Contenu du sommaire : Le politique, une affaire de famille ?

Revue Cahiers d'études africaines Mir@bel
Numéro no 234, 2019/2
Titre du numéro Le politique, une affaire de famille ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Imaginaires et pratiques de la famille et du politique en Afrique : sortir du tout néopatrimonial par un dialogue « indiscipliné » - Marie Brossier p. 323-357 accès libre
  • La famille, un espace relationnel de pouvoir et de domination

    • Politics of Kinship: Child Fostering in Dahomey/Benin - Erdmute Alber p. 359-375 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      ‪Dans le présent article, l'auteur soutient que non seulement les évolutions des pratiques de parenté sont profondément liées au changement politique, mais aussi que les processus de la mise en ordre politique pourraient être influencés par ces pratiques et y être enchâssés. Cette thèse est illustrée par l'histoire politique du placement des enfants dans des familles d'accueil au nord du Bénin. Déjà à l'époque précoloniale, cette pratique courante était répandue, soumise au contrôle des officiers coloniaux tout en étant un moyen de résistance à l'ordre colonial. Après l'indépendance, les pratiques liées au placement des enfants ont connu des changements profonds liés à la transformation de l'économie politique de la région.‪

      This article argues that not only changing kinship practices are deeply entangled with political change, but also processes of political ordering could be influenced by and engrained with kinship practices. The argument is exemplified with regard to the political history of child fostering in northern Benin. A common and widespread everyday practice already in pre-colonial times, child fostering has been overseen by colonial officers, but nevertheless contributed to means of resisting colonial ordering. After independence, foster practices underwent deep changes which were related to the changing political economy in the region.
    • Affaires d'héritage à Cotonou : comment la loi a changé les familles - Sophie Andreetta p. 377-404 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Début 1990, le Bénin adoptait une constitution démocratique. Le pays ratifia de nombreuses conventions internationales, garantissant le respect des principes des droits de l'Homme. Une série d'évaluations et de réformes des services publics furent planifiées, visant à garantir la « bonne gouvernance » et la mise en place d'un État de droit. La justice y occupait une place centrale. Parmi les premiers textes à être adoptés, figurait le Code des personnes et de la famille de 2004, qui abrogea le « droit coutumier », jugé discriminatoire à l'égard des femmes. Cet article reviendra tout d'abord sur le contexte et les enjeux de l'adoption de ce Code, largement inspiré du droit français. En se basant sur le cas précis des conflits d'héritage et du parcours de ceux qui saisissent la justice, il analysera ensuite les effets de ce nouveau dispositif sur les dynamiques familiales à Cotonou. À partir d'une enquête ethnographique, cette contribution montre comment le droit et les procédures judiciaires sont mobilisés par certains héritiers pour reconfigurer les rapports de genre et de générations, mais aussi et surtout pour renégocier la clé de répartition des biens en famille.


      ‪At the beginning of 1990, the Republic of Benin adopted a democratic constitution. The country ratified a series of international agreements, including the International Covenant on Civil and Political Rights and the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights (1990). In line with the idea of guaranteeing “good governance” and rule of law, assessments were conducted and public service reforms were implemented, including within the ministry of justice. As a part of these reforms, the 2004 Code on Persons and Family—which was meant to promote women's rights and unify the previously dual legal system—was one of the first texts to be adopted. With inheritance disputes as an entry point, this paper looks at the itineraries of those who decided to take legal actions and analyzes the effects of the Code on family dynamics in Cotonou. It shows how those on the lower rungs of family hierarchies use the law and legal proceedings in order to renegotiate how properties are shared, and to redefine gender and generational relationships.‪

    • Les conflits de proximité et la crise de la démocratie au Niger : de la famille à la classe politique - Jean-Pierre Olivier de Sardan p. 405-425 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Aujourd'hui, au Niger, la politique des partis et de la démocratie, caractérisée par des affontements incessants entre politiciens, avec de fréquents changements de camp, est rejetée par la population. Ces conflits de proximité sont nommés par un terme emprunté aux conflits familiaux, qui s'applique aux relations de jalousie entre demi-frères, à savoir les baab-izey. La famille est un espace autant de rivalités que de solidarité, contrairement aux stéréotypes sur la famille africaine. Ces rivalités alimentées par la polygamie deviennent publiques dans les querelles d'héritage ou de chefferie. Le microcosme politique nigérien est confronté à des rivalités internes semblables où les camarades d'aujourd'hui deviennent demain des ennemis. Autre similarité, les conflits de proximité familiaux comme les conflits de proximité politiques sont avivés par les spécialistes de l'occulte qui rendent toujours les proches responsables des problèmes.


      ‪In Niger, there is an increasing rejection of party politics and the politics of democracy, characterized by personal rivalries. There is a direct link between the social perceptions of intra-familial rivalries and the social perceptions of political rivalries. The archetypical relationship among the baab-izey (children of one father but different mothers) is characterized by competition and jealousy, as a consequence of the latent rivalry that pits the co-wives against each other. The same is true for the political microcosm of Niger: political conflicts are above all personal/factional conflicts in which friends and supporters are implicated, and thus constitute rivalries of proximity. In the familial space as in the political space, experts in the occult are merely an “accelerator” of these conflicts: they reinforce suspicions about the familial or political entourage.‪

    • Récits du conflit entre les Ifoghas et les Imghad : (Re-)positionnement, grammaire de la parenté et compétition entre élites politiques touarègues - Adib Bencherif p. 427-451 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article vise à présenter les dynamiques conflictuelles et compétitives entre élites politiques touarègues, plus spécifiquement entre les Ifoghas et les Imghad, au cours du dernier conflit malien amorcé en 2012. Mobilisant des récits familiaux et de parenté, les élites touarègues ifoghas et imghad cherchent à justifier leurs positionnements et à délégitimer ceux de leurs compétiteurs pour dominer l'arène politique de la région de Kidal. Après avoir expliqué comment la chefferie traditionnelle des Ifoghas et leurs parents proches mobilisent un récit de parenté modulé en fonction des circonstances pour conserver leur autorité dans la région de Kidal, l'article se penche sur le processus d'autonomisation politique de certains Imghad dans la région de Kidal. Ces Imghad structurent un récit de parenté concurrent et transversal à l'ensemble du nord du Mali et s'imposent progressivement dans l'arène politique locale de Kidal. Les récits ont été recueillis au cours du dernier conflit armé entre les Ifoghas et les Imghad lors de deux séjours de recherche au Mali entre 2016 et 2017. Ces récits portent principalement sur les différents conflits armés entre ces deux communautés depuis les années 1990, ainsi que sur les compétitions électorales entre Imghad et Ifoghas dans la région de Kidal.


      ‪This article addresses the conflictual and competitive dynamics between Tuareg political elites, more specifically between the Ifoghas and the Imghad, during the last Malian conflict which initially started in 2012. Using familial and kinship narratives, Tuareg elites from the Ifoghas and Imghad communities look to attempt to justify their positioning and to delegitimize their competitors to dominate the Kidal region political arena. The article explains how the Ifoghas' traditional chieftancy and their close relatives mobilise a kinship narrative depending on the circumstances to keep and assert their power in the region of Kidal. It then focuses on the political autonomisation process of some Imghad in the Kidal region who frame a transversal kinship narrative to the whole northern Mali and impose themselves progressively in the Kidal political arena. These narratives were collected in Mali between 2016 and 2017. They refer mainly to the different armed conflicts between these two communities since the 1990s and to the electoral competitions between them in the Kidal region.‪

    • La révolte en héritage : Militantisme en famille et fragmentation au Nord-Mali (MNLA) - Denia Chebli p. 453-481 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article questionne le lien entre les relations interpersonnelles intenses (familiales et amicales) et la possibilité pour un mouvement armé d'instaurer une discipline interne. La rébellion armée, déclenchée par le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) en 2012, concerne plusieurs générations de militants connectés par des liens de solidarité. L'ancrage local du MNLA a fait sa force lors de la phase de mobilisation. Cependant, il implique une imbrication de la sphère partisane et des relations de parenté qui ont rendu impossible l'autonomisation du politique. À partir du processus de formation du mouvement et son fonctionnement interne, cet article explore la tension entre la loyauté due à un parent et l'impartialité que l'on peut attendre d'un mouvement révolutionnaire.


      ‪This article investigates the connection between intense interpersonal relationships (family and friendships) and the possibility for an armed political movement to instill internal discipline. The armed rebellion instigated by the National Movement for the Liberation of the Azawad (MNLA) in 2012 concerns several generations of militants connected by ties of solidarity. The local base of the MNLA was its great strength during the mobilization phase. However, it implied the interpenetration of the partisan sphere and familial and intimate relationships that made political empowerment impossible. Starting with the process of the movement's formation and its internal functioning, this article explores the tension between the loyalty due to family members and the impartiality expected of a revolutionary movement.‪

  • La famille, la parenté et l'hérédité comme ressources dans le jeu politique

    • The Dynastic Republic of Gabon - Douglas Yates p. 483-513 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      ‪L'apparition des « républiques dynastiques » quasi-hériditaires est une nouvelle tendance régionale qui soulève des questions quant au déclin de la démocratie, la transparence et fiabilité des gouvernements, le népotisme et la grande corruption. Des dynastes de la seconde génération ont régné en République démocratique du Congo, en Guinée équatoriale, au Togo et au Gabon et ont été appréhendés comme des aberrations ou des exceptions, ou bien théorisés avec d'autres outils conceptuels. Dans cet article, nous examinons le « style dynastique » en utilisant la méthodologie de l'histoire de vie qualitative et de l'histoire de famille dans ce cas d'étude du Gabon, afin de démontrer comment, avec l'aide de l'ancien pouvoir colonial, un groupement de parenté s'est établi en tant que régime dynastique dans une république moderne, une primogeniture anachronique réalisée grâce à la corruption.‪

      The emergence of quasi-hereditary “dynastic republics” is a new regional trend, raising concerns about the decline in democracy, government accountability, nepotism, and grand corruption. Second generation dynasts have ruled in Democratic Republic of Congo, Equatorial Guinea, Togo and Gabon and have been treated as exceptional, as aberrations, or theorized under other conceptual tools. In this article, we examine “dynastic style” in this case study of Gabon which employs qualitative life story and family history methodology to show how, with the help of the former colonial power, a kin group has established itself as a dynastic regime in a modern republic, corruptly achieving what is otherwise anachronistic primogeniture.
    • Les « glorieuses familles » : Liens de parenté situationnels, stratégie agentielle et critique du pouvoir en Angola - Jon Schubert p. 515-542 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'anthropologie a depuis longtemps examiné les liens entre le symbolisme de la parenté et la légitimité politique en Afrique, selon lesquels l'autorité légitime repose sur des imaginaires familiaux et paternels du pouvoir. Le cas de l'Angola nous offre une occasion de revoir ce trope classique de manière critique : autant les liens de famille qui unissaient les cercles restreints du pouvoir autour de l'ancien Président dos Santos sont de notoriété publique, autant le régime est réticent à déployer les métaphores paternelles ou les valeurs « traditionnelles » pour asseoir son autorité. En dressant une cartographie des dimensions affectives des relations de domination dans un régime néo-autoritaire contemporain tel que l'Angola, l'article suggère qu'il existe une tension entre deux corpus de valeurs distincts mais corrélés — l'idéal « traditionnel » de la communauté politique comme une famille, d'une part, et la pratique réelle de mobilisation des relations de parenté à Luanda, d'autre part. La connaissance fine qu'ont les citoyens de ces réseaux de famille réels ou imaginaires qui constitueraient « le pouvoir » en Angola ouvre un champ discursif où l'on peut critiquer un gouvernement peu à l'écoute des besoins de la population, tandis que l'établissement de liens de parenté situationnels au quotidien crée des opportunités d'avancement individuel qui, en fin de compte, renforcent plutôt que subvertissent le statu quo.


      ‪Anthropology has long probed the link between kinship symbolism and political legitimacy in Africa, whereby legitimate authority rests on the deployment of familial, paternal imageries of power. The case of Angola offers an opportunity to critically revisit this classic trope: while the closest ruling circle around former President dos Santos are widely known to be connected by kinship links, the government has been reluctant to deploy paternalistic metaphors or “traditional” values to bolster its authority. By ethnographically charting the affective dimensions of the relationship of domination in a contemporary neo-authoritarian regime like Angola, the article suggests that there is a tension between two distinct, but embroiled sets of values or discursive repertoires—the “traditional” ideal of the body politic as family, and the actual practice of mobilizing family relations in Luanda. The intimate knowledge citizens have about real or imagined family networks opens up a terrain to critique a government perceived as unresponsive to the needs of the population, while the establishment of situative kinship relations in everyday life and creates opportunities for personal advancement, that ultimately bolster rather than subvert the status quo.‪

    • Mise en scène familiale, usages du savoir et campagnes politiques : Djiguiba Camara (Guinée) - Elara Bertho, Marie Rodet p. 543-570 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article retrace le parcours de Djiguiba Camara, intermédiaire colonial de Haute Guinée et auteur d'un tapuscrit de 110 pages intitulé « Histoire locale » sur l'histoire de son village natal de Damaro et sur Samori Touré. Fata Kéoulé Camara, son père, était l'un des proches conseillers de Samori Touré. Formé à l'école des fils de chefs de Kayes, Djiguiba Camara fut d'abord interprète colonial avant de devenir chef de canton en 1928. Il fait dactylographier son texte en 1955 et il en donne une version à l'historien français Yves Person qui en fera l'une de ses sources africaines principales pour l'écriture de sa thèse. Cet article entend analyser les usages des savoirs locaux et familiaux dans une trajectoire de légitimation politique, par une étude croisée d'archives personnelles et familiales, d'archives coloniales et d'enquêtes de terrain.


      ‪This article follows the trajectory of Djiguiba Camara, a colonial intermediary from Upper Guinea and author of a 110-page tapuscript entitled “Histoire locale” about the history of his home village Damaro and Samori Touré. Fata Kéoulé Camara, his father, was one of Samori Touré's close advisers. Trained at the École des fils de chefs of Kayes, Djiguiba Camara was a colonial interpreter and then became district commissioner in 1928. He had his text typewritten in 1955 and gave a copy to Yves Person, a French historian. This text would become one of the main African sources for Person's doctoral thesis. This article aims at analyzing the uses of local and family knowledge in the trajectory of Djiguiba Camara and his family for political legitimation. It is based on a study of personal and family archives, colonial archives and fieldwork.‪

    • Les derniers fils de chefs de canton au Sénégal : « Nous étions des sujets, nous sommes devenus des compléments d'objet direct » - Juliette Ruaud p. 571-595 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article restitue des entretiens menés avec des fils de chefs de cantons, devenus adultes dans les années 1950, en les croisant avec des archives coloniales. Il tente de faire voir leurs parcours en reconstituant leurs « carrières » pour poser la question des socialisations à la fonction de chef en tant que métier et en tant que statut social. En faisant cela, il montre comment différents dispositifs coloniaux ont en partie modelé les usages de l'hérédité politique au Sénégal. D'autre part, ce travail pose la question des incidences biographiques de l'indépendance pour les anciens intermédiaires du pouvoir colonial, et de la reconversion de leurs dispositions au commandement dans les États indépendants.


      ‪This paper is based on interviews with the sons of cantonal chiefs who came of age in the 1950s, and on colonial archives. It tries to explain their paths by reconstructing their “careers” to raise the question of their socialization as chiefs (both as a profession and as a social status). In doing so, it shows how different colonial mechanisms have partly shaped the uses of political heredity in Senegal. On the other hand, this work raises the question of the biographical implications of independence for former intermediaries of colonial power, and of the changeover of their dispositions in the independent states.‪

    • The Paradox of Isabel dos Santos : State Capitalism, Dynastic Politics, and Gender Hostility in a Resource-Rich, Authoritarian Country - Anne Pitcher, Edalina Rodrigues Sanches p. 597-624 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      ‪Dans le monde entier, les fils et les filles de nombreux chefs d'État attirent l'attention des médias pour leurs exploits. Comme d'autres enfants célèbres de politiciens, Isabel dos Santos, fille de José Eduardo dos Santos, ancien président de l'Angola (1979-2017), fait l'objet d'un examen approfondi de la part des médias au sujet de ses investissements et de ses habitudes de dépense fastueuses. Nous réalisons une étude systématique d'articles de journaux des médias angolais et internationaux, de commentaires sur les réseaux sociaux et des sites web pour examiner les représentations contradictoires d'Isabel de 2010 à 2018. Cette période correspond à des représentations célébrant Isabel pendant la croissance de son entreprise, jusqu'à son licenciement de la direction de Sonangol et le départ de son père de la présidence. Nous soutenons que les changements dans le portrait qui est fait d'Isabel au fil du temps illustre les différentes dimensions de la politique dynastique dans des contextes autoritaires. Alors que sa position en tant que fille de président aisée renforce de manière ironique l'oligarchie politique patriarcale, sa chute témoigne quant à elle des limites de la politique héréditaire en Angola.‪



      Throughout the world, the sons and daughters of many state leaders attract media attention for their exploits. Like other famous children of politicians, Isabel dos Santos, the daughter of José Eduardo dos Santos, the former president of Angola (1979-2017), is the object of much media scrutiny regarding her investments and lavish spending habits. We rely on a systematic study of newspaper articles by Angolan and international media, readers' comments, social media and websites to examine the conflicting portrayals of Isabel from 2010 to 2018. This period covers celebratory depictions of Isabel during the growth of her business empire to her dismissal as head of Sonangol after her father left the presidency. We argue that the change in portrayals of Isabel over time offers insight into the dimensions of dynastic politics in authoritarian settings. Whereas her position as wealthy presidential daughter ironically reinforced patriarchal political oligarchy, her downfall demonstrates the limits of hereditary politics in Angola.
    • (Dis-)Graceful Leadership: On Familial Logics and Politics in Zimbabwe - Blair Rutherford p. 625-654 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      ‪Le coup d'État, ou « non coup », au Zimbabwe en novembre 2017 a attiré l'attention nationale et internationale sur l'imbrication des pratiques familiales avec la politique électorale dans le pays. De nombreux commentaires portaient sur les actions de Grace Mugabe, épouse de l'ancien président Robert Mugabe, lesquelles ont précipité le remplacement de Mugabe par son camarade d'antan, Emmerson Mnangagwa. J'approfondis l'analyse en plaçant ces événements dans trois dimensions des logiques familiales et patriarcales qui ont tendance à être courantes dans les économies politiques en Afrique et ailleurs : la création de réseaux d'accès et de mécénat ; la greffe métaphorique de « la famille » sur l'imaginaire de la nation ; et les performances hétéronormatives et patriarcales de la bienséance conjugale. En même temps, je soutiens que ces logiques familiales devraient être contextualisées dans les mobilisations et démobilisations affectives particulières associées à la politique électorale au Zimbabwe.‪



      The “non-coup” coup in Zimbabwe in November 2017 brought focused international and national attention on the imbrication of familial practices with electoral politics in the country. Much commentary has focused on the actions of Grace Mugabe, wife of then President Robert Mugabe, as precipitating the military replacement of Mugabe with his erstwhile comrade Emmerson Mnangagwa. I deepen the analysis through placing these events within three dimensions of patriarchal familial logics that tend to be common in political economies in Africa and elsewhere: the forging of networks of access and patronage; the metaphorical grafting of “the family” onto the imagination of the nation; and the performance of heteronormative, patriarchal, and marital propriety. At the same time, I argue that these familial logics should be contextualized within the particular affective mobilizations and demobilizations associated with electoral politics in Zimbabwe.
    • Au nom du père, du fils et du Sénégal ou comment l'héritage ne fait toujours pas l'héritier en politique - Marie Brossier p. 655-681 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article interroge la manière dont l'hérédité se fabrique en politique à partir du projet de succession héréditaire mené au Sénégal entre l'ancien président Abdoulaye Wade (au pouvoir de 2000-2012) et son fils Karim entre 2000 et 2019. Celui-ci repose, d'une part, sur la captation familiale du pouvoir à la tête de l'État (pour le père) et du parti du père (pour le fils) et, d'autre part, sur la construction d'une validation politique et électorale de la filiation et de l'héritier. Certains ont vu dans la trajectoire du fils (positionné au sein du Parti et de l'État, puis disqualifié par une condamnation pour enrichissement illicite et le rejet de sa candidature dans la course à la présidence de 2019), un projet largement contesté puis défait de succession héréditaire. Pourtant, son parcours fait de luttes fratricides avec les « fils » politiques de Wade père, notamment Macky Sall, qui devient président de la République (en 2012 puis à nouveau en février 2019), montre qu'une tentative de succession marquée par un processus de sélection (famille et parti), de contrôle du Parti et d'expériences ministérielles majeures, n'est pas toujours vouée à réussir. Les contraintes majeures que constituent une compétition politique relativement institutionnalisée ainsi qu'une contestation populaire rejetant la naturalisation des rapports politiques à des rapports de parenté comme gage de stabilité montrent que l'héritage (à transmettre) ne suffit pas à faire l'héritier en politique.


      ‪This article seeks to understand how political hereditary is constructed through a hereditary succession project in Senegal built by and for former President Abdoulaye Wade (in power from 2000 to 2012) and his son Karim between 2000 and 2019. This planned succession was based in part on the familial capture of state executive power (by the father) and of the father's political party (by the son), as well as on the construction of a political and electoral validation of kinship and the heir. Some scholars have considered that the son's life trajectory (positioned in the party and the state, but later disqualified by being found guilty of embezzlement and consequently banned from running for the presidency in 2019) a failed hereditary succession project that has been largely contested. Indeed, his trajectory, characterized by fratricidal struggles between the political “sons” of Wade the father, notably Macky Sall, who became president in 2012 and for a second term in February 2019, visibly demonstrates that in an attempt to engineer a succession through a process of selection (both party and family), control of the party and key cabinet-level experiences are not always the keys to success. The major obstacles, relatively institutionalized competitive politics and popular rejection of the notion that hereditary succession is a guarantee of stability show that the familial transmission of power is insufficient to guarantee a political heir.‪

  • Analyses et comptes rendus