Contenu du sommaire : Le système international face aux guerres civiles au XXe siècle (II)

S'il est aujourd'hui admis que les organisations internationales peuvent intervenir en tant que médiateurs dans le cadre de guerres civiles, et s'il est courant qu'elles le fassent, leur rôle a évolué depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale sous l'effet du changement des réalités de la vie internationale. Deux facteurs ont été particulièrement marquants. Le premier est le processus de régionalisation, qui a entraîné une augmentation sans précédent du nombre de médiateurs et a contraint, partant, les organisations internationales à adapter leur démarche. Le second est le renforcement du cadre juridique international, qui a fait naître de nombreuses attentes au sein des populations et créé un carcan dont les médiateurs ne sauraient se départir.

Issu d'une recherche encore embryonnaire sur l'ONU et la sécurité régionale dans la péninsule indochinoise pendant la Guerre froide, notre article vise à réintroduire cet acteur marginalisé dans l'historiographie des conflits qui ont ravagé la région. En croisant autant que possible son rôle avec l'étude de la dimension civile des guerres, au Laos et au Vietnam, il conduit à nuancer le jugement d'impuissance et d'inefficacité des Nations Unies dans les tragédies indochinoises. Il dévoile les efforts des secrétaires généraux successifs, entre la fin des années 1950 et le début des années 1970, pour tenter de concrétiser des solutions politiques et diplomatiques. Il suggère que la sincérité de ces efforts, sous le long mandat d'U Thant, a finalement ouvert la voie à l'intégration officielle du Vietnam réunifié à l'ONU en 1977.

L'objectif de cet article est d'examiner les soutiens politiques et économiques fournis par l'Union Européenne (UE) pour accompagner le processus de paix nord-irlandais. S'appuyant sur de vastes recherches archivistiques et le recueil de témoignages, il retrace la genèse de l'européanisation de ce conflit et démontre que la relation entre l'Irlande du Nord et l'UE est essentielle pour comprendre le processus de paix.

En 1938, la Grande-Bretagne et la France instaurent chacune de leur côté deux missions d'échange de prisonniers : les missions Chetwode et Vincent. C'est le reflet d'une forme d'inflation et de concurrence humanitaire entre les deux pays. Mais cette concurrence semble s'expliquer principalement par la visée plus officieuse de la mission Chetwode : ouvrir la voie à une médiation politique en Espagne. Quoi qu'il en soit, l'existence de deux missions similaires compromet fortement leur chance de succès, bien qu'une forme de complémentarité ait pu exister à l'occasion entre elles.

Intervenant à quelques années d'intervalle, les guerres civiles du Congo (1960-1965) et du Biafra (1967-1970) structurent durablement les rapports qu'entretiennent les sociétés et les États occidentaux avec l'Afrique subsaharienne indépendante. À partir d'une perspective comparatiste, cet article analyse la façon dont la communauté internationale, les acteurs non gouvernementaux et les opinions publiques occidentales réagissent à ces conflits et aux problèmes humanitaires qu'ils soulèvent. Il souligne ainsi les évolutions qui s'opèrent dans les réponses apportées à ces situations et dans la manière dont elles sont représentées. Ce faisant, l'article restitue la place occupée progressivement par l'humanitaire dans les relations internationales postcoloniales, tout particulièrement en ce qui concerne le continent africain.

L'éclatement de la Yougoslavie et les conflits qui l'ont accompagné en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo (1991-1999) ont donné lieu, en France en particulier, à une mobilisation protéiforme d'individus, de groupes et d'intellectuels qui ont pris position face à ce qui était considéré comme une véritable crise de l'Europe. Novatrice dans ses formes mais assez impuissantes en ce qui concerne ses résultats, elle a porté la volonté de comprendre les mutations du système international et surtout l'espoir de faire de la solidarité internationale une nouvelle base pour l'action politique. Après avoir retracé les caractéristiques de ces moments militants aujourd'hui oubliés, cet article propose d'en analyser les effets sur les transformations des références pour penser le monde contemporain et ses crises. En effet, si elle a peu influencé la position du gouvernement français de l'époque et la situation en général, cette mobilisation de citoyens a eu un impact sur l'évolution des formes d'engagement politique. De plus, son examen permet d'analyser la façon dont se reformulent au tournant des années 1990 certaines questions, comme les identités ethniques et les formes contemporaines de la guerre.

Nous proposons dans cet article d'étudier le statut le statut international de réfugié sous l'angle de ses liens avec deux guerres civiles : la guerre civile russe et la guerre civile espagnole. La première a été à l'origine de la création du statut dit Nansen, la seconde a été l'un des tournants majeurs de l'entrée dans l'actuel régime des réfugiés, régi par la convention de Genève. Instrument paradoxal, le statut a été pour les États une forme d'intervention dans un conflit interne et un outil de préservation des relations diplomatiques. Dispositif élaboré par des réfugiés de la guerre civile russe, il a été un levier pour les réfugiés eux-mêmes en vue d'une reconquête, maintenant les réseaux d'acteurs du conflit, élément ambivalent tant pour le devenir du statut que pour le destin des hommes et des femmes auxquels l'exil s'est imposé.

Pendant la guerre d'Algérie, près de 300 000 Algériens quittent leur pays pour trouver refuge en Tunisie et au Maroc. Cet épisode mal connu de la décolonisation constitue un moment important dans l'histoire du système international de protection des réfugiés. En effet, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés s'engage en faveur des réfugiés algériens et met à cette occasion pour la première fois le pied hors d'Europe, entamant alors une dynamique d'expansion vers les pays du Sud. Parallèlement, les réfugiés algériens deviennent un enjeu diplomatique, puisque le Front de libération nationale algérien les intègre dans sa stratégie d'internationalisation du conflit et s'en sert pour inscrire la décolonisation dans les préoccupations de la communauté internationale.

Malgré leurs critiques de l'interventionnisme militaire français en Afrique, François Mitterrand et François Hollande ont tous deux fini par assumer le rôle de protecteur régional du «pré carré». À travers une comparaison entre les premières opérations décidées par les deux présidents socialistes de la Ve République – l'opération Manta au Tchad en 1983 et l'opération Serval au Mali en 2013 – cet article a pour objet d'observer le processus d'appropriation de ce rôle de protecteur régional. Malgré les changements induits par la fin de la bipolarité et le développement des organisations régionales, la mise en place de l'opération Serval, trente ans après l'opération Manta, témoigne non seulement de la survivance du rôle de protecteur mais aussi de sa nouvelle «crédibilité» liée à la montée des groupes djihadistes.