Contenu du sommaire : Hégémonie ou déclin de l'Empire
Revue | Agone |
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Numéro | no 55, 2014 |
Titre du numéro | Hégémonie ou déclin de l'Empire |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Mondialisation et stratégie politique : [2000] - Fredric Jameson, Clément Petitjean p. 7-32 Pour beaucoup de gens, le cœur même de la mondialisation, c'est l'uniformisation de la culture mondiale et la disparition ou la simplification de formes culturelles locales populaires ou traditionnelles, qui laissent place à la télévision, à la musique, à la nourriture, aux vêtements et aux films américains. Mais cette peur s'est étendue de la sphère culturelle à la sphère économique – qui semble constamment se dissoudre dans le reste à travers le contrôle des nouvelles technologies, le renforcement des intérêts géopolitiques et, avec la postmodernité, la réduction du culturel à l'économique et inversement – et à la sphère sociale – où la question n'est pas tant de savoir si la « culture de consommation » fait partie du social que de savoir si elle marque la fin de tout ce qui, pour nous, constituait jusqu'à présent le social.
- Mirages virgiliens : Note critique d'Empire (Hardt & Negri) [2000] - Gopal Balakrishnan, Clément Petitjean p. 33-44 La parution d'Empire de Michael Hardt et Antonio Negri a fait l'effet d'une bombe. Récusant crânement le verdict selon lequel la gauche irait de défaite en défaite depuis vingt ans, ils ont l'inébranlable conviction que le capitalisme contemporain, bien qu'apparemment imperméable aux oppositions anti-systémiques, est en tout point vulnérable aux émeutes et aux rébellions. Empire défend la possibilité d'un manifeste utopique pour l'époque contemporaine. Mais pour être efficace politiquement, une telle reconquête doit se confronter aux réalités implacables de ce monde-ci, sans trouver refuge dans l'extase théorique.
- Cosmopolitisme néolibéral : [2001] - Peter Gowan, Damien Guillaume, Marie-Blanche Audollent p. 45-64 On observe dans les faits un schéma d'évolution asymétrique en matière de souveraineté nationale : une tendance marquée à l'érosion des capacités d'action de la majorité des États appartenant au système international, couplée à une accumulation de prérogatives exceptionnelles au bénéfice d'un seul État – les États-Unis. En d'autres termes, il nous faut établir une nette distinction entre les membres de l'« Union pacifique » : les États-Unis n'ont jamais montré la moindre disposition à abandonner la politique de la force ni à se soumettre à une quelconque autorité mondiale supranationale.
- Le début de la fin de l'hégémonie américaine : [2005] - Giovanni Arrighi, Thierry Labica, Philippe-Étienne Raviart p. 65-110 L'ascension de la Chine rappelle celle des États-Unis. Exactement comme les États-Unis avaient été les vrais vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, tout semble indiquer aujourd'hui que la Chine est le vrai vainqueur de la guerre contre le terrorisme, que les États-Unis parviennent ou non à terrasser Al-Qaïda. Reste à savoir si cette « victoire » peut se traduire par la formation d'un nouveau bloc hégémonique mondial.
- Le mythe de la continuité anglo-saxonne : De la suprématie britannique à l'hégémonie américaine - Patrick O'Brien, Damien Guillaume, Marie-Blanche Audollent p. 111-140 L'idée d'une succession hégémonique caractérisée entre la Grande-Bretagne et les États-Unis peut être démontée pièce par pièce, si l'on compare les circonstances dans lesquelles chacun des deux États a accédé à une position de leadership – soubassements économiques, fiscaux, financiers et culturels qui leur ont permis de construire une politique d'influence et de coercition ; intentions affichées par leurs élites politiques respectives ; portée et impact réels du pouvoir des États-Unis depuis 1941, en comparaison de celui qu'a exercé la Grande-Bretagne de 1793 à 1914... Tous ces préalables étant posés, que reste-t-il du paradigme d'une succession hégémonique ? Quelle pertinence une théorie peut-elle avoir sans l'histoire ?
- Margarine impériale : [2005] - Robin Blackburn, Pierre Madelin p. 141-158 La division du monde en régions riches et en régions pauvres correspond à peu près aux frontières qui séparaient autrefois pays colonisateurs et pays colonisés, même si elle a parfois été partiellement compensée ou nuancée par des résistances, ou par des dotations naturelles ou institutionnelles antérieures. L'expérience coloniale a amoindri la capacité des pays colonisés à négocier une relation avantageuse à l'émergence d'un marché capitaliste mondial, et les a souvent condamnés à la subordination ou à l'abandon. Les empires n'ont pas inventé le développement inégal du capitalisme, mais ils ont fortement contribué à sa consolidation. Ayant établi ou hérité d'une structure hiérarchique à leur avantage, ils l'ont renforcée.
- « Par-delà l'horizon » ? : Les États-Unis et l'Irak [2012] - Alan Cafruny, Timothy Lehmann, Pierre Madelin p. 159-174 L'Irak est situé sur l'une des principales lignes de fracture de la sécurité du Moyen-Orient, une arène géostratégique cruciale pour les entreprises et les États les plus puissants du monde. Tant que le monde tournera au pétrole, les États-Unis ne quitteront pas la région. Le repositionnement militaire en cours n'est pas un retrait, mais un redéploiement. Bien que les signaux d'alarme inquiétants pour les États-Unis ne manquent pas au Moyen-Orient, le retrait militaire d'Irak ne peut être interprété comme un affaiblissement significatif de l'hégémonie des États-Unis. Les entreprises anglo-américaines – exclues du pays pendant des décennies – contrôlent désormais la plus grande partie des secteurs gaziers et pétroliers de l'Irak. La souveraineté de l'Irak est purement nominale.
- Archipels impériaux : La Chine, le colonialisme occidental et le droit de la mer [2013] - Peter Nolan, Philippe-Étienne Raviart p. 175-198 Le souci que manifestent les Occidentaux à propos de l'engagement de Pékin en mer de Chine offre un contraste saisissant avec l'absence totale de discussion à propos des vastes Zones économiques exclusives occidentales qui existent dans la région, fruits de la conquête coloniale. La prise de contrôle par les anciennes puissances impériales de vastes espaces maritimes et de leurs ressources, grâce à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, n'a guère suscité d'intérêt. Pourtant, les espaces et les ressources en jeu sont autrement importants. Comme si les médias occidentaux avaient réussi à focaliser l'intérêt de leurs populations sur une souris alors qu'elles ont derrière elles, sans qu'elles lui prêtent attention, un gros éléphant.
- Notes sur l'état du monde : [2007] - Perry Anderson, Philippe-Étienne Raviart p. 199-242 Si les deux objectifs poursuivis par la politique étrangère américaine depuis la Seconde Guerre mondiale ont bien été à la fois d'étendre le capitalisme aux quatre coins de la planète et de faire en sorte que les États-Unis continuent d'occuper la première place dans le système qui organise l'ensemble des États du monde – le second objectif étant considéré comme une condition pour atteindre le premier –, comment se présente le bilan des premières années du xxie siècle ? C'est un bilan très largement positif, si l'on observe l'extension et la consolidation de l'emprise du capitalisme. Avec ce qui est encore la première économie du monde, ses marchés financiers, sa monnaie de réserve, ses forces armées, ses bases réparties dans le monde, son industrie culturelle et sa langue internationale, l'Amérique dispose d'un ensemble d'atouts avec lesquels aucun autre État ne peut encore commencer à rivaliser.