Contenu du sommaire : Quand la santé décuple les inégalités
Revue | Agone |
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Numéro | no 58, 2016 |
Titre du numéro | Quand la santé décuple les inégalités |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Quand la santé décuple les inégalités
- Une médecine de classe ? Inégalités sociales, système de santé et pratiques de soins - Maud Gelly, Laure Pitti p. 7-18
- « Corps et âme ». Le parti des Black Panthers et la lutte contre la discrimination médicale - Alondra Nelson, Maud Gelly, Caroline Izambert, Claire Richard p. 19-50 S'appuyant sur l'affirmation par l'ONU de la santé comme un droit universel autant que sur les traditions de la culture afro-américaine et de la pensée de gauche qui liaient bien-être médical et social, le Black Panther Party a développé une perspective propre et une approche que je nomme « santé sociale ». J'utilise le terme de « santé sociale » pour caractériser les efforts des militants sur le terrain de la santé et de la biomédecine, en tant qu'ils visent à produire du bien-être, sur une échelle qui va du corps individuel au corps social, de telle sorte que les questions thérapeutiques sont inextricablement articulées aux questions de justice sociale.
- « Médecin de première ligne dans un quartier populaire » : Un généraliste en banlieue rouge des années 1960 aux années 2010 - Audrey Mariette, Laure Pitti p. 51-72 « Dans les études en médecine, c'était très classique comme formation, comme mode de pensée, très normatif. Mais il y avait quand même une minorité qui était ouverte à ces problématiques : aller soigner les gens dans les quartiers populaires. Il y a eu plus tard une autre tendance, mais là, c'était une génération de jeunes qui ont plus été attirés par le profil à la Kouchner, d'un médecin qui va vers le Tiers-Monde et qui joue au médecin humaniste qui soigne les populations dans les pays en développement. Nous, on n'était pas là-dedans, c'était le mouvement d'avant, qui était d'aller vers les ouvriers, en fait, la démarche de 68 d'aller dans les quartiers difficiles et de faire une médecine différente, avec très vite un questionnement sur les pratiques. »
- La fabrique médicale des inégalités sociales dans l'accès aux soins d'urgence : Ethnographie comparée de deux services d'urgence public et privé - Sylvie Morel p. 73-88 Une plongée de plusieurs années dans les coulisses des urgences révèle qu'il y existe des pratiques de sélection sociale. Les intérêts médicaux et ceux des établissements de soins, qu'ils soient publics ou privés, conduisent à produire des filières d'accès aux soins d'urgence socialement différenciées : une filière composée des cliniques privées à but lucratif ; une seconde constituée d'hôpitaux publics ; une troisième réunissant les services « socio-sanitaires » ; une dernière enfin, une filière de « contournement » des services d'urgences. Cet article revient sur les mécanismes concrets de sélection des patients qui sont au principe de la fabrique médicale des inégalités sociales dans l'accès aux soins d'urgence en France.
- Logiques de tri et discriminations à l'hôpital public : vers une nouvelle morale hospitalière ? - Caroline Izambert p. 89-104 La législation reste protectrice et les acquis de la loi de la CMU garantissent encore, au moins théoriquement, l'accès à une protection maladie pour le plus grand nombre. Néanmoins pour les catégories les plus stigmatisées et les plus fragiles dont la démonstration de la couverture sociale pose des difficultés, comme les étrangers récemment arrivés sur le territoire, un travail idéologique de transformation de l'éthique médicale est mené au cœur même de l'institution hospitalière pour délégitimer le principe même de leur accès aux soins. Il fait porter sur les soignants, sous couvert d'éthique, la responsabilité de l'exclusion de ces catégories de population, au nom d'une conception curieuse du bien commun, les soins des uns étant présentés comme une menace pour les soins des autres.
- « C'est gênant de se mettre à dos son médecin, parce qu'on en a besoin. » : Ouvriers malades de leur travail face à la médecine - Pascal Marichalar p. 105-122 Au travers de leurs démêlés opiniâtres avec les médecins, les verriers de Givors et leurs soutiens ont rendu visibles les failles béantes des dispositifs de prévention, d'indemnisation et de soin autour des cancers professionnels. Ces failles résultent d'abord des multiples formes d'ignorance au sein du corps médical : ignorance des propriétés des produits chimiques, des droits sociaux des travailleurs, des contraintes financières et matérielles des ménages ouvriers. L'inaction des médecins y est également pour beaucoup : inaction motivée par une conscience (auto-réalisatrice) de leur propre impuissance, mais surtout par la volonté de se prémunir de toute mise en cause par la justice, l'assurance-maladie ou les instances ordinales.
- Inégalités contraceptives au pays de la pilule - Hélène Bretin, Laurence Kotobi p. 123-134 Le recours à la contraception fait intervenir les principes et les valeurs qui fondent les pratiques médicales et ce que les prescripteurs supposent ou savent de la situation sociale des patientes. Il fait intervenir aussi les attentes et les demandes que les femmes formulent ou non, le degré d'autonomie sociale, économique, affective dont elles disposent, la confiance qu'elles accordent aux praticiens, leur propre perception des méthodes contraceptives. Parler des inégalités sociales en matière de contraception amène à considérer cet ensemble d'éléments qui contribuent à orienter différemment la manière dont est prescrit le recours à l'implant, en fonction du profil social des patientes. De fait, la prescription de cette méthode de contraception apparaît beaucoup plus contrainte et imposée aux femmes issues des classes populaires, quand elle est davantage choisie par les femmes de milieux plus aisés.
- Des inégalités en tous genres face au décès par sida et de leur ignorance par le système de santé - Maud Gelly p. 135-150 Les recherches sur les décès survenus avant 65 ans qui pourraient être évités montrent que, pour les femmes, la plupart de ces décès pourraient être évités en améliorant la prise en charge par le système de soins (dépistage, accès aux soins, qualité des soins), alors que chez les hommes la plupart de ces décès pourraient être évités en limitant la consommation d'alcool et de tabac et les expositions professionnelles. En d'autres termes, les conditions de travail expliquent la plus grande partie des inégalités entre hommes, alors qu'entre femmes c'est le système de soins qui est le plus producteur d'inégalités.
- De la santé pour tous à la sécurité de tous ? Logiques scientifiques et politiques de la surveillance épidémiologique - François Buton p. 151-168 L'enjeu prioritaire n'est plus de décrire la santé de la population pour la transformer, par exemple en ce qui concerne sa structure, donc ses inégalités, mais de prêter attention à toute information, à tout signal, suggérant que la santé de la population, pensée comme indifférenciée, est menacée. La sécurité sanitaire est en train de procéder à la mise en marge des idéaux progressistes de la santé pour tous au profit d'une politique, certes légitime, de protection, qui conserve en l'état la santé de la population dans son ensemble – mais avec ses inégalités.
Histoire radicale
- Lorsque le patronat trouvait normal de faire travailler les enfants dans les verreries - Boris Mellow p. 169-174
- Le travail de l'enfance dans les verreries - charles Delzant p. 175-194