Contenu du sommaire : L'idée de philosophie à l'âge classique

Revue Archives de philosophie Mir@bel
Numéro tome 81, no 1, janvier 2018
Titre du numéro L'idée de philosophie à l'âge classique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Editorial - La rédaction p. 5-6 accès libre
  • L'idée de philosophie à l'âge classique

    • L'idée de philosophie à l'âge classique : Avant-propos - Philippe Danino p. 7-14 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Résumé : L'objet des contributions ici réunies est d'examiner comment la philosophie se pense à un moment singulier de son histoire, la période moderne, remarquable par ses bouleversements et ses ruptures. De la diversité donnée des démarches et des contenus, des traits communs peuvent être relevés, qui permettent de caractériser cette période comme un moment important de la vie de la raison : celui de son émancipation. La raison, faculté des idées claires et distinctes, se détermine en ce siècle comme un point de départ, un pouvoir souverain de commencement, et la philosophie se saisit elle-même non pas comme une connaissance historique ou dogmatique, mais comme une connaissance rationnelle, dont le principe, note Hegel, « consiste à voir, sentir, penser par soi-même, à être là soi-même ».


      Abstract: The object of the contributions collected here is to examine how philosophy thinks of itself at a singular moment in its history, the modern age, an age that is remarkable for its upheavals and its ruptures. Common features can be picked out from the diversity of approaches and contents given here, which make it possible to characterize this age as a crucial moment of life and of reason: that of its emancipation. Reason, the faculty of clear and distinct ideas, ascertains itself in this century as a starting-point, a sovereign power of commencement, and philosophy grasps itself not as historical or dogmatic knowledge, but as rational knowledge, the principle of which, as Hegel notes, consists of seeing, feeling, thinking for oneself, of being here oneself.
    • Bacon et l'« âge d'or » de la philosophie anglaise : Hobbes, Wilkins, Petty - Éric Marquer p. 15-47 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Il est possible de lire les désirs et les ambitions d'une époque à partir des utopies qu'elle produit. Ce constat est particulièrement vrai pour la Renaissance et l'âge classique en Europe : l'utopie apparaît comme une alternative politique, face à un monde en proie à l'inquiétude et à la division. Pour ce qui est du XVIIe siècle anglais, l'utopie nous donne accès à une intelligibilité historique nouvelle, car elle nous révèle la manière dont une certaine figure de la modernité s'invente à travers ses utopies, et même s'affirme comme utopie. Si l'utopie est, chez Bacon, Hobbes et Wilkins, le signe de l'inventivité propre du discours philosophique, elle apparaît aussi, plus que jamais, comme un discours que la société tient sur elle-même.

      It is possible to read the desires and ambitions of an era from the utopias it produces. This observation is particularly true for the Renaissance and early-modern Europe: utopia appears as a political alternative, in a world preoccupied with anxiety and division. But as far as the English seventeenth century is concerned, utopia gives us access to a new historical intelligibility, because it reveals the way in which a certain figure of modernity is invented through its utopias, and even asserts itself as a utopia. While Bacon, Hobbes, and Wilkins represent utopia as the sign of the inventiveness proper to philosophical discourse, it also appears, more than ever, as a discourse that society itself draws upon.
    • Descartes ou la philosophie des (re)commencements - Édouard Mehl p. 49-67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans son déroulement historique, la philosophie cartésienne a au moins trois commencements : celui de 1619 (la méthode et les mathématiques), celui de 1629-1630 (la physique et la création des vérités éternelles) et celui de 1641 (la philosophie première ou métaphysique). Chacun de ces trois moments est inaugural, mais il renvoie aux deux autres, qui se réfléchissent et se répètent en lui. Partant, la figure propre de la philosophie cartésienne est celle du re-commencement à partir des « premiers fondements », qui sont à la fois ce que cette philosophie a de plus propre – puisqu'elle seule les pense –, et son dehors, puisqu'elle ne les produit pas mais se constitue elle-même comme l'accès ou la découverte de ces proto-objets : Dieu, la nature pensante et la nature corporelle.

      In its historical development, Cartesian philosophy has at least three starting points: 1619 (method and mathematics); 1629-1630 (natural philosophy and the creation of the eternal truths) and 1641 (metaphysics). Each one of these three starting points is an inaugural one, although each depends on and draws on the others. Therefore, the specific shape of Cartesian philosophy lies in the proper act of restarting “a primis fundamentis,” which means that philosophy is the art of discovering the proto-subjects of thought: God, mind, and body.
    • Pascal et le principe de raison christique - Hélène Bouchilloux p. 69-81 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Faut-il exclure Pascal de la philosophie au prétexte que « Se moquer de la philosophie c'est vraiment philosopher » ? Après avoir montré pourquoi la raison peut se donner en Jésus-Christ, plutôt que dans le cogito, le principe de toute une philosophie et pourquoi cette philosophie requiert, contrairement à celle de Descartes, un ordre qui diffère de l'ordre déductif, on élucidera le sens de cette formule problématique.

      Should Pascal be excluded from philosophy on the basis of the argument that “To mock philosophy is to philosophize truly”? After demonstrating why reason can give itself the principle of an entire philosophy in Jesus Christ, rather than in the cogito, and why this philosophy, unlike that of Descartes, requires an order that differs from the deductive order, we will shed light on the meaning of this problematic characterization.
    • Spinoza : la philosophie par la rencontre - Philippe Danino p. 83-97 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À un correspondant, Spinoza déclare savoir qu'est vraie la philosophie qu'il comprend. Or, jamais il ne définit l'idée de philosophie ou n'en dresse un tableau des connaissances qui constituerait son programme ou son contenu. Toutefois, ses manières d'en parler et d'en livrer des propriétés constituent autant d'indices de la philosophie conçue comme une pratique : celle d'opérer des distinctions. Or, l'idée de philosophie ne prend elle-même sens qu'en ce geste : elle n'a rien d'un préalable, mais elle s'autoproduit dans un système de rencontres, c'est-à-dire par le biais de relations avec ce qui a priori n'est pas elle (le vulgaire, l'ignorant, le théologien, le politique), et qui permettent alors de recomposer la nature de ce que Spinoza nomme la « vraie philosophie ».

      To a correspondent, Spinoza states that he knows true philosophy is the one he can understand. Yet he does not, ever, define the idea of philosophy, nor does he give a table of elements of knowledge that would constitute its program or its contents. However, the ways he speaks about it and sets out its properties make up a series of hints on philosophy conceived as a praxis: that of making distinctions. But the idea of philosophy only takes on a meaning with this practice: in no way is it a preliminary, rather it generates itself within a system of encounters, i. e. by means of relations with what, a priori, is not itself (the vulgar, the ignorant, the theologian, the statesman), and that enable one, then, to recompose the nature of what Spinoza terms “true philosophy.”
    • Locke : « Aimer la vérité pour elle-même » - Philippe Hamou p. 99-113 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'ethos philosophique de Locke se caractérise par un accent particulier sur les vertus de vérité et de véracité. Aimer la vérité pour elle-même signifie manifester une forme d'indifférence préalable à la vérité des opinions soumises à notre jugement. L'article montre que cette attitude requiert tout à la fois une « éthique de la croyance » et une forme de culture de l'esprit, une « conduite de l'entendement », où l'indifférence épistémique se présente comme une vertu intellectuelle qu'il convient de cultiver par l'exercice et par l'étude. Il est montré in fine comment cette manière de comprendre la vertu du philosophe trouve un répondant dans l'Essai sur l'entendement humain.

      The virtues of truth and truthfulness are significant features of Locke's philosophical ethos. To love truth for truth's sake, one needs to attend to the various opinions submitted to one's judgment with perfect indifference. This epistemic “indifferency” is both the golden rule for an “ethics of belief,” stating that one should not entertain “any proposition with greater assurance than the proofs it is built upon will warrant” (Essay IV. xix. 1), and an intellectual virtue that one has to foster and cultivate through study and exercise. The last part of the paper shows how these views are illustrated in Locke's own practice of philosophy, especially in An Essay Concerning Human Understanding.
    • La philosophie et l'idée d'encyclopédie universelle des connaissances selon Leibniz - Paul Rateau p. 115-141 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'unité et la continuité du savoir, en même temps que sa structure en réseau rendent ses divisions arbitraires et artificielles. Contre la partition traditionnelle de la philosophie en physique, logique et morale, Leibniz propose alors un agencement différent des mêmes vérités selon que l'on considère leur fondement théorique, leur application pratique ou la manière de les disposer suivant un ordre rationnel et commode. L'encyclopédie, par laquelle la philosophie devrait être présentée, peut ainsi s'écrire de diverses façons. Elle constitue un système ouvert, perfectible et au service de l'invention, qui ne perd jamais de vue la perfection et la félicité humaines.

      According to Leibniz, the unity and continuity of knowledge as well as its reticular structure render the divisions of philosophy arbitrary and artificial. By contrast with the traditional division of philosophy into physics, logic and ethics, Leibniz suggests different arrangements of the same truths depending on whether theoretical grounding, practical applicability or rational and easy ordering is at stake. Hence the encyclopedia, by means of which philosophy is to be expounded, forms an open and perfectible system, aimed at supporting invention, constant updating and improvement, while never losing sight of human perfection and felicity.
    • Vers une philosophie de la limite : La notion peircienne d'« état intermédiaire ou naissant » - Pierre Thibaud p. 143-166 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cette notion apparaît dans Les enjeux du pragmaticisme (1905), où Peirce évoque la notion de « frontière » ou de « limite ». Le concept prend tout son sens dans le cadre d'une philosophie de la détermination et d'une philosophie du vrai. On essaiera d'en analyser à la fois la logique et la philosophie sous-jacentes, en cherchant à montrer que nous avons peut-être là, au travers d'une philosophie originale du continu, l'un des concepts les plus éclairants du pragmatisme peircien.

      This notion appears in Issues of Pragmaticism (1905), in which Peirce evokes the notion of “boundary” or “limit.” The concept acquires its very meaning within the framework of a philosophy of determination and a philosophy of truth. We shall try to analyze both the underlying logic and philosophy of it, by seeking to show that therein lies perhaps, through an original philosophy of the continuum, one of the most enlightening concepts of Peirce's pragmatism.
  • Bulletin cartésien XLVII - p. 171-223 accès libre