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Revue Cahiers du monde russe Mir@bel
Numéro volume 59, no 1, janvier-juin 2018
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • ‪A Servant of Two Masters? ‪ : The role of patronage and clientage in the career strategies of a Moscow official in the late 18th and early 19th centuries - Maya B. Lavrinovich p. 7-36 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article étudie les premières étapes de la carrière d'Aleksej Fedorovič Malinovskij qui, en 1814, devint chef des archives du Collège des Affaires étrangères à Moscou. Les archives et diverses correspondances allant des années 1780 au tout début des années 1800 dévoilent ses liens avec des aristocrates tels qu'Aleksandr Romanovič Voroncov et Nikolaj Petrovič Šeremetev et avec certains officiels parmi les plus haut placés de l'Empire (comme le vice‑chancelier Ivan Osterman). Ces nobles étaient disposés à étendre leur patronage à ce secrétaire de bas rang des archives, fils d'un prêtre moscovite. Les stratégies de carrière qu'il poursuivit dans le domaine du patronage allaient de pair avec celles qu'il menait dans le domaine des hiérarchies formelles et n'étaient pas moins importantes. Il chercha à obtenir le statut de noble de sorte à acquérir des terres et des serfs pour s'ancrer symboliquement dans l'élite. Pour devenir membre à part entière de celle‑ci, il épousa Anna Islen´eva, une nièce des Voroncov qui devint une riche héritière en 1810. Plus tard, il donna sa fille en mariage au prince Dolgorukov, un parent éloigné des Šeremetev, formalisant ainsi sa relation avec les familles de ses deux protecteurs. Une étude détaillée de l'évolution de sa carrière prouve bien que, même si changer de classe sociale était un choix juridique possible en Russie impériale, Malinovskij ne dut le succès de son ascension sociale qu'à son habileté à manœuvrer au sein de ce réseau de patronage fondé sur la réciprocité et l'intérêt mutuel.
      ‪This paper examines the early stages of the career of Aleksei Fedorovich Malinovskii, who became Head of the Moscow Archive of the State College of Foreign Affairs in 1814. The Archive‪‪'‪‪s records and diverse correspondence from the 1780s ‪‪–‪‪ early 1800s reveal his connections to aristocrats such as Aleksandr Romanovich Vorontsov and Nikolai Petrovich Sheremetev, as well as others among the highest officials of the Empire (vice‑chancellor Ivan Osterman). These nobles were willing to extend their patronage to this low‑level clerk at the Archive, a son of a Moscow priest. The career strategies he pursued in the domain of patronage went parallel to and were no less important than those he pursued in the domain of formal hierarchies. He sought to obtain noble status in order to acquire estates and serfs to gain a symbolic foothold in the elite; to become its full member, he married Anna Islen‪‪´‪‪eva, a niece of the Vorontsovs who became a rich heiress in 1810. Later in life, he gave his daughter in marriage to Prince Dolgorukov, a distant relative of the Sheremetevs, thus formalizing his relationship with both of his protectors' clans. A detailed examination of Malinovskii's rise demonstrates that while changing one's estate was a legal option in Imperial Russia, only due to his ability to negotiate the “woven web” of patronage based on mutual services and benefit did he actually succeed in climbing the social ladder.‪
    • ‪Dvorianskaia sobstvennost´ v Rossii 1700‑1762 gg.‪ : Rodovaia struktura, dinamika, otsenka stabil´nosti razvitiia* - Sergei V. Chernikov p. 37-92 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article étudie l'évolution de la propriété des nobles en Russie entre 1700 et 1762 sur la base des registres de fouages et des recensements de la population. Selon les calculs de l'auteur, 60 % des familles nobles n'étaient pas en mesure de conserver leur propriété et leurs serfs même sur deux à trois générations. En revanche, l'évolution du fonds patrimonial des 40 % restants, qui concentrait l'écrasante majorité des serfs (87‑94 %), était stable. L'analyse menée par l'auteur permet de conclure, pour la période étudiée, à une redistribution des terres au sein de la noblesse, les propriétés des familles les plus anciennes, celles dont les représentants avaient siégé à la Duma des bojare au xvii e, passant entre les mains de nouvelles familles qui n'avaient accédé à l'élite dirigeante qu'à l'époque pétrine, voire postpétrine. Cependant, même vers le milieu du xviii e siècle et malgré un marché foncier nobiliaire très actif, l'ancienne élite réussit à conserver une position prépondérante en la matière. Compte tenu des changements majeurs qui affectèrent la vie du pays durant la première moitié du xviii e siècle – réformes pétroviennes, mobilité sociale plus élevée (y compris parmi les élites), supression des distributions locales comme expression du soutien des autorités à la noblesse –, on peut considérer que, globalement, la situation foncière était très stable. Les données présentées dans cet article sont également importantes pour évaluer les relations mutuelles entre l'élite dirigeante et le monarque. Dans de nombreux ouvrages, qui qualifiaient la Russie d'État de « despotique » ou de « patrimoniale », l'accent était porté sur les mécanismes « répressifs » du contrôle exercé sur les élites par le pouvoir absolu. L'analyse menée dans l'article tend à prouver que confiscations et gratifications ne jouaient qu'un rôle insignifiant et que la redistribution du fonds patrimonial s'effectuait, pour l'essentiel, par le biais de contrats d'achat‑vente ou d'hypothèque relevant du droit privé. Ainsi les formes « douces » de contrôle de l'élite se révélaient efficaces. La couronne n'avait même pas besoin de recourir à des moyens extraordinaires, la structure patrimoniale de la propriété évoluait naturellement, en fonction de la composition de la couche dirigeante.
      This study of the evolution of noble landholding in Russia between 1700 and 1762 draws on household and population censuses. Our calculations show that 60 percent of noble families could not even keep their estates and serfs for longer than two or three generations. On the other hand, the evolution of the patrimonial landholding of the remaining 40 percent, who owned the majority of serfs (87‑94 percent), was steady. Our study leads to the conclusion that, during the period in question, estates of older families, whose representatives had sat in the Boyar Duma in the seventeenth century, were transferred to new families whose representatives achieved senior ranks in the Petrine and post‑Petrine period. However, despite active movement in estates, the old elite managed to keep a leading position in terms of landownership even towards the mid‑eighteenth century. Considering the major changes that affected the country‪ ‪'‪ ‪s life during the first half of the eighteenth century ‪ ‪–‪ ‪ Peter‪ ‪'‪ ‪s reforms, the higher rate of social mobility, even among the elite, the discontinuation of service land grants, one may view the situation of patrimonial landholding as very stable. The data presented in the article also significantly contribute to the assessment of interrelationships between the leading elite and the monarch. Several works describing Russia as a “despotic” or “patrimonial” state put forward “repressive” control mechanisms over the elite. Our study shows that land confiscation and grants played but a minor role, and that redistribution of patrimonial landholding was mainly carried out using private law resources (sale/purchase contracts, mortgage). Therefore, “soft” forms of elite control were very efficient. The ruler did not need to resort to extraordinary means: the structure of landholding evolved naturally, adjusting to the composition of the higher ranks.‪
    • ‪Respublika mechei ili torgovaia respublika ?‪ : Rossiiskaia istoricheskaia mysl´ xviii‑nachala xix v. o voennoi moshchi respublikanskogo Novgoroda - Konstantin D. Bugrov, Sergei V. Sokolov p. 93-116 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les auteurs analysent la représentation qui est faite de la toute puissante république de Novgorod dans les écrits historiques et politiques russes du xviii e – début du xix e siècle. Dans la tradition européenne, la république classique est une république militaire, qui s'appuie sur le modèle de la république romaine militairement puissante. En opposition, la république commerciale est considérée comme un petit État, inférieure militairement aux grandes monarchies. La pensée sociale russe, à commencer par celle développée par A.I. Mankiev, identifie Novgorod à une république mais demeure ambivalente dans l'évaluation de sa puissance militaire. Sous l'influence de l'imagerie romaine et du discours général « de gloire et de grandeur » de la fin du xviii e siècle, un canon s'est mis en place, qui fait de l'ancienne Novgorod « une république militaire » tout en conservant la république commerciale comme outil conceptuel pour l'analyse de l'histoire ultérieure de la ville. La reconnaissance d'un pouvoir militaire à la république de Novgorod sape l'un des arguments clés en faveur de la monarchie, selon lequel seule une monarchie est capable de contrôler et défendre efficacement un large territoire. De ce fait, l'évaluation de Novgorod en tant que république militaire marque une étape importante dans l'apparition dans la société russe du xix e siècle d'une alternative républicaine à un monarchisme apparemment inébranlable.

      ‪The authors analyze how the powerful Republic of Novgorod was represented in Russian historical and political writing between the eighteenth and early nineteenth centuries. In the European tradition, a republic typically was military and modeled on the Roman Republic and its military strength. In contrast, the trading republic was considered a small state, militarily inferior to great monarchies. Russian social thought, starting with A.I. Mankiev‪
      ‪'‪
      ‪s, identified Novgorod with a military republic while remaining ambivalent in assessing its military might. The influence of Roman imagery and the general discourse on ‪
      ‪“‪
      ‪glory and grandeur‪
      ‪”‪
      ‪ of the late eighteenth century brought about the emergence of a model of old Novgorod as a military republic and set aside the trading republic as a conceptual toolkit for studying the town's future historical development. Recognition of military power in the Republic of Novgorod undermined one of the key arguments in favor of monarchy – the claim that monarchy alone is able to effectively control and protect a vast territory. Thus, viewing Novgorod as a military republic was an important step towards the rise, in early‑nineteenth‑century Russian society, of a republican alternative to a seemingly immutable monarchy.‪
    • ‪Karamzin and Money‪ - Elena Korchmina, Andrei Zorin p. 117-140 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Karamzin a joué un rôle considérable dans la transformation de la structure institutionnelle de la production littéraire russe et du statut social de l'écrivain. C'est là un fait largement connu. Il est impossible de comprendre ce rôle si l'on n'analyse pas les pratiques financières de l'écrivain et son rapport à l'argent et aux transactions monétaires. Cet article examine trois points différents mais interdépendants, déjà débattus par les universitaires sans qu'il n'y ait jamais eu pour autant de résultats probants. Il s'agit de la fameuse question de la provenance des fonds qui ont permis le voyage de Karamzin en Europe, du statut de Karamzin en tant qu'écrivain professionnel et de ses opinions sur l'économie. Les auteurs nous livrent de véritables chiffres et des données quantifiables qui éclairent ces questions sous un jour nouveau et servent de cadre à leur analyse.

      ‪As it is widely known, Karamzin's role in changing the institutional nature of Russian letters and of the social status of writers was immense. It is impossible to understand this role without analyzing Karamzin's financial practices and attitude to money and monetary transactions. This article discusses three different but interconnected questions already debated by scholars without any conclusive results: the notorious issue of a source of funding for his European travels, his status as a literary professional, and his economic views. The authors present actual figures and quantifiable data that shed new light upon these issues and provide a framework for their analysis.‪
  • Michel Aucouturier (1933-2017)

  • ‪Livres reçus‪ - p. 205-206 accès libre