Contenu du sommaire : Une alternative ? Podemos, mouvements sociaux et renouveau politique en Espagne

Revue Mouvements Mir@bel
Numéro no 94, juillet 2018
Titre du numéro Une alternative ? Podemos, mouvements sociaux et renouveau politique en Espagne
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : Une alternative ? Podemos, mouvements sociaux et renouveau politique en Espagne

    • Éditorial - Viviane Albenga, Jean-Paul Gaudillière, Irène Jami, Héloïse Nez, Alfredo Ramos p. 7-10 accès libre
    • Les villes au cœur de la redistribution ? Le nouveau municipalisme, antidote à l'Europe de l'austérité et des États dans l'impasse - Joan Subirats p. 11-23 accès libre avec résumé
      Voilà soixante ans que nous avons construit l'Europe. Et nous ne savons toujours pas où nous en sommes. Nombreux.ses sont ceux et celles qui se demandent s'il ne vaudrait pas mieux sortir de ce qu'ils considèrent comme un piège favorisant davantage la marchandisation et les inégalités que la protection et la solidarité. Mais veulent-ils.elles sortir de cette Europe que nous connaissons, ou de l'Europe en général ? La question semble pertinente dans la mesure où il serait possible de construire une autre Europe. Une Europe dans laquelle les citoyen.ne.s et les villes où ils.elles vivent compteraient plus. Une Europe dans laquelle la protection passerait avant la concurrence. Une Europe dans laquelle on mutualiserait les dettes, et où l'on partagerait les transferts sociaux. Une Europe commune mais diverse, dans laquelle il n'y aurait pas de place pour les expressions comme celle utilisée récemment par Djeseelbloem, accusant les pays du Sud de dépenser les fonds européens « en vin et en femmes ». Quel rôle jouent les villes et les municipalités dans cette reconfiguration ? C'est la question centrale de ce texte.
    • Existe-t-il encore des contre-pouvoirs citoyens à Barcelone ? Conflictualité et contradictions d'une association de quartier - Marion Lang p. 24-35 accès libre avec résumé
      L'arrivée au pouvoir en juin 2015 d'une liste citoyenne à la mairie de Barcelone interroge le positionnement des acteur.trice.s associatif.ve.s et militant.e.s, alors que la nouvelle équipe municipale est largement issue des mouvements sociaux. Comment maintenir une dynamique conflictuelle tout en coopérant avec la nouvelle municipalité ? Cet article analyse les reconfigurations du militantisme associatif, à partir d'une enquête de terrain réalisée au sein d'une association du quartier populaire de Nou Barris.
    • Les labyrinthes du pouvoir : les mairies du changement face aux administrations - Rodrigo Blanca, Ernesto Ganuza, Irène Jami p. 36-44 accès libre avec résumé
      Madrid, 3,5 millions d'habitant.e.s, épicentre de la quatrième aire métropolitaine d'Europe par sa taille, est aujourd'hui gouvernée par un parti qui n'existait pas avant 2015. Après plus de 25 ans de gouvernements conservateurs, la cité madrilène est passée sous l'autorité de personnes quasiment dépourvues d'expérience de politique institutionnelle. Neuf des onze membres de la Junta de Gobierno Local – l'organe de gestion le plus important des municipalités en Espagne – de Madrid (en février 2018) n'avaient aucune expérience de politique institutionnelle avant 2015. Ce sont en majorité des universitaires, qui étaient activistes ou militant.e.s dans des mouvements sociaux1. Cette description photographique du gouvernement madrilène est très proche de celles que l'on peut observer dans d'autres villes comme Barcelone, dont la maire était jusqu'en 2013 la porte-parole du mouvement de la plateforme des victimes du crédit hypothécaire (PAH, Plataforma de Afectados por la Hipoteca), l'un des mouvements de protestation les plus emblématiques de la décennie dans le pays. On rencontre des situations similaires à La Corogne, Saint-Jacques de Compostelle, Saragosse, Valence ou Cadix. Dans nombre d'autres villes (Cordoue, Alicante, Getafe, Séville..), des élu.e.s issu.e.s de nouveaux partis ont rejoint les groupes parlementaires des conseils municipaux, même lorsque les élections ne leur ont pas donné le pouvoir. Les élections de mai 2015 ont, sans aucun doute, été l'occasion d'affirmer partout, au niveau municipal, une nouvelle rhétorique qui a permis de moduler, avec plus ou moins de succès, la gestion politique de certaines villes.
    • Cadix : gouverner à gauche dans une ville socialement fragile - Mathieu Petithomme p. 45-54 accès libre avec résumé
      Depuis juin 2015, la ville portuaire de Cadix, en Andalousie, est gérée par une des figures de l'aile anticapitaliste de Podemos, José María González dit « Kichi », qui s'appuie sur deux coalitions municipales du changement. Cet article dresse un premier bilan des politiques municipales menées depuis trois ans. Si la priorité a été clairement donnée aux questions sociales, la mairie se heurte aux problèmes structurels d'une des villes les plus touchées par la crise économique et le chômage.
    • Le nouveau municipalisme en Espagne : changer le pouvoir depuis l'échelle locale ? - Héloïse Nez p. 55-65 accès libre avec résumé
      En mai 2015, des listes citoyennes incluant des militant.e.s des mouvements sociaux et des nouveaux partis politiques comme Podemos remportent les mairies de Madrid et Barcelone, mais aussi de Cadix, Saragosse ou encore La Corogne. Si on ajoute les victoires de la gauche alternative comme à Valence, près de 20 % de la population espagnole se trouve désormais dirigée par une « mairie du changement ». Quel bilan peut-on tirer de ces expériences trois ans plus tard ? Quelles sont les potentialités et les limites de l'échelle municipale pour changer le contenu des politiques publiques et les manières de faire de la politique ?
    • Oui, on peut concilier démocratie radicale et gestion efficace - Ernesto Ganuza, Héloïse Nez, Yves Sintomer, Irène Jami p. 66-74 accès libre avec résumé
      Pablo Soto, né en 1979, est souvent présenté comme le « geek » de Podemos : informaticien, il a développé des protocoles et des logiciels de partage des fichiers musicaux, puis un logiciel peer to peer open source de partage d'espace de stockage, ce qui lui a valu d'éprouvantes poursuites judiciaires dont il est sorti conforté dans ses pratiques. Il met aujourd'hui à profit sa connaissance des réseaux sociaux pour concevoir des mécanismes de démocratie participative innovants à la mairie de Madrid. Après la table ronde consacrée, le 2 mars 2018, au nouveau municipalisme, Mouvements souhaitait approfondir avec lui le bilan de l'expérience de la mairie du changement emmenée par Manuela Carmena à Madrid.
    • Des Indignés à Podemos : continuités et ruptures - Héloïse Nez p. 75-86 accès libre avec résumé
      Lancé à peine trois ans après le « mouvement du 15 mai » (15-M) qui avait rempli les places espagnoles au printemps 2011, Podemos a souvent été présenté en France comme « le parti des Indignés ». Quelles relations peut-on repérer entre ce parti politique et le mouvement social qui l'a précédé ? Quels sont les éléments de continuité et de rupture ? Cet article montre que la filiation revendiquée et mise en scène par les fondateur.trice.s et militant.e.s de Podemos n'est que partielle : en se transformant en « machine de guerre électorale », le parti s'est largement éloigné des principes fondateurs du 15-M.
    • Podemos, un parti-mouvement - Manuel Cervera-Marzal p. 87-97 accès libre avec résumé
      Lorsqu'ils lancent leur projet en janvier 2014, les fondateur.trice.s de Podemos parlent de « mouvement politique » et promettent de ne pas créer « un parti de plus ». En s'engageant dans la compétition électorale, ils et elles sont toutefois amené.e.s à mettre en place une structure partisane. Podemos est-il pour autant un parti comme les autres ? Cet article interroge la notion de « parti mouvement », en montrant comment Podemos se distingue des partis traditionnels et quels sont les clivages en interne.
    • Le populisme de Podemos - Yves Sintomer, Jean-Paul Gaudillière p. 98-107 accès libre avec résumé
      Populiste ? L'étiquette est aujourd'hui maniée à l'envi pour caractériser tous les partis ou mouvements qui, en Europe, opposent le peuple aux élites et défendent une rupture plus ou moins assumée avec le consensus social/néo-libéral. En revendiquant le terme et en faisant explicitement référence aux théories de Laclau et Mouffe, Podemos occupe toutefois une position originale en la matière. Politiste, ancien membre de la rédaction de Mouvements, Yves Sintomer revient sur les enjeux théoriques et pratiques de cette volonté de « construire un peuple ».
    • Le populisme est-il l'alternative ? Mouvements sociaux et dynamiques partidaires - Pablo Castaño Tierno, Manuel Cervera-Marzal, Ariel Jerez, Héloïse Nez, Alfredo Ramos, Yves Sintomer, Irène Jami p. 108-117 accès libre avec résumé
      En France, les mobilisations espagnoles et l'émergence de Podemos suscitent l'espoir de perspectives vraiment neuves dans un paysage politique déprimé par le quinquennat d'un président de gauche assumant sa conversion au social-libéralisme, représentatif d'un PS dévoyé, l'absence de débouché immédiat de Nuit Debout, la captation du renouvellement des mœurs et du personnel politiques par Macron et La République en Marche, le relatif échec de la France insoumise. Cependant, on perçoit les contradictions et les dilemmes auxquels se heurte Podemos lorsqu'il s'agit de s'inscrire dans la durée : derrière le « eux et nous », comment définir le sujet des luttes ? Comment faire exister un parti politique-machine électorale né d'un mouvement de contestation des institutions représentatives ? Cette table ronde avait pour objectifs de questionner les références intellectuelles et historiques à partir desquelles Podemos s'est construit, de tirer le bilan le plus récent des enjeux auxquels le parti s'est confronté, et... d'envisager la suite.
    • Le discours contre le néolibéralisme est aujourd'hui très fort dans le mouvement féministe espagnol - Béatrice Gimeno, Viviane Albenga p. 118-125 accès libre avec résumé
      Nous retranscrivons et traduisons ici les propos tenus par Beatriz Gimeno à la table ronde du 3 mars 2018 à Madrid, qui portait sur les nouveaux enjeux féministes et les politiques d'égalité de genre en Espagne, en réponse aux interventions de Viviane Albenga, Irène Jami et Marie Montagnon sur les débats et défis des féminismes français, dans une perspective comparative avec l'Espagne. Ces échanges se sont déroulés alors que se préparait la grève féministe – du travail salarié, du care et de la consommation – qui a mobilisé en Espagne, le 8 mars 2018, près de six millions de femmes autour du slogan « Sin nosotras se para el mundo » (« Sans nous, le monde s'arrête »).
    • Peut-on parler d'un mouvement postcolonial en Espagne ? : « Jour de la Race » et lutte indigène contre les banques - Quentin Ravelli p. 126-140 accès libre avec résumé
      Fortement présent.e.s au sein de la population immigrée en Espagne, les migrant.e.s latino-américain.e.s, et notamment équatorien.ne.s figurent parmi les premières victimes des prêts immobiliers à risque et, partant, des expulsions massives qui ont résulté de la crise débutée en 2008. Cible identifiée pour sa fragilité, puis soumise à un harcèlement spécifique par les banques espagnoles, ils et elles jouent un rôle décisif au sein des structures de défense des victimes des hypothèques comme la PAH (Plataforma de Afectados por la Hipoteca (PAH), ou « Plateforme des victimes du crédit hypothécaire »). Leurs parcours témoignent de formes de réactivation du passé colonial de l'Espagne en Amérique latine, imprimant à leur lutte une dimension postcoloniale, dont cet article propose une approche sociologique.
    • Crise, mobilisations et alternatives économiques - José Manuel López, Eduardo Gutiérrez, Quentin Ravelli, Adriana Munoz, Jean-Paul Gaudillière p. 141-148 accès libre avec résumé
      Quelle stratégie économique peut fonder une alternative politique potentiellement majoritaire dans un contexte marqué par la transformation néolibérale du capitalisme et le poids des politiques d'austérité et de remise en cause de l'État social portées par l'Union européenne ? Les mobilisations et expériences « locales » qui ont émergé depuis 2008 ont débouché sur la création de Podemos, mais sont aussi à l'origine d'une importante discussion, en son sein, sur la crise du modèle social-démocrate assis sur la croissance, la place du travail dans l'organisation des politiques sociales, le développement de l'économie sociale ou la transition écologique.
    • À gauche, la crise catalane a refermé le cycle de l'« indignation » - Ludovic Lamant p. 149-159 accès libre avec résumé
      Depuis l'automne 2017, un « piège catalan » semble s'être refermé sur Podemos : impasse parlementaire après les dernières élections nationales, polarisation du débat politique sur la question de l'indépendance et de la mise sous tutelle de la région autonome, tensions internes au parti et au sein des municipalités du changement... Tout semble se conjuguer pour faire de cette crise un tournant. Ludovic Lamant revient ici sur son impact pour les gauches et sur les racines d'une revendication indépendantiste nourrie par la crise économique et politique de l'État espagnol.
  • Itinéraire

    • L'Île-Saint-Denis : une expérience d'écologie populaire ? - Michel Bourgain p. 161-177 accès libre avec résumé
      Du PSU aux Verts en passant par divers groupes d'extrême gauche et l'engagement associatif, la trajectoire militante de Michel Bourgain est celle de toute une partie de la gauche française en quête d'une alternative à la social-démocratie et au communisme. Présenté lors du séminaire organisé par Mouvements avec des membres de Podemos, ce texte est un « itinéraire » d'un genre un peu différent de ceux que nous publions d'ordinaire puisqu'il est à la fois celui de son auteur, de L'Île-Saint-Denis et de trente ans de « municipalisme ».