionne l'idée souvent avancée d'un désengagement de l'État face à la globalisation.
      This article explores the forms of State support for the American Friends, associations that raise funds in the United States for French cultural institutions. It analyses the central importance of the symbolic resources that the studied State actors (diplomats, elected officials, presidents of cultural institutions, curators, etc.) put at donors' disposal, such as inviting them into sites of power and granting them honors. Analysis is based on qualitative multi-sited research conducted in France and the United States, shedding light on the transnational dimension of philanthropy and challenging the oft-heard idea of State disengagement when faced with globalization.
  • Hors - Dossier

    • Petits arrangements avec l'égalitarisme : Les Français•e•s de Dubaï et les employées domestiques - Amélie Le Renard p. 118-138 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article analyse les positionnements ambivalents des résidentes françaises de Dubaï qui emploient des domestiques vivant à demeure. À travers un travail moral de justification, ces personnes, structurellement avantagées dans un ordre social qu'elles jugent injuste, cherchent à se distinguer des employeurs « locaux » perçus comme esclavagistes. Elles s'identifient à un « Occident » pensé comme égalitaire et déploient plusieurs arguments : elles n'auraient aucune influence sur des sociétés vivant dans une époque jugée antérieure à la leur ; elles permettraient aux employées domestiques d'échapper à des employeurs maltraitants. Leurs propos égalitaristes façonnent des exigences particulières vis-à-vis des employées domestiques, dont il est attendu qu'elles masquent autant que possible l'asymétrie de la relation.
      This article analyses the ambivalent positions of French citizens residing in Dubai who employ live-in domestic workers. These structurally advantaged people live in a social order they judge to be unfair, and they work on moral justifications to set themselves apart from “local” employers, seen as slave-owners. They identify with a “West” that they consider to be egalitarian, and have several arguments rationalizing their position, chief among them that they have no influence on societies at an earlier stage their own, and that they make it possible for domestic workers to escape abusive employers. Their egalitarian speech places particular demands on their domestic workers, who are expected to hide the asymmetry of their relationship as much as possible.
  • Fenêtre

    • Comment étudier les pratiques mémorielles liées aux attentats ? : Plaidoyer pour des sciences sociales ordinaires - Sylvain Antichan p. 139-156 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En s'appuyant sur une enquête ethnographique localisée autour des mémoriaux éphémères qui ont pris place dans le 11e arrondissement parisien après le 13 novembre 2015, l'article propose une réflexion méthodologique visant à approcher les logiques sociales qui façonnent les pratiques mémorielles liées aux attentats. À côté des travaux fondés sur l'hypothèse d'une « mémoire traumatique », une telle démarche montre le rôle des situations sociales, des habitudes et des institutions dans ce qui est dit et fait face aux mémoriaux. Ces derniers induisent en effet des gestes et des propos qui épurent et dépolitisent les représentations hétérogènes des acteurs.
      Based on ethnographic research on the ephemeral memorials that appeared in the 11th arrondissement of Paris following the attacks of 13 November 2015, this article offers some methodological considerations for approaching the social logics shaping attack-related commemorative practices. Along with work rooted in the hypothesis of a “traumatic memory,” such research shows the roles of social situations, habits, and institutions in what is said and done in front of memorials, which indeed prompt actions and words that reframe and depoliticize the variety of representations made by others.
  • Lectures