Contenu du sommaire : Qu'est-ce qu'un mythe égyptien ?
Revue | Revue de l'histoire des religions |
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Numéro | tome 235, no 4, 2018 |
Titre du numéro | Qu'est-ce qu'un mythe égyptien ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Qu'est-ce qu'un mythe égyptien ? : Propos liminaires - Lorenzo Medini, Gaëlle Tallet p. 595-607
- Les Égyptiens savaient-ils qu'ils avaient des mythes ? - Dimitri Meeks p. 609-617 Par « mythe » on entend communément un récit mettant en scène les dieux et leurs activités. L'Égypte ancienne possédait de tels récits, mais ils relèvent plutôt de la littérature de divertissement. Les mythes ne bénéficient presque jamais d'une transcription textuelle détaillée et se présentent essentiellement sous forme de fragments textuels, des « mythèmes », que l'on peut associer entre eux pour reconstruire un canevas narratif plus ou moins élaboré. Les prêtres, les lettrés ont puisé dans un vaste corpus de connaissances théologiques pour composer des textes de natures très diverses : manuels sacerdotaux, textes funéraires, rituels, hymnes et prières, etc., mais les Égyptiens n'ont jamais eu de mythes tels que nous les définissons, et n'ont jamais conçu qu'ils pouvaient en avoir.The term “myth” is very commonly used to refer to a story about gods and their activities. Ancient Egyptians had such stories, but they belonged to the sphere of entertainment literature. Myths almost never benefited from a detailed textual transcription. They appear mainly as textual fragments, “mythemes”, that one can combine together to reconstruct a more or less elaborate narrative canvas. Priests and lettered persons drew from a vast corpus of theological knowledge to compose texts that were very different in nature: sacerdotal manuals, funerary texts, rituals, hymns and prayers, etc. Egyptians never had myths as we define them, and never conceived that they could have any.
- À propos de la construction d'un débat sur les mythes égyptiens - Youri Volokhine p. 619-644 Le mythe est une catégorie problématique dans le champ de l'égyptologie. Depuis au moins le xixe siècle, les égyptologues ont utilisé cette catégorie, apparemment intraduisible en égyptien, pour rendre compte de différentes formes de savoir, sacerdotales ou littéraires par exemple. Il s'agit ici non pas de proposer une nouvelle approche théorique sur l'objet « mythe », mais plutôt de tenter un parcours dans l'histoire des interprétations de cette notion. On discutera donc des propositions et des idées formulées par les égyptologues, pour présenter de manière synthétique un débat, qui conduit non seulement vers les théories modernes en histoire des religions, mais qui renvoie encore à l'histoire même de la notion de mythe dans le savoir occidental et éventuellement aux contacts antiques entre savoirs grecs et égyptiens.Myth is a problematic category in Egyptology. At least since the 19th century, Egyptologists have used this category, which is apparently untranslatable in ancient Egyptian, to describe various forms of knowledge, priestly or literary for example. It is not the purpose here to offer a new theoretical approach to myth, but rather to try to shed light on the history of its interpretation. We shall thus discuss the ideas formulated by Egyptologists in order to present a synthetic view of the question. By so doing, we will address not only the issue of modern theories used by specialists in the field of religious studies, but also that of the history of the notion of myth in western knowledge and possibly of the relationship and contacts between ancient Greek and Egyptian hermeneutics.
- Functions and Uses of Egyptian Myth - Katja Goebs, John Baines p. 645-681 Cet article discute les fonctions et les usages du mythe en Égypte ancienne dans une perspective comparatiste et passe en revue ses applications, afin de proposer une typologie générale de ses usages – applications politiques, érudites, rituelles et médicales, incorporation dans des images, exploitation linguistique et littéraire. De ce point de vue, le mythe égyptien ne diffère pas des autres mythes, avec la particularité que la mise en récits écrits semble s'être développée assez tard. Les nombreux usages et formes attestés mettent en évidence sa plasticité, source de nombreuses interprétations depuis les comptes rendus du mythe osirien par Plutarque au ii e s. apr. J.-C. Les mythes conceptualisent, expliquent et contrôlent le monde, et s'adaptent donc à une réalité toujours mouvante.This article discusses functions and uses of myth in ancient Egypt as a contribution to comparative research. Applications of myth are reviewed in order to present a basic general typology of usages: from political, scholarly, ritual, and medical applications, through incorporation in images, to linguistic and literary exploitations. In its range of function and use, Egyptian myth is similar to that of other civilizations, except that written narratives appear to have developed relatively late. The many attested forms and uses underscore its flexibility, which has entailed many interpretations starting with assessments of the Osiris myth reported by Plutarch (2 nd century AD). Myths conceptualize, describe, explain, and control the world, and they were adapted to an ever-changing reality.
- Entre Bousiris et Abydos, la (dé)rive de Nédit : mythologie égyptienne et dualisme géographique - Laurent Coulon p. 683-699 Mythologie et géographie sont indissociablement liées en Égypte ancienne, par le seul fait que les mythes sont souvent des récits étiologiques sur ses composantes territoriales. Cette contribution aborde le cas particulier de Nédit, qui désigne dans les sources égyptiennes le lieu où Osiris a été tué par Seth et dont la localisation a été l'objet de vifs débats. Des données concordantes permettraient de le situer dans le Delta oriental, non loin de Bousiris, d'autres autorisent à établir une équivalence avec Abydos. L'acclimatation à des fins rituelles du toponyme ne suffit pas à rendre compte d'une délocalisation qui impliquait une adaptation du mythe lui-même. L'analyse des récits mythologiques des papyrus Jumilhac et Salt 825 permet de mieux comprendre l'usage qui est fait du toponyme.
Mythology and geography are inextricably linked in ancient Egypt, by the mere fact that its myths are often aetiological narratives about its territorial components. This contribution focuses on Nedit, a toponym which, in ancient Egyptian sources, designates the place where Osiris was killed by Seth. Its location has been the subject of much debate. Consistent evidence would make it possible to locate it in the Eastern Delta, not far from Busiris, but an equivalence with Abydos is another possibility. The transfer of the toponym for ritual purposes is not a suitable explanation to account for a delocalization that would imply an adaptation of the myth itself. The analysis of the mythological accounts from papyri Jumilhac and Salt 825 allows a better understanding of the use of the toponym. - Le mythe fait-il le mystère ? Interprétations chrétiennes des mystères égyptiens (iie-ive siècles) - Francesco Massa p. 701-722 L'article examine les textes des apologètes chrétiens sur ce que l'on appelle les « mystères égyptiens » à l'époque impériale. Les sources sur ce sujet étant limitées, les témoignages de Minucius Félix, Lactance et Firmicus Maternus constituent des documents précieux pour étudier les mystères d'Isis et d'Osiris. D'après ces auteurs, ces mystères ne seraient qu'une illustration rituelle des récits mythiques relatifs à la quête d'Isis. L'idée d'une imitation du mythe par les célébrations mystériques est absente de la plupart des sources païennes sur les mystères égyptiens. Il semble que les auteurs chrétiens se servent en fait du modèle éleusinien, et de son mythe étiologique, qu'ils appliquent aux mystères égyptiens, faisant ainsi de ces « mystères » une catégorie cohérente.The article examines the evidence provided by Christian apologists on what is referred to as “Egyptian mysteries” in the Imperial period. Our sources on this topic are limited, and the evidence provided by Minucius Felix, Lactantius, and Firmicus Maternus constitute precious documents for the study of the mysteries of Isis and Osiris. According to these authors, Egyptian mysteries are merely a ritual illustration of the mythical narratives on the quest of Isis. The notion that mystery rituals imitate myth is however absent from most ancient pagan sources addressing Egyptian mysteries. It seems that Christian authors in fact used the Eleusinian model, and its etiological myth, to describe Egyptian mysteries, giving to the latter category a wholly homogenous character.
- Le mythe égyptien : une bibliographie - Lorenzo Medini, Gaëlle Tallet p. 723-727