Contenu du sommaire : Aspects des transmissions familiales entre générations
Revue | Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) |
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Numéro | no 156, avril 2018 |
Titre du numéro | Aspects des transmissions familiales entre générations |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Aspects des transmissions familiales entre générations - Michel Forsé, Maxime Parodi p. 5-9
- La transmission des pratiques et croyances religieuses d'une génération à l'autre - Pierre Bréchon p. 11-27 Dans quelle mesure la religion se transmet-elle d'une génération à l'autre ? Quelle est la part d'évolution, de changement entre les parents et les enfants dans leurs attitudes religieuses ? Pour le montrer, cet article considère d'abord la carte de la religion majoritaire en Europe, qui donne à voir les ruptures du christianisme au cours du dernier millénaire. Les appartenances religieuses se sont donc apparemment très bien maintenues entre pays orthodoxes, protestants et catholiques. L'analyse des données des enquêtes European Values Studies (EVS) d'abord, International Social Survey programme (ISSP) ensuite, montre qu'un processus de sécularisation très important est en cours et que la religion ne se transmet plus aussi bien qu'autrefois ; c'est aujourd'hui l'irréligion qui se transmet le plus facilement, en tout cas dans les pays les plus sécularisés.
- La politique dans la chaîne des générations : Quelle place et quelle transmission ? - Anne Muxel p. 29-41 Cet article présente un certain nombre de résultats issus de travaux menés sur la transmission des attitudes et des comportements politiques au sein de la famille, entre parents et enfants. Il fournit une grille de lecture des mécanismes de l'héritage intergénérationnel et présente un cadre d'interprétation des phénomènes de « politisation intime », dans le cadre de la sphère privée, participant à la construction des identités politiques. Il montre les transactions qui opèrent entre le système des normes et le système des affects des individus. Si le pluralisme et le respect de la différence sont acceptés, le désir d'homogamie et de ressemblance s'impose aussi comme une nouvelle norme affective.
- La primo-socialisation culturelle durant la première année de la vie à travers l'enquête ELFE - Sylvie Octobre, Nathalie Berthomier, Florent Facq p. 43-76 La sociologie des pratiques culturelles en France se penche de plus en plus sur les modalités sociales d'incorporation des dispositions culturelles aux âges précoces ; mais jusqu'à récemment, les enquêtes quantitatives portant sur les tout-petits à l'échelon national faisaient défaut. S'appuyant sur les données de l'enquête longitudinale ELFE (premier panel d'enfants en France), cet article propose une analyse des climats familiaux de primo-socialisation culturelle des enfants durant leur première année de vie à travers une double approche : celle du parc à jouets et celle des interactions éducatives des parents (mère et père) avec leur enfant. Cet article met ainsi en évidence l'imbrication des conceptions de l'enfance, de la bonne parentalité ainsi que de la bonne volonté culturelle socialement situées dès la prime enfance, et comment ces imbrications façonnent des climats familiaux très différenciés.
- Transmettre des valeurs entre générations : tel père tel fils ? - Luc Arrondel, Cyril Grange p. 77-95 Ce texte propose un historique des différentes études concernant le degré de mobilité intergénérationnelle des patrimoines. L'ensemble des mesures établies par les différents auteurs permet de juger de l'importance de la transmission des inégalités de richesse selon les sociétés. Outre les transferts intergénérationnels matériels (héritage et donations), certaines études prennent en compte la transmission d'autres caractéristiques : éducation, revenus, préférences, gènes, ..., pour expliquer le degré de mobilité.La plupart des études économétriques sur la mobilité intergénérationnelle des patrimoines met en évidence un effet non négligeable de la fortune des parents pour expliquer celle de leur progéniture. L'ampleur de cette immobilité dépend des pays, des époques, des données utilisées, mais aussi des niveaux de richesse eux-mêmes. L'élasticité intergénérationnelle du patrimoine est sans doute plus élevée chez les riches (autour de 0,70) que dans le reste de la population où elle dépasse rarement 0,50 : autrement dit, avoir des parents deux fois plus dotés que la moyenne de leur génération permet au maximum d'être plus fortuné de 50 % par rapport à la sienne.
- Pourquoi les inégalités de patrimoine sont-elles mieux tolérées que d'autres ? - Michel Forsé, Alexandra Frénod, Caroline Guibet Lafaye p. 97-122 Les sondages, et notamment celui qui est étudié dans cet article, se succèdent pour montrer que les Français sont plus tolérants à l'égard des inégalités de patrimoine que vis-à-vis d'autres types d'inégalités, même lorsqu'elles sont aussi à caractère économique. Une enquête par entretiens semi-directifs auprès de trois générations de 35 lignées familiales (n = 105) a permis de mettre à jour trois logiques propres venant structurer les opinions sur la transmission patrimoniale : celle du libre agent, celle de l'égalité citoyenne et celle que l'on peut qualifier de familialiste. Quelle que soit cette logique, beaucoup d'interviewés soulignent aussi l'importance de la transmission culturelle et/ou affective. Il faut d'ailleurs noter que les membres d'une même lignée ont tendance à partager des opinions assez proches. Pour les niveaux plutôt faibles de patrimoine auxquels ils songent spontanément, ils manifestent une très forte aversion face à l'idée de taxer l'héritage, surtout s'il s'agit de la maison familiale. Pour des niveaux beaucoup plus élevés, une taxation importante n'est cette fois guère contestée.
- L'impôt sur l'héritage : Débats philosophico-économiques et leçons de l'histoire - André Masson p. 123-174 L'économiste peine à appréhender un phénomène aussi complexe que l'héritage ou la transmission de patrimoine, par essence pluridisciplinaire. Il est ainsi perplexe face au déclin spécifique des droits de succession, devenus aujourd'hui fort impopulaires, mais aussi face au désintérêt actuel pour la question même de l'héritage, autrefois l'objet de débats passionnés entre penseurs ou réformateurs sociaux les plus illustres. Ce déclin et ce désintérêt apparaissent d'autant plus surprenants au regard du processus de patrimonialisation massif et inquiétant qu'ont connu nos sociétés depuis 1980, néfaste à la fois pour la croissance économique, l'égalité des chances et le bon équilibre des rapports entre générations.Pour expliquer un tel paradoxe, j'ai dégagé du maquis des arguments avancés en faveur ou contre les droits de succession trois philosophies polaires de l'héritage, en montrant que seules des coalitions entre ces dernières s'étaient révélées historiquement efficaces pour inspirer durablement politiques et attitudes à l'égard de l'héritage et de sa taxation. La coalition dominante depuis 1980, entre riches néo-libéraux et familialistes, explique le rejet actuel de l'impôt sur l'héritage. J'envisage les moyens et les modalités de réforme des droits de succession qui permettraient de la détrôner au profit d'une coalition plus large et plus équilibrée, tout en remédiant aux effets néfastes de la situation patrimoniale présente.