Contenu du sommaire : Transitions énergétiques et changements politiques

Revue Revue internationale de politique comparée Mir@bel
Numéro vol. 24, no 1-2, 2017
Titre du numéro Transitions énergétiques et changements politiques
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier thématique : Transitions énergétiques et changements politiques

    • Avant-propos : Au-delà du consensus : l'impératif de la « transition énergétique » à l'épreuve du regard comparatif - Stefan C. Aykut, Aurélien Evrard, Sezin Topçu p. 7-15 accès libre
    • Une transition pour que rien ne change ? Changement institutionnel et dépendance au sentier dans les « transitions énergétiques » en Allemagne et en France - Stefan C. Aykut, Aurélien Evrard p. 17-49 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article retrace l'émergence, les usages et la mise en politique de la notion de « transition énergétique » en France et en Allemagne. Il montre que la mobilisation de la notion s'inscrit dans des contextes de forte conflictualité, où les pouvoirs publics tentent de canaliser des crises qui risquent de leur échapper. La comparaison révèle deux formes distinctes de mise en politique : une « transition domestiquée » en Allemagne, qui correspond à la réappropriation, par les acteurs politiques et administratifs, d'un récit politique alternatif ; et une « transition orchestrée » en France, qui se manifeste par l'ouverture contrôlée et partielle de la « communauté de politique publique » dominante. Au-delà de ces différences, l'usage politique de la notion de transition apparaît comme profondément ambivalent, puisqu'il s'agit autant d'exprimer une volonté de changement que d'en assurer un contrôle qui circonscrit le périmètre et le contenu des transformations. L'article démontre ainsi que l'impératif de « transition énergétique », loin de constituer d'abord et surtout le fer de lance d'une transformation profonde du secteur énergétique, permet aussi de garantir une certaine stabilité, dans ce secteur et/ou dans des domaines connexes.
      The article analyses the emergence, uses and political uptake of the “energy transition” concept in France and Germany. It shows that the mobilization of the notion takes place in contexts of high conflict, where governments try to channel crises that are likely to slip away from them. The comparison reveals two distinct forms of political uptake: a “domesticated transition” in Germany, which corresponds to the re-appropriation by political and administrative actors of an alternative policy narrative; and an “orchestrated transition” in France, which is manifested by a partial and controlled ‘opening up' of the dominant policy community. Beyond these differences, the political use of the notion of transition appears to be profoundly ambivalent, since it is as much a matter of expressing a desire for change as of ensuring forms of political control that circumscribe the scope and content of the transformations. The article thus demonstrates that the imperative of “energy transition”, far from representing first and foremost the driving force behind a profound transformation of the energy sector, is also used to ensure stability in this sector and/or in related policy areas.
    • Le changement de la politique de l'énergie post‑Fukushima au Japon : une articulation policy/politics ambiguë - Miyuki Tsuchiya p. 51-75 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse le changement des politiques de l'énergie et l'opérationnalisation de la notion de transition énergétique au Japon, à la suite de l'accident de Fukushima le 11 mars 2011. Dans un système fortement soumis à l'effet d'inertie, il s'agit d'appréhender l'impact d'un focusing event et la capacité au changement de la politique publique de l'énergie japonaise à l'aide de l'articulation des variables politics et policy. L'article analyse ainsi la manière dont la structure politico-bureaucratique se saisit de la question énergétique et les conséquences induites en termes de production des énergies renouvelables et nucléaire. Ainsi, alors que la question atomique a majoritairement été traitée politiquement sous un angle consensuel par les deux partis politiques majoritaires, cet article propose une analyse du développement de la transition énergétique au Japon suite à l'exploitation d'une fenêtre d'opportunité et un changement de la configuration des participants au processus décisionnel.
      This article analysis the change of energy policy in Japan following the Fukushima accident, and how the energy transition notion was implemented. In a system strongly submitted to the inertial effect, this article deals with the impact of a focusing event and evaluates the capacity of change of the Japanese energy policy by articulating both “policy” and “politics” variables. We analyse how the politico-bureaucratic structure seizes the energy issue, and the aftermaths regarding renewable and nuclear energies production. Thus, while the nuclear issue was politically mostly treated from a consensual angle by the two major political parties, we propose an analysis of the energy transition development in Japan after the exploitation of a window of opportunity, and a change in political stakeholders configuration in the decision-making.
    • L'énergie éolienne au péril de la transition ? Le succès résistible du compromis éolien au Québec - Yann Fournis p. 77-99 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le Québec est une belle illustration des défis posés par la « transition énergétique » aux sociétés contemporaines. Car si la transition énergétique est en passe d'y devenir un leitmotiv consensuel, celle-ci pourrait être bien modeste. Comme laboratoire de la présente transition énergétique, l'énergie éolienne en incarne bien les contradictions puisque, alors même que la transition est au cœur de la plus récente politique énergétique du Québec, l'énergie éolienne connaît un brusque coup d'arrêt. Pour comprendre cette contradiction au moins apparente, il faut explorer les dimensions politiques de la transition énergétique : influencés par la trajectoire historique de l'économie politique canadienne, les instruments de politiques publiques structurant le parc éolien québécois ont initialement privilégié un déploiement « hard path » avant de faire place à des inflexions territoriales remarquables. Sous cette perspective, le programme éolien du Québec est un compromis à la fois politique, technologique et territorial qui, initialement peu original, a su se renouveler au contact des territoires pour s'ouvrir à de nouveaux enjeux, acteurs et territoires… avant de connaître une étrange victoire lorsque, en 2016, la politique énergétique globale du gouvernement laisse de côté la production éolienne.
      Quebec is a good illustration of the challenges posed by the “energy transition” to contemporary societies. For if the energy transition is about to become a consensual leitmotiv, it could be quite modest. As a laboratory for the current energy transition, wind energy embodies its contradictions: even though the transition is at the heart of Quebec's most recent energy policy, wind energy is experiencing a sudden stop. To understand this at least apparent contradiction, it is necessary to explore the political dimensions of the energy transition: influenced by the historical trajectory of the Canadian political economy, the public policy instruments structuring the Québec wind farm initially favoured a “hard path” deployment before experiencing remarkable territorial shifts. From this perspective, Quebec's wind energy program is a political, technological and territorial compromise that, initially not very original, was able to renew itself in contact with the territories to open up to new challenges, actors and territories… before experiencing a strange victory when, in 2016, the government's global energy policy ignored wind energy production.
    • Une transition vers plus de nucléaire ? Analyse comparée des politiques énergétiques russe et ukrainienne - Tatiana Kasperski p. 101-125 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose une analyse comparée des politiques énergétiques russe et ukrainienne à l'aune des mutations politiques, centrant pour cela l'attention sur la façon dont la « transition énergétique » est envisagée dans ces pays et sur la place du renouveau du nucléaire dans cette « transition ». La Russie et l'Ukraine sont en effet deux pays dont l'évolution politique, depuis la disparition de l'URSS, se caractérise, selon des modalités variables, par des oscillations constantes entre démocratie et autoritarisme. Ces deux puissants États nucléaires disposent, respectivement, de 35 et de 15 réacteurs nucléaires sur leurs territoires. L'analyse fait ressortir aussi bien le poids des héritages du passé soviétique que l'importance des imaginaires nationaux, les fortes interdépendances entre la Russie et l'Ukraine quant à leur infrastructure énergétique et technologique mais également les défis énergétiques très différents auxquels elles font face. La comparaison permet de conclure que, dans les deux cas, la « transition » vers le nucléaire promue par les gouvernements de ces pays a été non seulement limitée mais a également reposé sur le maintien d'un (dés)équilibre énergétique persistant depuis l'époque soviétique.
      This article provides comparative analysis of Russian and Ukrainian energy policies against the backdrop of political change, focusing on how the “energy transition” is envisaged in these countries and on the place of a “nuclear renaissance” in this transition. Russia and Ukraine are indeed two countries whose political evolution since the disappearance of the USSR has been characterized, in varying ways, by constant oscillations between democracy and authoritarianism. These two powerful nuclear states have 35 and 15 nuclear reactors on their territories, respectively. The analysis highlights both the weight of the legacy of the Soviet past and the importance of national imaginaries, the strong interdependencies between Russia and Ukraine in terms of their energy and technological infrastructure, and also the very different energy challenges they face. The comparison makes it possible to conclude that, in both cases, the “transition” to nuclear power promoted by the governments of these countries has been not only limited but also based on the maintenance of an energy (im)balance persistent since the Soviet era.
    • La transition énergétique turque : analyseur d'un nouveau régime politique ? - Sezin Topçu, Melike Yalçın-Riollet p. 127-157 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans l'ère de l'anthropocène, la transition énergétique est devenue un impératif non seulement pour les pays dits développés, mais également, sous des formes et à des degrés variés, pour les pays dits en voie de développement ou émergents. Cet article s'intéresse à un de ces contextes : la Turquie. Il part de l'hypothèse que la transition énergétique turque (enerjide dönüşüm), devenue un pilier majeur d'un projet transitionniste plus vaste, façonne, tout en étant façonnée par, des politiques de changements promues en tant que seule voie d'avenir pour le pays. L'analyse se focalise sur deux filières, a priori très distinctes, qui sont placées au cœur des politiques de transition menées : nucléaire et éolienne. Elle est constituée de deux volets : d'un côté sont décryptées les formes de justification et de légitimation desdites politiques, en tant que projet situé. D'un autre côté, la transition énergétique est abordée en tant que pratique gouvernementale, dans sa réalisation concrète, et ce dans le but de dégager les formes de gestion associées dont certaines offrent des éléments analytiques précieux pour décrire le nouveau régime politique qui se veut en cours de composition en Turquie, un projet dans lequel les questions énergétiques doivent être réinsérées.
      In the era of the Anthropocene, energy transition has become an imperative not only for the advanced economies, but also, in various forms and degrees, for the so-called developing or emerging countries. This paper looks into one of these contexts: Turkey. We make the hypothesis that the Turkish energy transition (enerjide dönüşüm), which has become a major pillar of a broader transition project, is shaping, while being shaped, by policy changes promoted as the only way forward for the country. The study focuses on two very different sectors which are placed at the core of the official transition policies: nuclear and wind energy. It consists of two parts. We first analyze the energy transition as a situated project and explore its forms of justification and legitimization. Second, we approach it as a governing practice and examine how it has been concretely implemented, in order to identify the related forms of government. Some of the latter provide valuable analytical elements to describe the new political regime that is in the process of establishment in Turkey and in which energy issues need to be reintegrated.
  • Lecture croisée

    • The multiple tensions of British democracy - Gianfranco Baldini, Andrea Pareschi p. 159-177 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose une lecture croisée de quatre ouvrages récents consacrés au système politique britannique : deux livres en nom propre analysant les problèmes de la démocratie représentative et du mode de gouvernement de la Grande-Bretagne ; deux ouvrages collectifs traitant de l'impact du gouvernement de coalition et des élections générales de 2015. Ces lectures critiques nous permettent de repérer trois points de tension dans la démocratie britannique, exacerbés par le référendum de 2016 sur l'appartenance à l'Union européenne : une tension liée à la question de la souveraineté, entre démocratie représentative et démocratie directe ; une tension « territoriale », entre les pays constitutifs du Royaume-Uni ; et une tension « organisationnelle » au sein des principaux partis. Après avoir replacé le cas britannique dans un cadre comparatif européen, nous nous concentrons sur les défis liés à la question de la représentation et au modèle de Westminster : la capacité croissante des citoyens à s'imposer dans l'espace politique et les réponses changeantes apportées à la question de R. Dahl : « Qui gouverne ? » ; les logiques du pouvoir du Premier ministre, pendant et après la coalition ; la politique de « valence » dans la compétition électorale, en contraste avec celle de l'arène référendaire. Nous dégageons enfin quelques conclusions sur la nature profonde de ces tensions et les incertitudes qu'elles soulèvent quant à l'avenir de la démocratie britannique.
      This essay reviews four recent volumes on British politics: two single-authored books on the problems of representative democracy and on “who governs Britain”, and two edited books on the impact of the coalition government and on the 2015 general election. Through some of their insights, we draw attention to the emergence of three tensions – further exacerbated by the 2016 EU referendum – that have come to affect British democracy: a “sovereignty” tension between representative and direct democracy, a “territorial” tension among the constituent countries of the United Kingdom, and a “party-organisational” tension. After locating the British case in a comparative European framework, we focus on the challenges to representation and the Westminster model; the increased assertiveness of citizens and the changed answers to the “who governs?” question ; the dynamics of prime-ministerial power during and after the coalition; and “valence” politics in the electoral arena as opposed to the referendum one. We end by drawing conclusions on the deep-seated nature of the tensions and on the uncertainties surrounding the future of British democracy.
  • Recensions