Contenu du sommaire : L'austérité urbaine : « faire face et faire avec » en Europe du Sud

Revue Annales de géographie Mir@bel
Numéro no 727, 2019/3
Titre du numéro L'austérité urbaine : « faire face et faire avec » en Europe du Sud
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • L'austérité urbaine : « faire face et faire avec » en Europe du Sud - Fabrizio Maccaglia, Thomas Pfirsch p. 5-16 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis la crise boursière de la fin des années 2000, le terme d'austérité, initialement réservé aux politiques nationales de réduction des déficits budgétaires par la baisse des dépenses publiques, la modération fiscale et la privatisation, est de plus en plus appliqué aux villes. Alors que le concept d'austerity urbanism a été proposé à partir de l'étude des villes nord-américaines, ce dossier thématique propose de prendre part au débat en plaçant la focale sur les villes d'Europe du Sud, durement atteintes par la crise des dettes publiques et les « agendas austéritaires » à partir de 2009. Si les mobilisations collectives qui ont éclaté pour « faire face » aux politiques d'austérité ont particulièrement retenu l'attention des observateurs, de même que la restructuration des finances municipales et leur impact sur la gouvernance locale, les contributions de ce numéro font un pas de côté en questionnant à la fois les politiques urbaines élaborées en contexte d'austérité et les pratiques citadines d'adaptation à celui-ci. Elles interrogent l'effet des politiques d'austérité sur la gouvernance et les projets urbains, mais également sur les modes d'habiter, les mobilités et les pratiques quotidiennes des citadins. Elles posent ainsi la question des capacités de résilience ou d'adaptation des sociétés urbaines d'Europe méridionale et de leur aptitude à « faire avec » l'austérité.
      Since the financial crisis of the late 2000s, the term “austerity”, initially referring to national policies seeking to reduce budget deficits through public spending cuts, fiscal restraint and privatization, is increasingly applied to cities. While the concept of “austerity urbanism” has been proposed to describe Northern American cities, this special issue focuses on the cities of Southern Europe, which were deeply hit by the public debt crisis and the “austerity agendas” which followed the 2008 economic turmoil. Many studies have dealt with the collective mobilizations and political struggles that broke out as a way of “facing up to” austerity policies, and explored the restructuring of municipal finances and local governance in Southern European cities. The articles of this special issue focus on everyday practices and individual adaptation strategies of urban dwellers. They analyse the impacts of austerity policies on governance and urban projects, but also on urban mobilities, living arrangements and everyday practices. They explore the resilience and adaptation capacities of urban societies in Southern Europe, and their ways of “coping with” austerity.
    • Villes espagnoles et austérité : une histoire de longue durée - Céline Vaz p. 17-39 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article vise à interroger la nouveauté de l'« urbanisme d'austérité » dans le cas des pays d'Europe du Sud et, précisément, de l'Espagne, en replaçant cette notion dans l'histoire plus globale et de plus long terme de l'État social et de l'autonomie des gouvernements locaux espagnols. Il s'agit aussi de montrer que la privatisation croissante de la production des espaces urbains et de la gestion urbaine, mise en relation dans les analyses récentes avec la réduction des dépenses publiques, n'est pas un phénomène neuf en Espagne. Le rôle des acteurs de marché dans la production de la ville, présenté comme un élément saillant des politiques d'austérité actuelles, caractérise la situation de l'Espagne durant la dictature franquiste (1939-1975).
      Is “austerity urbanism” really a new chapter in the history of Mediterranean cities ? This article examines this from the case of Spain, resituating recent Spanish urban policies within the national history of the welfare state and local government autonomy. This long-term perspective shows that, except during the first years of the return of democracy, during the 1980s and 1990s, cities and their citizens are used to facing austerity-led policies. Moreover, during Franco's regime (1939-1975), housing production was progressively assumed by private developers, who soon became the main actors of urban building- and extension of cities, starting from the 1950s.
    • Plateformes locatives en ligne et rente urbaine à Turin : les classes moyennes face à l'austérité - Giovanni Semi, Marta Tonetta p. 40-61 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le secteur du logement constitue une entrée pertinente pour comprendre le contexte actuel de diffusion de l'austérité. C'est particulièrement vrai pour les pays du sud de l'Europe et notamment l'Italie, qui conservent des caractéristiques spécifiques en matière de logement et de welfare. Cet article explore les nouveaux usages de la propriété qui se développent pour faire face à l'austérité, et notamment la diffusion des locations de courte durée sur les plateformes en ligne (Airbnb et similaires). Après un cadrage sur les spécificités de la ville de Turin, notre cas d'étude, on se focalisera sur le quartier populaire de Aurora, au Nord du centre-ville, et sur la géographie locale des locations temporaires. Il s'agira d'étudier les diverses formes de rente urbaine qui s'élaborent dans les pratiques quotidiennes en contexte d'austérité, en particulier au sein des classes moyennes. L'analyse des entretiens permet d'interpréter ces comportements comme des stratégies de contournement du quotidien de la crise. La conclusion porte sur les implications à long terme de ces pratiques, en particulier pour ce qui concerne la structure urbaine et la reproduction des inégalités sociales, tout en suggérant de nouvelles pistes de recherche.
      In terms of housing systems, Italian cities belong to the so called “Southern-European model” which is marked by the primacy of home-ownership, a weak rate of tenancy and even more scarce presence of public housing. Since the financial and economic crisis of 2008, households are dealing with increasing economic distress rather than experiencing a wide housing crisis, as in the US or in global cities. The severe austerity agenda which is affecting Italy since the economic meltdown is mainly transforming the labour market and the public sector. Under such a scenario, this paper takes into account the multifaceted strategies emerging at a neighbourhood level, in quite an odd city if compared to other Italian contexts : Turin. The Turinese particularity is linked both to its urban history, for its industrial and then post-industrial path, to its weakly Mediterranean conditions, considering the below-average levels of informality and porosity. The working-class quarter of Aurora, in Northern Turin, interestingly shows a particular kind of reaction toward austerity, related to the new and controversial field of short-term rentals offered through online peer-to-peer platforms (e.g. Airbnb). Narratives and strategies elaborated to face the crisis by middle and lower-middle class individuals and households, using rent as income substitution, integration or investment in that area, are therefore the main source for this paper. The final remarks include discussion of the urban and social-justice implications.
    • Retourner à la terre pour faire avec la crise : ancrages et circulations entre ville et campagne au Portugal - Paula Dolci, Geneviève Cortes, Coline Perrin p. 62-93 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au cours de la dernière décennie, les migrations des Portugais ont été réactivées. La crise économique de 2008, entraînant des taux de chômage élevés et des politiques d'austérité, a donné lieu à des nouvelles mobilités. Les migrations vers le rural ont été principalement étudiées dans les pays du nord de l'Europe, et généralement envisagées comme des migrations d'agrément. Elles ont peu attiré l'attention dans les pays d'Europe du Sud où elles sont plus récentes et s'inscrivent dans des rapports au rural différents. Au Portugal, nous avons analysé les trajectoires de vie de néo-agriculteurs lors d'une enquête de terrain dans l'Alentejo et la région de Lisbonne. Les résultats montrent que le choix du rural et de l'agriculture est le fruit d'une combinaison entre plusieurs facteurs, relevant de différentes échelles sociales et spatiales. Les migrations vers le rural sont réactivées par la crise économique mais répondent aussi à des aspirations individuelles de rejet du mode de vie urbain. Ce rejet, largement partagé chez les néo-agriculteurs, ne constitue pas une rupture avec la ville. Ces migrations font au contraire émerger des circulations connectant espaces ruraux et urbains, un double ancrage urbain-rural qui peut devenir une ressource en appui aux activités économiques et mécanismes de solidarité.
      In the last decade, Portuguese migrations have been reactivated. The economic crisis of 2008 led to high unemployment rates and austerity policies, giving rise to new mobilities. Migration to rural areas has mainly been studied in northern European countries and is generally considered as an amenity migration. This phenomenon has received little attention in southern European countries where rural migrations are more recent and are part of different issues. In Portugal, we propose to analyze the life trajectories of neo-farmers based on a field survey in Alentejo and the Lisbon region. Our results show that the choice of rurality is the result of a combination of factors, operating on different social and spatial scales. Rural migrations are reactivated by the economic crisis but also respond to individual aspirations originating from a rejection of the urban way of life. This rejection, though widely shared among neo-farmers does not entail a radical break with the city. On the contrary, these migrations emerge from circulations connecting rural and urban spaces, a dual integration that can become a resource in support of economic activities and mechanisms of solidarity.
    • Grand projet et gouvernementalité urbaine à Madrid : fonctions, fictions, frictions - Nacima Baron, Alicia Garcia Fernandez p. 94-115 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À quelles conditions un grand projet peut-il être porté dans un contexte d'urbanisme de l'austérité ? Réveiller les acteurs métropolitains après une décennie de crise et de latence de la planification, remettre en image et en discours le projet, faire la part des intérêts privés et publics, mais sans capacité d'action opérationnelle ni marge de manœuvre financière, voilà une initiative paradoxale. Deux grilles théoriques (dépassement du fonctionnalisme des infrastructures et ressources des acteurs) sont mobilisées pour comprendre les raisons de la réapparition d'un projet irréalisable. Les auteurs montrent la dissymétrie des capacités d'action des protagonistes, expliquent le déplacement des lignes de partage de pouvoir et les frictions qui en découlent. Au fond, rien ne change fondamentalement dans le projet décroissant, sinon sa substance spatiale même. Le projet semble moins fondé sur la régénération urbaine que sur la construction d'une périphérie métropolitaine mythique, nouvelle frontière qui transcenderait les conflits d'intérêt des planificateurs.
      Under what conditions can a big urban project be locally sustained in the era of austerity? The wakening of the metropolitan actors after a decade of crisis and dormant planning, reviving a project both as image and discourse, reconciling private and public interests, but with neither operational capacity nor financial room for manoeuvre, altogether creates a paradox. A set of theoretical tools (infrastructural functionalism, the actors'resources, soft spaces) help understand the reasons for the survival of a project that can never be implemented. While they expose two ways of legitimizing decisions, the authors reconstruct the dissymmetry in the protagonists'capacities for action, discuss the shift in power-relations, explain the frictions that arise from them. The result is as follows: the project is shrinking, but nothing changes fundamentally, except its spatial substance. The project's intention is not oriented towards the regeneration of marginal and deprived northern districts. It envisages a mystified metropolitan periphery as a new frontier which could integrate and resolve all opposition and contradictions among Madrid planners.
  • Comptes rendus