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Revue Politiques de communication Mir@bel
Numéro no 12, printemps 2019
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Présentation du dossier : Les « big data » au travail. Les métiers de la donnée entre expertises professionnelles et effets de croyance - Anaïs Theviot, Éric Treille p. 5-20 accès libre
  • Les mythes professionnels des fact-checkeurs : Un journalisme de données au service de la vérité - Ysé Vauchez p. 21-44 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le journalisme fact-checking, en tant que genre journalistique dédié à « la vérification des faits », repose de manière quasi-systématique sur des pratiques de « datajournalisme », en utilisant la donnée pour servir une conception très spécifique de l'objectivité. Ce développement d'une forme de journalisme professionnalisé, rationalisé, technicisé, est d'abord une réponse à une crise de légitimité de l'institution journalistique : de ce fait, il est porté par différents discours de croyances qui tendent à prouver que ce journalisme ne serait que « l'essence » du journalisme en tant que mythe collectif socialement valorisé, et qu'il serait la seule manière possible de produire une information parfaitement objective, neutre et brute, servant ainsi un objectif d'énonciation de la vérité.
    Fact-checking journalism, as an emerging journalistic genre dedicated to the “verification of facts”, relies almost entirely on data-based practices. It uses data in order to serve a very specific approach of professional objectivity. The development of this professionalised, rationalised, technicised journalism is first and foremost a response to the crisis of legitimacy of the journalistic institution. It is thus carried by different discourses of belief, that can be defined as « myths », and that aim to indicate that this journalism is the purest form of journalism. Therefore, it would be the only way possible of producing a perfectly objective, neutral information, serving the mythical objective of a journalism enonciating the truth.
  • Les outils big data dans les RH : Du mythe à la pratique - Camille Lévy p. 45-69 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    À quoi rêvent les commanditaires, les concepteurs et les utilisateurs des outils big data RH ? Sur quels imaginaires construisent-ils leurs représentations de ces outils ? Cet article analyse, à partir d'une enquête empirique, les imaginaires qui entourent les outils big data RH et les différentes modalités d'adhésion à ces imaginaires. Il s'agit notamment de comprendre comment les outils big data RH, à la suite d'outils de gestion des RH existants, sont portés par des imaginaires valorisant les nouvelles technologies, et la responsabilité individuelle des salariés dans la gestion de leur parcours professionnel. L'article montre également comment la pratique des outils big data RH transforme les modalités de croyance en ces imaginaires.
    Who build big data tools for HR departments? Who buy them and who use them? What are those people hoping for when they invest in those new technologies? This paper analyses mythologies surrounding big data tools for HR and the different ways actors relate to these mythologies. It looks at how big data tools follow existing HR management tools and are encouraged by existing ideologies: valorization of new technologies and of individual responsibility of employees. Finally, it looks at how concrete use of these tools change the way actors believe in mythologies surrounding big data.
  • Mobiliser par les données : Les stratégies numériques de campagne des candidats à la primaire de la droite et du centre de 2016 - Anaïs Theviot, Éric Treille p. 71-96 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le développement des activités de croisement des données et l'apparition corollaire de firmes analytiques spécialisées ne semblent pas seulement avoir changé les façons d'élire et de se faire élire aux États-Unis, ils ont depuis peu aussi touché la France. Les big data politiques ne sont plus une spécificité américaine, le numérique fait désormais pleinement partie de la panoplie des obligatoires de campagnes nationales hexagonales. Dans ce cadre, cette étude se propose de comprendre comment la primaire de la droite et du centre de 2016 a servi de test « grandeur nature » à la mise en œuvre de la combinaison des analyses de data et des études d'opinion et à l'usage de la « science des données » comme moyen de mobilisation des électeurs sur le terrain en ligne et hors ligne. En soulignant la « fausse évidence » de l'avancée technique et politique promise, elle se propose également de relativiser l'engouement autour des big data pour remporter une élection.
    The development of data-crossing activities and the corollary appearance of specialized analytical firms do not only seem to have changed the way they elect and be elected in the United States, they have also recently touched France. Big data policies are no longer a specific American, the digital is now fully part of the panoply of mandatory national campaigns hexagonal. In this context, this study aims to understand how the primary school of the right and center of 2016 served as a “life-size” test to the implementation of the combination of data analysis and opinion studies and to use of “data science” as a means of mobilizing voters in the field online and offline. By highlighting the “false obviousness” of the promised technical and political progress, it also proposes to relativize the craze around big data to win an election.
  • À la conquête des élections 2.0 : Étude des acteurs et du marché de la technologie politique en France - Thomas Ehrhard, Antoine Bambade, Samuel Colin p. 97-133 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Malgré la forte médiatisation des technologies au service des élections, ce marché et ses acteurs restent méconnus. Qui sont-ils ? Que font-ils ? Quelles sont leurs stratégies ? Pour répondre à ce manque, l'article apporte des connaissances empiriques nouvelles, notamment grâce à une série d'entretiens avec les acteurs de la technologie politique présents en France (LMP, NationBuilder, etc.). Contrairement au sens commun, nous montrons l'existence d'un groupe hétérogène, aux contours peu établis, dont les activités sont hétéroclites et dépendent de stratégies technologiques et économiques initialement distinctes. Nous montrons également que les services proposés et la dimension partisane des sociétés dépendent de la clientèle visée. Toutefois, en raison de contraintes économiques, le secteur connaît une profonde restructuration. La conquête difficile des élections 2.0 en France se poursuit avec une professionnalisation renforcée de ses acteurs, facteur d'une homogénéisation globale et internationalisée des acteurs.
    In spite of the extensive media coverage of election technologies, the market and its players remain largely unknown. Who are they? What do they do? What are their strategies? This article leverages new empirical data to answer these questions, drawing in particular from a series of interviews with providers of political technology in France (LMP, NationBuilder, etc.). Going against established knowledge, we show that the sector is heterogeneous and that its boundaries are fluid, including actors that provide wildly different services and initially embraced different economic and technological strategies. We also show that the nature of the services provided as well as the partisan dimension of each company depends on its target customers. However, due to economic constraints, the sector is in undergoing a radical restructuring. The laborious implementation of “elections 2.0” in France is continuing with an increasing professionalization of its players, leading the sector to become more homogeneous and internationalized.
  • Entretien avec Jacques Priol - Jacques Priol, Anaïs Theviot p. 135-145 accès libre
  • Les voix de la France : La production centralisée et standardisée de l'information radiophonique locale - Thomas Douniès, Cyriac Gousset, Maialen Pagiusco p. 147-173 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article porte sur la principale agence française de production de flashs d'informations radiophoniques diffusés sur l'ensemble du territoire. La perspective retenue articule sociologie du journalisme et sociologie du travail, dans le but d'analyser les relations entre les activités concrètes des journalistes et les conditions d'acceptabilité des modalités d'exercice de leur travail. L'observation des pratiques, comme le retour des journalistes sur leur quotidien, montre en effet l'écart entre le travail réalisé et l'idéal journalistique que beaucoup peuvent encore partager. Effectuée sous la pression du temps, la fabrique des flashs d'information donne à voir un processus taylorisé, individualisé et cantonné à la reprise circulaire d'informations trouvées ailleurs. Les façons dont les journalistes s'accommodent de ce cadre de travail éclairent les effets différenciés des trajectoires dominées au sein des filières de formation journalistique, des avancements variés dans la carrière ou encore de la précarisation du marché du travail journalistique. Outre son apport pour la recherche sur l'univers radiophonique encore peu développée, l'étude de cette agence permet ainsi d'éclairer des dynamiques structurelles qui touchent aux façons de faire du journalisme mais aussi aux manières d'en traverser les expériences professionnelles.
    The object of this article is France's main newsflash production company, which airs around the country. The perspective is at the crossroads between sociology of journalism and sociology of work, showing the relationship between concrete journalistic work, and the conditions of acceptance of the ways of working in this news agency. Both empirical observation and interviews with journalists show the gap between the work accomplished, and the ideal of what journalism is. The making of newsflash, produced under time constraints, reveals an individualized and standardized process limited to the reuse of information found elsewhere The ways journalists cope with those conditions show the differentiated effects of their dominated trajectories in journalism schools, the progress of their careers and the casualization of journalistic work. Beyond its contribution to the underdeveloped research on radio journalism, this study enlightens the structural dynamics involved in doing journalistic work, but also the ways of going through its professional experiences.
  • Les éditeurs de critique sociale au tournant du XXIe siècle : Permanence et évolutions de l'édition politique - Sophie Noël p. 175-203 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article s'intéresse aux structures éditoriales indépendantes spécialisées dans les essais de critique sociale apparues en France au tournant du xxie siècle en tant qu'illustration du renouveau d'une forme particulière d'édition politique, située aux confluents de l'univers académique, lettré, militant et grand public. À partir d'une analyse des catalogues et des mises en scène de l'identité éditoriale, l'article s'interroge sur le caractère novateur des formes et des contenus éditoriaux développés en les resituant dans une filiation historique récente. Le succès rencontré par plusieurs de ces maisons d'édition à l'identité critique, et en particulier par Raisons d'agir avec sa collection d'essais « scientifiques engagés » à la fin des années 1990, permet de retracer les mécanismes de diffusion de l'innovation entre acteurs périphériques et acteurs centraux dans l'univers éditorial, et d'aborder la question de la « récupération » dans l'espace des biens symboliques.
    This article focuses on the independent presses specializing in social critique that were created at the turn of the 21st Century in France, considering them as illustrations of a renewed way of tackling political topics in publishing, at the crossroads of different sectors – academic, avant-garde, political and mainstream. Based on catalogue surveys and on the analysis of editorial policy, it questions whether the generic forms and contents developed by these publishers can be deemed innovative in an historical perspective. Some of these presses' success at the end of the 1990s, in particular Raisons d'agir with its “engaged” academic essays, makes it possible to retrace how innovation proceeds from the periphery to the centre of the publishing field and to tackle the question of “recycling” on symbolic goods markets.