Contenu du sommaire : Le système international face aux guerres civiles au XXe siècle - I

Revue Relations internationales Mir@bel
Numéro no 175, juillet-août 2018
Titre du numéro Le système international face aux guerres civiles au XXe siècle - I
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction - Michel Catala, Stanislas Jeannesson p. 3-8 accès libre
  • Versailles à l'ombre de la guerre civile - Irène Herrmann p. 9-20 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le traité de Versailles était clairement conçu comme une base sur laquelle fonder un ordre international désormais pacifique. Toutefois, il a également été transformé en outil punitif, envisageant l'Allemagne et ses alliés comme des vaincus, bien sûr, mais surtout comme des responsables, voire des coupables. Cette contradiction troublante a suscité de nombreuses explications. En dépit de leur intérêt, aucune d'entre elles n'est totalement satisfaisante. Ce constat pousse à suivre la suggestion formulée par Jean-Clément Martin, et à explorer cette antinomie apparente à travers le prisme de la guerre civile. Cette perspective permet non seulement de réduire la dualité étrange de cette paix mais pousse aussi à s'interroger sur le processus d' « internalisation » des guerres étrangères.
    The Treaty of Versailles was meant to serve as a basis for the new and henceforth pacific international order. However, it was immediately seen as a punishment for Germany and its allies that were considered not only as vanquished but also as responsible for if not guilty of the war. This striking contradiction has triggered several explanations, none of which is entirely satisfying. Thus, it seems worth to follow Jean-Clément Martin's advice and to envision this apparent antinomy through the prism of civil war. This new perspective enables to reduce the Treaty's duality and incites to question the process of “internalization” of international wars.
  • Dualité gouvernementale et reconnaissance internationale. Les délégations turques à la Conférence interalliée de Londres en 1921 - Claire Le Bras p. 21-34 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La Conférence interalliée qui se réunit à Londres du 21 février au 12 mars 1921 avait pour objectif l'étude de la question orientale et la cessation des hostilités gréco-turques en Anatolie. Par la convocation de toutes les parties intéressées, elle donna lieu à un conflit de légitimité entre les gouvernements de Constantinople et d'Ankara, en concurrence pour représenter la Turquie sur la scène internationale. Interrogeant les circonstances qui conduisirent à la présence de deux délégations turques devant la Conférence interalliée, cet article examine les enjeux et les manifestations de cette rivalité pour la reconnaissance internationale, ainsi que la prise en compte par le système international de la dualité gouvernementale en Turquie.
    The Allied Conference of London (from February 21 to March 12, 1921) aimed to discuss the Eastern Question and put an end to the ongoing hostilities between Greece and Turkey in Anatolia. By summoning all the interested parties, it led to a conflict between the Turkish governments of Constantinople and Ankara, both competing in order to represent Turkey in the international stage. This article questions the chain of events that led to the attendance of two Turkish delegations at the Conference of London. It examines how this rivalry for international recognition arose and how the international system took into account the duality of governments in Turkey.
  • Une République isolée. L'Espagne face aux interventions fascistes durant la guerre civile - Ángel Viñas p. 35-46 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article s'inspire des dernières recherches menées en Espagne sur les rapports entre la guerre d'Espagne et le système international des années trente, à propos notamment de l'intervention italienne quinze jours avant le coup d'État. Il est aussi prouvé que le Royaume-Uni a bel et bien été le mauvais génie de la non-intervention : il a vu dans l'explosion d'un vaste mouvement social en Espagne la confirmation de ses craintes concernant la possibilité d'une révolution de type soviétique sur le continent. Avec la France, il a pesé de tout son poids sur la Société des Nations pour éviter l'application d'un système de sécurité collective ancré dans le Pacte fondateur de l'organisation. Dès lors, face aux interventions nazie et fasciste tout au long de la guerre, seule l'Union Soviétique pouvait sauver la République. En oubliant les entorses à la politique de non-intervention, le système international tel qu'il a fonctionné a porté un grave préjudice à cette dernière en contribuant de manière fondamentale à la victoire de Franco.
    This article reflects some of the most recent findings in Spanish historiography regarding the linkages between the Civil War and the international system. The first finding relates to the Italian intervention in Spanish affairs prior to the outbreak of the military coup. This was done by supplying the Monarchist conspirators, two weeks before the coup. It is also now abundantly clear that the UK was the evil genius of the non-intervention policy. The British Government interpreted the social revolution which broke out immediately after the coup as the fulfilment of its own prophecies about the dangers of a para-Soviet upheaval. With France, it then set out to impede the League of Nations from applying to Spain the collective security system embedded in the Covenant. Henceforth, facing Nazi and Fascist interventions the only possibility of resistance for the Republic lay with the Soviet Union. The breaches of non-intervention policy and the workings of the international system consistently damaged the Republic and helped Franco win the war.
  • Les États-Unis dans la guerre civile chinoise - Laurent Cesari p. 47-62 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    À partir d'une analyse de l'évolution des rapports de force entre instances décisionnaires à Washington (ministères, partis politiques), cet article détaille les moyens employés successivement par les États-Unis pour empêcher l'arrivée au pouvoir des communistes en Chine sans intervention militaire directe : médiations biaisées (1944-1946), fournitures civiles et militaires jamais interrompues. Au début de la guerre de Corée (1950-1951), le cabinet Truman a accentué son appui aux nationalistes, qu'il convient de distinguer d'un soutien à Jiang Jieshi lui-même. En effet, avant 1954, les États-Unis n'ont cessé de chercher un remplaçant à Jiang à la tête du camp nationaliste. Après le traité de défense américano-taiwanais de 1954, à l'inverse, les États-Unis renoncent à modifier la composition du régime nationaliste. Ce traité marque donc le passage des ingérences américaines dans la guerre civile chinoise à une politique d'endiguement offensive contre Beijing.
    This paper draws from an analysis of the bureaucratic politics of Washington to detail the several methods used by the United States to prevent a communist seizure of power in China. The United States briefly tried to mediate between the two sides, but always leaned toward the Nationalists (1944-1946). Civil, military, and dual-use supplies to the Nationalist never ceased. During the early phases of the Korean War (1950-1951), the support of the Truman administration to the Nationalists increased very strongly. This support did not imply an endorsement of the person of Jiang jieshi, since up to 1954, the United States tried to have him replaced at the head of the Republic of China. Such meddling in internal Chinese affairs ceased only after the defense treaty between the United States and Taiwan in 1954. U.S. policy then evolved from interference in the Chinese civil war to containment of the People's Republic, with an offensive edge.
  • Nixon, Kissinger et la guerre civile au Cambodge - Antoine Coppolani p. 63-78 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis la victoire des Khmers rouges, plusieurs questions ont fait débat, concernant l'implication des États-Unis dans la guerre civile. Plus précisément, trois accusations n'ont jamais disparu. La première est que la CIA aurait joué un rôle dans le renversement de Norodom Sihanouk en 1970. La deuxième est que « l'invasion » du Cambodge par les Américains (Nixon et Kissinger préféraient parler « d'incursions ») aurait été une désastreuse illustration de la « théorie du fou » chère à Nixon. Enfin, la guerre américaine au Cambodge, et tout particulièrement les campagnes de bombardements de B-52, seraient responsables de la montée en puissance des Khmers rouges, de la chute de Phnom Penh, le 17 avril 1975, et du bain de sang qui s'ensuivit des années durant. S'appuyant sur les archives désormais disponibles et prenant en compte plusieurs décennies de recherches d'auteurs variés, cet article s'efforce de dissiper certains mythes sur le rôle des États-Unis dans la guerre civile au Cambodge.
    Ever since the Red Khmers' victory, several issues pertaining to the role assumed by the United States in the Cambodian civil war have been discussed. Three specific accusations have been lingering. First of all, it has been argued that the CIA staged the coup that overthrew Sihanouk in 1970. Second of all, the subsequent, U.S.-led, so-called “invasion” of Cambodia (Nixon and Kissinger prefered the word “incursion”) should be interpreted as a literal, albeit disastrous, illustration of Nixon's “Madman Theory.” Finally, the American war effort in Cambodia, and especially the B-52 bombings, should be blamed for the rise of the Red Khmers and the eventual fall of Phnom Penh. Relying on the newly available archives and taking into account more several decades of scholarly research, this paper aims to dispel a few myths about the American war in Cambodia.
  • L'écho des persécutions. Les minorités nationales, la Conférence de la Paix et les guerres civiles à l'Est de l'Europe (1919-1920) - Thomas Chopard p. 79-92 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article analyse deux phénomènes parallèles et en apparence contradictoires qui se déploient au sortir de la Première Guerre mondiale : la multiplication des persécutions et des discriminations contre les minorités nationales à l'est de l'Europe et la façon dont la « question des minorités » s'est imposée dans les débats publics et diplomatiques, tout particulièrement à la Conférence de la Paix de Paris qui s'ouvre en 1919. Tandis que se met en place au sein de la Société des Nations un nouvel ordre international supposément garant des droits des minorités, les alertes et les protestations des représentants des minorités persécutées sont en réalité minorées et rendues inopérantes. Loin d'opposer le droit international protecteur et la force des États nationalistes, l'article conclut à une compatibilité des deux, notamment en raison de l'attitude décisive des grandes puissances occidentales.
    This article analyses two seemingly contradictory parallel processes at work at the end of the First World War that seem in contradiction. The multiplication of persecutions and discriminations against national minorities in Eastern Europe and how the “question of minorities” prevailed in public and diplomatic debates, especially during the Paris Peace Conference of 1919. While a new international order emerged under the protection of the League of Nations that allegedly protected minorities' rights, alerts and protests were undervalued and thus inefficient. Far from opposing international protection law and the strength of nationalist States, the article concludes that they were clearly compatible after 1919, especially following the Great Powers decisive interventions.
  • Le déclenchement de l'intervention française en Côte d'Ivoire (2002). Des risques de s'affranchir des contre-pouvoirs et du système international dans la régulation d'une guerre civile - Benoît Roux p. 93-108 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    19 septembre 2002 : une rébellion politico-militaire tente de renverser le président ivoirien. La France s'interpose militairement entre les deux parties en conflit et déclenche sa plus importante opération militaire depuis la guerre d'indépendance algérienne. Alors que, dans le même temps, elle se confronte aux États-Unis sur la question du déclenchement de la guerre d'Irak, la France se lance dans une démonstration de force diplomatique. Elle préside à Paris, le 15 janvier 2003, les négociations de l'Accord de Linas-Marcoussis au risque de supplanter la médiation ouest-africaine qui œuvrait depuis quatre mois et de reléguer les acteurs internationaux au rang des utilités. Mais en imposant ses vues, les autorités françaises contribuent à aggraver la guerre civile qui ne prit fin que huit ans plus tard. Ces premiers mois d'intervention témoignent des modes de pensée et d'action des autorités françaises. Ils suffisent à cerner comment, en cherchant un avantage à court terme, elles ont œuvré à l'échec à long terme de leur démonstration d'influence.
    On 19 September 2002: a political-military rebellion attempted to overthrow the Ivorian president. France intervened militarily between the two parties to the conflict and launched its largest military operation since the Algerian War of Independence. While, at the same time, it confronts the United States on the issue of the outbreak of the Iraq War, France launches into a demonstration of diplomatic force. On 15 January 2003, France chaired the negotiations on the Linas-Marcoussis Agreement in Paris, at the risk of supplanting the West African mediation which had been working for four months and relegating international actors to the rank of utility. But by imposing its views, the French authorities contributed to the aggravation of the civil war which would not end until eight years later. These first months of intervention testify to the ways of thinking and action of the French authorities. They are sufficient to identify how, in seeking a short-term advantage, they have worked for the long-term failure of their demonstration of influence.
  • L'ONU : quel arbitre dans les guerres au Cameroun ? - Karine Ramondy p. 109-122 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La récente déclaration de la symbolique « République fédérale d'Ambazonie », le 1er octobre 2017, faite par le président Sisiku Julius Ayuk Tabe, représentant des anglophones sécessionnistes de la partie ouest du Cameroun, ainsi que la répression orchestrée par le pouvoir central, ont fait ressurgir médiatiquement un conflit socio-politique né au moment des indépendances. Cette situation territoriale compliquée résulte de facteurs polysémiques, mais elle offre l'occasion de cerner les responsabilités que l'Organisation des Nations Unies porte dans la situation actuelle. En effet, à l'heure des indépendances, les recours onusiens ont avivé les fractures internes camerounaises alors que l'ONU, en laquelle les Camerounais avaient foi, a failli à résister à la primauté des intérêts français et britanniques dans la région, favorisant l'entérinement d'une situation géopolitique qui est loin d'être apaisée.
    The latest symbolic declaration of the “Federal Republic of Ambazonia” made on October 1, 2017 by President Sisiku Julius Ayuk Tabe, representative of the English speaking secessionists from the West part of Cameroon, and the repression enforced by the central power, brought up on the media scene a socio-political conflict that dates back to the time of the African Independences. This complex territorial situation is the result of polysemous explanations but it offers the opportunity to determine the responsibility of the UN organization for the actual situation. As a matter of fact, in the age of independence, UN related petitioning has reopened old internal Cameroonian scars while the UN, in which the Cameroon population had placed its trust, has failed to resist to the primacy of French and English interests in the region, furthering the acceptance of a difficult geopolitical situation that is far from being settled.
  • La communauté internationale face à la guerre de Bosnie. D'une logique multilatérale à une logique de puissances - Maya Kandel p. 123-136 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les années 1990 apparaissent au premier abord comme un âge d'or de l'ONU, qui multiplie les opérations de maintien de la paix et les tentatives de règlement des conflits et des guerres civiles à un rythme sans précédent. À cet égard, le conflit bosniaque apparaît comme un cas d'école. Mais l'étude de l'implication internationale en Bosnie, et des étapes qui ont mené à la fin de la guerre et aux accords de Dayton, démontre que, dès 1994, la paralysie et l'humiliation de la communauté internationale ont conduit à l'abandon d'une pure logique multilatérale au profit d'une logique de puissances. Cette évolution s'est faite sous le leadership des États-Unis, qui y ont vu la seule manière de sortir du blocage résultant des divisions transatlantiques et intra-européennes sur le règlement du conflit.
    The 1990s can appear at first as the golden age of the United Nations, in terms of UN peacekeeping missions and tentative peace settlements. UN intervention in the Bosnian conflict is a case in point. However, the study of the intervention of the international community in Bosnia, and of the steps leading to the end of the war and the Dayton Accords, shows that, as early as 1994, the paralysis and humiliation of the international community led to abandoning a purely multilateral logic in favor of a more traditional great power approach. The United States played the lead role in this evolution, as Washington saw in the simplification of international involvement the only way out of the paralysis of the UN, resulting from transatlantic and intra-European divisions.
  • Les partis helvétiques et l'Europe : de l'intégration à la désintégration ? - Blaise Fontanellaz p. 137-152 accès libre