Contenu du sommaire : Biens communs et territoires

Revue Espaces et Sociétés Mir@bel
Numéro no 175, 2018/4
Titre du numéro Biens communs et territoires
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • I. Biens communs et territoires

    • Éditorial - Leïla Kebir, Stéphane Nahrath, Frédéric Wallet p. 7-17 accès libre
    • Solidarité sociale et proximités : de l'État providence aux communs sociaux - Jacques Garnier, Jean-Benoît Zimmermann p. 19-33 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article traite des formes de solidarité sociale nouvelles qui émergent aujourd'hui dans le double contexte d'accentuation des inégalités socio-spatiales et d'altération du système français de solidarité nationale. Nous analysons les conditions qui font que ce système devient de plus en plus inopérant face à des situations d'inégalité d'une diversité croissante, à la fois multiscalaires, multifactorielles et cumulatives. En nous appuyant sur une approche théorique en termes de proximité, et en nous référant aux situations largement évoquées aujourd'hui dans la littérature, nous mettons en évidence les conditions qui favorisent désormais l'apparition de « communs sociaux ». Nous montrons en quoi ces communs se distinguent des modalités anciennes de solidarité communautaire. Nous soulignons enfin à quelles conditions ces communs sont susceptibles de constituer des réponses justes et durables à l'accentuation actuelle des inégalités sociales.

      This article addresses the new forms of social solidarity that are emerging in response to growing socio-spatial inequalities and the deterioration of France's system of national solidarity. We analyse the conditions rendering this system increasingly ineffective in the face of the ever-multiplying situations of inequality that are at once multi-scale, multi-factorial and cumulative. Drawing on a theoretical approach in terms of proximity, we examine situations widely discussed in the literature in order to bring out the circumstances now favouring the appearance of ‘social commons'. We show how these commons differ from older forms of community solidarity and conclude by suggesting the conditions likely to permit these commons to provide just, lasting responses to the present aggravation of social inequalities.
    • Les communs urbains à Barcelone : vers une réinvention de la gouvernance territoriale ? - Maïté Juan p. 35-49 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans un contexte de privatisation et de marchandisation de l'espace public et d'accroissement des inégalités socio-territoriales, cet article propose de montrer comment le modèle de gestion communautaire d'un équipement culturel public de cirque social à Barcelone, l'Ateneo Popular Nou Barris, se présentant comme une institution d'auto-gouvernement fondée sur les synergies territoriales, peut constituer un levier de réinvention démocratique des modes de gouvernance urbaine. Nous éclairerons de quelle façon la construction de ce commun urbain s'appuie sur l'imbrication de deux processus : d'une part, la consolidation d'une forme d'autonomie territoriale reposant sur un réseau d'entraide et de coopérations entre entités associatives d'un même territoire local, et, d'autre part, sur la capacité à construire une force d'interpellation et à impulser une dynamique de co-construction de l'action publique à l'échelle municipale.

      The Ateneo Popular Nou Barris in Barcelona is a social circus taking the form of a self-governing institution based on territorial synergies. This article studies how, in a context of privatisation and commodification of the public space and increasing socio-territorial inequalities, the community management model of this public cultural facility might constitute a motor for the democratic reinvention of urban governance methods. We highlight the way the construction of this urban commons relies on the interaction of two processes: first, the consolidation of territorial autonomy through a network based on mutual assistance and co-operation between community organisations within a single local territory and second, the ability to exert collective influence and foster a dynamics for co-constructing public policy at municipal level.
    • Surveiller sans punir. Un commun de résistance au travers du « braconnage » dans les forêts camerounaises - Laurence Boutinot, Christophe Baticle, Guy Patrice Dkamela, Philippe Karpe, Étienne Le Roy p. 51-68 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En Afrique centrale, l'héritage colonial confère aux États le monopole de la propriété sur le foncier forestier et le pouvoir de redistribuer les espaces aux acteurs privés et aux organisations internationales sous forme de concessions ou d'aires protégées. Dans l'est forestier du Cameroun, des groupes de Bantous sédentaires et agriculteurs ou de Pygmées Baka chasseurs-cueilleurs et semi-nomades font face à un phénomène d'enclosures que constituent les unités forestières d'aménagement (ufa) dédiées à l'exploitation de la ressource ligneuse par une société privée. Cette restriction de l'accès aux ressources forestières menace la sécurité alimentaire et la reproduction sociale de ces populations. À partir d'une définition non normative des communs, nous faisons l'hypothèse d'un commun de résistance qui se construit à partir d'une praxis territoriale, en tant qu'ensemble de pratiques concrètes qui s'auto-légitiment sur la base d'un sentiment d'injustice quant aux restrictions d'usage dont fait l'objet le territoire forestier.

      In Central Africa, the colonial legacy has granted the states a monopoly on forest land ownership and the power to redistribute spaces to private actors and international organisations through concessions or protected areas. These dynamics lead to the reduction of customary hunting territory. In the forests of East Cameroon, sedentary Bantu farmers and the semi-nomadic hunter-gatherers of the Baka people are faced with a phenomenon of ‘enclosures' in the form of Forest Management Units (fmu) reserved for timber exploitation by a private company. This restriction of access to forest resources threatens their food security and social reproduction. We use a non-normative definition of the commons to formulate the hypothesis that a commons for resistance is emerging in response to this situation. It is built on a territorial praxis, i.e., a set of concrete practices that are self-legitimated by a shared feeling of injustice with regards to restrictions on the use of forest territory.
    • L'habitat coopératif, vecteur de nouveaux communs territoriaux à Barcelone - Diego Miralles Buil p. 69-86 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'actuel développement de l'habitat coopératif en cession d'usage à Barcelone témoigne d'une volonté des habitants de se réapproprier le secteur du logement mais aussi plus largement le territoire. Dans cet article, nous verrons comment la réémergence de cette forme d'habitat alternatif a engendré une prise de conscience de la part des acteurs du logement barcelonais, menant notamment au développement de politiques municipales considérant le logement comme un bien commun. Mais les mouvements sociaux pour le droit au logement considèrent avant tout le commun comme praxis autour de l'idée de l'agir en commun, rompant ainsi en partie avec le concept défendu par la municipalité. Néanmoins, les projets de coopératives d'habitation en cession d'usage actuellement en développement à Barcelone attestent d'un nouvel agencement d'acteurs abordant le logement sous le prisme des communs, esquissant ainsi une nouvelle manière de concevoir l'habitat, vectrice de nouveaux communs territoriaux.

      The spread of housing co-operatives in Barcelona through the scheme known as ‘cession of use' attests to the inhabitants' desire to reclaim both the housing sector and the territory. In this article, we discuss how the reemergence of this form of alternative housing tenure has raised the awareness of the actors in the housing sector and led to the development of municipal policies considering housing as a common good. We also argue that social movements for the right to housing regard the commons above all as a form of praxis and that by defending the idea of community action, they break with the concept used by the city council. Nevertheless, the cession of use housing co-operatives currently under development in Barcelona attest to a reconfiguration of actors approaching housing through the lens of commons, thus suggesting an original conception of housing as a vehicle for new territorial commons.
    • L'organisation socio-spatiale, un commun pour le développement territorial. Le cas d'une communauté faxinal au Brésil - Vanessa Iceri, Sylvie Lardon p. 87-104 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les communs émergent dans un contexte de préoccupation environnementale et plus récemment ils sont mobilisés pour réinterpréter les problématiques de développement territorial, en proposant des modèles alternatifs de gestion des ressources. Nous analysons ce qui fait commun dans une organisation socio-spatiale (oss) pour comprendre comment elle contribue au développement territorial. Notre étude est centrée sur une communauté traditionnelle de paysans au Brésil, dont nous avons analysé trois objets socio-spatiaux concrets, à trois niveaux d'organisation. Nous montrons, par la combinaison des théories des communs et du développement territorial, comment l'oss peut constituer un commun pour le développement territorial.

      The theory of commons, which emerged in a context of environmental concern, has been mobilised more recently to reinterpret territorial development issues and propose alternative models of resource management. We analyse what is ‘common' in a socio-spatial organization (sso) in order to understand how it contributes to territorial development. Our study focuses on a community of traditional peasants in southern Brazil. We have analysed three concrete socio-spatial objects at three organizational levels. By associating the theories of commons and territorial development, we show how sso becomes a ‘commons' for territorial development.
    • Construire en commun par le paysage. Trois controverses paysagères relues à l'aune du bien commun - Anne Sgard, Sophie Bonin, Hervé Davodeau, Pierre Dérioz, Sylvie Paradis, Monique Toublanc p. 105-122 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article vise à penser ensemble le bien commun et le paysage, en tant qu'enjeu et outil politique, en faisant l'hypothèse que chaque notion est à même d'enrichir et de consolider l'autre. À travers trois études de cas en France et en Suisse (restauration de rivières du Vexin, opération de rénovation urbaine du quartier de Belle-Beille à Angers, projet de nouveau quartier aux Cherpines à Genève), il cherche à identifier ce qui fait commun, comment il est construit et à quelle échelle. L'article explore les différentes dimensions de la relation paysagère (en termes d'usages et de valeurs) à l'œuvre dans la construction du commun. Le paysage offre un angle d'analyse original sur les questions de la propriété et permet de dépasser certaines catégories pour penser le bien commun (par-delà les biens naturels et culturels). Il met en évidence les questions relatives au sens que les acteurs donnent aux lieux qu'ils habitent et fréquentent, et aux affects dont ils les chargent.

      This article undertakes a combined analysis of the common good and the land-scape with the assumption that each concept can enrich and reinforce the other in terms of both the issues at stake and potential policy tools. Through three case studies in France and Switzerland (river rehabilitation in the Vexin region of the Val d'Oise and Yvelines, an urban renewal operation in the Belle-Beille district of Angers, an urbanisation project in the Cherpines area of Geneva), it seeks to identify what constitutes the commons, how it is built and on what scale. It explores the different dimensions of the relationship to the landscape (in terms of uses and values) at work in the construction of the commons. The landscape provides an original perspective for analysing ownership questions and permits the issue of the common good to be addressed beyond the categories of natural and cultural goods. It thus brings out issues concerning the meaning and affects individuals give to the places where they live and spend time.
    • Vers un retour de la lenteur et des communs ? - Aniss M. Mezoued, Vincent Kaufmann, Boris Nasdrovisky p. 123-141 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      D'après Ivan Illich l'automobile et les métriques liées à la vitesse ont contribué à transformer les espaces non appropriables, qu'il appelle les communaux. Ces derniers seraient construits sur la base du rythme autolimitant du corps humain et de la marche, qui favorisent les rencontres et la mise en commun d'espaces et de ressources. Partant de là, nous proposons dans cet article de travailler sur la lenteur et les communs en testant l'hypothèse d'Illich : si la vitesse de transport a détruit les communs, la lenteur est susceptible de les reconstruire ou d'en créer de nouveaux ; le cas échéant, ces nouveaux communs contribuent à ralentir les rythmes de vie. Nous proposons dans cet essai d'explorer cette double hypothèse à partir de deux terrains belges : le piétonnier central de Bruxelles et les projets de valorisation des chemins en Wallonie.

      According to Ivan Illich, cars and all other fast means of transportation have contributed to the transformation of the commons. In his view, these are built on the self-limiting rhythm of the human body and walking, both of which foster encounters and the sharing of spaces and resources. In this paper, we explore the notions of slowness and commons by testing Illich's hypothesis in reverse: if speed has played a part in undermining the commons, slowness might potentially be harnessed to rebuild them or create new ones. We propose to explore this hypothesis through two Belgian case studies: the central pedestrian area in Brussels and projects for developing walking paths in Wallonia.
  • II. Varia

    • Aménager la lenteur. La dimension imaginaire de la piétonnisation du centre-ville bruxellois - Claire Pelgrims p. 143-162 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article aborde la dimension imaginaire de la piétonnisation du centre-ville de Bruxelles depuis le milieu du XXe siècle à travers l'analyse des différentes incarnations de l'imaginaire de lenteur qui se déploient du discursif au non-discursif. Il s'intéresse aux dissonances temporelles et spatiales qui apparaissent entre le terrain, le sensible et l'image. Se penchant notamment sur un corpus de films, l'analyse souligne le rôle de l'image dans la définition progressive et l'émergence d'un imaginaire critique. L'imaginaire de la lenteur s'outille et se définit progressivement à travers différentes logiques de ralentissement de la vitesse automobile et d'accélération des mobilités lentes qui apparaissent dans l'aménagement du « semi-piétonnier » de la rue Marché-aux-Herbes. Ces logiques constituent ensemble une grammaire de la lenteur régissant les aménagements et les manières d'être, cherchant à minimiser ou invisibiliser les objets non congruents et les comportements jugés fautifs.

      This study investigates the imaginary dimension of the creation of pedestrian areas in the centre of Brussels since the mid 20th century. Through an analysis of the different projections of the emerging slow mobility imaginary in its discursive and non-discursive forms, it focuses on the temporal and spatial dissonance arising between the field, the sensory experience and the image. Drawing on the examination of a corpus of films, the article stresses the role of the image in the gradual definition and emergence of a critical imaginary. The slow mobility imaginary emerges from different logics for reducing fast car mobility and accelerating slow mobilities, as can be perceived in the redevelopment of the Rue Marché-aux-Herbes as a ‘semi-pedestrian' area: Taken together, these logics constitute a grammar of slowness that governs urban planning projects and ways of being by seeking to minimise or mask objects and behaviours seen as incongruous.
    • Construire son propre spot : la philosophie Do it yourself dans les sports de rue - Thomas Riffaud p. 163-177 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article est une contribution pour tenter de cerner les spécificités des sports de rue, mais la réflexion est centrée sur la tendance de certains riders à construire eux-mêmes l'espace dans lequel ils pratiquent. Les résultats présentés sont issus d'une recherche qui allie six entretiens semi-directifs et plusieurs phases d'observation participante. L'analyse est développée en trois parties. La première cherche à comprendre qui sont ces riders-bricoleurs et quelles sont leurs motivations. La deuxième vise à expliquer pourquoi et comment ces espaces apparaissent. Et pour finir, il s'agit de questionner les rapports entretenus entre ceux qui construisent ces spots et les gestionnaires ou les propriétaires des lieux sur lesquels ils se trouvent. D'une manière générale, comprendre ces spots diy peut être utile pour cerner la complexité de la production de l'espace dans la ville contemporaine.

      Within a growing literature aimed at understanding the specific features of urban sports, this article focuses on a trend among certain riders to build their own spots. The findings are drawn from a study based on six semi-structured interviews and a series of participant observations. The analysis is organised in three parts. I begin by attempting to identify the ‘rider-builders' and their motives. I then try to explain how and why the diy spots are built. I conclude by examining the relations between the riders and the managers or owners of the sites where the spots are found. The case of these diy spots thus helps to define the complexity of the larger production of space in today's city.
  • III. Rétrospective

  • IV. Compte rendu de thèses

  • Notes de lecture