Contenu du sommaire : La Côte d'Ivoire sous Alassane Ouattara
Revue | Politique africaine |
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Numéro | no 148, 2017/4 |
Titre du numéro | La Côte d'Ivoire sous Alassane Ouattara |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Le Dossier : La Côte d'Ivoire sous Alassane Ouattara
- « On ne mange pas les ponts et le goudron » : les sentiers sinueux d'une sortie de crise en Côte d'Ivoire - Francis Akindès p. 5-26
- Prendre la craie. La mobilisation des enseignants rebelles dans le Nord de la Côte d'Ivoire (2002-2011) - Camille Popineau p. 27-48 Cet article s'intéresse aux enseignants volontaires dans la zone rebelle de Côte d'Ivoire entre 2002 et 2011. Il montre que les relations de patronage au sein de la rébellion, la structuration du secteur scolaire et la présence d'un imaginaire où le syndicalisme étudiant est un vecteur d'ascension sociale ont permis la mobilisation d'acteurs dotés en capital scolaire. Ceux-ci sont investis dans des syndicats étudiants en zone rebelle afin d'intégrer l'administration rebelle, puis l'État. À la faveur de la guerre, l'engagement militant et la violence apparaissent comme des ressources pour se positionner dans les arcanes de l'État ivoirien. Ces trajectoires sont le signe de la reproduction en période de guerre de certaines dynamiques classiques d'ascension sociale ainsi que des modes d'exercice du pouvoir, interrogeant par là même les effets du conflit ivoirien sur les rapports de pouvoir au sein de l'État.This article analyzes trajectories of volunteer teachers in the rebel zone of Côte d'Ivoire between 2002 and 2011. It shows that patronage networks within the rebellion, the structuration of the school sector, as well as the presence of an imaginary of student unionism as a vector of social upward mobility allowed the mobilization of a group of people with high educational resources. Through their involvement in teachers' unions, they were able to integrate the rebel administration and, later, the State. War reinforced activism and violence as resources to take position in the Ivoirian State. The trajectories of volunteer teachers are an indication that, in times of war, classical ways of social mobility as well as ways of exercising power can be reproduced, thereby questioning the effects of the Ivoirian crisis on power relations within the State.
- Rhétorique de la cohésion sociale et paradoxes de la « paix par le bas » en Côte d'Ivoire - Giulia Piccolino p. 49-68 Après 2011, le gouvernement de la Côte d'Ivoire et la communauté internationale se sont engagés dans des actions de soutien à la paix au niveau local. Ces actions apparaissent cependant problématiques dans un contexte marqué par l'absence de réconciliation entre les élites nationales. Cet article, basé sur des recherches conduites à Abidjan et dans l'Ouest du pays, offre une réflexion critique sur la place des programmes de soutien à la paix au niveau local dans le modèle de reconstruction post-conflit du gouvernement Ouattara et interroge le grand principe qui les étaye : l'argument selon lequel le « local » constitue une sphère distincte du niveau national, alors même que les acteurs locaux entretiennent des relations importantes – tant matérielles que symboliques – avec les élites nationales.After 2011, the government of Côte d'Ivoire and the international community engaged in actions aimed at supporting peace at the local and community level. These actions appear however problematic in a political environment characterised by the lack of elite-level reconciliation. This article, based on research carried out in Abidjan and in the West of the country, reflects critically on the role that local peacebuilding programmes play within the model of post-conflict reconstruction put forward by the Ouattara government and challenges the assumption that the “local” might constitute a sphere separate from the national level. It highlights how local actors entertain important relationships – material but also symbolic – with national elites.
- L'autochtonie, la terre et les jeunes à Sassandra (Ouest-Côte d'Ivoire) - Gnangadjomon Koné, Ba Morou Ouattara, Francis Akindès p. 69-88 Les conflits autour du foncier ont été déterminants dans la crise sociopolitique qui a secoué la Côte d'Ivoire entre 2002 et 2010. Une florissante littérature explique les enjeux sociaux, politiques et économiques liés au contrôle de la terre pendant cette période et leurs articulations avec l'idéologie de l'autochtonie. Sept ans après la crise post-électorale émaillée de violence, la problématique du foncier reste d'actualité. Mais en quels termes ? Résultat d'une enquête ethnographique réalisée en milieu rural dans l'Ouest ivoirien, cet article rend compte des usages politiques d'une expression locale (« Ablé mo akô ») comme nouvel habit idéologique de l'autochtonie, mais aussi comme mode de perpétuation de revendications sur le foncier et de nouvelles justifications de pratiques susceptibles d'engendrer des conflits, le tout apparaissant comme des signes d'épuisement du modèle colonial de mise en valeur économique de la Côte d'Ivoire.Conflicts over land were one of the root causes of the socio-political crisis that Cote d'Ivoire experimented from 2002 to 2010. A flourishing literature explains how disputes over land control and their linkage to the ideology of autochthony resulted in this opened conflict. Seven years after the post-electoral conflict, the issue of land remains a key concern. But in what terms ? Based on ethnographic research carried out in rural areas around Sassandra in Western Côte d'Ivoire, this article analyzes the genealogy and the current political use of “Ablé mo akô”, a local expression that represents a new version of the ideology of autochtony. The expression is used in order to legitimize old claims over land ownership as well new potentially conflictual practices. It also signals the decay of the colonial model of economic development.
- Nouchis, ziguéhis et microbes d'Abidjan : déclassement et distinction sociale par la violence de rue en Côte d'Ivoire - Séverin Kouamé Yao p. 89-107 Les « microbes », des bandes de délinquants se distinguant par leur jeunesse et leur violence, sont apparus en Côte d'Ivoire au cours de l'année 2012. La violence dont ils sont porteurs semble n'être qu'une réécriture, dans un contexte autrement fragile, de celle perpétrée par les ziguéhis et les nouchis, jeunesses urbaines en quête de visibilité et de reconnaissance sociales dans la Côte d'Ivoire « conjoncturée » de l'après décennie 1970. En procédant à une historicisation du déclassement social des jeunes et de sa traduction en phénomène de distinction sociale par la violence, la présente contribution analyse les ruptures et les continuités entre ce que l'on pourrait considérer comme deux modalités « générationnelles », distantes contextuellement, mais proches en termes de processus sociaux de réinvention violente de soi, dans la rue, de jeunes urbains relégués à la marge de la société.The current violence perpetrated by the “microbes” appears to be a simple rewriting, although in a different albeit fragile context, of the violence formerly carried out by the “ziguéhis”, an urban youth seeking social recognition in the Côte d'Ivoire of the 1970's. Through a historicization of social downgrading of young people and its translation into a phenomenon of social distinction/differentiation through violence, this contribution analyzes ruptures and continuities between two what could be considered as two “generational” models. They differ contextually, but converge in terms of violent social processes through which urban young people relegated to the margins of society reinvent themselves.
- La paix dans une zone de guerre. Lire la crise ivoirienne sur le temps long et par le bas - Till Förster p. 109-129 Au cours de la crise ivoirienne, des îlots de paix quotidienne sont apparus, ont perduré et même grandi dans des espaces ruraux et urbains, et ce, même si elles ne pouvaient rivaliser avec l'arsenal supérieur des militaires. La formation de ces enclaves, qui se sont parfois reproduites en espaces sociaux distincts dans la Côte d'Ivoire post-conflit, est analysée à partir d'une perspective émique. Elles soulèvent des questions empiriques essentielles. D'abord, pourquoi des acteurs violents plus puissants respectent-ils ces territoires et les personnes qui les peuplent ? Ensuite, comment ces habitants parviennent-ils à faire perdurer des ordres sociaux non-violents ? D'un point de vue théorique, l'articulation spatiale des différences entre la paix et de la violence remet en cause les théories politiques conventionnelles. D'abord, les modèles du choix rationnel selon lesquels des acteurs plus puissants devraient conquérir de telles enclaves de paix. Ensuite, ce phénomène pose la question des régimes politiques que certains souhaiteraient voir toujours fondés sur la dissidence et la résistance.Throughout the Ivorian crisis, small and sometimes bigger pockets of everyday peace emerged, persisted and even grew in rural as well as urban spaces. Although facing superior weaponry by military actors, such spaces managed to remain peaceful. Sometimes, these pockets iterated as distinct social spaces into post-crisis Côte d'Ivoire. Their formation and transformation in rural areas in analysed from an emic perspective. Pockets of peace raise important empirical questions : First, why do superior violent actors respect these spaces and the people therein ? Second, how do the people that live these spaces sustain non-violent social orders ? From a theoretical perspective, the spatial articulation of difference of peace and violence challenges conventional political theories. On the one hand, it questions rational-choice models that would expect superior actors to conquer such pockets of peace. On the other, it raises doubts that political regimes are always based on dissent and resistance.
Recherches
- Présentation - Didier Péclard p. 131
- Les genres discursifs de la sorcellerie : des histoires intimes aux rumeurs publiques - Julien Bonhomme p. 132-137
- Pour une herméneutique du sorcellaire - Patrice Yengo p. 138-142
- Magritte's Multiplicities and Warnier's Inspirations - Jane Guyer p. 143-147
- D'une crise l'autre : l'afrodystopie - Joseph Tonda p. 148-152
- L'incomplétude du sujet africain - Francis Nyamnjoh, Jean-Pierre Warnier p. 153-157
- La sorcellerie : un savoir qui se refuse à la connaissance ? - Peter Geschiere, Jean-Pierre Warnier p. 158-163
- L'insaisissable légèreté du sorcier - Jean-Pierre Warnier p. 164-168 In a recent issue of Politique africaine, Jean-Pierre Warnier interrogated what he called the “Magritte effect” in the study of witchcraft (J.-P. Warnier, « Ceci n'est pas un sorcier. De l'effet Magritte en sorcellerie », Politique africaine, n °146, 2017, p. 125-141). Looking back on his 45-year long experience in and with Cameroon, he wondered why he was experiencing a feeling of “cognitive dissonance” with regards to witchcraft. On the one hand, he noted, there has been a flood of publications on the topic over the past thirty years, many of them arguing that witchcraft is a sort of “coat lining” for any human activity. This contrasted starkly with the fact that, on the other hand, he only directly witnessed three “witchcraft crises” over the past four decades. Based on this, he called for a “sociology of witchcraft crises” that would allow to distinguish “the map from the territory, the image of a pipe from the pipe, the narrative from the object, the rumor from the actual crisis”. We invited six researchers to engage with Jean-Pierre Warnier's propositions.
Conjoncture
- Le roi est nu : crise électorale et anatomie du pouvoir au Kenya (2017) - Marie-Emmanuelle Pommerolle, Chloé Josse-Durand p. 169-181
Lectures
- Alex de Waal. The Real Politics of the Horn of Africa. Money, War and the Business of Power. Londres, Polity Press, 2015, 220 pages - Marielle Debos, Boris Samuel p. 183-199
- Revue des livres - p. 200-213