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Revue Politiques de communication Mir@bel
Numéro no 11, automne 2018
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Présentation du dossier : Les publics institutionnels. Réception et appropriation des informations et des recommandations - Caroline Ollivier-Yaniv p. 5-14 accès libre
  • Prescrire, dire et faire : Les logiques d'appropriation par les publics féminins des discours institutionnels sur le dépistage des cancers - Coralie Pereira da Silva p. 15-41 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Augmenter la participation aux programmes de dépistage des cancers des publics féminins non-participants constitue l'objectif des acteurs institutionnels sanitaires. Mais qu'en est-il du sens que les femmes accordent à ces pratiques et aux campagnes qui les accompagnent ? Telle est la question qui guide l'article à travers une étude en réception des campagnes de dépistage des cancers. Les premiers résultats d'une enquête ethnographique menée en Ile-de-France auprès de femmes dites en situation socioéconomique défavorisée ainsi qu'une analyse des contributions citoyennes postées sur la plateforme de concertation du cancer du sein permettent d'aborder les formes d'appropriation des discours institutionnels assurant la promotion du dépistage par les publics féminins au travers de leur expérience. L'appropriation oscille finalement entre adhésion, négociation et opposition, et relève de significations socialement différenciées.
    Increasing the participation in cancers screening programs for non-participant female audiences is the goal of institutional health actors. What about the meaning women give to these practices and the campaigns which promote them? That's the question that guide the article through the study of cancer screening campaigns' reception among women. The first results of an ethnological study carried out in Ile-de-France among underprivileged women and an analysis of some on-line contributions posted as part of the French consultation with the citizens on breast cancer issue make possible to approach how they appropriate institutional discourse promoting screening according to their own experience. Appropriation finally oscillates between adherence, negotiation and opposition, and comes from socially differentiated meanings.
  • Des publics pas si dépolitisés : L'appropriation des prescriptions institutionnelles dans deux espaces de participation de quartier à Berlin-Neukölln - Thomas Chevallier p. 43-72 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article traite de deux espaces de participation mis en place dans un quartier de Berlin dans le cadre de la politique ciblant les quartiers populaires en Allemagne (le « management de quartier » au sein du programme « Ville sociale ») : un atelier cuisine dans une association et un café des parents dans une école primaire. Par le biais d'une approche ethnographique et pragmatiste, il y questionne l'appropriation par les participantes – des femmes issues de l'immigration, mères de condition populaire et pour certaines employées par le biais de dispositifs de contrat aidé comme « mères de quartier » – des prescriptions institutionnelles entourant leur bonne participation. Si la participation effective n'est pas sans décalages par rapport aux objectifs institutionnels, leur observation régulière donne à voir des styles interactionnels empreints de convivialité peu propices à la discussion des inégalités. Toutefois, dans les confins de ces espaces, en s'appuyant sur un entre-soi fondé sur une relative non-mixité et des relations fortes, les participantes développent un discours caché relatif à la domination sur la base d'une commune identité de genre, de mère d'élève à l'école et d'individus issus de l'immigration stigmatisée. Si le phénomène d'évaporation du politique analysé par Nina Eliasoph se vérifie, l'article montre que l'analyse doit aussi laisser place aux possibles processus de re-condensation du politique dans les arrière-scènes participatives.
    This paper is about two participation spaces implemented in a neighborhood in Berlin within the policy which targets poor neighborhoods in Germany (the “Quartiersmanagement” within the program “Social City”): a cooking workshop in an association and a parents café in a primary school. Through an ethnographical and pragmatist approach, it questions the appropriation from participants – women with migration backgrounds and low incomes, some of them employed through subsidized contracts as “neighborhood mothers” – of the institutional prescriptions regarding their good participation. If the actual participation shows some differences compared to the institutional aims, their regular observation shows interactionnal styles tinged with conviviality, not favourable to the discussion of the inequalities. However, in the backyard of those spaces, the participants, leant on single-sex and strongs relations, are developing a hidden transcript of domination on the basis of a common identity of gender, as mother of pupils and individuals coming from stgmatized immigration. If the phenomenon of evaporation of politics analyzed from Nina Eliasoph is confirmed, this paper shows that the analysis have too to give place the possible process of re-condensation of politics in the backyard of participation.
  • « Le CAI, c'est bien pour les autres » : L'injonction à l'intégration du point de vue des signataires du contrat d'accueil et d'intégration (CAI) - Camille Gourdeau p. 73-101 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cette contribution s'intéresse à la manière dont les étranger(e)s appréhendent la contrainte juridique que constitue, en France, la signature du contrat d'accueil et d'intégration. Il s'agit de montrer dans cet article que, contrairement à ses objectifs formels, le CAI n'est pas perçu comme pouvant contribuer à l'intégration mais, le plus souvent, comme une obligation administrative. Après avoir mis en lumière, dans un premier temps, la manière dont l'intégration est conçue dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, nous nous intéresserons, dans un deuxième temps, au passage à l'OFII et au moment de la signature du contrat. Enfin, on examinera les usages du CAI : plus que l'apprentissage des valeurs de la République ou de la langue française, les signataires considèrent le contrat comme nécessaire pour l'obtention du titre du séjour. Ils se conforment à cette obligation tout en considérant que « le CAI, c'est bien pour les autres » et en conservant une certaine distance à l'égard du dispositif, si bien que du point de vue des signataires, le CAI apparaît principalement comme une procédure administrative.
    This contribution is concerned with the way in which foreigners perceive the legal constraint that constitutes, in France, the signature of the contract of reception and integration. The purpose of this article is to show that, contrary to its formal objectives, the CAI is not perceived as being able to contribute to integration but, most often, as an administrative obligation. After first highlighting the way in which integration is conceived in the framework of the hosting and integration contract, we will focus, in a second step, on the transition to the OFII and at the moment the signing of the contract. Finally, we will examine the uses of the CAI: more than learning the values of the Republic or the French language, the signatories consider the contract necessary for obtaining the title of stay. They comply with this obligation while considering that “the CAI is good for others” and keeping a certain distance from the device, so that from the point of view of the signatories, the CAI appears mainly as an administrative procedure.
  • « Dans la gestion d'une crise, il faut éviter l'affolement et la panique » : Comment les communicants légitiment le sens commun des décideurs politiques - Jeremy K. Ward p. 103-130 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article s'intéresse aux effets de l'institutionnalisation de la communication sur les représentations que les décideurs politiques se font de leurs publics. À partir du cas de la gestion de la pandémie de grippe A, il analyse la manière dont les experts en communication du Service d'information du gouvernement (SIG) ont légitimé auprès des gestionnaires de cette crise des représentations de la population mettant en avant sa potentielle irrationalité. Nous montrons tout d'abord que l'intégration du SIG dans ce dispositif de gestion de crise s'insère dans la continuité du processus d'institutionnalisation de l'expertise en communication. Nous soulignons ensuite le fait qu'au cours du processus de préparation à la gestion de la pandémie, les membres du SIG ont placé l'idée d'irrationalité de la population au cœur des principes de la « communication de crise » afin de valoriser leur place dans cette gestion. Or, l'adhésion à ces principes se traduit durant la crise par une vigilance accrue vis-à-vis des signes de basculement dans l'irrationalité qui sont alors portés à l'attention des décideurs. Ces signalements focaliseront l'attention de ces derniers, au détriment d'autres problématiques mises en avant par les membres du SIG. Enfin, nous insistons sur le caractère inachevé du processus de légitimation et d'institutionnalisation de l'expertise en communication. Si le SIG bénéficie d'une position au sein de la Cellule interministérielle de crise, cette position reste dominée. Ses membres doivent en permanence se battre pour faire reconnaître leur expertise lorsque celle-ci va à l'encontre du sens commun des décideurs. La faible légitimité accordée à leur expertise ne leur permet pas d'imposer leur propre interprétation des phénomènes qu'ils signalent. La légitimation des représentations irrationalisantes de la population par les experts en communication découle ainsi paradoxalement en partie de la relative illégitimité de cette forme d'expertise.
    This article takes an interest in the effects of the institutionalization of communication on policy makers' representations of their public. Using the case of the 2009 pandemic flu vaccination campaign, I describe how communication experts from the Service d'information du gouvernement (SIG) participated in legitimizing and promoting representations of the population as potentially irrational. Firstly, I show that, in the standard crisis management scheme, the SIG constitutes the main source of expertise on the public's behavior. Then, I underline how, during the process of preparation to a pandemic crisis and of definition of the principles of “crisis communication”, agents from the SIG insisted on the irrational potential of the population in order to present their expertise as necessary. As a consequence of this strategy, the surveillance of “public opinion” during the pandemic was particularly oriented toward identifying signs of irrational reactions. These reports focused the attention of the actors involved in handling the crisis, to the detriment of other messages transmitted by the SIG. Because of the lack of legitimacy attributed to their function within the crisis management scheme, experts from the SIG did not succeed in countering this over-irrationalist interpretation of the data they presented. The capacity that experts in public opinion have to legitimize irrationalist representations of the population rests paradoxically, at least in part, in the relative illegitimacy of their expertise.
  • Décrire et mesurer des difficultés scolaires naturalisées : À propos de la dyslexie en France et au Royaume-Uni - Marianne Woollven p. 131-158 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La dyslexie est une catégorie médicale désormais reconnue dans l'institution scolaire. Cet article montre comment, en France et au Royaume-Uni, avec le succès de la catégorie de dyslexie depuis le début des années 2000, on assiste à une disparition progressive de la prise en compte des rapports sociaux dans les représentations dominantes et légitimes des questions scolaires. Tout d'abord cette catégorie s'inscrit dans les rapports de force qui se jouent entre disciplines scientifiques et ont pour enjeu de produire des connaissances mais aussi d'agir sur la société, par le biais de l'école. Ensuite, les schèmes de pensée et les outils de mesure utilisés contribuent à faire de la dyslexie un problème a-social.
    Dyslexia is a medical category recognized nowadays within education as an institution. This paper shows how, in France and the United-Kingdom, with the success of the category of dyslexia since the early 2000's, social relations are less and less taken into account in the dominant and most legitimate representations of educational issues. Firstly, the category is part of the power relationship between scientific disciplines; what is at stake is not only the production of knowledge but also the ability to act on society, through the school. Secondly, the ways of thinking and measuring devices contribute to making dyslexia an a-social problem.
  • Une politique au gré des nominations : Expliquer trente ans de revirements de la politique audiovisuelle extérieure en France (1984-2012) - Romain Lecler p. 159-194 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Pourquoi y a-t-il en France deux doctrines de l'audiovisuel international, contrairement aux autres pays ? La première, francophone et culturelle, incarnée dès 1984 par TV5, et portée par des diplomates et des hauts fonctionnaires ; la seconde, nationale, axée sur la communication et l'information, défendue par des professionnels des médias et de la publicité sur le modèle de CNN ou de la BBC, autour des chaînes Canal France International puis France 24. Pendant 30 ans, la persistance de ces deux doctrines antagonistes s'est accompagnée de brusques retournements doctrinaux. On explique cette instabilité de la « politique audiovisuelle extérieure » par la politisation des nominations qui s'est accentuée dans le champ politico-bureaucratique à partir des années 1980. L'article analyse ainsi quatre séquences successives qui ont été fortement politisées par les nominations et marquées par des renversements de situation ou des changements des règles du jeu. Chaque fois que l'éventualité d'une nouvelle nomination s'est profilée, les candidats ont en effet remis l'audiovisuel international à l'agenda politique et médiatique, multiplié les rapports et contre-rapports, révélé et instrumentalisé des scandales, et aligné leurs positions sur des clivages partisans en s'alliant avec certains dirigeants politiques.
    Why are there two doctrines for the French foreign audiovisual policy, unlike other countries? The first, francophone and cultural, was embodied by TV5 when it was launched in 1984. It was mostly carried out by diplomats and senior civil servants. The second, national, was focused on communication and information. It was defended by communication specialists, and shaped around the TV channels Canal France International and then France 24, on the model of CNN or the BBC. For 30 years, the persistence of these two antagonistic doctrines has been characterized by sudden doctrinal reversals. This instability of the French «foreign audiovisual policy» can be explained by the politicization of the appointments, a feature of the French politico-bureaucratic field that worsened in the 1980s. The article thus analyzes four successive sequences that have been highly politicized by the nominations and marked by reversals or changes in the rules of the game. Whenever the possibility of a new appointment became apparent, the candidates put the policy back on the political and media agendas, published numerous reports and counter-reports, revealed and used scandals, and matched their positions with partisan cleavages through alliances with a few political leaders.