Contenu du sommaire : La famille d'Est en Ouest : un demi-siècle de transformations en Europe
Revue | Revue d'études comparatives Est-Ouest |
---|---|
Numéro | vol. 40, no 3-4, septembre-décembre 2009 |
Titre du numéro | La famille d'Est en Ouest : un demi-siècle de transformations en Europe |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La famille dans tous ces États : France, Géorgie, Lituanie, Russie - Alain Blum, Cécile Lefèvre, Pascal Sebille, Irina Badurashvili, Arnaud Régnier-Loilier, Vlada Stankundétriene, Oxana Sinyavskaya p. 5-35 Résumé : Ce numéro spécial est consacré à l'étude des transformations familiales récentes survenues en France, Géorgie, Lituanie et Russie. Celles-ci s'articulent autour de trois ensembles de facteurs majeurs des comportements démographiques : le premier est d'ordre anthropologique et ressort aux relations intra-familiales ; le deuxième est politique, l'histoire de chacun de ces pays étant particulière ; le troisième est économique et social : il contraint ou libère les trajectoires démographiques, étant lui-même la combinaison de profondes tendances transnationales et nationales. Cet ordonnancement a surtout une valeur heuristique et non démonstrative. Il sert à replacer les études qui suivent dans le cadre général des transformations démographiques et offre un regard sur les principales dynamiques observées à partir d'indicateurs synthétiques et de mesures issues des enquêtes « Générations et genre » (GGS : Generations and Gender Surveys) menées entre 2004 et 2006 sur la base d'un questionnaire de référence commun (voir et ) dans les quatre pays retenus ici.
- La séparation des parents en France et en Russie : situation et évolution des risques du point de vue des enfants - Didier Breton, Daria Popova, France Prioux p. 37-62 Ce travail se fonde sur l'exploitation des enquêtes GGS menées en France en 2005 et en Russie en 2004 en se plaçant du point de vue des enfants. La comparaison de la situation familiale des enfants selon leur âge dans les deux pays montre que les situations de monoparentalité sont plus fréquentes en Russie mais que, contrairement à ce que l'on observe en France, les enfants vivent alors très souvent au sein de ménages multigénérationnels. La probabilité pour un enfant né au sein d'un couple cohabitant (marié ou non) de voir ses parents se séparer avant sa majorité augmente dans les deux pays et particulièrement en Russie pour les enfants nés dans les années 1980. Les enfants les plus exposés au risque de séparation ont des parents qui présentent quelques points communs dans les deux pays : tel est le cas si leur mère s'est mise en couple assez jeune, avec un conjoint ayant déjà au moins un enfant, plus âgé qu'elle, ou si elle n'a pas vécu toute son enfance avec ses deux parents. En France, mais non en Russie, le mariage et la pratique (même peu fréquente) d'une religion réduisent de manière significative la probabilité d'une rupture.
- Les enfants après la séparation des parents en France, en Russie et en Lituanie : des relations différentes avec la mère et le père ? - Arnaud Régnier-Loilier, Marie-France Valetas, Irina Korchaguina, Lidia Prokofieva, Mare Baublyte, Vlada Stankuniene p. 63-98 En Russie et en Lituanie comme en France, les trajectoires conjugales se sont complexifiées ces dernières décennies, entraînant de profondes modifications dans les situations et histoires familiales des enfants. En particulier, les ruptures d'union sont de plus en plus fréquentes et, en cas de séparation, l'enfant est le plus souvent confié à la mère. On s'attachera ici à décrire les relations (fréquence des rencontres et degré de satisfaction de la relation) qu'entretiennent les enfants non cohabitants avec chacun de leurs parents en tentant d'en dégager certains déterminants : sexe des enfants, âge à la séparation, parent en ayant la garde, temps écoulé depuis la rupture, parent à l'initiative du divorce, remise en couple d'un parent. L'analyse comparée fait ressortir un certain nombre de similitudes (par exemple la moindre fréquence des relations père-enfants) mais aussi de divergences (le sexe de l'enfant influe sur les relations en Russie et en France mais non en Lituanie).
In Russia and Lithuania, as in France, conjugal trajectories have become increasingly complex in recent decades, leading to profound changes in children's family situations and histories. In particular, union dissolution is becoming more frequent and, when separation occurs, child custody is most often granted to the mother. This article describes the relations (frequency of meeting and degree of satisfaction with the relationship) between non-cohabiting children and each of their parents and seeks to identify certain determinants of these relations: sex of children, age at separation, parent with custody, time since separation, parent who initiated the divorce, repartnering of a parent. The analyses reveal a certain number of similarities between countries (such as lower frequency of father-child relations, for example), but also divergences (the child's sex influences relations in Russia and France but not in Lithuania). - Situations familiales, calendrier de décohabitation et relations intergénérationnelles en Géorgie et en France - Arnaud Régnier-Loilier, Irina Badurashvili, Shorena Tsiklauri p. 99-132 Contrairement à la France, la Géorgie reste un pays très traditionnel où la cohabitation avant le mariage et les unions hors mariage sont rares. En outre, la tradition familiale invite les jeunes hommes, une fois mariés, à venir vivre avec leur épouse dans le foyer parental. Cette pratique spécifique à la Géorgie entraîne des logiques de décohabitation opposées dans les deux pays. Alors qu'il est rarissime que, à 30 ans, les Français résident encore avec leurs parents, cette situation est beaucoup plus fréquente en Géorgie, notamment pour les hommes. Les dynamiques familiales qui découlent dans chaque pays d'une articulation très différente entre le départ du foyer parental et la mise en couple conduisent in fine à des relations entre générations relativement contrastées, tant en termes de fréquence des rencontres enfants-parents qu'au niveau des échanges de confidences.
Unlike in France, Georgia is still a traditional country where cohabitation prior to marriage and consensual unions are very rare. Family traditions call for the young man, once married, to live with his spouse in his family's home. In contrast, very few people at the age of 30 still live with their parents in France, unlike in Georgia (in particular for men).The quite different patterns of moving away from the parents' home and forming a couple ultimately lead, in these two countries, to intergenerational relations that differ in terms of the frequency with which children and parents meet and the degree to which they confide in each other. - Une transition vers l'âge adulte divergente en France et en Russie : une perspective générationnelle - Alain Blum, Pascal Sebille, Sergei Zakharov p. 133-161 Bien que les systèmes politique, économique et social de la France et de la Russie diffèrent considérablement, les deux pays ont, depuis le milieu du XXe siècle, mené des politiques démographiques et familiales fondées sur des mesures incitatives. Les trajectoires maritales et familiales de leurs populations ont des traits communs : le mariage n'est plus la seule forme d'entrée en union et l'âge à la naissance du premier enfant a augmenté. Néanmoins, les apparentes similitudes masquent des divergences dont certaines sont profondes. L'étude du calendrier des premiers événements de l'âge adulte (achèvement des études, départ du domicile parental, premier emploi, première mise en couple et naissance d'un enfant) et des conditions dans lesquelles ils se produisent montre comment le passage à l'âge adulte a évolué au fil du temps en France et en Russie. Elle révèle également la complexité et la diversité des changements qui ont affecté les générations nées depuis le milieu des années 1930.
Since the mid-20th century, both France and Russia, despite different social, economic and political environments, have incentive-based demographic and family policies. The family and marital careers of their populations share some common features. In particular, marriage is no longer the only way to form a couple, and the age at the flrst child's birth has risen. None- theless, these apparent similarities conceal signiflcant differences. Studying the timing of the flrst events in adulthood - completing education, leaving the parental home, finding a job, forming a couple for the flrst time, and becoming a parent - and the conditions underlying them reveals how transition toward adulthood evolved in both countries. It also brings to light the complexity and diversity of changes that affected the generations born since the mid-1930s. - La transition vers de nouvelles formes d'union en France, en Lituanie et en Russie - Vlada Stankuniene, Ausra Maslauskaite, Mare Baublyte, Sergei Zakharov, Arnaud Régnier-Loilier p. 163-208 On s'intéresse dans cet article à la transition vers de nouvelles formes d'union et aux déterminants culturels et structurels ayant conduit à ce processus dans trois pays : la France, la Lituanie et la Russie. Chacun a connu des évolutions très différentes au cours du XXe siècle : la transition a été régulière en France, retardée en Lituanie et distordue en Russie. Aujourd'hui, un seul facteur explicatif de l'union libre subsiste en France, la religion. En Lituanie et en Russie, où les nouvelles formes d'union se sont répandues plus tardivement, la transition est encore à l'oeuvre, et les « précurseurs » de ces nouveaux comportements maritaux se caractérisent par des spécificités à la fois culturelles et structurelles.
Changes in family formation strategies in France, Lithuania and Russia are analyzed to detect new partnership formation patterns along with the structural and cultural factors underlying this process. Each country has undergone quite different transitions during the 20th century: France's has been consequent; Lithuania's, delayed; and Russia's, distorted. In France, a single factor explains consensual union, namely the degree of religiousness. In Russia and Lithuania, where new forms of couples have emerged more recently than in France, several structural and cultural factors characterize the persons harbingering these new unions. - Intentions de fécondité et naissances en France, Lituanie et Russie - Laurence Charton, Sergej Surkov, Mare Baublyte, Vlada Stankuniene p. 209-239 The structural changes over several generations in the formation of fami-lies with one or two children are studied in France, Lithuania and Russia. Data from the Generations and Gender Surveys about birth intentions of women and men with no children or one child at the time of the survey are analyzed, as well as factors affecting the desire to have a flrst or second child. As the findings show, the French more often express their fertili-ty intentions than Lithuanian or Russians, but differently depending on whether it is the flrst or second child. In all three countries however, most of the factors determining fertility intentions are similar.
The structural changes over several generations in the formation of fami-lies with one or two children are studied in France, Lithuania and Russia. Data from the Generations and Gender Surveys about birth intentions of women and men with no children or one child at the time of the survey are analyzed, as well as factors affecting the desire to have a flrst or second child. As the findings show, the French more often express their fertili-ty intentions than Lithuanian or Russians, but differently depending on whether it is the flrst or second child. In all three countries however, most of the factors determining fertility intentions are similar. - Étude comparative des pratiques contraceptives : France, Géorgie, Lituanie et Russie - Irina Troitskaia, Alexandre Avdeev, Irina Badurashvili, Ekaterine Kapanadze, Vaida Tretjaküva p. 241-272 Les pratiques contraceptives ont évolué différemment dans les pays est et ouest-européens. En France, où la contraception et l'avortement ont été légalisés plus tardivement qu'à l'Est, le réseau du planning familial est dense et le principal moyen de prévenir les naissances non désirées est la contraception. À l'opposé, dans les ex-républiques soviétiques, l'autorisation plus précoce de l'avortement et son acceptation morale ont fait de l'interruption volontaire de grossesse l'élément dominant de la culture reproductive. La comparaison des comportements contraceptifs en France, en Géorgie, en Lituanie et en Russie, fondée sur les données de la première vague de l'enquête « Générations et genre » (GGS), confirme ces observations. Les variations de la prévalence contraceptive, de l'ensemble des méthodes utilisées et du besoin non satisfait de contraception ne peuvent être expliquées uniquement par les caractéristiques socio-démographiques des utilisateurs. Des facteurs tels que la législation, la politique démographique, le système de protection sociale et l'éducation sexuelle entrent également en jeu.
Birth-control practices have evolved differently in western and eastern Europe. France legalized contraception and abortion more recently than countries in eastern Europe. Its family planning network is dense, and contraception is the major method for preventing unwanted births. On the other hand, in the former Soviet republics, abortion, introduced much earlier and accepted by public opinion, is the key reproductive technique. These differences are confirmed by this comparison of contraceptive practices in France, Georgia, Lithuania and Russia based on the data collected during the flrst wave of the Generations and Gender Surveys. Differences in the prevalence of contraceptive practices, the availability of various me-thods and the unmet demand for contraception are related not only to the sociodemographic characteristics of birth-control users but also to factors, such as legislation, demographic policy, the health system or sexual education in the schools. - Le travail des femmes en France et en Russie : l'effet des enfants et des valeurs de genre - Ariane Pailhé, Oxana Sinyavskaya p. 273-313 La façon dont les enfants et les attitudes à l'égard du rôle des hommes et des femmes influencent la participation des femmes au marché du travail est examinée pour deux pays dont le type d'État-providence et les normes de genre diffèrent : la France et la Russie. Les auteurs comparent les déterminants de l'offre de main-d'oeuvre féminine en utilisant les données de la première vague de l'enquête « Générations et genre » (GGS) menée dans les deux pays. En Russie, l'âge du plus jeune enfant est le principal facteur de la baisse de la participation des femmes. En France, l'effet des enfants est multidimensionnel et, contrairement à la Russie, les normes de genre y jouent un rôle majeur. L'éventail plus large de possibilités qu'ont les Françaises (travailler ou non, à temps plein ou partiel) explique la plus grande hétérogénéité des comportements féminins.
How do children and gender attitudes affect women's labor force participation in Russia and France, two countries with different welfare states and different conceptions of gender roles? The determinants of women's participation in the labor force are compared by using data from the flrst wave of the Generations and Gender Surveys conducted in both countries. In Russia, the age of the youngest child is the key factor explaining the decrease in women's labor force participation rate. In France, the effect of having children is multidimensional; and gender values, unlike in Russia, have a major impact. The broader range of possibilities for Frenchwomen (work full- or part-time, or not at all) accounts for the greater variety in their labor patterns. - Le rôle de la famille et de la société dans les solidarités intergénérationnelles : comparaison des opinions en France, Géorgie, Lituanie et Russie - Cécile Lefèvre, Lidia Prokofieva, Irina Korchaguina, Vlada Stankuniene, Margarita Gedvilaite, Irina Badurashvili, Mariam Sirbiladze p. 315-345 Cette étude comparative de la France, la Géorgie, la Lituanie et la Russie explore un des champs des enquêtes GGS ayant trait aux valeurs. Elle s'applique à identifier les opinions au sujet de la solidarité intergénérationnnelle et leurs différences dans ces quatre pays. Deux dimensions sont plus particulièrement analysées. La première porte sur la conception qu'ont les répondants de l'implication relative de la famille et de la société dans l'aide aux plus jeunes et aux générations âgées. La seconde renvoie à la nature et aux modalités que peut prendre la solidarité familiale. Doit-il s'agir d'aides en nature ou en espèces ? Comment l'aide familiale intergénérationnelle est-elle perçue et quelle place occupe-t-elle dans les histoires de vie individuelles ? Est-il légitime que de telles aides modifient les parcours résidentiels et professionnels des hommes et des femmes ? Le présent article offre une réflexion méthodologique sur l'appréhension des opinions à partir d'enquêtes quantitatives et sur la pertinence en sciences sociales d'études comparatives entre pays. Il propose également d'étudier la solidarité entre générations en tant que révélateur des structures familiales et des contextes économiques et culturels des quatre pays.
Drawing on questions about values in the Generations and Gender Surveys, this comparative study focuses on differences between French, Georgian, Lithuanian and Russian opinions about solidarity between generations. Two dimensions are analyzed: the relative involvement of both family and society in providing support to young and old, and the nature and forms of family solidarity. Should this solidarity be monetary or in kind? How is intergenerational family support perceived? How does it change lives and lifestyles? Is it a legitimate grounds for modifying men's or women's place of residence or career? Methodological issues are raised about how to interpret the opinions detected through quantitative surveys and how relevant is comparativism in social sciences. Intergenerational solidarity is studied as an indicator of the different family structures, cultures and economic contexts in these four countries.