Contenu du sommaire : Aux marges de la France

Revue Sociétés & Représentations Mir@bel
Numéro no 38, 2014
Titre du numéro Aux marges de la France
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier  : Aux marges de la France. L'histoire de France vue de Berkeley, Californie

    • Aux marges de la France : L'histoire de France vue de Berkeley, Californie - Dominique Kalifa, Jann Matlock p. 7-19 accès libre
    • À chacun son public : Politique et culture dans l'Algérie des années 1930 - Joshua Cole, Stéphane Bouquet p. 21-51 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans les années 1930, les Algériens participèrent à un grand débat sur la réforme électorale. Au même moment, un nouveau théâtre explorait le cadre des relations entre les citoyens français et les colonisés musulmans. Ces spectacles évoquaient les rapports entre les Nord-Africains et l'État colonial, entre les femmes « européennes » et les hommes « musulmans ». Ils témoignaient également des effets de la culture « européenne » sur les modes de vie en Afrique du Nord. Le nouveau théâtre algérien contribua au débat politique à trois niveaux. D'abord, les troupes de théâtre proposaient une forme d'expérimentation hybride, mêlant aux styles européens les gestuelles et les chants nord-africains, associant le français et l'arabe dialectal. Ensuite, les pièces mettaient en scène les rapports entre hommes et femmes, Français et Maghrébins, musulmans et juifs. Les spectacles défiaient donc les hiérarchies qui structuraient la société algérienne. Enfin, tout comme les élus locaux algériens, les troupes de théâtre cherchaient à créer leur propre « public », contribuant ainsi à l'émergence d'une sphère publique coloniale.
      To Each His Own Audience: The Performance of Politics and Culture in Interwar Algeria
      In the 1930s, Algerians participated in a great debate about electoral reform. At the same time, new theatrical spectacles discussed the larger context of relations between French citizens and Muslim colonial subjects. Plays were performed that dealt with the relations between North Africans and the French colonial state, relations between “European” women and “Muslim” men, and the effects of “European” culture on modes of life in North Africa. The new Algerian theatre contributed to political debates in three ways. First, the troupes constituted a form of hybrid experimentation, performing spectacles that blended European theatrical styles with North African forms of song and movement, in both French and Arabic dialect. Second, the plays asked questions about relationships between men and women, French and North African, Muslims and Jews. The plays thus challenged many of the hierarchies that structured Algerian society. Finally, both the theatre troupes and Muslim elected officials sought to construct their “audience” in an emerging colonial public sphere.
    • Voyages extrêmes : les récits d'aventures en France à la fin du XIXe siècle - H. Hazel Hahn, Stéphane Bouquet p. 53-86 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La mission du Journal des voyages et des aventures de terre et de mer, périodique très populaire de la fin du XIXe siècle, était double : publier de nouveaux récits d'aventures et répandre les connaissances géographiques. Le Journal associait étroitement récits d'aventures – l'essentiel de son contenu – et activités des sociétés géographiques. Grâce à un jeu complexe entre le sensationnalisme et l'éloge de la vérité, grâce aussi à une confusion générale entre les récits d'aventures et les descriptions de lieux réels, le Journal promut une vision idéologique du monde : les Français étaient dotés de la capacité de s'élever au sommet de sociétés « primitives ». La mobilité permanente – thème qui étayait l'impérialisme – était le sujet central des récits d'aventure du Journal. Cet article examine en outre un roman d'aventure parodique, signé Albert Robida, pour interroger les prétentions du Journal à défendre le réalisme et à répandre l'éducation.
      Extreme Travel in Late Nineteenth-Century French Adventure Stories
      The mission of the Journal des voyages et des aventures de terre et de mer, the most popular adventure periodical of the fin-de-siècle, was twofold: publishing new adventure fiction and disseminating geographical knoweldge. The Journal closely associated adventure fiction – its core content – with the activities of geographical societies. Through a complex dynamic between the Journal's sensationalism and its supposed commitment to truth, alongside a pervasive confusion of adventure stories with accurate descriptions of real places, the Journal promoted an ideologically charged worldview in which the French possessed the ability to rise to the top of the social hierarchies of societies labelled primitive. The key theme of the Journal's adventure fiction was continuous mobility, a theme rendering support to imperialism. In addition, an examination of a parody of adventure fiction by Albert Robida interrogates the Journal's claims of realism and educational value.
    • Anatomie d'un fait divers impérial : L'affaire Pranzini et la fabrication d'un archétype criminel - Aaron Freundschuh, Stéphane Bouquet p. 87-122 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En septembre 1887, un fin limier, reporter au Figaro, révèle au Tout-Paris que de hauts responsables de la police sont en possession de porte-cartes fabriqués avec de la peau humaine. Il s'avère que cette peau a été prélevée sur le cadavre d'Henri Pranzini, migrant égyptien récemment guillotiné pour triple homicide. Le scandale qui s'ensuit dévoile les chassés-croisés entre l'imagination coloniale française et le « discours sécuritaire » très répandu à Paris à la fin du xixe siècle. À ce moment clef de l'histoire de l'expansionnisme républicain, les théories s'affrontent à propos de ce vétéran des guerres impériales. Mais, malgré leur rivalité, médecins, critiques sociaux, inspecteurs de police, journalistes reviennent sans cesse aux catégories raciales de « Levantin » et de « rastaquouère ». De ces enquêtes allait émerger un nouvel archétype criminel, celui de l'anti-héros colonial protéiforme, toujours prêt à menacer la métropole. Cet article propose le concept d'« insécurité impériale » pour explorer les formes de criminalité violente, réelles ou imaginaires, que l'aventure coloniale fait résonner dans un Paris angoissé. Instrumentalisée dans les débats parlementaires, l'affaire Pranzini révèle jusqu'où l'immigration en provenance des colonies a nourri les arguments des partisans d'un contrôle de l'immigration au moment où le projet colonial républicain prenait son essor.
      Anatomy of a fait divers impérial
      In September 1887, a stalwart Figaro reporter broke the news that highranking officials at the Police de sûreté were in possession of cardholders (portecartes) fashioned from the cadaver of Henri Pranzini, a migrant from Egypt recently executed in Paris for triple homicide. The ensuing scandal opens a unique perspective on the interplay between the French colonial imagination and the “discours sécuritaire” that became prevalent in Paris during the late nineteenth century. At a pivotal moment in the history of republican expansionism, doctors, social theorists, police investigators, and newspapermen competed to articulate the threat posed by Pranzini, a veteran of imperial wars in Africa and central Asia whom they racialized as a “Levantine” and a “rastaquouère.” Their investigations produced a new criminal archetype, that of the shapeshifting colonial antihero who returns to menace the metropole. This article proposes the concept of “imperial insecurity” to explore how colonial adventurism reverberated back to Paris in real and imagined forms of violent criminality. Mention of Pranzini in parliamentary debates suggests that colonial migration became fodder for proponents of tighter immigration restrictions at the outset of the republican colonial project in the late nineteenth century.
    • Luxe, amour et transactions : La culture des bijoux sous l'Ancien Régime - Sarah Horowitz, Stéphane Bouquet p. 123-142 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Aux xviie et xviiie siècles, les diamants étaient des biens de consommation aux significations multiples. Forme de la consommation ostentatoire, les bijoux scellaient aussi les relations Amoureuses. Ils n'étaient pas seulement un symbole de richesse, mais la richesse elle-même. En tant que monnaie qui pouvait être transmise et héritée, les bijoux étaient utilisés par les femmes pour contourner la primogéniture et les restrictions légales sur leurs droits à la propriété. Cependant, cet espace marginal pouvait aussi représenter un danger pour elles, comme Marie-Antoinette devait le découvrir durant l'affaire du collier de la Reine. Recevoir ou offrir des bijoux permettait aux femmes de posséder quelque contrôle sur la propriété, mais pouvait aussi les mettre en péril, précisément parce que les diamants étaient utilisés dans des cadres affectifs, sexuels et économiques.
      The Margins of Luxury, Sentiment, and Currency: The Jewelry Culture of the Old Regime
      In the seventeenth and eighteenth centuries, diamonds were a consumer good with multiple meanings that operated between the registers of status, emotion, sexuality, and wealth. Beyond serving as a marker of the wearer's wealth and status, jewels were also used as tokens of affective or sexual relationships. At the same time they served as a form of currency and were easily converted into cash. In a legal system that restricted women's property rights, women were able to inherit, bequeath, and give others jewelry – and thus give and receive a good with great economic value. While this culture of gift exchange allowed some women to have control over property, it could also place women in danger precisely because diamonds occupied a space between the sexual, affective, and economic, as the Diamond Necklace Affair would demonstrate.
    • Donneuses d'eau. Une profession au cœur du thermalisme français (1840-1914) - Eric T. Jennings p. 143-170 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En hommage à Susanna Barrows, au carrefour de quelques thèmes qui lui étaient chers – l'histoire culturelle alliant pratiques et représentations, celle des femmes et des genres, celle de la littérature médicale prescriptive, et enfin celle des buveurs –, cet article se penche sur une profession entièrement féminine, largement oubliée, mais pourtant située jadis au cœur du complexe thermal français, du xviiie au xxe siècle. Il s'agit des « donneuses d'eau », dont la représentante peut-être la plus connue demeure Coco Chanel, qui pratiqua cet emploi de manière occasionnelle avant de connaître le succès que l'on connaît. À partir de sources multiples et variées, j'analyse leur relation à la source et à la clientèle, leur rôle paramédical, ainsi que des questions de sociabilité, de mise en scène, de sexualité et de genre.
      “Donneuses d'eau”. A Profession on the Margins and at the Heart of French Hydrotherapy (1840-1914)How can one begin to pay tribute to the sparkling Susanna Barrows? My modest attempt can be situated at the intersection of several themes that were dear to her: cultural history linking practices and representations, the history of women and gender, of medical prescriptive literature, and finally the history of drinking. More specifically, this article considers an entirely feminine profession that has been largely forgotten, but which was once located at the heart of the French hydrotherapeutic complex from the 18th to the 20th century. These were the “donneuses d'eau.” The most famous representative of this occupation was no doubt Coco Chanel, who served seasonally as a donneuse d'eau before her meteoric rise. Thanks to multiple and varied sources, I analyse this profession's relation to the spring and its clientele, consider its paramedical function, and delve into questions of sociability, visuality, sexuality, and gender.
    • Mentir à l'âge de l'innocence : Enfance, science et anxiété culturelle dans la France fin-de-siècle - Katharine H. Norris, Stéphane Bouquet p. 171-202 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le mensonge des enfants hanta les esprits au début de la Troisième République. Pourquoi la propension supposée des enfants à distordre la vérité suscita-t-elle tant de controverses ? Afin d'analyser les disputes politiques et scientifiques qui sous-tendaient l'étude de la psyché des enfants, cet article passe en revue une série de contextes culturels et institutionnels, de la Société médico-psychologique à la Société libre pour l'étude psychologique de l'enfant, et de la presse populaire au ministère de l'Instruction publique. Parce que les républicains investissaient beaucoup d'espoir dans la jeunesse qui devait garantir le futur de la nation, ils étaient troublés par le fait que le mensonge semblait un défaut moral endémique chez les enfants. Cet article apporte de nouveaux éléments pour comprendre le rôle joué par les scientifiques dans les controverses politiques de la Troisième République, ainsi que la place des enfants dans les débats sur la construction de la nation.
      Lying in the Age of Innocence: Childhood, Science, and Cultural Anxiety in Finde-siècle France
      The early Third Republic was preoccupied with children's lies. This article asks why children's supposed propensity to distort the truth became a lightning rod for controversy in this period. Moving thematically and chronologically through a range of institutional and cultural contexts, from the Société Médico-Psychologique to the Société Libre pour l'Étude Psychologique de l'Enfant and from the popular press to the Ministry of Public Instruction, this article analyzes the political and scientific disputes that underlay efforts to understand children's minds. Vesting great hope in youth as guarantors of the nation's future, Republicans were deeply troubled by the moral failings that mendacity suggested were endemic to children. This paper sheds new light on the role that scientific thought played in the political controversies of the early Third Republic, and on the place of children in debates about nation building.
    • L'Assistance judiciaire et l'étranger civil (1840-1851) - Sylvia Schafer, Stéphane Bouquet p. 203-223 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article étudie la question de l'assistance judiciaire au milieu du XIXe siècle. Les commentateurs libéraux, les juristes et les législateurs soulevaient en effet une question d'une importance durable : comment équilibrer liberté individuelle et ordre social, grâce à l'action gouvernementale ? Ces débats eurent une conséquence de taille pour ceux que j'appellerai ici les étrangers civils pauvres, c'est-à-dire ceux qui furent à la fois sujets de droit civil et exclus ou aux marges du domaine de la justice. Les étrangers civils furent alors l'objet de nouvelles lectures qui modifièrent les significations qu'on attribuait à l'existence de ces individus n'ayant pas accès – du fait de leur incapacité à payer les frais de justice – à l'État de droit soi-disant démocratique. Après 1848, ce projet de relecture se révéla crucial pour les législateurs libéraux. Le processus de différence, au cœur de la loi sur l'assistance judiciaire du 22 janvier 1851, soulignait tout en l'obscurcissant le statut de l'assisté qui, de pauvre dangereux mais familier, se métamorphosait en étranger inquiétant d'un genre sans précédent.
      L'Assistance judiciaire and the étranger civil (1840-1851)This article examines the mid-nineteenth century question of l'assistance judiciaire. Liberal commentators, jurists, and lawmakers raised questions of enduring significance about balancing the relationship between individual freedom and the social order through governmental action. Their conversations had major consequences for what this article calls poor civil outsiders (étrangers civils), that is, those who were both subject to civil law and excluded from or on the margins of the judicial domain. Civil outsiders thus became the object of new readings that changed the meanings attributed to these individuals estranged from the supposedly democratic realm of justice by their inability to pay court fees. After 1848, this project of rereading the civil outsider became increasingly important for liberal legislators. By simultaneously emphasizing and obscuring the operation of difference within civil equality, the legal regime of assistance judiciaire introduced by the law of 22 janvier 1851 transformed the familiar, dangerous poor into worrisome strangers of an unprecedented sort.
    • Quand les plumes étaient plus puissantes que les barricades. Lettres politiques pendant la crise du 16 mai 1877 - Susanna Barrows, Stéphane Bouquet p. 225-239 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Que signifiait prendre la plume, en 1877, pour écrire au président de la République ? Cet article explore, par la lorgnette d'une crise politique particulière, un territoire singulier : le commentaire politique issu non de plumes célèbres, mais de citoyens ordinaires. Son corpus est formé de trois cents lettres envoyées au président Mac Mahon, en la fatidique année 1877, par des correspondants pour la plupart anonymes. Ces missives jettent une lumière neuve sur le coup du 16 mai 1877 et sur la révolution « inexplorée » provoquée par cette crise. La répression mise en œuvre par Mac Mahon après son coup d'État déclencha la purge la plus sévère depuis 1800. Face à la censure, les dissidents inventèrent d'autres moyens pour exprimer leurs griefs. Comme le montre cet article, pour ces citoyens épistoliers, toutes classes confondues, la crise de 1877 constitua une révolution sans barricades, sans violence, mais pourtant profondément ancrée dans l'histoire révolutionnaire française.
      When the Pen was Mightier than the Barricade: Political Letters in France during the Crise du 16 mai 1877What did it mean to put pen to paper and write the President of the Republic in 1877? This article explores part of the terrain of political commentary, seen through the lens of a single political crisis, captured in unpublished letters sent by ordinary citizens to their head of state. Its corpus consists of some 300 letters, sent by mostly anonymous authors, to the President Mac Mahon, in the fateful year of 1877. These missives offer insights into the political crisis known as the “Coup du 16 mai” and to the “uncharted” revolution which this crisis engendered. Mac Mahon's repression triggered the most thorough-going administrative purge of the French state since 1800. Despite heavy censorship, dissidents found other ways to express their fury at Mac Mahon's coup. For citizens of all classes, the “crise de 1877” constituted a revolution without barricades, without violence, but with no less a firm anchoring in French revolutionary history.
    • Susanna Barrows, une historienne américaine en France - Alain Corbin p. 241-244 accès libre
    • Bibliographie des travaux de Susanna Barrows - Mark Sawchuk, Jann Matlock p. 245-246 accès libre
    • Bibliographie des thèses de doctorat dirigées par Susanna Barrows - Katharine H. Norris, Mark Sawchuk, Jann Matlock p. 247-253 accès libre
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