Contenu du sommaire : Sexologie et théories savantes du sexe

Revue Revue d'histoire des sciences humaines Mir@bel
Numéro no 17, 2007
Titre du numéro Sexologie et théories savantes du sexe
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier  : Sexologie et théories savantes du sexe – Introduction

  • Dossier  : Sexologie et théories savantes du sexe

    • La sexologie française contemporaine : un premier bilan historiographique - Sylvie Chaperon p. 7-22 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans sa première partie ce texte tente d'expliquer le faible développement de l'histoire de la sexologie en France par le puritanisme académique qui régnait depuis la Guerre froide, la longue marginalisation des études gais et lesbiennes et la tradition très épis-témologique de l'histoire des sciences. Dans un seconde partie il tente de dresser le bilan des connaissances et des lacunes sur l'histoire de la sexologie en France.
      Into a first party, this text gives some explanations about the weakness of the historio-graphy of sexology in France. The puritan academics norms during the Cold War, the long marginalization of the gay and lesbian studies and the epistemological tradition that prevailed into history of sciences are successively evoked. Into a second party this article portrays the knowledge and blanks that are available on the history of sexology in France and suggests some tracks of research.
    • Conceptions et théories savants de l'homosexualité masculine en France, de la monarchie de Juillet à la Première Guerre mondiale - Régis Revenin p. 23-45 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Relais savant du contrôle religieux de la sexualité, la science s'empare, en France, de la « question homosexuelle » lors des premières décennies du XIXe siècle, à commencer par la médecine légale. L'homosexualité masculine, non plus seulement en tant qu'ac-tes sexuels, mais en tant que personnalité entière, devient un problème social. Dénom-mée de multiples façons par les scientifiques, l'homosexualité masculine est alors con-sidérée comme une maladie de l'âme, une « perversion sexuelle », tandis que la rhéto-rique du vice est bien plus en vogue dans les classes populaires, qui font paradoxale-ment preuve d'une toute relative tolérance ou indifférence à l'égard des homosexuels. Les conceptions et théories savantes sur le sujet (détaillées dans cet article) se multi-plient tout particulièrement à partir du milieu du XIXe siècle pour atteindre leur apogée à la fin du XIXe siècle, avec la psychiatrisation des sexualités « déviantes » ; les contro-verses et autres débats entre savants aussi bien en France qu'en Europe sont alors d'une très grande richesse, bien que l'idée de dégénérescence prédomine au final dans pres-que tous les courants, au moins jusqu'à l'avènement, à la toute fin du siècle, des concepts psychanalytiques.
      Taking over from religion's control of sexuality, science monopolized the « homosexual question » in France beginning with forensic medicine in the first decades of the 19th Century. Male homosexuality, no longer defined only in terms of sexual acts, but also as an entire personality, became a social problem. Denoted in many ways by scientists, male homosexuality was considered by them to be a malady of the soul or a « sexual perversion », whereas the popular classes more commonly labeled it a vice, which pa-radoxically indicates their relative tolerance of or indifference to homosexuals. Scien-tific conceptions and theories of homosexuality (discussed in detail in this article) mul-tiplied, especially from the middle of the 19th Century, reaching their apogee at the end of the century, with the psychiatrization of « deviant » sexualities. The controversies and other debates among scientists both in France and throughout Europe in this pe-riod are very rich, although in the end the idea of degeneration predominated in almost all currents, at least until the arrival of psychoanalytical concepts at the very end of the century.
    • La tante, le policier et l'écrivain : Pour une protosexologie de commissariats et de romans - Laure Murat p. 47-59 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Précédant l'invention de « l'homosexuel » fixée vers 1870, le personnage de la « tante » était déjà, dès les années 1830, un objet d'étude. C'est ce que révèle la découverte d'archives inédites de la préfecture de police, qui consignent des centaines de rapports sur les activités sexuelles de nombreux hommes à Paris, mais aussi une étude approfondie de la Comédie humaine, où l'on retrouve les noms et les « mœurs » détaillés avec complaisance dans les commissariats. Cette « coïncidence » conduit à réviser l'historicité de pratiques et de comportements, trop souvent figés par la sexologie.
      Preceding the invention of the « homosexual » around 1870, the character of the « fairy » was already, in the 1830's, an object of study. This is revealed in unpublished police archives where we can find hundreds of police reports on sexual activity of Parisian men, as well as in a close study of the Comédie humaine by Balzac, where we can find nouns and detailed « tendencies » described with complacency by the police. This « coincidence » leads us to rethink the historicity of practices and behaviours, too often firmly set by sexology.
    • Sexualité et perversion : une analyse critique de l'œuvre d'Arnold Davidson - Julie Mazaleigue p. 61-90 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'œuvre d'Arnold Davidson, L'Émergence de la sexualité, s'inscrit dans la lignée de l'épistémologie historique telle qu'a pu la pratiquer Foucault, avec l'apport original des méthodes de la philosophie analytique. À travers une grille de lecture de l'histoire fondée sur les « styles de raisonnement », outils méthodologiques originaux, Davidson propose une lecture neuve de l'histoire de la sexualité au xixe siècle et des apports conceptuels de la psychanalyse freudienne au tournant du siècle. À ce titre, cet ouvrage constitue une référence dans le champ de l'histoire de la sexualité. L'auteur élabore ainsi une histoire de la constitution de la norme sexuelle dans la perspective d'une épistémologie de la subjectivité, où l'histoire du concept de perversion sexuelle occupe une place centrale. Cette dernière est déchiffrée à partir des transformations du style de raisonnement de la psychiatrie et d'un abandon de la référence à l'anatomopathologie ouvrant vers une psychologie de la norme sexuelle. Les thèses de Davidson méritent alors, par leur originalité, leur force, et leur complexité mais aussi les difficultés qu'elles soulèvent, qu'on leur dédie une lecture critique fine et complète.
      The great work of Arnold Davidson, The Emergence of sexuality, is in direct line with the historical epistemology of Foucault, with the original contribution of the methods of Analytic philosophy. Through an interpretation grid of history based on the original methodological tools « styles of reasoning », Davidson suggests a new reading of the history of sexuality in the 19th century and the conceptual contributions of Freudian psychoanalysis at the turn of the century. As such, this book is a reference in the field of the history of sexuality. The author develops a history of the sexual norm formation in the context of an epistemology of subjectivity, where the history of the concept of sexual perversion plays a central role. The latter is decrypted from the transformation of the psychiatric style of reasoning and an abandonment of the reference to the anatomopathology opening towards a psychology of sexual norm. Davidson's theses then deserve, by their originality, their strength and their complexity, but also by the difficulties they raise, a fine and complete critical reading.
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    • Enquêtes, littérature et savoir sur le monde social en France dans les années 1840 - Judith Lyon-Caen p. 99-118 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les grandes enquêtes sociales des années 1840, comme celle de Villermé sur les ouvriers du textile, ou celle de Buret sur la misère française et anglaise, appartiennent à l'histoire longue de la sociologie empirique. On voudrait ici en proposer une autre contextualisation, en situant leur production dans le moment de frénésie sociographique propre aux années 1840, qu'illustrent aussi bien les grands cycles romanesques réalistes, comme la Comédie humaine, ou la vogue des tableaux de mœurs et des physiologies sociales. Il ne s'agit pas de réduire la science sociale à « de la littérature » mais de ressaisir, dans une autre historicité, des découpages entre discours que les grandes histoires généalogiques (celle des sciences sociales comme celle de la littérature) tendent à recouvrir.
      French social surveys of the 1840's decade, like Villermé's one on the workers of the textile industry or Buret's on french and english poverty, are usely analysed in a long-term historiography of empirical sociology. This article aims to set another context by situating these investigations in the sociographic frenzy of their time : the great novelistic series, like Balzac's Comédie humaine, the success of « tableaux de mœurs » and other social studies called « physiologies », are typical of the 1840s' decade. One do not intend to assimilate social science to « literature » but to retrieve a discursive setting which is usually hidden by the great classical genealogical historiographies (of social sciences or of literature).
    • Œuvre, fonction et société dans la « psychologie historique » d'Ignace Meyerson - Frédéric Fruteau de Laclos p. 119-136 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ignace Meyerson a renouvelé le champ de la psychologie par une réflexion méthodologique originale sur la nature de ses objets. En vue de rendre compte des progrès de la pensée, il propose de sortir du laboratoire et de procéder à une analyse des œuvres historiquement produites, en les considérant comme autant d'objectivations des fonctions de l'esprit. Afin de compléter la liste des facultés traditionnelles de la psychologie, il emprunte à la philosophie certaines de ses notions. Mais il nous semble que ces emprunts introduisent dans la « psychologie historique » une abstraction dommageable : non seulement, au cœur de l'étude des théories physiques – œuvres de l'esprit scientifique –, l'objectivité du réel n'est pas prise en considération ; surtout dans le processus général d'objectivation est négligée l'influence de la société : elle agit pourtant à nos yeux à la façon d'un véritable « esprit objectif ».
      Ignace Meyerson has renewed the field of psychology thanks to an original methodological reflection on the nature of its objects. In order to account for the progress of thought, he proposes to leave the laboratory and carry out an analysis of the historically produced works, considering them as just objectivations of mental functions. So as to complete the list of the traditional capacities of mind, he borrows from philosophy some of its notions. But this borrowing actually introduces a prejudicial abstraction into the « historical psychology » : on the one hand, the objectivity of reality is not taken into consideration in the study of the theory of physics – works of the scientific mind –, on the other hand, and this is worse, in the general process of objectivation, the influence of society is disregarded : yet the latter plays the role of an « objective mind » in it.
    • Un fil d'Ariane dans le labyrinthe des origines… : Langues, races et classification ethnologique au xixe siècle - Claude Blanckaert p. 137-171 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La classification des peuples fut la grande affaire des ethnologues européens de la première moitié du xixe siècle. Avec les travaux de Volney, Friedrich von Schlegel et surtout Adriano Balbi, la langue fut immédiatement préférée comme marqueur identitaire. Ses analogies passaient pour un fil d'Ariane dans le « labyrinthe des origines » et elle produisait d'irrécusables titres de généalogie. Réaffirmée avec force par le plus célèbre comparatiste de l'époque, James Cowles Prichard, lequel opposait la permanence des langues à la variabilité des physionomies ethniques, la priorité de la méthode philologique fut pourtant contrebalancée par beaucoup d'anatomistes. Ces derniers affir-maient, avec Antoine Desmoulins ou Samuel Morton, qu'en bonne taxinomie les traits physiques devaient avoir la préférence. Les peuples changeaient d'idiomes lors des épisodes de conquête et trop d'exemples contradictoires montraient l'infériorité des inductions langagières lorsqu'il fallait décider des parentés réelles. La nouvelle ethnologie des années 1840 va donc ruiner le statu quo antérieur en inversant les termes du rapport prichardien : les caractères de l'organisation distin-guant les races sont fixes quand les caractères linguistiques présentent tous les signes de l'insta-bilité. Cette controverse de principes divisa les savants européens et états-uniens avec cette consé-quence qu'une discipline à peine fondée vivait d'une apparente duplicité. Dès la création de la Société d'anthropologie de Paris en 1859, Paul Broca voudra libérer l'anthropologie de la tutelle des linguistes pour asseoir son domaine sur la biologie. Il s'opposera vigoureusement à la seconde vague d'héritage prichardien, représentée en Angleterre par le baron von Bunsen et en France par Franz Pruner-Bey, un médecin et linguiste bavarois partisan de la variabilité raciale.
      The classification of peoples was a major business for European ethnologists during the first half of the nineteenth century. With the works of Volney, Friedrich von Schlegel and especially Adriano Balbi, language quickly became a preferred marker of identity. It served analogically as an Ariane's thread in the « labyrinth of origins » and it produced irrefutable proofs of genealogy. Forcefully reaffirmed by the most famous comparativist of the era, James Cowles Prichard, who contrasted the permanence of languages to the variability of ethnic physiognomies, the primacy of the philological method, however, was opposed by many anatomists. The latter maintained, with Antoine Desmoulins or Samuel Morton, that a legitimate taxonomy must give preference to physi-cal traits. Peoples changed idioms following conquests and too many contradictory examples sho-wed the inferiority of linguistic inductions when it came to deciding real kinship links. The new ethnology of the 1840s would therefore undermine the previous state of affairs by inverting the terms of the Prichardian relationship: the organizational characters distinguishing the races are fixed while linguistic characters show every sign of instability. This controversy over principles divided European and American savants with the result that the newly-founded discipline was fractured by a seeming internal contradiction. With the creation of the Société d'anthropologie de Paris in 1859, Paul Broca would liberate anthropology from the tutelage of the linguists by grounding its domain in biology. He would vigorously oppose the second wave of the Prichardian heritage, represented in England by Baron von Bunsen and in France by Franz Pruner-Bey, a Bavarian doctor and linguist and an advocate of racial variability.
  • Note critique

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