Contenu du sommaire : Les trajectoires incertaines de l'industrialisation en Afrique
Revue | Afrique Contemporaine |
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Numéro | no 266 , 2018/2 |
Titre du numéro | Les trajectoires incertaines de l'industrialisation en Afrique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Marc-Antoine Pérouse de Montclos p. 5-7
Les trajectoires incertaines de l'industrialisation en Afrique
- L'Afrique sur la voie de l'industrialisation ? : Économie politique et trajectoires historiques. Introduction thématique - Mihoub Mezouaghi, Karim El Aynaoui p. 11-27
- L'industrialisation en Afrique en question : Des désillusions à un nouveau volontarisme - Pierre Jacquemot p. 29-53 L'Afrique importe l'essentiel de ses produits manufacturés – intermédiaires ou finis – du reste du monde. Après une première phase d'industrialisation inachevée, l'objectif d'accroître les niveaux de transformation industrielle continue de se dérober, surtout dans des chaînes de valeur qui sont caractérisées par des normes exigeantes soumises à des gouvernances contrôlées par les grandes firmes. Pour autant, l'intégration par les chaînes de valeur régionales est de plus en plus considérée par les gouvernements comme par les institutions régionales et internationales comme le moyen privilégié pour parvenir à une industrialisation enfin inclusive et durable. Elle est supposée encourager la modernisation du secteur privé, favoriser la création d'emplois, s'inscrire dans l'économie verte. Mais ce nouveau chemin se heurte encore à de nombreux obstacles.Industrialization in Africa in question
Africa imports most of its manufactured goods—intermediate or finished products—from around the world. After an initial phase of incomplete industrialization, the aim to increase levels of industrial transformation remains elusive, especially in value chains that are characterized by high standards governed by large corporations. Nevertheless, governments, as well as regional and international institutions, increasingly view the integration of regional value chains as the preferred means to finally achieve inclusive and sustainable industrialization. This is supposed to encourage modernization of the private sector, foster job creation, and fit in with the green economy paradigm. However, this new orientation is still faced with many challenges. - La mutation de l'économie éthiopienne : Les limites de la stratégie d'invitation - Jean-Raphaël Chaponnière p. 55-74 Classée parmi les pays les moins avancés, l'Éthiopie figure depuis dix ans parmi les plus dynamiques et son gouvernement prévoit qu'elle intégrera la catégorie des pays à revenu intermédiaire en 2025. Bien que l'économie soit à dominante agricole et que le pays dépende de l'aide alimentaire, le gouvernement a fait de l'industrialisation une priorité et il a adopté une « stratégie d'invitation » en direction des pays émergents, dont la Chine. En dépit des efforts déployés depuis 2000, la part du secteur manufacturier dans le PIB n'a pourtant pas augmenté, et les exportations de produits manufacturés demeurent faibles.Transformation of the Ethiopian economy
Ranked among the least developed countries, Ethiopia has been recognised as among the most dynamic over the last ten years and its government plans to join the ranks of middle-income countries by 2025. Even though the economy is predominantly agricultural and the country is dependant on food aid, the government has made industrialization a priority and has adopted an ‘invitation strategy' for emerging countries, including China. However, despite efforts made since 2000, the manufacturing sector's percentage of GDP has not increased, and manufacturing exports remain low. - Au Maroc, l'épreuve politique d'une industrialisation importée - Alain Piveteau p. 75-96 Le Maroc s'est doté d'une stratégie d'émergence industrielle au milieu de la décennie 2000. Cette « politique industrielle », que l'article passe en revue au regard de l'histoire longue de l'industrie au Maroc, vise explicitement la diversification de l'économie par l'attraction des investissements directs à l'étranger (IDE) et l'amélioration de la compétitivité externe de l'industrie. Elle combine grands projets infrastructurels et programmes de modernisation industrielle. En dépit de réels succès sectoriels, comme dans l'automobile ou l'aéronautique, le bilan insuffisant des deux premiers Plan et Pacte pour l'émergence a cependant conduit l'État marocain à ajuster son approche au travers du Plan d'accélération industrielle (PAI 2014-2020). La logique d'écosystème promue par le PAI se trouvera confirmée si elle parvient à accroître les relations industrielles (production, formation, technologie) entre les TPME/PME locales et les grandes entreprises à participation étrangère leaders des chaînes de valeur mondiales (CVM). Elle le sera moins si, en pratique, elle est réduite à une politique volontariste d'attraction de chaînons manquants des CVM présentes au Maroc, sans parvenir à y adosser le développement des capacités nationales.The political test of imported industrialization in Morocco
In the mid-2000s Morocco adopted an Industrial Emergence Strategy. This ‘industrial policy', which the article reviews in light of Morocco's long history of industry, is explicitly aimed at diversifying the economy by attracting foreign direct investment (FDI) and improving external industrial competitiveness. It combines major infrastructure projects and industrial modernization programmes. Despite real success in certain subsectors, such as the automotive and aeronautics sectors, inadequate results of the first two Plans and Pacts for Emergence led the Moroccan State to adjust its approach by means of an Industrial Acceleration Plan (PAI 2014 – 2020). The ecosystem logic promoted by the PAI will prove successful if it is able to increase industrial relations (production, training, technology) between local micro-businesses/SMEs and large, foreign-owned, leading global value chains (GVCs). It will be less so if, in practice, it is reduced to a pro-active policy that fills the missing links of those GVCs present in Morocco, without supporting the development of national capacities. - Maurice, l'industrialisation inclusive - Arthur Silve p. 97-114 Après avoir dressé un état des lieux du développement de l'île Maurice, cet article propose d'envisager deux perspectives contrefactuelles : l'une relative à la « maladie hollandaise » (dutch desease) et l'autre à l'établissement d'un régime patrimonial. Il défend la thèse selon laquelle ce sont les complémentarités établies, tant entre les différentes activités économiques qu'entre les différents groupes sociaux, qui ont permis un développement harmonieux, à la fois économique, social et politique, de l'île. Dans la mesure où différents volets de la politique industrielle menée à Maurice ont grandement favorisé ce développement, l'article propose d'introduire le concept d'industrialisation « inclusive ».Mauritius, inclusive industrialization
After a situational analysis of the development of Mauritius, this article suggests the idea of considering two counter factual perspectives: one relating to ‘Dutch disease' and the other relating to the establishment of a patrimonial regime. It argues that it is the synergies established, both between the various economic activities and between the different social groups that have enabled the harmonious development—economic, social and political—of the island. Insofar as various aspects of industrial policy in Mauritius have greatly contributed to this development, this article suggests the introduction of the concept of ‘inclusive' industrialization. - Mozambique : une économie de « concessions » - Delphine Frenoux p. 115-129 À travers l'expérience mozambicaine des trente dernières années, cet article interroge la pertinence des modèles économiques extractivistes comme stratégie de développement reposant sur l'exploitation massive des matières premières. Soutenu par la communauté des bailleurs de fonds, le projet mozambicain fait fi de sa population, grande perdante de l'épopée extractiviste. Les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté représentent encore près de la moitié de la population en 2014. Quant aux inégalités, elles se sont accrues depuis 1996. Sa spécialisation extractiviste rend enfin le modèle mozambicain particulièrement vulnérable aux chocs économiques externes. L'instabilité inhérente aux économies primo-exportatrices ne peut pas garantir de ressources stables, sans lesquelles tout projet de développement économique et social s'avère illusoire.Mozambique: an economy of ‘concessions'Through Mozambique's experience over the past thirty years, this article examines the relevance of extractive economic models as a development strategy given the massive exploitation of raw materials. Supported by the donor community, this Mozambican project is ignoring its population, the biggest loser of this extractivist saga. In 2014, almost half the population were still living below the poverty line and as far as inequality is concerned, this has been on the increase since 1996. However, this focus on extractivism makes the Mozambican model particularly vulnerable to external economic shocks. The instability inherent in primarily exporting economies cannot guarantee stable resources, without which any economic and social development projects are just pipe dreams.
- Industrialisation de l'Algérie : l'obstacle des droits de propriété - Fatiha Talahite p. 131-150 Dans cet article, la désindustrialisation en Algérie est interrogée sous l'angle des droits de propriété. Resté en arrière-plan de la réflexion, ce sujet est traité généralement de manière superficielle, s'il n'est pas totalement éludé. Or, il paraît un fil conducteur particulièrement pertinent pour faire le lien entre des problèmes récurrents soulevés par la question industrielle, que l'on n'a pas l'habitude d'analyser sous ce prisme. Il est abordé ici sous un angle historique qui en révèle toute la complexité et indique des pistes pour la construction d'un cadre analytique.The industrialization of Algeria: the property rights obstacle
In this article, Algeria's de-industrialization is examined from the perspective of property rights. Often in the background of any reflection, this issue is usually addressed in a superficial manner, if not completely ignored. However, it seems to be a particularly relevant thread to link recurrent problems raised by the industrial question, which is not usually analyzed in such a way. It is addressed here from a historical perspective that reveals its complexity and ideas are put forward for the construction of an analytical framework.
Repères
- L'Afrique entre industrialisation et désindustrialisation - Michaël Goujon p. 152-155
- Obstacles à la création d'emplois décents et politiques de l'emploi en Afrique de l'Ouest - Fatou Gueye, Ahmadou Aly Mbaye p. 156-159
- Vers une industrialisation verte vertueuse ? - Pierre Jacquemot p. 160-162
Entretien
- De l'industrialisation à l'émergence ? : Vieilles antiennes et horizons lointains - Kako Nubukpo p. 165-172
Question de recherche
- Réglementation de l'industrie bancaire et exclusion financière dans la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale - Désiré Avom, Amadou Bobbo p. 175-190 Cet article met en évidence les effets pervers, notamment l'exclusion financière, nés de la réglementation de l'industrie bancaire dans la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC). Il expose d'abord le dispositif réglementaire en vigueur, mis sur pied en 1992 avec la création de la COBAC. Il montre ensuite que les efforts déployés par les banques pour s'adapter à cette réglementation influencent leurs choix stratégiques qui se traduisent par deux formes d'exclusion financière : une première induite par la stratégie de localisation des banques et une deuxième engendrée par la politique de l'offre des services bancaires.The control of the banking industry and financial exclusion in the Central African Economic and Monetary CommunityThis article highlights the adverse effects, in particular financial exclusion, stemming from the regulation of the banking industry in the Central African Economic and Monetary Community (CEMAC). After outlining the regulatory system in force, which was set up in 1992 with the creation of COBAC, it goes on to show that the efforts made by banks to adapt to regulations influence their strategic choices resulting in two forms of financial exclusion: the first induced by a bank's location strategy and the second generated by the policy of providing financial services.
- Réglementation de l'industrie bancaire et exclusion financière dans la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale - Désiré Avom, Amadou Bobbo p. 175-190
Choses vues
- Petite corruption et situations de pluralisme normatif au Burundi - Guillaume Nicaise p. 193-213 Cet article restitue et analyse les pratiques des percepteurs d'impôt et des élus locaux au Burundi. Pour mieux comprendre le fonctionnement de l'État au niveau local, les observations participantes réalisées identifient les rapports de force, les réseaux de solidarité et les marges de manœuvre utilisées par les acteurs, afin de défendre leurs intérêts. L'omniprésence du parti au pouvoir et le faible niveau de contrôle favorisent l'impunité autour de la petite corruption locale. L'article démontre que la corruption au Burundi est essentiellement un fait social, en rupture avec sa définition formelle, et qu'elle fait partie de l'actuel système de gouvernance.Petty corruption and cases of normative pluralism in Burundi
This article documents and analyzes the practices of tax collectors and local elected officials in Burundi. To better understand the function of the State at the local level, observations were undertaken showing that actors used the balance of power, solidarity networks and room for manœuvre to defend their interests. The omnipresence of the ruling party and low levels of control favour impunity for local petty corruption. This article demonstrates that corruption in Burundi is essentially a social phenomenon, breaking away from its more formal definition, and is part of the current system of governance.
- Petite corruption et situations de pluralisme normatif au Burundi - Guillaume Nicaise p. 193-213
Notes de lecture
- Jean-Michel Servet. L'Économie comportementale en question - Philippe Coquart p. 217-219
- Jean-Michel Huet. Le Digital en Afrique. Les cinq sauts numériques - Vincent Hecquet p. 220-223
- Houssen Zakaria. L'Aide publique au développement. Visées et nouvelles stratégies en Afrique - Pierre Jacquemot p. 224-227
- Martin Plaut. Understanding Eritrea. Inside Africa's Most Repressive State - Sonia Le Gouriellec p. 228-230
- Achille Mbembe. Critique de la raison nègre - Fernando López Castellano p. 231-233
- Jean-Pierre Tuquoi. Oubangui-Chari. Le pays qui n'existait pas - Stéphane Madaule p. 234-236