Contenu du sommaire : Marcher dans la ville

Revue Sciences de la société Mir@bel
Numéro no 97, novembre 2016
Titre du numéro Marcher dans la ville
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Marcher dans la ville - Cédric Calvignac p. 3-19 accès libre
  • Marcher dans la prose des villes - Jean-Christophe Bailly p. 20-29 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Si la marche se pratique partout, et depuis toujours, on peut s'interroger sur l'émotion de cette motion, sur l'espace d'expérience qu'elle met en œuvre, à travers la littérature. Action du corps qui ouvre à la vue, mais aussi au toucher, la marche dans la ville, d'abord solitaire, suscite des allers-retours incessants entre la pensée intérieure et le monde alentour, sillonné de passants. Chez Baudelaire, comme chez Pessoa ou Agee, une chorégraphie aléatoire s'instaure entre le marcheur et la foule, au sein du labyrinthe urbain. Le passant devient l'interprète de la prose singulière des villes. L'écriture elle-même se met à l'écoute : le texte littéraire imite les phrases auxquelles la ville donne consistance et que le pas apprend à reconnaître.
    If walking is, and has always been, practiced anywhere, one can wonder about the emotion of this motion, about the space of the experience it creates, in literature. As a bodily gesture that favors seeing, but also touching, walking in the city is a solitary act that gradually entails unceasing comings and goings between the inner thoughts and the outside world, inhabited by passing strangers. In Baudelaire's, as well as in Pessoa's or Agee's works, some random choreography is established between the walker and the crowd, in the midst of the urban labyrinth. The passer-by becomes the interpreter of the singular prose of cities. The writing itself becomes alert to the city movements : the literary text imitates the sentences that the city produces and that the walker's steps learn to recognize.
  • Marcher, traduire – New York dans l'œuvre de Paul Auster - Nathalie Cochoy p. 30-45 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Dans la littérature américaine, la marche à travers la ville constitue un nouveau mode d'expérience sensible, fondé sur une reconnaissance des menus matériaux de la vie quotidienne. Les écrivains descendent dans la rue et instaurent une coïncidence entre une écriture incertaine, tâtonnante et un milieu informe, insaisissable et incommensurable. Ils donnent ainsi à éprouver la valeur de l'existence la plus commune. Dans l'œuvre de Paul Auster en particulier, la marche à travers New York donne à voir l'élan traducteur qui entraîne l'écriture à constamment avouer ses imperfections et à se relever. Déclinée sous diverses formes à la surface d'une ville babélienne, elle montre combien le travail traducteur ouvre le regard à l'imagination et instaure un mouvement vers les autres. En devenant danse, la marche manifeste ainsi l'investissement de l'écriture dans la diversité du sensible, dans sa dimension la plus ordinaire.
    In American literature, walking in the city appears as a new form of experience, based on a rediscovery of the minute elements of everyday life. When renouncing panoramic descriptions in order to explore the city at street level, novelists create some kind of co-incidence between the rambling movement of their words and the elusive, metamorphic, incommensurable environment of the city. They succeed in revealing the value of the most common forms of existence. In Paul Auster's work in particular, walking in New York reveals the art of translation that leads his writing to constantly admit its failure while ceaselessly renewing itself. Taking different forms in the Babel-like metropolis, the act of walking shows how the work of translation makes vision and imagination coalesce and favors a movement towards otherness. When becoming a dance, walking incarnates the involvement of words in the diversity of the world, in its most ordinary dimension.
  • Quelle place pour les flâneuses dans les banlieues françaises ? - Christina Horvath p. 46-65 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le flâneur est né avec les grandes villes de la modernité. Cette figure d'abord exclusivement masculine se féminise progressivement au long du xxe siècle en parallèle avec la conquête de l'espace urbain par les femmes. Pour devenir des flâneuses, les femmes doivent être en mesure de porter un regard autonome sur la ville, de devenir des doubles de l'artiste et d'arpenter la ville en solitaire, tout en s'exposant au regard d'autrui et en se tenant prêtes à interagir avec l'inconnu. Si les conditions de la flânerie féminine ne sont pas toujours réunies en ville, elles le sont encore moins dans les anciennes banlieues ouvrières marquées par l'immigration du Maghreb et du Sahel. La flâneuse a-t-elle droit de cité dans ces quartiers sensibles où une plus forte domination masculine contraint les femmes à limiter leurs sorties et à adopter des rôles féminins plus traditionnels ? Cet article se propose d'analyser les déplacements de jeunes femmes d'origine maghrébine dans les romans de Faïza Guène, d'Habiba Mahany et de Cloé Korman afin d'explorer les limites de la mobilité féminine aujourd'hui dans les banlieues françaises telles qu'elles sont reflétées dans des « romans de banlieue » contemporains.
    The flâneur was born at the same time as the modern metropolis. This initially male only figure underwent progressive feminisation in the 20th century as women took possession of the urban space. To become “flâneuses”, women had to be able to observe the city in an autonomous way, become the artist's doppelgangers, and walk the city alone, exposing themselves to others' gaze and keeping themselves ready to interact with the unknown. If the conditions of a female flâneur are not always present in the city, they are even less to find in the predominantly working class suburbs marked by successive waves of immigration from North and Sub-Saharan Africa. Can the female flâneur have a rightful place in deprived suburban areas where a stronger male domination has forced women to limit their outings and adopt more traditional female roles? This article looks at mobility of young female characters of Maghrebi descent in three novels by Faïza Guène, Habiba Mahany and Cloé Korman in order to explore the limits of female mobility in today's French suburbs which find their literary echo in contemporary “suburban novels”.
  • La marche comme art civique - Francesco Careri p. 66-73 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'article entend montrer que l'architecte gagne à être perçu comme un marcheur en mesure de communiquer avec les habitants du lieu et de mettre en forme des solutions architecturales conformes à leurs attentes. Pour l'architecte, la marche, véritable « art civique », représente l'outil participatif par excellence. Elle révèle en effet les différentes manifestations physiques des inégalités socio-économiques. L'article propose de ne suivre aucun itinéraire préconçu. Il n'y a pas de parcours linéaire : on marche vers une destination et vers ce qui détourne de la destination ; on se dispose aux accidents de parcours. Jouer avec le hasard et l'imprévu est en effet le seul moyen de prendre la ville par surprise. C'est le seul moyen d'interroger en profondeur les arbitrages rendus en termes d'aménagement de l'espace.
    The article aims to show that the architect deserves to be seen as a walker able to communicate with the inhabitants of the place, able to shape the architectural solutions that meet their expectations. For the architect, walking, as a true “civic art”, is the participatory tool par excellence. It shows the different physical manifestations of socio-economic inequalities. The article proposes to follow no preconceived route. There is no linear path: we walk to a destination and to what diverts us from it; we have to get prepared to unexpected encounters. Playing with chance and the unexpected is indeed the only way to take the city by surprise. It is the only way to examine in depth the decisions made in terms of urban planning.
  • Marche-loisir et marche-déplacement : une dichotomie persistante, du romantisme au fonctionnalisme - Jérôme Monnet p. 74-89 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Au début du xxie siècle, des chercheurs, des écrivains, des journalistes et des urbanistes proclament le renouveau de la marche à pied, mais leurs représentations positives de celle-ci renvoient essentiellement à l'activité de promenade, ou marche-loisir, par opposition à la mobilité pédestre utilitaire, ou marche-déplacement, qui reste sous-représentée. Cette dichotomie se met en place à la Renaissance lorsque l'État prend en charge la voirie publique avec l'objectif d'améliorer la circulation des véhicules, tandis que l'aristocratie développe l'art de la promenade dans des espaces privés. Le Romantisme illustré par Rousseau convertit ensuite l'ensemble des espaces ruraux en territoires où la marche permet l'épanouissement de l'individu, dans l'harmonie entre le corps, l'esprit et la nature. En ville, l'activité sociale de la promenade se démocratise dans les jardins devenus publics, avant de donner lieu à une exploitation marchande dans les Passages, puis devant les vitrines des Grands Magasins, dans les shopping malls et enfin dans les rues piétonnes des centres anciens. Avec l'urbanisme fonctionnaliste, dans une voirie modelée pour le transport mécanisé, la marche-déplacement devient complètement subordonnée, inconfortable et inopérante, alors que la marche-loisir bénéficie d'un système de sentiers de randonnée qui évite au maximum le réseau de circulation générale. Ainsi, l'enjeu du développement de la marche ne se situe pas dans les territoires du loisir que sont les espaces verts ou les centres touristiques et commerçants, mais dans le manque d'infrastructures et de politiques de déplacement pédestre dans les espaces majoritaires de la ville contemporaine, et notamment les banlieues.
    At the beginning of the 21st century, various researchers, writers, journalists or urban planners proclaim the renewal of walking, but their positive representations mainly refer to recreational outing (walking as a form of leisure) in contrast to utilitarian walking (walking as a form of displacement), which remains under-represented. This dichotomy actually appeared during the Renaissance when the State decided to take charge of the public road system, with the objective of improving vehicle traffic, while the aristocracy developed the art of promenade in private spaces. Then, romanticism illustrated by Rousseau converted rural areas in walking territories dedicated to human development through the search of harmony between body, spirit and nature. In the city, the social activity of the promenade became more and more popular and took place in public parks and gardens. This social activity of walking was soon associated with a commercial exploitation of city centers where people gazed at the many shop windows first of the “Grands Magasins” and later of the shopping malls. With the rise of a functionalist urban planning focused on the development of a mechanized transport infrastructure, “walking as a displacement” becomes completely subordinated, uncomfortable and inoperative. At the same time, a particular attention was paid to the extension of recreational walking trails where people could easily walk just for the pleasure of walking far from vehicle traffic. Thus, the challenge of walking development doesn't really lie in the management of leisure areas like green spaces, tourist and commercial centers, but rather in the planning of other parts of the contemporary city – including surrounding areas – which are generally lacking appropriate infrastructure to encourage sustainable development of eco-friendly transports (walking as a form of displacement).
  • Réaménager la ville pour y faire place à la marche « ordinaire » - Marie-Christine Jaillet p. 90-105 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'article s'intéresse à la marche en ville et à son traitement dans les politiques d'aménagement urbain, en essayant de comprendre quelles représentations de la marche nourrissent ces politiques et sur quels types de dispositifs et dispositions elles débouchent. Après s'être interrogé sur les raisons du regain d'intérêt pour la marche, il montre en quoi le marcheur fait aujourd'hui l'objet d'une forte valorisation, puis il examine ce que l'on attend de la réintroduction de cette figure en ville. L'auteur est alors en mesure d'examiner les modalités réelles de la marche en ville, de retracer le mouvement de piétonisation des centres villes et ainsi de mieux cerner comment penser la marche en ville aujourd'hui.
    The article focuses on urban walking and its management in urban policies. It aims at understanding what representations of walking these policies feed and what types of devices and dispositions they lead to. After having reviewed the reasons behind the renewed interest for walking, it shows how the walker is now the subject of a high valuation, and then it looks at what is expected from the reintroduction of this practice in urban life. The author is then able to examine the actual conditions of walking in cities, to trace the movement of pedestrianization of city centers, and to better understand how to think urban walking in contemporary settings.
  • Donner matière à penser l'équipement piéton. Quand le design éclaire l'analyse sociologique des mobilités urbaines - Cédric Calvignac, Nathalie Bruyère p. 106-133 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Marcher dans la ville implique le plus souvent la mobilisation de différents équipements personnels, de sacs et d'accessoires qui assurent autonomie et confort à leurs usagers. Étudier la marche en milieu urbain exige donc de prendre en considération la dimension matérielle de la mobilité pédestre, cette relation qui lie entre eux un environnement, des objets et des hommes. Il est en effet primordial de considérer que ces agencements mobiles – nés de l'association entre un piéton et les multiples entités qu'il transporte – sont la résultante d'arbitrages porteurs de sens sur les façons d'être et de se déplacer au sein de l'espace public. Interroger la composition et l'activité de pareils agencements revient à mettre au jour différents modes de régulation des comportements urbains, différentes routines d'action préférentielles.Dans cette contribution, nous portons notre attention sur l'équipement piéton, son usage en mobilité et son affectation à des tâches consuméristes. Nous mobilisons pour ce faire les enseignements tirés de deux formes de recherche que nous pensons complémentaires : une recherche scientifique dont le but est d'identifier et de comprendre les pratiques de déplacement urbain (enquête sociologique) associée à une recherche conceptuelle et formelle menée par un collectif d'élèves designers chargés d'imaginer l'équipement piéton de demain. Ces recherches conjuguées donnent matière à penser l'équipement piéton sous un nouveau jour. Elles permettent d'entamer une réflexion autour de trois grands axes : l'autonomie du piéton équipé, la coordination entre passants, l'intermodularité des modes de transport doux.
    Walking around the city often implies the mobilisation of various personal equipments, of bags and accessories providing autonomy and comfort to their users. Thus, studying urban walking requires to take into account the material dimension of pedestrian mobility and to pay a specific attention to the relationship between a given environment, objects and human beings. Indeed, it is important to consider that mobile agencies – born from the association of a pedestrian and the different items he or she carries – result from meaningful arbitrations made about the way(s) of being and moving within a public space. Focusing on such agencements' composition leads us to spread some light on social constraints, collective routines, personal preferences that really matter when it comes to travel through the city.In this article, we bring our attention to pedestrian equipments and to their mobile use during shopping trips. To do so, we bring together two types of research: a scientific research dedicated to the understanding of current mobility practices (sociological survey) and a conceptual and formal research conducted by students of a design school who have been instructed to develop the pedestrian equipment of tomorrow. These combined researches allow us to engage a reflection along three lines: the autonomy of equipped pedestrian, the coordination between passerby, the modularity of “soft” modes of transport.
  • Quand marcher requiert la mobilisation d'équipements imposants. Le cas des poussettes et caddies dans la mobilité de consommation - Michèle Lalanne, Jean-Sébastien Vayre, Helene Brembeck, Niklas Sörum p. 134-158 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Avec la charte de Leipzig, la durabilité des mobilités de consommation dans les centres des grandes villes, dont la marche, fait l'objet d'une certaine attention de la part des politiques européennes. Dans le cadre d'un programme de recherche franco-suédois sur la logistique de consommation nous avons réalisé une enquête qualitative sur l'équipement de la marche lors de l'approvisionnement quotidien des personnes âgées et des familles avec enfants. Ces observations nous conduisent à analyser comment la marche contrariée par des équipements imposants – poussettes et caddies – exige une coordination entre des objets, des personnes et des espaces. Ainsi, nous montrons que les mobilités de consommation qui se font à pied (i.e. : un moyen de transport particulièrement durable) constituent des dynamiques d'assemblages entre des personnes, des équipements et des marchandises qui font l'objet de nombreuses stratégies et tactiques. Dans ces configurations changeantes, la marche équipée de poussette et de caddie, permet de spécifier les ressources cognitives, psychomotrices et sociales susceptibles d'entraver et/ou de lever les obstacles du marcheur. Nous montrons que la marche contrariée par des équipements et des dispositifs techniques est une activité sociotechnique qui favorise la socialisation des piétons-consommateurs dans leur environnement.
    Under the Leipzig Charter, European policies encourages “soft” mobility development for consumption activities in city centers. As part of a European research project on Consumer Logistics, we carried out a qualitative survey on the use of various equipments needed by the elderly and by young parents to walk and purchase in city centers. In the light of our observations, we try to understand how those specific populations need to manage large equipments in their daily routine. We pay attention to the way objects, persons and environments interact together in a dynamic perspective. In doing so, we notably underline the main role played by strollers and trolleys in shopping trips of young parents and senior citizens. We show that opting for “soft” consumption mobility (walking) requires some tactics and strategies dedicated to make adjusted sociotechnical agencements. Walking with a shopping trolley or a stroller involves psychomotor, cognitive and social resources. This is also part of a process that helps people to socialize and be together in the city.
  • Procession - Anne Chaniolleau, Olivier Peyricot p. 159-160 accès libre
  • Textures périphériques - Claire Dutrait p. 161-166 accès libre
  • Note de recherche

  • Arguments

  • Note de lecture