Contenu du sommaire : Contextualiser : une pratique transdisciplinaire ?

Revue Revue d'histoire des sciences humaines Mir@bel
Numéro no 30, 2017
Titre du numéro Contextualiser : une pratique transdisciplinaire ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier

    • Les sciences humaines et sociales : des disciplines du contexte ? - Wolf Feuerhahn p. 7-29 accès libre
    • Pourquoi parler d'une histoire contextuelle du droit ? - Jean-Louis Halpérin p. 31-48 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'expression « histoire contextuelle » n'est pratiquement pas utilisée par les historiens du droit. Elle traduit néanmoins la volonté de rupture avec une histoire du droit « continuiste », particulièrement l'histoire des institutions et des concepts juridiques qui utilise les mêmes mots pour des périodes différentes. Les partisans d'une telle rupture peuvent se référer aux débats des historiens sur les contextes, comme sur l'opposition historicisme/présentisme. Ils doivent, cependant, mesurer l'impact des textes juridiques qui ont traversé plusieurs contextes dans l'histoire.
      The wording “contextual history” is hardly used by legal historians. However, it reflects the intention to break with a legal history focused only on continuities, notably the history of institutions and legal concepts that use the same words for different periods. The advocates of such a rupture can refer to debates among historians about contexts, or about the opposition ‘historicism / presentism'. But they have also to take account of the impact of legal texts that have been used in different historical contexts.
    • L'histoire de la philosophie appartient-elle au champ des sciences humaines et sociales ? - Catherine König-Pralong p. 49-70 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En prenant pour exemples des travaux issus de l'histoire de la philosophie antique et médiévale, cette contribution questionne le statut épistémique de l'histoire de la philosophie. Cette discipline est en effet en porte-à-faux entre d'une part la philosophie, science qui ambitionne pour ses résultats un haut degré de généralité et une absence d'indexation sociale, et, d'autre part, l'histoire, dont l'épistémologie est par définition contextualiste. L'histoire de la philosophie présente ainsi un terrain particulièrement fécond pour l'étude des conditions et des enjeux de la contextualisation dans les sciences humaines et sociales qui, dès le xixe siècle, se sont profilées comme des disciplines historiques pour se démarquer des sciences de la nature.
      This paper addresses the epistemic status of the history of philosophy through case studies of a few works produced in the field of ancient and medieval philosophy. The discipline embodies the tension between, on the one hand, philosophy, a science that seeks a high level of generalization and avoids social contextualization, and, on the other hand, history, whose epistemology is contextualist by definition. History of philosophy is thus an area particularly conducive for investigating the conditions and issues of contextualization in the social sciences and humanities, which, from the 19th century onward, have been defined as historical disciplines to distinguish them from the natural sciences.
    • Écrire l'histoire de la psychanalyse : le problème du contexte - Andreas Mayer p. 71-91 avec résumé avec résumé en anglais
      Nous partons de l'antinomie entre psychanalyse et historiographie qui a modelé et divisé en grande partie le champ de l'histoire de la psychanalyse. Selon de nombreux auteurs, la contextualisation historique de la psychanalyse déploierait une force critique en rapportant ses théories et techniques à d'autres réalités (sociales, économiques, culturelles). Or des telles approches risquent de réduire ou manquer la spécificité de leur objet. Au titre d'alternatives, nous discutons les travaux de C. Ginzburg, J. Forrester et A. Davidson qui ont proposé d'inscrire la psychanalyse freudienne dans un programme d'épistémologie des sciences humaines. Nous reprenons certains de leurs questionnements afin de proposer une conception de la mise en contexte combinant une sociologie du mouvement psychanalytique et une anthropologie des dispositifs et des pratiques épistémiques et thérapeutiques. Autrement dit, il s'agit d'articuler ce que nous appelons une « histoire collective » et une « histoire concrète » de la psychanalyse.
      This paper takes as its point of departure the opposition between psychoanalysis and historiography that has modelled and in large part divided the history of psychoanalysis. Many authors argue that the historical contextualisation of psychoanalysis deploys a critical force by relating its theories and techniques to other (social, economic and cultural) realities. However, such approches risk to reduce or to miss the specificity of their object. As potential alternatives, we discuss the work of C. Ginzburg, J. Forrester and A. Davidson, who have suggested situating Freudian psychoanalysis in an epistemology of the human sciences. We take up some of their interrogations so as to put forward a vision of contextualisation combining a sociology of the psychoanalytical movement and an anthropology of epistemic and therapeutic approaches and practices. In other words, the article aims to articulate what we term a “collective history” and a “concrete history” of psychoanalysis.
    • Une atmosphère très particulière - Caterina Guenzi p. 93-114 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cette contribution s'intéresse aux opérations de contextualisations engagées par les spécialistes d'une discipline issue de la littérature sanskrite et pratiquée de nos jours en Inde, appelée vāstuśāstra, vāstuvidyā ou vāstu, la « science de l'habitat ». Combinant des notions et des techniques qui relèvent à la fois de l'architecture, de l'iconographie, du rituel et de la divination, le vāstu est aujourd'hui enseigné dans plusieurs universités indiennes et jouit d'une grande popularité auprès des classes moyennes en milieu urbain. En combinant l'étude de sources textuelles et de matériaux ethnographiques recueillis dans les villes de Delhi et de Bénarès, cet article montre la diversité des opérations de contextualisation mobilisées par les spécialistes de cette discipline. La « sensibilité au contexte » apparaît ainsi non seulement comme une disposition intellectuelle dans le cadre d'un processus d'investigation, mais aussi comme une propriété des êtres vivants réagissant à l'action physique et sensorielle de certains agents externes, ces deux dimensions étant étroitement liées.
      This contribution focuses on the efforts of contextualisation pursued by specialists of a discipline derived from Sanskrit literature and practised today in India, called vāstuśāstra, vāstuvidyā or vāstu, the “science of habitat”. Combining notions and techniques informed by architecture, iconography, ritual and divination, vāstu is today taught in several Indian universities and enjoys great popularity among the urban middle classes. By combining the study of textual sources and ethnographic materials gathered in the cities of Delhi and Benares, this article indicates the diversity of contextualisation efforts mobilised by the discipline's specialists. “Sensitivity to context” can thus be viewed not only as an intellectual approach within an investigatory process, but also as a property of living beings reacting to the physical and sensory action of certain external agents, these two dimensions being closely linked.
    • L'environnement global, défi à la contextualisation ? - Hélène Guillemot p. 115-137 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le changement climatique d'origine humaine, comme le changement global auquel est attachée la notion d'Anthropocène, sont des domaines dont la contextualisation est problématique en raison des échelles en jeu, de la gravité des problèmes et du rôle central des sciences. Cet article rend compte de travaux qui replacent ces questions d'environnement global dans des contextes historiques, sociaux et politiques, et des problèmes qu'ils soulèvent. Les deux domaines ont des statuts différents, et les enjeux sont dissemblables. Dans le cas du changement climatique, problème public mondial doté d'institutions internationales, les travaux sur la construction du problème et les rapports entre science et politique se sont opposés à un cadrage naturaliste prédominant. S'agissant de l'Anthropocène, notion peu stabilisée et appropriée par plusieurs groupes d'acteurs, des contextualisations partielles contestant certaines globalisations soulèvent des débats épistémiques et politiques.
      Human-caused climate change, like the global change to which the notion of the Anthropocene refers, are areas in which contextualisation is problematic due to the scales involved, the gravity of the problems, and the central role of the sciences. This article considers studies that resituate these issues of global environment in historical, social and political contexts, as well as some of the problems they raise. The two domains have different statuses, and the stakes are dissimilar. In the case of climate change, a global public problem endowed with international institutions, research on the construction of the issue and the relations between science and politics have been set against a predominant naturalist framing. In the case of the Anthropocene, a notion that has not as yet stabilised and has been appropriated by several groups of actors, partial contextualisations contesting certain globalisations raise epistemic and political debates.
  • Document

  • Varia

    • La Nouvelle Alliance d'I. Prigogine et I. Stengers (1979) : mise en récit apologétique de la thermodynamique ou dialogue singulier entre un physicien et une philosophe ? - Emanuel Bertrand p. 173-204 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1979, le physicien Ilya Prigogine et la philosophe Isabelle Stengers publient La Nouvelle Alliance. Métamorphose de la science. Il s'agit là d'un ouvrage atypique, qui propose à la fois une histoire des sciences physiques et une réflexion philosophique au sujet de cette histoire, et, surtout, qui n'hésite pas à appuyer ses thèses sur des développements physico-mathématiques techniques. Nous analyserons d'abord les différentes facettes de la « nouvelle alliance » promue par les auteurs. Nous montrerons ensuite comment les auteurs restent finalement prisonniers des frontières disciplinaires qu'ils entendent déplacer, ou dépasser, et comment ils perpétuent certaines hiérarchies entre disciplines établies, à savoir la physique et la philosophie. Enfin, nous nous demanderons si le récit ainsi proposé n'a pas tendance à surestimer la puissance interprétative de la thermodynamique développée par Prigogine et ses collaborateurs.
      In 1979, the physicist Ilya Prigogine and the philosopher Isabelle Stengers published in French a book entitled La Nouvelle Alliance. Métamorphose de la science. Later translated in English, in 1984, as Order out of chaos: Man's new dialogue with nature, this is an atypical essay, not only combining both history of physics and philosophical reflexions about it, but also using technical mathematical physics developments to strengthen its theses. We will first analyse the nature of the “nouvelle alliance” which the authors are promoting. We shall then focus on the fact that, despite all their explicit efforts, the authors are still stuck within the disciplinary borders they intend to move, or even remove. In a sense, they perpetuate a hierarchical divide between the established disciplines that physics and philosophy represent. Finally, we will try to show how their narrative tends to overestimate the interpretative power of Prigogine's thermodynamics.
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