Contenu du sommaire : Radicalisations, science et politique

Revue Politique africaine Mir@bel
Numéro no 149, 2018/1
Titre du numéro Radicalisations, science et politique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Le dossier - Radicalisations, science et politique

    • La « radicalisation » aide-t-elle à mieux penser ? - Roland Marchal, Zekeria Ould Ahmed Salem p. 5-20 accès libre
    • La cité cultuelle tchadienne au miroir de la lutte anti-terroriste ou les enjeux de pouvoir d'une labellisation religieuse subversive - Clémentine Racine, Mustapha Ali Mahamat p. 21-42 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se penche sur les rapports de pouvoir au sein du champ islamique tchadien, plus précisément entre le Conseil supérieur des affaires islamiques (CSAI), instance officielle en charge de la communauté musulmane, et l'association salafiste aujourd'hui dissoute Jamat Ansar Al Sunna Al Mohammadiya. La question posée est celle de l'articulation d'un discours sur la lutte antiterroriste islamiste mondiale avec d'autres formes de rationalités propres aux configurations du pouvoir religieux tchadien. La perspective internationale qui associe religiosité affirmée et extrémisme violent est réappropriée par les élites islamiques qui en font un outil étatique de stigmatisation de toute vision religieuse non conventionnelle. Le recours sur la scène tchadienne à un discours international sur le terrorisme islamiste mobilisant le double répertoire de l'islam « subversif » et « légitime » contribue à la conflictualité du champ musulman, tout en traçant et en déplaçant la frontière entre pouvoir politique et religion.
      This article analyzes power relations within the Chadian Islamic field, specifically between the Higher Council for Islamic Affairs (CSAI), the official body in charge of the Muslim community, and the – recently banned – Salafist association Jamat Ansar Al Sunna Al Mohammadiya. The article focuses on the articulation between narratives of the international struggle against Islamist terrorism and other forms of rationality pertaining to the particluar configuration religious power in Chad. The international perspective which tends to conflate affirmed religiosity with violent extremism is re-appropriated by Chadian Islamic elites who use it as a state tool of stigmatization of any unconventional religious vision. In other words, the mobilization on the Chadian politico-religious scene of an international discourse on Islamic terrorism which rests on a strong division between a “subversive” and “legitimate” Islam reinforces conflict dynamics within the Muslim field, while tracing and shifting the dividing line between political power and religion.
    • Les trajectoires du salafisme politique au Sahel. Le cas du Niger - Rahmane Idrissa p. 43-65 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au-delà de la violence du terrorisme et du djihadisme qui caractérisent certaines parties du Sahel, la région tout entière est confrontée à ce que nous désignons ici comme « la question de l'islam », c'est-à-dire les rapports tendus entre un État basé sur des principes démocratiques et séculiers, et une société où l'hégémonie culturelle de l'islam s'est affirmée, en particulier depuis les années 1990. Cette tension, soutient l'article, a servi de terreau propice à l'émergence d'une idéologie politique particulière, le salafisme politique. L'article illustre cette évolution en se servant du cas du Niger, pays central du Sahel qui paraît relativement épargné par la violence qui frappe ses voisins, mais dans lequel le salafisme politique a marqué des points contre son ennemi idéologique, le sécularisme. L'article montre également que les succès salafistes sont tempérés par les conditions – historiques, sociologiques, économiques – propres à ce contexte sahélien.
      Beyond the violence of terrorism and jihadism which now characterises certain parts of the Sahel, the region as a whole faces what this paper calls “the question of Islam”, i.e. the tense relationships between a state based on democratic and secular principles and a society in which the cultural hegemony of Islam has grown, especially since the 1990s. This tension, the author argues, has fostered the emergence of a specific political ideology, political salafism. To illustrate these developments, the paper uses the case of Niger, a country at the heart of the Sahel that seems to be spared by the violence that strikes its neighbours, but where political salafism has made some inroads at the expense of its ideological enemy, secularism. The paper also shows that the salafists' successes have been tempered by historical, sociological, and economic conditions specific to this Sahelian context.
    • Tous les « terroristes » sont de Majengo, à Nairobi : spatialités contestées du « terrorisme » dans les discours anti-radicalisation au Kenya - Halkano Abdi Wario, Hélène Baillot, Raphaël Botiveau p. 67-88 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au Kenya, certains quartiers de Nairobi et de Mombasa sont considérés comme des espaces de radicalisation, de recrutement, de menaces terroristes. La construction délibérée de ces zones en territoires d'insécurité urbaine est un phénomène pour lequel organisations non gouvernementales, agences de donateurs et appareils de sécurité publics et privés jouent un rôle essentiel, par le biais de stratégies antiterroristes communément appelées Countering Violent Extremism (Combattre l'extrémisme violent, CVE). Prenant Majengo, un quartier pauvre de Nairobi, comme cas d'étude, cet article interroge la manière dont l'histoire de cette périphérie et sa représentation actuelle comme point chaud du « terrorisme » sont ancrées dans la planification urbaine ségréguée datant de la colonisation, les déplacements indigènes et le développement de Majengo en un lieu de prostitution, de violence de gangs urbains et d'indigence bien avant que (la guerre contre) le terrorisme n'arrive au Kenya dans les années 1990. Cet article explore la manière dont médias et acteurs institutionnels ont créé et soutenu ce récit du terrorisme. Il interroge enfin les voies par le biais desquelles les populations dites suspectes de ces quartiers tentent de renégocier et d'imaginer leurs espaces de vie quotidiens face à l'industrie des CVE qui fait de leur foyer et de leur quartier des pépinières du terrorisme.
      In Kenya, certain urban estates in Nairobi and Mombasa have been cast as spaces of radicalisation, recruitment into terrorist networks, and threats or attacks by terrorist groups. The deliberate construction of these estates as territories of urban insecurities is a phenomenon in which local and international Non-Governmental Organisations, donor agencies, and private and public security apparatuses play an essential role through their softer counter-terrorism strategies popularly called Countering Violent Extremism (CVE). Taking Nairobi's Majengo as an example, this article interrogates how the history of this suburb and its current representation as a hotspot of “terror” is entrenched in segregative colonial urban planning, indigenous displacement and its eventual rise as den of prostitution, urban gang violence and destitution long before (war on) terrorism came to Kenya in the 1990s. It explores how the media and institutional actors have created and sustained the narrative of terror. It finally interrogates how the so-called suspect populations residing in these estates renegotiate and imagine their everyday spaces and lives with regards to the CVE industry and the ways it construct their homes and neighbourhoods as hotbeds of terror.
    • Une lecture de la radicalisation djihadiste en Somalie - Roland Marchal p. 89-111 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le Mouvement des jeunes combattants est actif depuis 15 ans en Somalie et, malgré des coups importants, reste capable de frapper les autorités somaliennes et la Force de l'Union africaine censée les protéger. Cette résilience oblige de s'interroger à différents niveaux sur la permanence de structures de radicalisation en revenant à une analyse du champ politique, des opportunités organisationnelles et des conditions d'engagement. Ce retour à l'histoire et à la théorie des mouvements sociaux souligne l'importance des transformations dans la guerre civile, avant la création du mouvement djihadiste, la radicalisation des politiques occidentales et régionales après le 11 septembre et la complexité de relations entre le salafisme politique et le djihadisme depuis une décennie.
      The Young Combatants' Movement has been active in Somalia for the last 15 years and, despite major blows, it remains capable of hitting the Somali authorities and the African Union Force supposed to protect them. This resilience forces us to question at different levels the permanence of radicalisation structures by drawing an analysis of the political arena throughout the civil war, organisational opportunities after 9/11 and processes of belonging. This need to mobilise history and the theory of social movements underlines the importance of transformations in the civil war, before the creation of the jihadist movement, the radicalisation of Western and regional policies after 11 September, and the complexity of the relations between political Salafism and jihadism over the last decade.
  • Recherches

    • Musiciens rebelles ou musiciens pour la paix ? Orchestrer le Mali à travers les performances musicales du conflit - Marta Amico p. 113-134 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cet article, deux projets musicaux organisés pendant le début de l'intervention militaire française au Mali permettent de questionner la politisation des scènes musicales maliennes qui a accompagné l'éclatement du conflit armé en 2012. D'abord, il s'agit de considérer le rôle des interactions musicales dans la fabrication d'idéaux, souvent contrastés, de la paix et de la réconciliation nationale. Ensuite, les projets permettent de mieux comprendre les zones d'ombre des représentations de la paix, et notamment la place ambigüe qu'occupent les musiciens touaregs, considérés tantôt comme porte-voix des « rebelles », tantôt comme des garants du vivre ensemble national. Enfin, l'articulation de représentations ethniques, nationales et globales permet d'observer la construction de marqueurs identitaires contradictoires qui traversent la nation malienne sous l'empreinte du conflit.
      In this article, two musical projects organised at the beginning of the French military intervention in Mali lead me to question the politicisation of Malian musical stages that went along the start of the armed conflict in 2012. These projects allow me to consider firstly the role of musical interactions in the making of often contrasted ideals of peace and national reconciliation. Secondly, I study the backstage of the representations of peace, and the ambiguous place occupied by Tuareg musicians, considered as spokespersons of the « rebels » but also as guarantors of national cohesion. Finally, I draw on the articulation of ethnic, national and global representations to advance some considerations on the construction of contradictory identity markers that characterise the Malian nation in the midst of conflict
    • « N'oubliez jamais que vous parlez à un avocat ». État, justice et économie de l'intermédiation judiciaire à Cotonou - Sophie Andreetta p. 135-157 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La question des professionnels du droit sur le continent africain, et plus particulièrement des avocats, est rarement abordée par les chercheurs en sciences sociales. S'inspirant de l'ethnographie des administrations publiques en Afrique, de la sociologie des professions et de la socio-anthropologie du droit anglo-saxonne, cet article propose d'aborder le parcours professionnel et les pratiques des avocats de Cotonou. Sur la base d'entretiens biographiques et d'observations, il analyse la manière dont le barreau s'est construit, l'influence des réformes de la justice et des politiques d'accès à la profession sur le statut social des avocats et leurs relations avec leurs clients au quotidien. Ces éléments permettront de réfléchir au rôle des professions libérales dans le fonctionnement des services publics en Afrique, aux logiques qui sous-tendent leurs relations avec les usagers et à leurs conséquences sur la manière dont la justice est non seulement perçue, mais aussi « produite » au quotidien.
      Based on biographical interviews and observations, this paper looks at barristers' professional paths and everyday practices in Cotonou. It draws on the ethnography of African public services, the sociology of professions and the anthropology of law literature in order to analyse the social and political construction of the Beninese bar association, as well as the effects of public service reforms on barristers' relationships to the judiciary and on their interactions with clients. It eventually explores the role of the service professions in the functioning of public services, the manner in which they are perceived by litigants and the consequences of these on how justice is both perceived and “produced” on a daily basis.
  • Lectures