Contenu du sommaire : Moyen-Orient : le pivot russe
Revue | Confluences Méditerranée |
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Numéro | no 104, printemps 2018 |
Titre du numéro | Moyen-Orient : le pivot russe |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- La Russie au Moyen-Orient, puissance de substitution ou acteur incontournable ? - Erik Burgos, Clément Therme p. 9-15
- La Russie : une puissance indépendante au Moyen-Orient - Jacques Lévesque, Erik Burgos, Clément Therme p. 17-28 La présence russe au Moyen-Orient doit être envisagée dans le temps long. L'intervention militaire russe en Syrie de 2015 doit se comprendre au travers du prisme des expériences militaires afghanes (années 1980) mais aussi de l'invasion américaine de l'Irak de 2003. Cependant, même si les leçons de ces expériences militaires passées ont été tirées, force est de constater qu'après plus deux années de présence militaire russe en Syrie, le succès éventuel de cette intervention est loin d'être garanti.
- La politique de Moscou au Moyen-Orient : entre héritage soviétique et nouvelle doctrine diplomatique - Taline Ter Minassian, Erik Burgos, Clément Therme p. 29-35 Professeur d'histoire contemporaine de la Russie et du Caucase à l'INALCO, Taline Ter Minassian, auteur de Colporteurs du Komintern, La politique soviétique au Moyen-Orient (Presses de Sciences po, 1997) livre dans cet entretien son interprétation de la politique de la Russie au Moyen-Orient. De l'URSS à la Russie de Poutine, elle mentionne en particulier les éléments de rupture et de continuité dans les modalités de la présence russe dans la région moyen-orientale.
- La rivalité russo-américaine en Syrie : une nouvelle guerre froide ? - Alexander Barkhudaryants p. 37-48 La crise syrienne fait de nouveau émerger la rivalité russo-américaine et, plus généralement, russo-occidentale au Moyen-Orient. La tentation est grande de qualifier ces tensions de « nouvelle guerre froide ». Cette terminologie qui opère un retour vers l'acmé des tensions russo-américaines est-elle justifiée ? Pour y répondre nous suggérons d'analyser trois dimensions de cette confrontation telle qu'elle s'est illustrée ces dernières années dans le dossier syrien : idéologique (liée aux représentations de part et d'autre), stratégique et diplomatique.The Syrian crisis has reignited the rivalry between Russia and the United States, and more generally between Russia and the West, in the Middle East. Thus, there is great temptation to qualify this situation as a “new cold war”. Is this terminology, which refers to the peak of Russian-American tensions, justified? In order to answer this question, we propose analyzing three dimensions of the Syrian confrontation, which have been foregrounded in recent years: ideological (linked to views of both sides), strategic and diplomatic.
- Moscou-Doha : vers un nouvel axe stratégique au Moyen-Orient ? - Victor Valentini p. 49-59 De la crispation en Tchétchénie, aux dissensions récentes sur le terrain syrien, jusqu'à peu, les relations entre la Russie et le Qatar étaient délicates. Aujourd'hui toutefois, la grande Russie et le petit Qatar opèrent un rapprochement. Effet de la Realpolik ou perspective stratégique à long terme, la nouvelle relation russo-qatarie interroge au-delà de ses aspects formels. Dans une certaine mesure en effet, ces politiques étrangères recèlent des points communs, notamment leur caractère pragmatique et opportuniste. Structurellement, un rapprochement entre Moscou et Doha corroborerait la volonté russe de proposer une voie diplomatique indépendante de l'Occident, mais répondrait également au désir qatari d'alléger une trop forte dépendance à la sphère d'influence américaine.From tensions in Chechnya, to recent dissensions on Syrian soil, until recently, relations between Russia and Qatar were delicate. Today, however, Greater Russia and Little Qatar are coming together. The effect of Realpolik or long-term strategic perspective, the new Russian-Qatari relationship questions beyond its formal aspects. To a certain extent, these foreign policies conceal common points, especially to be pragmatic and opportunistic. Structurally, a reconciliation between Moscow and Doha would corroborate the Russian will to propose a diplomatic path independent of the West, but also to the Qatari desire to relieve too much dependence on the American sphere of influence.
- Russie – pétromonarchies du Golfe : de la tempête à l'accalmie - Igor Delanoë p. 61-71 Longtemps marginal dans la géopolitique russe, le golfe Persique, plus particulièrement sa partie arabe, se trouve au cœur d'intérêts très concrets pour la Russie et les relations nouées semblent assez fortes. Pourtant le conflit en Syrie semblait être facteur de détérioration pour elles. Mais du fait de facteurs d'ordre extérieur et d'un pragmatisme non dissimulé, un rapprochement est à l'œuvre entre Moscou et les capitales arabes du Golfe. Cependant, il continue à butter sur un certain nombre de dossiers : les modalités de résolution de la crise syrienne, l'ascension de la puissance iranienne à travers le Moyen-Orient, et une approche russe de la région qui repose encore assez largement sur la « grande géopolitique ».
- La nouvelle entente entre la Russie et l'Iran au Moyen-Orient - Clément Therme p. 73-83 Le rapprochement russo-iranien au Moyen-Orient se heurte à des visions politiques divergentes. En effet, les ambitions globales de Moscou ne s'alignent que partiellement sur les ambitions régionales de l'Iran qui vise à renforcer « l'axe de la résistance » entre l'Iran, l'Irak, la Syrie et le Liban. Le principal facteur de rapprochement entre les deux pays demeure la politique étrangère américaine dont les objectifs sont perçus comme pouvant heurter les intérêts russo-iraniens en particulier en Syrie. Cependant, en dépit des limites inhérentes à un partenariat asymétrique entre une grande puissance et une puissance régionale, force est de reconnaître le succès relatif des élites politiques iraniennes, qui ont transformé l'ennemi historique russe en partenaire, un objectif que les communistes iraniens du parti Toudeh n'étaient pas parvenus à atteindre entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et leur élimination de la scène politique iranienne en 1983.
- La politique étrangère russe au Maghreb : entre commerce et sécurité - Vassily Kuznetsov, Erik Burgos, Clément Therme p. 85-95 Vu de Moscou, la région du Maghreb présente de nombreuses opportunités d'affaires qui ne se limitent toutefois pas qu'aux secteurs de l'énergie et de l'armement. L'Algérie et dans une moindre mesure la Libye constituent les deux piliers de la politique maghrébine de la Russie. Avec la première, elle poursuit une offensive économique tous azimuts qui se développe notamment dans le domaine du nucléaire. S'agissant de la seconde, la Fédération russe s'est lancée depuis la guerre civile en Libye dans une politique diplomatique de désescalade qui se veut objective et qui ne prend parti pour aucun des belligérants. Cet entretien passe également en revue le rôle de médiation de la Russie dans les différents conflits de la région.To Russia, the Maghreb region presents many business opportunities that are not strictly limited to the energy and arms sectors. More particularly, Algeria and to a lesser extent Libya are the main pillars of the Russian strategy in the region. With its Algerian partner, Moscow pursues an all-out economic offensive that is especially developing in the nuclear field. With respect to the Libyan battlefield, the Russian Federation has embarked on a diplomatic policy of de-escalation since the Civil war, rolling out a limited objective and neutral action plan. This interview also reviews Russia's would-be mediation role in the various conflicts of the region.
- The Russian arms sales to Iran and their (in)consequences on Russia-Israel military-industrial relations - Erik Burgos p. 97-111 En dépit d'un développement fructueux ces deux dernières décennies, la coopération militaro-technologique entre la Russie et Israël demeure un sujet récurrent de débat pour la stratégie de sécurité de cette dernière, notamment en raison de l'assiduité des ventes d'armements russes à l'Iran. Cet article vise à démontrer que la logique de pérennisation commerciale joue un rôle fondamental dans la légitimation de l'architecture coopérative mise en place par les industriels russes et israéliens de la défense. Après avoir passé en revue l'historique et les fondements de ce rapprochement sectoriel, l'article aborde les paradoxes liés aux liens entretenus par la Russie avec deux États ennemis. Aucune conséquence majeure n'est attendue de cette double évolution.Military-technological cooperation between Russia and Israel has unambiguously been one of the most idiosyncratic dynamics in the Middle East since the last two decades. For all its success, this development remains a matter of constant debate to Israel's security strategy, as Russia is equally a major supplier of military arms to Iran. This article aims to demonstrate the foundational role of the commercial sustainability rationale in legitimizing the cooperative architecture put in place by the defence industries of the two countries. It uncovers the historical background that led to the close Russian-Israeli network back in the 1990s and engages with the paradoxes posed by Russia's simultaneous involvement with Israel and Iran. The study concludes that no major consequences are to be expected in the foreseeable future.
- Les relations russo-turques au prisme des enjeux énergétiques - Noémie Rebière p. 113-123 Cet article analyse le poids du facteur énergétique dans les relations russo-turques, sans perdre de vue le contexte régional, miné par des crises géopolitiques complexes. Au-delà de leurs convergences stratégiques, la Russie et la Turquie ont chacune des velléités de puissance, tant au niveau régional qu'international. Elles coopèrent et sont interdépendantes dans la région de la mer Noire avec le projet de gazoduc Turkish Stream, mais se confrontent et sont en compétition au Moyen-Orient – notamment en Syrie et en Irak. Cet article cherche à montrer la complexité et l'enchevêtrement des enjeux énergétiques, militaires et géopolitiques dans la relation entre ces deux puissances.This article analyzes the weight of the energy factor in Russian-Turkish relations, acknowledging the regional context, overtly undermined by complex geopolitical crises. Beyond their strategic convergences, each country has a desire for power at both the regional and the international level. On one hand, they cooperate and are interdependent in the Black Sea region as with the Turkish Stream gas pipeline project. On the other, they are competing in the Middle East – most notably in Syria and Iraq. This article seeks to expose the complexity and entanglement of energy, military and geopolitical issues in the relationship between these two powers.
- Des céréales russes au menu géopolitique du Moyen-Orient - Sébastien Abis, Pierre Begoc p. 125-137 L'influence de la Russie dans les affaires politiques et stratégiques du Moyen-Orient et du bassin méditerranéen n'est pas nouvelle. Mettre l'accent sur les variables agricoles se présente comme une nécessité, tant elles occupent une place prépondérante dans l'influence russe au sein de cette région qui couvre en partie ses besoins alimentaires par le recours aux marchés internationaux. Les céréales s'affichent comme les principales denrées agricoles exportées par la Russie, nation majeure sur l'échiquier mondial du commerce de grains. Dans la panoplie des forces qui composent la puissance russe, l'agriculture joue un rôle essentiel. Si les céréales de Russie prennent essentiellement les routes de la Turquie, de l'Iran, de la Syrie et surtout de l'Egypte, elles se sont frayées un chemin de plus en plus large au Maghreb et tentent de rejoindre davantage les destinations africaines qui demain représenteront des marchés encore plus importants.
Variations
- Pages méconnues. Gestation et naissance d'Israël - Dominique Vidal p. 141-156 Israël fête en ce printemps son 70e anniversaire. Paradoxalement, les conditions de sa gestation et de sa naissance font encore l'objet de débats. Les exposer en un article tiendrait de la gageure. Notre ambition est plus modeste : en éclairer quelques dimensions, parfois méconnues. Contrairement à une idée reçue, cet État n'est pas « né de la Shoah » : il doit d'abord le jour à l'alliance du mouvement sioniste avec le Royaume-Uni. Le génocide nazi a toutefois accéléré considérablement le processus engagé dans la Palestine mandataire. Encore sous-estimé, le soutien politique, diplomatique et militaire de l'Union soviétique fut décisif. Sans la convergence entre Washington et Moscou, David Ben Gourion aurait-il pu, non seulement arracher l'indépendance du pays, mais aussi en « transférer » le gros de sa population autochtone ? Cette « Nakba » (catastrophe) n'a, hélas, pas cessé en 1949.
- Fortunes et infortunes de mer en Méditerranée orientale - Béatrice Chatain p. 157-169 Berceau des civilisations, la Méditerranée orientale a été confrontée au fil de son histoire aux transformations du monde. Ainsi, elle a parfois perdu de son influence comme lors des Grandes Découvertes, ou en a recouvré. Depuis la fin des années 1990, elle a été affectée par de nombreuses et rapides mutations : l'évolution des conflits au Proche et Moyen-Orient, le renouveau de la puissance russe, le déplacement du centre de gravité de l'économie globale vers l'Asie… Dans un contexte de concurrence stratégique accrue entre les espaces mondiaux, elle demeure cependant une interface politique, économique et humaine majeure.
- Pages méconnues. Gestation et naissance d'Israël - Dominique Vidal p. 141-156
- Notes de lecture - p. 172-176