Contenu du sommaire : Belgique : guerres en vue et vues de guerres

Revue Guerres mondiales et conflits contemporains Mir@bel
Numéro no 241, 2011/1
Titre du numéro Belgique : guerres en vue et vues de guerres
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier  : Belgique  : guerres en vue et vues de guerres

    • In memoriam - Chantal Metzger p. 3-4 accès libre
    • Introduction - Francis Balace p. 5-12 accès libre
    • Les chemins de fer belgo-allemands et le camp d'Elsenborn (1887-1894). Prémisses de la traversée du territoire Belge ? - Christophe Bechet p. 13-31 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'extension du réseau ferroviaire allemand dans l'Eifel au cours des années 1880-1890 a suscité très tôt les craintes des diplomates et des agents de renseignement français. Cette extension en soi, d'abord motivée par des intérêts économiques, n'aurait suscité aucun commentaire si elle n'avait été accompagnée de l'extension du réseau ferroviaire belge dans le Luxembourg. Dans un contexte explosif de tension entre la France et l'Allemagne (bellicisme du général Boulanger et incident Schnaebelé de 1887), les Chambres belges votaient la même année les crédits nécessaires pour fortifier la ligne de la Meuse et en interdire l'usage à tout belligérant. Un climat de méfiance subsiste quant à un accord secret belgo-allemand et transparaît à travers les articles de journaux ou les rapports secrets des attachés militaires. En 1893, la création du camp militaire d'Elsenborn à la lisière de la Belgique semble venir confirmer les appréhensions relatives à la violation prochaine, consentie ou non, de la neutralité belge par l'Allemagne. Selon l'historiographie française de l'entre-deux-guerres, Elsenborn aurait été constitué dans un seul et unique but : prendre la place forte de Liège par surprise, ce qui semblerait confirmé par l'adoption ultérieure du « plan Schlieffen ». Mais n'est-ce pas là faire preuve d'anachronisme ? Les recherches récentes ont en effet montré qu'aucun changement stratégique majeur ne s'était opéré dans le plan allemand à cette époque. Cependant, il y aurait là à tout le moins un début d'intérêt pour le territoire belge et, depuis ces nouvelles infrastructures, le passage par la Belgique devenait « techniquement » réalisable.
      The development of the German railroad network through the Eifel in the years 1880-1890 was a source of concern for French diplomats and special agents. A simultaneous development of Belgian railroad lines in Luxemburg was thus frowned upon. After the French-German tensions of 1887, due to Boulanger's bellicism and the Schnaebelé incident, the decision of the Belgian Government to build strongholds on the river Meuse as a deterrent to both France and Germany raised deep and long-lasting suspicions about a secret agreement between Brussels and Berlin among French diplomats, military attachés and journalists. The creation by Germany in 1893 of the Elsenborn training camp close to the Belgian border was seen as a confirmation of these fears. After 1918, it was usual for French historians to link Elsenborn camp with the so-called Schlieffen plan, the invasion of Belgium and the Handstreich against Liège. It is rather anachronistic as recent research shows that no fundamental changes occurred in the German war planning in the 1890's. However, this was the sign of a new interest for the Belgian territory as a breakthrough was now technically possible.
    • La Belgique et le renseignement aux frontières 1896-1914 - Pascal Pirot p. 33-49 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le Service de surveillance et de renseignements aux frontières (ssrf) est un service de renseignements composé de gendarmes, de douaniers et de gardes forestiers devant être mis en place sur l'ensemble du périmètre frontalier belge. Il est créé en 1896 sur le papier seulement car dans les faits, il faudra quasiment attendre la mobilisation de l'armée belge à l'été 1914 pour le voir enfin mis en action. Parmi les causes de ce retard figurent les querelles d'écoles à propos du plan de campagne belge, les incertitudes quant au pays qui violerait le premier la neutralité, le statut du personnel prévu pour le ssrf et son financement. D'autres initiatives peu connues ont été prises en vue d'obtenir des renseignements militaires dans les zones frontières, tout particulièrement le réseau mis en place par des consuls de Belgique en poste dans le Nord de la France entre 1909 et 1914 et leur tentative de s'appuyer sur des groupes d'anciens militaires belges y résidant. Paradoxalement, la collecte de renseignements en Allemagne semble avoir été moins élaborée
      The « Service de Surveillance et de Renseignements aux Frontières » (ssrf) was a rough intelligence network based on gendarmes, customs officers and forestry rangers established on all Belgian borders. Officially created in 1896, it was not activated before the very first hours of the mobilization of the Belgian Army in 1914. The main reasons for the delay can be found in staff disputes about war plans, speculations about which country would be the first to violate Belgian neutrality, the exact legal status of ssrf rank and file and their funding. Other little known trial balloons were launched, such as the creation in 1909-1914 of an intelligence network organized among Belgian consuls in Northern France with the help, if possible, of groups of former Belgian servicemen living there. It is quite astonishing to find out that a similar organization operating in and against Germany never reached an operational level.
    • L'image de la Belgique dans les cartes postales allemandes de la Première Guerre Mondiale - Sophie Delhalle p. 51-62 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Sans prétendre reconstituer l'éventail complet des diverses représentations de la Belgique dans les cartes postales allemandes de 1914-1918, cet article tente une première analyse d'un ensemble de cartes postales allemandes à tendance satirique où figure la Belgique, tantôt incarnée par un soldat tantôt par son souverain. Les caricatures du début du conflit présentent l'image d'un pays totalement dominé par le soldat allemand, abandonné par ses alliés et désespéré. Nous constatons que les caricatures ont connu un énorme succès au début, avant que des vues plus réalistes ou techniques ne les remplacent. Ce type de cartes postales parfois très violentes manifeste les fantasmes de la première phase de la guerre, des stéréotypes et idées préconçues – bien avant l'éclatement du conflit – sur « l'autre », devenu ennemi. Ce dernier point concerne moins la « petite Belgique », vue, si l'on excepte le mythe de la Franktireurkrieg, plus comme une pitoyable victime d'enjeux qui la dépassent que comme un adversaire.
      Without claiming to have covered the whole range of postcards published in Germany during First World War One, this article tries to analyse some satirical postcards representing Belgium through the image of a soldier or of King Albert himself. In the first months of the war, the country is pictured as crushed by the power of the German soldier, forgotten or misled by the Allies and in total despair. Cartoons of all kind met success in an early stage, before being replaced by more realistic or technical views of the conflict. Sometimes violent or crude, they are affected by fantasies, stereotypes and prejudices, about the neighbour turned enemy. « Poor little Belgium » was not a primary target, if one pushes aside the mythical propaganda about francs-tireurs, and was rather seen, even in Germany, as a pitiful victim of a war she could have avoided rather than as a real foe.
    • Les « enrôlés de force » dans la Wehrmacht – un symbole du passé mouvementé des belges germanophones au xxe siècle - Christoph Brüll p. 63-74 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Entre 1941 et 1945, plus de 8,700 jeunes hommes originaires de la région frontalière d'Eupen-Malmedy portent l'uniforme de la Wehrmacht. Entre 3,200 et 3,400 d'entre eux ne reviendront pas. Il s'agit là d'une conséquence directe de l'annexion de ce territoire par l'Allemagne en mai 1940. Par ailleurs, ces jeunes hommes sont aussi un symbole du passé mouvementé de cette région, déchirée dans un camp proallemand et un camp probelge durant l'entre-deux-guerres et frappée dans l'immédiat après-guerre par une épuration civique qui rendra difficile toute approche nuancée du passé le plus récent. La contribution s'efforce de remettre l'enrôlement dans la Wehrmacht dans son contexte politique et social et de retracer les mécanismes de recrutement. Elle pose également des questions sur le comportement de ces hommes sur le front auxquelles les sources ne permettent pas de répondre jusqu'à présent. En ce sens, elle constitue très certainement une invitation à approfondir les recherches au sujet de ces Zwangssoldaten.
      Between 1941 and 1945, more than 8,700 young men from the border area of Eupen-Malmedy (Prussian after the Vienna Congress, annexed by Belgium after the Treaty of Versailles) served in the Wehrmacht and an estimated number of them – 3,200/3,400 – never came back. This was the direct consequence of the re-annexation by Germany in May 1940, but can also be seen as a symbol of the tormented past of the region, torn during the interbellum years between pro-German and pro-Belgian factions and struck after the Second World War by a political cleansing which has long prevented a balanced approach to a very recent past. This article will set the enlistment or forced conscription in the Wehrmacht in their real political and social context and study the recruiting mechanisms. The important question of the general attitude and military comportment of these soldiers in the front line is still difficult to resolve, due to the present scarcity of available sources and is a standing invitation to continue historical research into these Zwangssoldaten.
    • Contre-propagande sur l'Indochine. La France officielle face à l'anticolonialisme en Belgique francophone (1946-1950) - Catherine Lanneau p. 75-90 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article met en évidence la perception, en Belgique francophone, de la première phase de la guerre d'Indochine (1946-1950) et, plus particulièrement, son impact sur l'image de la France. Il montre comment, dans le contexte d'un conflit encore considéré comme colonial, la France a dû faire face à une double contre-propagande, l'une d'extrême gauche, l'autre dans le camp catholique. Il souligne enfin l'absence d'une réponse française appropriée, cohérente et efficace.
      This article will study the image of the first phase of the Indochina War (1946-1950) and through it the global image of France– in French-speaking Belgium. As the war was then seen as aiming at a restoration of the colonial order, the French cause was harmed by a double counter-propaganda. One came of course from the far-left but, more surprisingly, the other came from Catholic circles. It should be noted that the French rebuttal was lacking in relevance, coherence and effectiveness.
  • Varia

    • De Gaulle et Mohammed V 18 juin 1940 - 18 juin 1945 - Maurice Vaïsse p. 91-106 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En juin 1945, de Gaulle invite à Paris le sultan du Maroc Mohammed V et le fait compagnon de la Libération. Cette distinction exceptionnelle est inexplicable sans un retour en arrière sur les années de guerre au Maroc, le débarquement anglo-américain de novembre 1942, la difficile reprise en main des protectorats par la France gaulliste et les premiers mouvements d'indépendance des Marocains.
      In June 1945, de Gaulle, who was then chief of the Provisional Government of France, invited the Sultan of Morocco to visit France and bestowed upon him the title of Companion of the Order of the Liberation. To become a member of this distinguished order is so special that it must be explained by exceptional circumstances, such as Morocco's role during the Second World War, the Allied landings in November 1942, the uneasiness over French rule in 1944/1945 and the beginnings of the nationalist movement in North Africa.
    • Institution militaire et contre-insurrection : l'ipkf (1987-1990) - Éric Ouellet, Pierre-Marc Lanteigne p. 107-123 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La lutte anti-insurrectionnelle est une forme de guerre difficile à gérer pour les forces armées d'aujourd'hui. Cet article propose un regard en profondeur dans le construit institutionnel militaire pour explorer les raisons possibles de cette difficulté d'adaptation. Le cas d'une armée non occidentale a été retenu pour illustrer que certaines forces institutionnelles agissent en parallèle aux dynamiques culturelles. Le cas des opérations de lutte anti-insurrectionnelle de l'armée indienne au Sri Lanka entre 1987 et 1990 est analysé en utilisant le cadre sociologique d'analyse institutionnelle de Richard Scott. L'article conclut que l'analyse institutionnelle est un outil utile pour comprendre la mésadaptation à la lutte anti-insurrectionnelle, car cette forme de guerre est perçue par l'institution comme minant les fondements de sa légitimité sociale.
      Counterinsurgency remains a difficult form of warfare to handle for today's armed forces. This article proposes a deeper look into the institutional framework of the military to find some of the possible reasons for this difficulty to adapt. The case of a non-Western army has been selected to illustrate that some institutional forces are acting in parallel to cultural dynamics. The case of the Indian Army counterinsurgency operations in Sri Lanka in 1987-1990 is analyzed using Richard Scott's sociological institutional analysis framework. The article concludes that institutional analysis is a useful tool to understand maladaptation to counterinsurgency warfare because conducting this form of warfare is perceived by the military institution as undermining the foundation of its social legitimacy.
  • Histoire et médias

    • Samuel Fuller à Falkenau : « l'impossible » - Sophie Delaporte p. 125-138 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans un documentaire réalisé en 1986, Emil Weiss recueille le témoignage filmé de Samuel Fuller sur les images qu'il a prises à la libération du camp de Falkenau, le 8 mai 1945. Si Samuel Fuller s'est appliqué à enfouir ses images, l'événement s'est inscrit profondément dans sa mémoire au point de constituer un trauma.
      In a documentary produce in 1986, Emil Weiss collected the testimony of Samuel Fuller about images filmed at the liberation of the camp Falkenau the day after Nazi surrender, on May 8, 1945. If Samuel Fuller was applied to bury his pictures but despite this effort to burying, the event has entered deeply into his memory as to constitute a trauma.