Contenu du sommaire : La démocratie des territoires de l'eau

Revue Participations Mir@bel
Numéro no 21, 2018/2
Titre du numéro La démocratie des territoires de l'eau
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : La démocratie des territoires de l'eau

    • Quelles alternatives de participation dans les territoires de l'eau ? - Emilie Crémin, Jamie Linton, Veronica Mitroi, José-Frédéric Deroubaix, Natacha Jacquin p. 5-36 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article présente les idées principales et les contributions individuelles d'un dossier thématique portant sur les formes alternatives de participation à la démocratie dans les territoires de l'eau. La participation du public joue depuis les années 1960 un rôle dans la gestion de l'eau en France et ailleurs. Cependant, cette participation « institutionnalisée » présente des lacunes importantes, renforçant souvent les formes technocratiques de régulation des ressources en eau et des milieux aquatiques. Les formes de participation nouvelles et alternatives expérimentées (notamment par la pratique de la recherche participative, la promotion de la science participative, le développement de nouvelles techniques de jeu de rôles impliquant la gestion de l'eau, etc.) montrent comment les citoyens, en collaboration avec des chercheurs en sciences humaines, peuvent contribuer de manière novatrice à la gestion des territoires de l'eau et développer des pratiques alternatives de gestion de l'eau. Cette introduction propose donc une analyse critique des processus participatifs institutionnalisés et présente des approches alternatives de la participation, suggérant des possibilités pour leur hybridation potentielle.
      Alternatives for participation in water governance
      This article introduces the main ideas and presents the individual contributions of a special issue on alternative forms of participation in water democracy. Public participation has, since the 1960s, played a role in water management in France and elsewhere. However, as many of our authors point out and as we discuss in this article, this “institutionalized” participation has significant shortcomings, often reinforcing technocratic forms of regulating water resources and aquatic environments. Experimenting with new and alternative forms of participation (especially through practicing participatory research, promoting participatory science, developing new techniques for role playing involving water management, etc.) suggests how citizens in collaboration with researchers in the humanities and social sciences can contribute to water management in novel ways, producing more satisfactory participatory experiences and leading to alternative water management possibilities. This introduction thus offers a critical analysis of institutionalized participatory processes and presents alternative approaches to participation, suggesting possibilities for their potential hybridization.
    • Des connaissances aux décisions : la mise en œuvre des directives européennes sur l'eau douce et marine - Gabrielle Bouleau, Caitríona Carter, Arnaud Thomas p. 37-64 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article compare l'effet d'une forme de « participation performative » sur la nature et l'usage de savoirs lors de la mise en œuvre de la Directive-cadre sur l'eau (DCE) par comparaison avec la mise en œuvre de la Directive-cadre stratégie milieu marin (DCSMM) en Nouvelle Aquitaine. Les deux directives promeuvent une approche écosystémique à l'égard de la participation, mais donnent peu d'éléments sur sa mise en pratique. Pour saisir comment les acteurs ont agi, d'une façon comparative, nous mobilisons un nouveau cadre conceptuel (les 4A) qui distingue : (1) l'Acquisition des connaissances et des ressources politiques, (2) leur Agrégation, (3) leur usage dans l'Argumentation de la décision et (4) leur Accumulation. Les résultats montrent comment les différentes formes de médiation en lien avec une approche écosystémique peuvent construire deux nouveaux types de « publics » dans la gouvernance de l'eau.
      Coupling practices between knowledge and decisions in participatory water governance: A comparison of WFD and MSFD implementation in FranceThis article compares the effects of “performative participation” on the nature and use of knowledge in the implementation of the Water Framework Directive (WFD) compared with that of the Marine Strategy Framework Directive (MSFD) in New Aquitaine. Both European directives promote an ecosystem approach to participation, but offer very little detail on how this can be implemented in practice. We apply a new conceptual model (4As) to compare how actors have responded through (1) Acquisition of knowledge and political resources, (2) their Aggregation, (3) Articulation, and (4) Accumulation. Results show how in both cases ecosystem coupling practices shaped knowledge usage and constructed two new types of “public” in water governance.
    • La régulation concertée du service public de l'eau potable au Grand Lyon - Cécile Coulmain p. 65-85 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose une analyse du rôle d'une CCSPL (Commission consultative des services publics locaux), dispositif institué de consultation de représentants d'usagers, dans la régulation publique du service d'eau potable. En étudiant de manière longitudinale le cas de la CCSPL du Grand Lyon, communauté urbaine devenue métropole, l'article vise à interroger les effets de ce dispositif à partir d'une réflexion autour de son contexte d'instauration et des configurations institutionnelles successives dans lesquelles il s'est déployé. L'article défend l'idée que l'usage et les effets de cette instance – davantage instrument d'action publique qu'arène de concertation indépendante – sont essentiellement contingents des intérêts politiques et du niveau d'affirmation de l'autorité du Grand Lyon vis-à-vis de la régulation de l'eau potable.
      The concerted regulation of the water service in Greater Lyon (France)This article discusses the role and the effects of a consultation committee (called “Local Public Services Consultation Committee”) — composed of representatives of local and consumer associations — on the regulation of the local water service in Lyon. Created in 2003 on the initiative of the metropolitan government — Greater Lyon —, this committee was at the side of administration and metropolitan representatives to enhance their capacity to regulate the local water service, delegated to a private company. The article's purpose is to show that this committee is less an autonomous participatory body than an instrument of public action, dependent on the metropolitan government's institutional configurations and political agenda.
    • « Faire sciences participatives » dans le domaine de l'eau. Trajectoires croisées au Nord et au Sud - Veronica Mitroi, José-Frédéric Deroubaix p. 87-116 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le présent article dresse un état des lieux des sciences participatives dans le domaine de l'eau en interrogeant la manière dont ces nouvelles pratiques de production de savoirs participent du renouvellement de l'expertise et des savoirs considérés comme légitimes dans le domaine de l'eau et des milieux aquatiques. Les auteurs s'appuient sur différents corpus empiriques : une analyse de la littérature grise française faisant l'état des sciences participatives, une analyse bibliométrique de la littérature scientifique à l'échelle mondiale et enfin, différentes expériences de recherche participative dans des contextes d'expertise sur les milieux aquatiques très contrastés : la France et la Côte d'Ivoire. Cette diversité de matériaux nous permet de discuter plus généralement de la contribution des sciences participatives à la reformulation des fondements épistémologiques de la relation entre science, savoirs experts et acteurs de la société. Nous interrogeons la contribution des différentes formes de sciences participatives que nous avons recensées et analysées à la redéfinition du couple scientifique-citoyen, tant dans le domaine de la production des connaissances et des expertises que dans celui de la gouvernance des milieux aquatiques.
      Participatory sciences beyond science. A cross-comparison between North and South
      This paper presents an overview of the participatory science experiments carried out in the field of water management. The overview addresses these new practices of knowledge production by considering their impact on the expertise used in water management policies. This study is based on: (a) the analysis of the French grey literature dedicated to participatory science, (b) a bibliometric investigation of the scientific literature related to participatory science, and (c) the comparison between a participatory science experiment conducted by the authors in Côte d'Ivoire and various French experiments. Through this empirical material, we show the capacity of participatory science experiments to renew the epistemology of environmental science in the field of water. This capacity is built at the interface between knowledge and policy and is dependent on the territorial context and specifically on the relationships between scientific and administrative experts and social actors. We observe a significant contrast between countries of the North and South: the former are more knowledge-production oriented, whereas the latter are more policy oriented. These dynamics are characterized and analyzed both in terms of the field of expertise production and water governance.
    • Légitimité des savoirs citoyens dans la gestion participative des territoires de l'eau - Emilie Crémin, Jamie Linton, Natacha Jacquin, Jacques-Aristide Perrin p. 117-141 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Alors que la participation du public est devenue une prescription réglementaire, nous questionnons ici la légitimité et la place accordée aux savoirs citoyens dans la gestion participative des territoires de l'eau. Pour répondre à ces questions, cet article présente un projet de recherche participative impliquant des habitants de la rivière Dordogne. Plusieurs outils ont été mobilisés (ateliers, cartes, entretiens) pour engager la participation du public, identifier et comprendre la construction des savoirs citoyens. L'ensemble de cette recherche a fait l'objet d'un tournage et a donné lieu à la réalisation d'un film utilisé, une fois monté, comme un outil de recherche. Les séances de projection ont permis de poursuivre le débat. L'analyse des données produites met en évidence une pluralité de savoirs et une diversité d'usages de la rivière que nous présentons dans l'article. Néanmoins, le sentiment d'attachement à cet espace contribue à la construction d'une identité riveraine commune. Face à une gestion dominée par les « savoirs experts », le recours aux savoirs des citoyens et leurs mobilisations dans des outils participatifs permettraient de mieux politiser des enjeux concernant l'aménagement de la Dordogne. La prise en compte légitime de ces savoirs permettrait d'assurer l'appropriation des territoires de l'eau par les populations riveraines.
      The legitimacy of local and citizen knowledge in water governance
      While public participation has become a regulatory requirement, we question the legitimacy and the place given to civic knowledge in the participatory management of water territories. To answer these questions, this article presents a participatory research project involving residents of the Dordogne River. Several tools have been mobilized (workshops, maps, interviews) to engage public participation, identify, and understand the construction of civic knowledge. All of this research was filmed and resulted in the making of a film. The screening sessions allowed for further debate. The analysis of the data produced highlights a plurality of knowledge and a diversity of uses of the river that we present in the article. Nevertheless, the feeling of attachment to this space contributes to the construction of a common riverine identity. Faced with a management dominated by “expert knowledge,” the use of civic knowledge and its mobilization in participatory tools would politicize issues concerning the development of the Dordogne more effectively. Legitimate consideration of this knowledge would ensure the appropriation of water territories by local populations.
    • Se mobiliser pour l'eau potable : une forme de régulation civique ? - Cécile Tindon, Rémi Barbier p. 143-162 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au début des années 1990, l'eau potable est (re)devenue un objet d'attention publique. Un nouveau cadre réglementaire et institutionnel remodela les relations entre élus, opérateurs privés, services de l'État et usagers du service. Des associations se constituèrent également, formant des publics au sens de Dewey, c'est-à-dire des ensembles d'individus affectés par un problème et s'engageant dans une « enquête sociale » à son propos. Leur activité prit la forme de ce que nous qualifierons de régulation civique organisée : des interventions visant à mettre le service et ses acteurs sous surveillance afin de détecter et corriger d'éventuels manquements. Mobilisant les résultats d'une enquête conduite sur deux terrains principaux, le Rhône et l'Orléanais, l'article revient tout d'abord sur la trajectoire d'engagement des militants de l'eau, et distingue deux trajectoires idéales-typiques, l'une à dominante politique et militante, l'autre à dominante associative et gestionnaire. Il éclaire ensuite les dynamiques de constitution des associations et de leurs coordinations, puis caractérise la nature de leur activité autour d'un triptyque : la mise en politique de l'eau, en assumant une dimension de conflictualisation ; l'exercice d'une vigilance compétente qui se traduit par un suivi minutieux de toutes les activités des services ; la résolution de cas problématiques portés à leur connaissance. Enfin, l'article éclaire les tensions et fragilités de cette régulation civique, susceptibles de questionner à long terme sa pérennité.
      Mobilizations for drinking water: A form of civic regulation?
      In the early nineties, drinking water became an object of public attention. A new regulatory and institutional framework reshaped relations between elected officials, private operators, state services, and users. Associations were also set up, forming publics in the sense of Dewey, that is to say sets of individuals affected by a problem and engaging in a “social inquiry” about it. Their activity takes the form of what we will call organized civic regulation: interventions aimed at putting the service and its actors under surveillance in order to detect and correct any shortcomings. Mobilizing the results of a study conducted on two main sites, the Rhone and the Orléanais, the article first of all describes the trajectory of engagement of water activists, and distinguishes two typical ideal trajectories, one predominantly political and militant, the other primarily associative and managerial. It then highlights the dynamics of the constitution of associations and their mutual coordination, and characterizes the nature of their activity around a triptych: the politicization of water, assuming a dimension of conflict; the exercise of a competent vigilance that results in a careful follow-up of all the activities of the services; the resolution of problematic cases brought to their attention. Finally, the article sheds light on the tensions and fragilities of this civic regulation, which are likely to cast doubt on its long-term durability.
  • Varia

    • « Comment peuvent-ils ne pas s'engager ? » Enquête sur l'extrême gauche non partisane - Caroline Guibet Lafaye p. 163-198 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La violence, qu'il soit question des « débordements » en manifestation ou des attentats, suscite l'étonnement, l'incompréhension et bien souvent l'indignation. Afin de saisir de façon immanente et compréhensive le sens de l'engagement d'acteurs qui ont parfois eu recours à des moyens violents, nous avons mené une enquête de sociologie qualitative auprès de l'extrême gauche antiparlementaire française. L'engagement apparaît alors sous un autre jour, à la fois « naturel », « logique », poussé par un refus originel de l'injustice. La question devient alors : « Comment est-il possible de ne pas s'engager ? » L'engagement qualifié de radical se dévoile alors comme l'effet d'une inscription analytique de la nécessité d'un agir, au nom de convictions morales et politiques ancrées dans des conceptions du juste et de l'injuste, comme une nécessaire convergence des rationalités cognitive et praxéologique, affirmée comme relevant du registre du devoir moral.
      How is it that they do not participate? Understanding commitment in the French extreme left-wing
      Violence during public demonstrations or “terrorist” attacks causes astonishment, lack of understanding, and often indignation. To establish an immanent and comprehensive understanding of the actors of such political violence, we undertook a qualitative survey of certain French anti-parliamentary extreme leftist groups. Political commitment is interpreted by these actors as “natural,” “logical,” and grounded in a fundamental rejection of injustice. Thus, the issue becomes “how could one not commit oneself?” Therefore, such “radical” political commitment can be understood as an action embedded in moral and political convictions, based on conceptions of justice and injustice, and as a necessary convergence of cognitive and praxeological rationalities, conceived as a moral duty.