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Revue Revue historique Mir@bel
Numéro no 686, 2018/2
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • L'indice de la franchise : politique économique, concurrence des ports francs et condition des Juifs en Méditerranée à l'époque moderne - Guillaume Calafat p. 275-320 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article comparatif s'intéresse aux conditions socio-juridiques et institutionnelles d'accueil et de résidence des Juifs dans plusieurs villes portuaires de Méditerranée à l'époque moderne. Centré tout d'abord sur le port toscan de Livourne, il analyse la nature et le contenu des privilèges octroyés à la fin du xvie siècle aux marchands juifs et aux anciens crypto-juifs. Leur négociation permet de revenir sur les justifications politico-économiques, fondées sur la raison d'État et l'affirmation de la souveraineté du Prince, qui légitiment l'accueil des Sépharades dans le port toscan. Les édits livournais des années 1590 sont ensuite rapportés plus largement au « mercantilisme philosémite » du xvie siècle, et à la compétition des places portuaires méditerranéennes, de Nice/Villefranche à Ancône et de Venise à Livourne. On souligne ici la précarité des règlements en faveur des Juifs, mais aussi le lien opéré entre la croissance du négoce et l'invitation des Juifs à venir s'installer dans les places portuaires. Le caractère tâtonnant des politiques en la matière devient toutefois un bon indicateur de l'instabilité des environnements institutionnels dédiés aux marchands. Une troisième partie est enfin consacrée à la compétition des « ports francs », à travers la mise en regard des conditions d'accueil fluctuantes des Juifs à Nice/Villefranche, Gênes et Marseille au xviie siècle. Cette comparaison permet de montrer que la présence juive, soumise à de nombreux revirements politiques, est moins un ingrédient nécessaire du port franc qu'un révélateur efficace de son environnement institutionnel, plus ou moins favorable et ouvert aux commerçants étrangers.
    This comparative study investigates the socio-legal and institutional conditions of the settlement and residence of Jews in several Mediterranean port cities during the Early modern period. Focusing first on the Tuscan port of Livorno, it analyses the nature and content of the privileges granted at the end of the 16th century to Jewish merchants and former crypto-Jews at the end of the 16th century. Throughout the history of their negotiation, it retraces the political and economic justifications, based on the reason of State and the assertion of the Prince's sovereignty, which legitimize the acceptance of Sephardim in Livorno. Second, the Tuscan edicts of the 1590s are related to the “philosemitic mercantilism” of the 16th century, and to the competition of the Mediterranean port cities, from Nice/Villefranche to Ancona and from Venice to Livorno. The uncertainty of the rules favouring Jews is highlighted here, as well as the presupposed link between the economic growth and the invitation of Jews to settle and trade in port cities. However, indecisive policies in this regard become a good indicator of the unstable institutional environment of these places. Finally, a third part is devoted to the competition of “free ports”, by comparing the fluctuating conditions of settlement of Jews in Nice/Villefranche, Genoa and Marseille in the 17th century. This comparison shows that the Jewish presence, subject to numerous political changes, is less a vital ingredient of the “free port” than an effective revealer of its institutional environment, more or less favourable and open to foreign traders.
  • Les courtiers bordelais, intermédiaires de commerce du vin aux xviie-xviiie siècles - Stéphanie Lachaud-Martin p. 321-346 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le système du courtage des vins en France aux xviie et xviiie siècles reste soumis à des édits royaux mais aussi à des particularités régionales, liées à leur origine urbaine ancienne. Ainsi, si le courtage officiel disparaît en Champagne et en Bourgogne dans la seconde moitié du xviiie siècle, au profit des commissionnaires, il n'en est pas de même en Bordelais. Plus encore, les courtiers y ont occupé une véritable place dans la définition des hiérarchies et des qualités des vins, grâce à une recomposition complexe du corps des courtiers qui a été partagé entre les courtiers royaux et les courtiers brevetés mais qui s'est maintenu à une place importante, malgré l'activité de commissionnaires officieux, appelés courtiers volants. Il faut ici y voir un faisceau d'explications, en lien avec la professionnalisation du corps des courtiers en vin bordelais, mais aussi en rapport avec la mutation quantitative et qualitative du marché des vins. En effet, la bonne connaissance par les courtiers du vignoble et des vins, mais aussi leur rôle de défense des producteurs et de la qualité des productions de l'arrière-pays viticole constitue un déterminant essentiel du maintien du courtage en Bordelais, au-delà des mises en cause de la seconde moitié du xviiie siècle.
    The French system of wines brokerage in the 17th and 18th centuries is regulated by royal edicts but also by regional characteristics, in link to their old urban origin. So, if the official brokerage disappears in Champagne and in Burgundy in the second half of the 18th century, for the benefit of the commission agents, it's not the same in Bordelais. Moreover, the brokers occupied a real role in the definition of the hierarchies and the qualities of wines, thanks to a complex reorganization of the brokers' corporation. This corporation was divided between royal brokers and patented brokers, but it remained important, in spite of the activity of unofficial agents, called flying brokers. It is necessary to consider several explanations, in link with the professionalization of the wine brokers' corporation of Bordeaux, but also with the quantitative and qualitative transformation of the wines' market. Indeed, brokers had an excellent knowledge of the vineyard and wines. Furthermore, their role to defend the producers and the quality of the wine-producing hinterland establishes an essential determiner of the preservation of the brokerage in Bordelais, beyond the questionings of the second half of the 18th century.
  • Gouverner et s'enrichir outre-mer. Entrepreneurs publics et privés dans la culture du pastel (Europe-Amérique, début du xvie siècle) - Jean-Philippe Priotti p. 347-376 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La culture du pastel toulousain en Nouvelle Espagne dans les années 1530, tandis que la conquête n'est pas encore terminée et que les échanges entre les deux rives de l'océan en sont à leur balbutiement, retient l'attention. À travers ses différentes modalités, sont étudiés les mécanismes de transfert d'une culture européenne en Amérique, et la façon dont l'empereur Charles Quint et un groupe de capitalistes l'utilisaient pour dominer un nouvel espace-temps, ainsi que pour étendre leur autorité outre-mer. L'analyse d'un contrat (asiento) permet d'observer les soubassements humains de cette alliance public-privé au Nouveau Monde et la réaction des populations indigènes face à l'implantation de cette nouvelle culture. Au-delà, ce travail dévoile les processus globaux de coopération et de concurrence à l'œuvre dans l'échec de l'entreprise.
    Woad cultivation (with seeds from Toulouse) in New Spain during the 1530's is the central theme presented in this paper, at a time when the Spanish conquest was not yet finished and exchanges between Europe and America were at the very start. Through its different modalities, we study the transfer mechanism of a European crop in America, and the way the emperor Charles V and a group of capitalists were using it to dominate a new time-space continuum, as for extending their authority overseas. The analysis of a contract (asiento) allows to observe human components of this public-private partnership in the New World and the reaction of native peoples facing the introduction of a new crop. In the end, this work examines how global cooperation and competition forces generate the breakdown of the enterprise.
  • Le contrôle des circulations maritimes et des produits exportés dans l'espace baltique à l'époque moderne : l'exemple de Riga au xviiie siècle - Pierrick Pourchasse p. 377-398 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    À l'époque moderne, le Nord se spécialise dans la fourniture de matières premières vers l'Europe occidentale et développe son réseau portuaire. Sur la côte sud de la mer Baltique, les contraintes géographiques favorisent quelques ensembles portuaires situés aux débouchés des grands fleuves qui collectent les matières premières de leur arrière-pays pour l'exportation. Dans la plupart d'entre eux (Dantzig, Königsberg, Riga, Memel), les pouvoirs municipaux conservent leurs privilèges, datant du Moyen Âge, pour organiser leur commerce en établissant des règlements très stricts pour favoriser les bourgeois de la ville mais aussi pour faciliter la circulation des marchandises et garantir la qualité de ses produits sur les marchés de l'Europe occidentale. La ville de Riga, fondée en 1192, bénéficie d'une situation géographique exceptionnelle qui lui permet de collecter les marchandises d'un immense arrière-pays et de mettre en relation une grande partie de l'Europe de l'Est avec la Baltique. C'est aussi un centre nodal qui redistribue produits et matières premières du Nord vers l'ensemble du marché européen grâce à une communauté marchande bien structurée. Le port livonien bénéficie de tous les atouts nécessaires à un grand développement : une localisation idéale à l'embouchure de la Dvina (Daugava), fleuve d'environ 1000 km de longueur, un arrière-pays qui s'étend de la Livonie à l'Ukraine et un contexte institutionnel qui favorise les échanges internationaux. Le système de la ville-étape, tel qu'il fonctionne à Riga, est un moyen pour faire fonctionner ces outils stratégiques que sont les ports, leviers indispensables au développement économique et social mais aussi au rayonnement politique d'une région ou d'un pays.
    In early modern times, the countries of northern Europe specialized in supplying raw materials to Western Europe and developed an efficient port network. On the south coast of the Baltic Sea, the geographical constraints favored some port complexes located at the mouths of the big rivers which collected the raw materials of their hinterland for the exportation. In most of them (Danzig, Königsberg, Riga, Memel), the municipal authorities retained their privileges, dating from the Middle Ages, to organize their trade by establishing very strict regulations to favor the bourgeois of the city but also to facilitate the traffic of goods and to guarantee the quality of the products in the European markets. The city of Riga, founded in 1192, enjoyed an exceptional geographical location that allowed it to collect goods from an immense hinterland and connected a large part of Eastern Europe with the Baltic Sea and Western Europe. It was also a hub that redistributed products and raw materials from the North to the entire European market through a well-structured trading community. The Livonian port had all the necessary assets for a great development: an ideal location at the mouth of the Dvina (Daugava), a river of about 1000 km in length, a hinterland that extended from Livonia to Ukraine and an institutional context that favored international trade. The organization of the port of Riga was a means to operate the strategic tools that these ports were indispensable levers for economic and social development but also for the political influence of a region or a country.
  • Les Verts, une gauche alternative ? (1984 - fin des années 1980) - Sébastien Repaire p. 399-420 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Héritiers de la mouvance écologiste des années 1970, les Verts, fondés en 1984, refusent originellement de prendre position sur l'axe gauche-droite. Celui-ci est en effet perçu comme suranné, en dépit même de l'origine politique d'un nombre important de responsables écologistes, passés par des organisations de gauche, en particulier par le PSU, dans la décennie précédente. Or, malgré la volonté affichée de dépasser le clivage gauche-droite, et peut-être en raison justement des itinéraires politiques de nombre d'entre eux, les Verts tentent d'instaurer, dans leurs premières années d'existence, un dialogue avec les gauches alternatives. Plus encore, ils se rêvent en parti pivot d'un camp alternatif en gestation, sans pour autant renoncer à leur identité politique, ni à l'idée que l'écologie constituerait un nouveau paradigme politique, par-delà le socialisme et le libéralisme. Dès lors, une relation ambiguë s'établit entre les écologistes et les gauches alternatives : si chaque acteur a pleinement conscience des bénéfices, notamment électoraux, qu'il pourrait retirer d'une telle alliance, les méfiances réciproques, et notamment la peur des écologistes d'être victimes d'un noyautage par l'extrême gauche, rendent la convergence difficile. Après 1986 et l'arrivée à la tête des Verts d'une majorité « environnementaliste », le rapprochement avec les gauches alternatives n'est d'ailleurs plus le projet du parti, mais simplement celui des militants les plus à gauche qui continuent de croire en une grande convergence « rouge-verte ». Face à la candidature de Pierre Juquin en 1988, ceux-ci ont d'ailleurs parfois du mal à se déterminer entre Juquin et le candidat des Verts, Antoine Waechter. À la fin de la décennie, si la convergence apparaît comme un échec, elle a néanmoins permis pour les Verts la captation d'un second héritage, venu de l'extrême gauche, par le biais d'ex-militants notamment trotskistes et maoïstes qui décident de poursuivre leur engagement dans l'écologie politique. Ils compteront pour certains d'entre eux parmi les principaux partisans d'une alliance avec le Parti socialiste dans la décennie suivante.
    Heirs of the environmental movement of the 1970s, the French Greens, founded in 1984, originally refused to position themselves on the left-right axis. They viewed this axis as obsolete, despite the political background of a large number of environmental leaders, who were members of leftist organizations, especially the PSU, in the previous decade. Nevertheless, in spite of their stated intention to bridge the left-right divide, and perhaps precisely because of the political trajectory of many of them, the French Greens tried to establish, in their first years of existence, a dialogue with the alternative Left. Moreover, they imagined themselves as leading a burgeoning alternative camp, without relinquishing their political identity, or the idea that environmentalism was a new political paradigm, beyond socialism and liberalism. From that point onward, an ambiguous relationship was established between the ecologists and the alternative Left: while such an alliance could have brought benefits to each side, especially in elections, mutual distrust, such as the environmentalists' fear of infiltration by the far Left, made convergence difficult. After 1986 and the emergence within the Greens' leadership of a “green-green” majority, the rapprochement with the alternative Left was no longer the objective of the party as a whole, but only that of Green activists furthest to the Left, who continued to believe in a great “red-green” convergence. Faced with the candidacy of the ex-communist Pierre Juquin in 1988, these activists sometimes found it difficult to state their position between Juquin and the Green candidate, Antoine Waechter. By the end of the decade, convergence appeared to be a failure. It nevertheless allowed the French Greens to claim a second political heritage, through former far Left activists, including Trotskyites and Maoists, who continued their engagement into environmentalism. Some of them were among the main proponents of an alliance with the Socialist Party in the following decade.
  • Marx et Allah. Les gauches alternatives françaises face à l'islam, de Mai 1968 au 11 septembre 2001 - Ismail Ferhat p. 421-442 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La question de l'islam suscite des passions particulièrement fortes dans le monde politique français, et ce depuis plusieurs décennies. Au sein des gauches alternatives (c'est-à-dire les forces de gauche se situant en dehors des organisations et courants traditionnels des gauches françaises), ce sujet a entraîné de nombreuses dis­­cussions, oppositions et évolutions. Cet article, mené à partir d'un travail de dépouillement d'archives, de littérature grise, de publications et de programmes, souhaite comprendre comment cette sensibilité, parfois présentée comme plus favorable à cette religion que le reste du monde politique français, a pensé son rapport avec l'islam. Il étudie une période allant de 1968, moment de retour d'influence des gauches alternatives, à 2001 et les attentats sur le sol américain. Durant celle-ci, ces forces politiques ont progressivement remplacé la figure du « travailleur immigré » par celle de « musulman ». Or, cette mutation était fondamentale : elle posait la question, difficile, d'un passage d'une catégorie socio-économique à un groupe religieux, peu pensé par des approches largement inspirées du mouvement ouvrier et du marxisme. Cette évolution a été différente selon les sensibilités des gauches alternatives. Celles-ci ont généré un vaste spectre de réponses, allant d'une hostilité déclarée au religieux à une volonté de se rapprocher de l'islam, y compris politique. Ces réponses ont été largement influencées par le contexte international, entraînant des difficultés récurrentes à circonscrire le sujet au seul cadre français.
    Islam has fuelled for several decades fierce debates within French contemporary politics. The specificities of the latter (militant secularism or “laïcité”, republican culture, “color-blind” approach on ethno-cultural issues) could partially explain this level of intensity. Within the French political spectrum, alternative left-wing forces (defined here as being the movements acting outside mainstream left-leaning and left-wing organizations) have been considered as being less hostile towards Islam. This article, based on archives, publications, platforms and reviews of this political sensibility, and using an interdisciplinary approach (history, political science) aims at studying how this fringe of French politics has interacted with this religion (defined here as the muslim population living in France). The study begins in 1968, a period which has experienced a surge of activities and visibility of the French alternative Left, and ends with the terrorist attacks of September 2001 on the American soil. It focused on the multiple and changing responses proposed by those specific sectors of the French political left on the issue of Islam. The variety of its sub-political cultures and the number of organizations involved have favoured an apparently important diversity of reactions, debates, theories and militant practices. On the same time, they have progressively replaced the figure of “migrant worker” by the denomination of “muslim”, a change at odds with the traditional marxist priority given to social classes and socio-economic mechanisms. Nevertheless, these diversity and evolution could not hide that most of the French alternative left forces have been remarkably constant about Islam since the seventies. Both international crises (Islamic revolution in Iran, Soviet invasion of Afghanistan, civil war in Algeria) and domestic events (strikes of the eighties, “hijab affairs” in public schools) seem to have contributed to the sedimentation of these positions rather than creating them.
  • Comptes rendus - p. 443-518 accès libre
  • Livres reçus au bureau de la rédaction - p. 519-522 accès libre
  • Ouvrages analysés dans les comptes rendus de la présente livraison - p. 523-524 accès libre