Contenu du sommaire : Néo-libéralisme(s). Réseaux et formes des mobilisations en France

Revue Quaderni Mir@bel
Numéro no 97, automne 2018
Titre du numéro Néo-libéralisme(s). Réseaux et formes des mobilisations en France
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • ‪Néo-libéralisme(s).Réseaux et formes des mobilisations en France‪ : Avant-propos - Kevin Brookes p. 5-13 accès libre avec résumé
    Ce numéro vise à interroger les modalités concrètes de la diffusion de l'idéologie néo-libérale dans le contexte institutionnel et politique français. Il accorde une attention particulière aux formes de mobilisation choisies pour militer pour ces idées. Qui sont les médiateurs du néo-libéralisme en France  ? Quels sont leurs répertoires d'actions et les formes de mobili­sations privilégiées  ? Quels sont leurs liens avec les acteurs transnationaux de diffusion du néo-libéralisme et comment inscrivent-ils leur idéologie dans leur contexte national ? Le numéro montre la difficile diffusion de ces idées dans un contexte où le discours anticapitaliste est important. C'est à partir de mobilisations silencieuses et en adaptant leur discours au débat public que les militants néo-libéraux privilégient une approche incrémentale. Dans ce processus, on observe non seulement un transfert d'idées d'organisations internationales, mais également un transfert des formes de mobilisations militantes. Les contributions rendent compte de plusieurs d'entre elles : la mise en avant d'un instrument de politique publique au niveau local (le chèque culture), le militantisme par l'expertise des think tanks, le cas des mobilisations des jeunes libertariens français sur le web, ainsi qu'un entretien avec Gaspard Koenig, figure contemporaine de la promotion de ces idées en France.
  • ‪Le capitalisme et ses critiques : l'anti-libéralisme dans la politique française contemporaine‪ - Emile Chabal p. 15-34 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Malgré une transformation en profondeur du paysage politique depuis les années 1980, les français restent particulièrement hostiles au libéralisme. Dans cet article, je tente d'élucider ce paradoxe en analysant une des formes d'antilibéralisme les plus connues : l'anticapitalisme de gauche. À travers quatre textes clés – Adieux au prolétariat (1980) d'André Gorz, « République et démocratie » (1989) de Régis Debray, Le nouvel esprit du capitalisme (1999) de Luc Boltanski et Ève Chiapello et La nouvelle raison du monde (2010) de Pierre Dardot et Christian Laval – je trace l'émergence d'un nouveau discours anticapitaliste qui s'appuie désormais sur des concepts tel que « l'esprit » et « la raison », plutôt que sur des idées de « classe » ou de « révolution ». On découvre alors, que même si la pensée anticapitaliste de gauche critique explicitement le capitalisme néolibéral du XXIe siècle, elle s'est aussi adaptée à la diffusion et l'émiettement du pouvoir dans un monde néolibéral.
    ‪Despite a profound transformation in the ideological landscape since the 1980s, the French remain unusually hostile to liberalism. In this article, I try to explain why this is the casebh by looking at one of the dominant forms of anti-liberalism in France : left-wing anti-capitalism. Through a discussion of four key texts –André Gorz's ‪‪Adieux au prolétariat ‪‪(1980), Régis Debray's “Répub­lique et démocratie” (1989), Luc Boltanski and Ève Chiapello's ‪‪Le nouvel esprit du capitalisme‪‪ (1999), and Pierre Dardot and Christian Laval's ‪‪La nouvelle raison du monde ‪‪(2010) – I trace the shift in left-wing anti-capitalist thought from a language of ‘class' and ‘revolution', to one of ‘spirit' and ‘reason'. I suggest that, while left-wing anti-capitalist thought has systematically attacked the foundations of 21st century neo-liberal capitalism, it has nevertheless been forced to adapt to a more decentered and diffuse notion of power in a neo-liberal world.‪
  • ‪"Les idées ont des conséquences" : la genèse internationale des think tanks néo-libéraux français‪ - Kevin Brookes p. 35-55 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les think tanks, organisations à la croisée des savoirs et du pouvoir, constituent une forme d'organisation privilégiée par les militants néo-libéraux dans le monde. À partir d'un travail sur les archives d'orga­nisations internationales et de l'analyse d'entretiens, cet article montre comment certains réseaux internatio­naux ont encouragé la création de think tanks au début des années 1980 en France. L'objectif d'organisations comme l'Institut économique de Paris ou Printemps 86 était d'influencer le débat public et de transformer le discours économique des droites qui étaient alors dans l'opposition. Leurs répertoires d'action, structure et financement sont directement inspirés par ceux des think tanks anglais et américains. Cependant, ces orga-nisations ont eu des difficultés à s'institutionnaliser avant qu'une deuxième vague de création de think tanks au début des années 2000 revitalise la promotion de ces idées en leur assurant une certaine médiatisation.
    Think tanks, organizations at the crossroads of know-ledge and power, are a form of organization favored by neo-liberal advocates around the world. Based on work on archives of international organizations and analysis of interviews, this article shows how some international networks encouraged the creation of think tanks in the early 1980s in France. The goal of organizations like the Institut économique de Paris or Printemps 86 was to influence the public debate and transform the economic discourse of the right wing political parties that were then in the opposition. Their repertoires of action, structure and funding are directly inspired by those of the British and American think tanks. Howe­ver, these organizations struggled to become institutionalized before early 2000s revitalized the promotion of these ideas by giving them some media coverage.
  • L'engagement dans un think tank néo-libéral : Entretien avec Gaspard Koenig, président de GénérationLibre - Kevin Brookes p. 57-67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Comment s'engage-t-on pour les idées néo-libérales en France ? En tant que directeur du think tank Géné­rationLibre et philosophe engagé dans le débat public, Gaspard Koenig nous offre une vue de l'intérieur du mouvement néo-libéral en France. Les idées qui l'animent proviennent de ses lectures en philo­sophie politique davantage que de la lecture d'économistes théoriciens du marché. Son néo-libéralisme modéré se distingue de traditions concurrentes qui font de l'État la source de tous les maux de la société. Il s'inscrit, à l'inverse, dans une tradition libérale qui attribue à l'État un rôle d'arbitre s'assurant que chacun ait la capacité d'être autonome et de choisir son mode de vie. Dans cet entretien, il nous expose les raisons qui l'ont poussé à défendre et à créer un think tank, GénérationLibre, pour s'assurer de la promotion de ces idées (plutôt que des répertoires d'action concurrents). Il explique son fonctionnement et les raisons qui l'ont poussé à privilégier le registre de l'expertise par rapport à celui de l'« intellectuel total ». Il expose sa démarche inspi­rée de l'expérience des think tanks au Royaume-Uni et du penseur néo-libéral Friedrich Hayek, visant à convaincre un « public éclairé » composé d'intermé­diaires de pensée. L'objectif est pour le philosophe de changer le climat d'opinion régnant dans la société en tenant un discours respecté par les élites. Pour ce faire, il privilégie la production d'expertise à disposition des décideurs publics, ainsi que l'éta­blissement de réseaux de personnes partageant sa vision du libéralisme. Son témoignage révèle également que, si les mobilisations en faveur du néo-libéralisme se développent et revêtent des formes comparables à celles observées dans les pays qui ont donné naissance à cette idéologie, elles demeurent contraintes par plusieurs fac­teurs institu­tionnels propres au contexte français.
    How are we committed to neo-liberal ideas in France? As director of the think tank Génération
    Libre and phil­osopher engaged in the public debate, Gaspard Koenig offers us a view from the inside of the neo-liberal movement in France. The ideas that animate him were more influenced by his readings in political philosophy than from his readings of economists theorists of the market. His moderate neo-liberalism stands out from competing traditions that make the state the source of all the ills of society. On the other hand, it is part of a liberal tradition that attributes to the state the role of arbiter, ensuring that everyone has the capacity to be autonomous and to choose their way of life. In this interview, he explains the reasons that led him to defend and create a think tank, GénérationLibre, to ensure the promotion of these ideas (rather than competing repertoire of contention). He explains how it works and the reasons that led him to favor the register of expertise compared to that of the “total intellectual”. He exposes his approach inspired by the experience of think tanks in the United Kingdom and the neo-liberal thinker Friedrich Hayek, aimed at convincing an “enlightened public” composed of intermediaries of thought. The goal is for the philosopher to change the climate of opinion prevailing in society by holding a discourse respected by the elites. To do this, it favors the production of expertise available to public decision makers, as well as the establishment of networks of people sharing its vision of liberalism. His testimony also reveals that, while the mobilizations in favor of neo-liberalism develop and take on forms compara-ble to those observed in the countries that gave birth to this ideology, they remain constrained by several institutional factions specific to the French context.
  • ‪La liberté e-limitée ? Structure et générations dans le réseau des militants libertariens français sur internet‪ - Benjamin Tainturier p. 69-87 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le militantisme libertarien a adopté, en France, un mode d'organisation particulier : le « clubisme ». Cette structuration militante reposait notamment sur un réseau centralisé, et sur des têtes pensantes peu nombreuses mais très actives et légitimes aux yeux de la périphérie du réseau militant. Quel effet a eu internet, technologie dont on a immédiatement reconnu la teneur politique, sur la structure du réseau militant libertarien français, sachant qu'internet favorise les structures réticulaires décentralisées, tout à fait congruentes à la pensée libérale ? L'article conclut à l'effet de résilience très prononcé du clubisme français, et à la permanence d'un réseau militant fortement centralisé sur internet. Néanmoins, s'il ne semble pas modifier la structure de ce réseau, internet donne naissance à de nouvelles pratiques militantes dont les plus jeunes militants sont à l'initiative et qui modifient les institutions responsables du noyau du réseau militant.

    ‪Libertarian activism has adopted a specific form of organization in France : “clubism”. This structure of protest was based in particular on a centralized net­work, gathering few influencers that were very active and legitimate for the periphery of the protestation net­work. What effect had the internet, a technology whose political content had immediately been recognized, on the structure of the French libertarian activist network, knowing that the internet promotes decentralization, and that decentralized structures really fit with the liberal thought ? The article concludes that French clubism is highly resilient, and that a highly centralized internet-based activist network remains. Never­theless, if it does not seem to change the structure of the network, the internet gives birth to new protesting practices whose youngest militants resort to. Those practices reshape the core of the militant network.‪
  • ‪Le néolibéralisme dans les politiques culturelles : le discours des médiateurs du chèque culture en France‪ - Arnaud Lacheret p. 89-106 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Alors que le gouvernement français s'apprête à lancer un pass culture destiné aux jeunes de 18 ans, il est proposé de revenir sur les multiples dispositifs similaires lancés depuis les années 1990 par les collectivités locales françaises en examinant leur filiation néolibérale. Nous montrerons dans cet article que si les élus locaux pionniers du chèque affichaient sans complexe leurs visées néolibérales, leurs successeurs ont eu une approche bien plus mesurée et utilitariste permettant d'éviter tout débat politique de fond sur cet instrument. Les médiateurs néolibéraux du chèque au sein des collectivités territoriales françaises ont ainsi su développer un discours très politisé et militant au départ dont la structure a ensuite pu être reprise par leurs successeurs qui ont diffusé l'instrument « chèque » en le développant de façon purement for­melle sans pour autant en modifier la structure.
    Whilst The French Government is about to launch a cultural voucher targeting the 18-years-olds, we aim to have a glance at the many similar tools developed during the 1990s by the French local authorities focusing on their neoliberal origins. We will show in the following paper that if the local officials acting as trailblazers of the use of vouchers were clearly neo-liberal, their successors endeavoured to define them as a functional tools, avoiding some hard political debates on its depth nature. The neoliberal mediators of the vouchers within local authorities used first to develop a very politicized discourse whose structure has been kept by their successors who spread vouchers throughout the French regions, developing it only formally without modifying its political meaning.
  • Politique

    • ‪Une participation politique renouvelée ‪ : L'invention de modes individualisés et critiques d'engagement numérique en campagne électorale - Fabienne Greffet, Stéphanie Wojcik p. 107-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À l'aide d'une typologie d'actes participatifs en ligne, le texte explore les formes numériques d'engagement durant la campagne présidentielle française de 2012 à partir d'entretiens auprès d'internautes. Deux spéci­ficités paradoxales de ces formes d'engagement sont particulièrement analysées. D'une part, la créativité dont font preuve les internautes dans l'appropriation des dispositifs numériques se heurte à la volonté de « management » de leur activisme par les équipes de campagne. D'autre part, dans les campagnes en ligne, les internautes mettent en jeu et en scène leurs attachements partisans comme leurs identités numériques, notamment par l'exposition de leurs convictions ou la sollicitation directe via les réseaux socionumériques. Cela peut conduire à mettre en tension la participation numérique avec le risque réputationnel qu'elle repré­sente. La figure du citoyen engagé apparaît ainsi rétive à l'embrigadement partisan et sensible à la protection de la vie privée lorsqu'il s'agit de diffuser ou mani­fester ses convictions politiques.
      Using a categorization of online political participation acts as a basis, this paper investigates digital forms of activism during the 2012 French presidential campaign through interviews with Internet users. Two paradoxi­cal trends are underlined. On the one hand, the users that engage online in order to support a candidate or a party sometimes face the « management » of activism operated by campaign teams, which might undermine their own creativity. On the other hand, Internet users display their beliefs or directly ask for support to the people they are connected with, especially on social networks. In this case, Internet users stake and stage their political commitments and digital identity, which can lead to reputational risks. Thus, committed citizens are reluctant to partisan propaganda and sensitive to the protection of their own privacy, when it comes to displaying their political convictions.
  • Livres en revue