Contenu du sommaire : Les stéréotypes, encore et toujours

Revue Hermès (Cognition, Communication, Politique) Mir@bel
Numéro no 83, 2019/1
Titre du numéro Les stéréotypes, encore et toujours
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Introduction - Anne Lehmans, Vincent Liquète p. 9-11 accès libre
  • Ouverture - Dominique Wolton p. 12-19 accès libre
  • Quatre stéréotypes dominants dans le champ de l'information et de la communication - Dominique Wolton p. 20-24 accès libre
  • Quelques définitions - Dominique Wolton p. 25-31 accès libre
  • Sélection bibliographique - p. 33 accès libre
  • Partie I. Stéréotypes et représentations sociales : retour sur un concept

    • Stéréotype et compagnie : versions, variantes et variations - Bernard Valade p. 35-47 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Où ranger le stéréotype ? Et quel statut lui assigner ? Procédé de reproduction en usage dans l'imprimerie, le stéréotype est couramment entendu comme opinion toute faite mécaniquement répétée. La psychologie sociale, la sociologie, la linguistique en donnent des versions sensiblement différentes. Assorti de nombreux synonymes, au premier rang desquels figure le cliché, le stéréotype présente une série de variantes toutes placées sous le signe de la convention. Les interprétations qu'on en a données font voir des variations qui vont du rejet de tout ce qu'engendre la pensée stéréotypée à la reconnaissance d'une certaine positivité.
      What category should “the stereotype” be placed in ? What status should it be assigned ? Originally referring to a reproduction process used in printing, the term “stereotype” is now understood as a ready-made opinion that is repeated mechanically. Social psychology, sociology and linguistics all have perceptibly different versions of what is involved in this term. Accompanied by a host of synonyms, with “cliché” at the forefront, the stereotype presents a series of variants, each of which is found under the banner of convention. Interpretations of stereotypes are themselves varied, ranging from a complete rejection of anything that might involve stereotypical thinking to the acknowledgment that they can involve a certain positivity.
    • Les avatars du stéréotype depuis Walter Lippmann - Michaël Oustinoff p. 48-53 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Tous s'accordent à dire que la notion de stéréotype a été introduite par Walter Lippmann dans son ouvrage Public Opinion publié en 1922 aux Etats-Unis. Très souvent cité, l'auteur est cependant rarement lu, si bien que sa définition du stéréotype tend à être simplifiée à outrance. Il est urgent de relire et de traduire l'ouvrage (il n'existe toujours pas en français), car sa conception du stéréotype est bien plus complexe – notamment en tant que manifestation d'une vision du monde – qu'on la présente habituellement et s'avère d'une grande pertinence pour le décryptage du monde contemporain, à l'heure de sa rebabélisation accélérée et de sa désoccidentalisation en cours.
      It is generally accepted that the concept of stereotype was first introduced by Walter Lippmann in Public Opinion, which was published in 1922 in the United States. Although it is frequently cited, Lippmann's work is rarely read, and as a result his definition of the concept tends to be grossly oversimplified. Public Opinion needs to be translated (there has never been a French edition) and reread because its definition of stereotype as a manifestation of a worldview is much more complex than is usually thought. It remains highly relevant for understanding our contemporary world at a time of accelerated “rebabelization” and ongoing dewesternization.
    • Stéréotypie, objectivité sociale et subjectivité. La sociologie face au tournant identitaire : l'exemple du genre - Hervé Glevarec p. 54-60 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Toute affirmation sur l'existence d'un stéréotype, entendu comme une représentation a priori des êtres et des choses et comme violence symbolique, suppose, comme son complément logique, l'affirmation de l'existence d'une représentation vraie (non stéréotypée, elle) de l'être ou de la chose en question, voire de l'absence de toute représentation vraie. Qu'un homme ou une femme doive s'habiller comme ceci et cela, avoir telle et telle pratique, relève à la fois d'une norme (qui s'impose) mais aussi d'un stéréotype, à savoir d'une représentation a priori de l'identité. Dans le cadre du paradigme de l'antécédence du sexe sur le genre, paradigme davantage partagé que son envers, on doit pouvoir caractériser sans se tromper le genre comme « le stéréotype du sexe ». Sexe veut alors dire ceci pour les sociologues : « la socialisation, la situation et la perception d'être une femme au temps t » et « la socialisation, la situation et la perception d'être un homme au temps t ». Le chercheur introduit pour cela les notions de socialisation et celle de situation (position) comme explicatives. Or, il s'avère que si la sociologie est la première à déconstruire le stéréotype du sexe, tout aussi bien que le stéréotype du jeune de banlieue, de l'adolescente, etc., elle est aussi amenée, par profession, à soutenir les correctes figuration, représentation et pratique des êtres, issues de son enquête. Elle oppose au stéréotype l'objectivité sociale. La question est de savoir si elle le fait ou peut le faire à propos du sexe dès lors qu'elle a une perspective constructiviste et, plus encore, dès lors qu'un tournant subjectiviste ou identitaire est pris.
      Any assertion of the existence of a stereotype, understood as an a priori representation of things or beings and as a form of symbolic violence, implies – as its logical complement – that a true – non-stereotypical – representation of these things or beings exists ; it can also imply that a true representation does not exist at all. That a man or a woman should dress or behave in one manner rather than another refers to both a norm (which is imposed) and a stereotype : an a priori representation of identity. Within the paradigm where sex takes precedence over gender – a paradigm more widely shared than its opposite – it should be possible to describe gender correctly as “the stereotype of sex.” For sociologists, “sex” would then be defined as “the socialization, situation and perception of being a woman at a given time t” and “the socialization, situation and perception of being a man at a given time t.” In the process, researchers appeal to the explanations provided by concepts such as socialization and situation (position). However, although sociology happens to have been the first to deconstruct sex stereotypes – as well as the stereotypes of the urban youth, the adolescent, and so on – it has also, as a profession, been led to support the correct figuration, representation and practices that arise from its research. Sociology thus counters stereotypes with social objectivity. The question is whether sociology does or can do this in relation to sex on the basis of a constructivist perspective. Can it go a step further and do so once it has embraced subjectivist or identitarian positions ?
    • L'expérience comme lieu commun de l'exception - Jean-Jacques Boutaud p. 61-67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La valorisation de l'expérience, en communication, en consommation, relève à la fois du formatage et de la performativité, voire de la performance. Le cadre expérientiel suppose la préfiguration de l'expérience elle-même, son anticipation, pour créer les conditions non seulement de son opérativité mais de son optimisation. La forme se confond alors avec la conformité au modèle, au risque de se conformer aussi à des stéréotypes de production. L'expérience touristique représente, à cet égard, un lieu tout à fait révélateur des lieux du discours et de la scénarisation événementielle, y compris dans les formes du story-telling cherchant à dépasser la conception fonctionnaliste du voyage, du séjour. Mais sous l'influence des réseaux sociaux, l'invention de soi tend à dépayser le stéréotype, par étirement de la scène expérientielle, avant, pendant et après sa réalisation.
      In relation to communication and consumption, the valorization of experience involves both conformism and performativity, and even performance. To create the conditions of both its operativeness and its optimization, the experiential framework supposes that experience itself is prefigured or anticipated. Form then becomes confused with conforming to a model, which runs the risk of conforming to stereotypes of production. In relation to this, tourist experience is quite indicative of the loci of discourse and the staging of events ; this includes forms of narrative that seek to go beyond the functionalist conception of travel and tourism. Yet under the influence of social networking, self-invention tends to displace stereotypes by stretching out the scene of experience before, during, and after its realization.
    • La place du stéréotype dans la pensée sociale et les médias - Henri Boyer p. 68-73 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article vise à définir le stéréotype dans le cadre d'un paradigme où prennent place également les concepts d'imaginaire collectif, d'idéologie, de représentation, d'attitude, venus de la psychologie sociale et singulièrement du traitement de la pensée sociale. Il montre qu'il s'agit bien d'une structure socio-cognitive figée, dont la pertinence pratique en discours est tributaire de son caractère réducteur et univoque et d'une stabilité de contenu rassurante pour les usagers et il illustre enfin ces spécificités en observant le fonctionnement du stéréotypage au sein de l'interdiscours médiatique dominant, télévisuel en premier lieu.
      This article seeks to define stereotypes in terms of a paradigm in which an equal place is accorded to the concepts of collective imagination, ideology, representation, and attitude ; all of these terms come from social psychology and, especially, from the examination of social thought. It reveals the rigid socio-cognitive structure involved in stereotyping, the practical relevance of which stems from its reductive and univocal character and from the stability provided by content that reassures those who use it. Lastly, this article illustrates these specificities by exploring how stereotypes operate within the inter-discourse of mainstream media, and television in particular.
    • Art et stéréotypes - Joëlle Zask, Anne Lehmans p. 74-76 accès libre
    • Apprendre à écrire avec les stéréotypes à l'école - Brigitte Marin, Anne Lehmans p. 77-79 accès libre
  • Partie II. Construction et circulation des stéréotypes

    • Les musées, fabrique et déconstruction des stéréotypes - Vincent Lambert, Paul Rasse p. 81-90 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Comment à ses origines, l'institution muséale conçue comme un panoptique d'objets de connaissances, accumulés dans la perspective d'un inventaire du monde, invente et érige sur un piédestal une science du classement, la taxinomie, propice à l'émergence de stéréotypes ? Et comment, l'orthodoxie scientifique a, dans ses dérives hégémoniques, contribué à produire et à imposer des stéréotypes racistes et nationalistes justifiant l'entreprise coloniale du XIXe siècle ?Nous montrerons ensuite comment, à la fin du XXe siècle, les musées transformés en espaces de communication tendent au contraire à devenir des lieux de mise en scène d'une conception plus relative de la science, où la vérité est construite et peut être mise en débat. Ceci les conduit à mettre en question et à nuancer les stéréotypes jusque-là érigés en ensemble de vérités dogmatiques à portée universelle. Autrement dit, nous nous demanderons comment les mutations de ses fonctions intellectuelles et sociétales font passer le musée moderne – dont le rôle consiste en une sacralisation institutionnelle des savoirs scientifiques et de la systématiques – au musée postmoderne qui défend une systémique plus relative, qui reconnaît les limites des méthodologies même le plus évidentes, et où les sciences sont appréhendées dans leurs interactions avec la société.
      The museum as institution was originally conceived of as a panopticon of the objects of knowledge that had been amassed in order to construct an inventory of the world. How did it invent and glorify a science of classification, or taxonomy, that was so conducive to the emergence of stereotypes ? Further, how did the hegemonic excesses of scientific orthodoxy help produce and impose racist and nationalist stereotypes that justified nineteenth-century colonialism ?In contrast, by the end of the twentieth century, museums had been transformed into communication spaces ; they have tended to become places where a more relativist conception of science is staged, and where truth is constructed and can be called into question. This leads us to examine and draw out the nuances of the stereotypes that have, until now, been upheld as a body of dogmatic and universal truth. In other words, because of changes in their intellectual and societal functions, museums no longer seek to provide an institutional sacralization of systematic scientific knowledge. Modern museums have been transformed into postmodern museums, which espouse a more relative systemic ; they recognize the limits of even the most obvious methodologies and grasp the sciences in their interactions with society.
    • Stéréotypes et héritages coloniaux : enjeux historiques, muséographiques et politiques - Pascal Blanchard p. 91-97 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les stéréotypes sont toujours vivants. On n'a jamais vécu entouré d'autant de stéréotypes qu'aujourd'hui et on ne les a jamais autant identifiés, analysés et déconstruits dans le même temps. C'est un paradoxe, mais c'est celui de notre temps où ces enjeux sont désormais des questions politiques majeures. Les stéréotypes interrogent le vivre ensemble, les enjeux interculturels, la notion de « diversité » et nos sociétés métissées et mondialisées à l'heure de la montée des populismes et du rejet de l'immigration. C'est aussi pour cela, au moment où l'on revendique de « décoloniser les arts », de repenser nos musées et quoi faire des collections qui s'y trouvent et qui ont « été pillés au temps des conquêtes coloniales », où l'on questionne l'enseignement de l'histoire et la notion « d'être français », qu'il nous semble important de questionner le monde des musées et celui de l'histoire, en gros de repenser nos imaginaires.Plus qu'à reconnaître l'existence des discriminations raciales dans la société française et dans nos musées, le mouvement postcolonial initié il y a tout juste une vingtaine d'années en France a donc principalement mis en lumière la force d'occultation par les pouvoirs publics des processus de racialisation et le maintien d'une croyance en la réalisation effective de la norme de colorblindness. De ce point de vue, il a rendu criant le statut de « secret public » que revêt la question raciale dans le contexte républicain puisque, censé favoriser une reconnaissance publique du problème, il a plutôt contribué à l'enfouir.Si la réflexion du courant postcolonial permet « ensemble » de sortir de cette impasse « raciale », le courant décolonial est plus radical, est pense de son côté que les arts et les musées ne pourront être décolonisés de l'intérieur. C'est sans aucun doute l'un des enjeux de demain : décoloniser les musées, déconstruire les stéréotypes qui y dorment, et (un jour) ouvrir dans ce pays un musée d'histoire coloniale (paradoxe bien français que d'avoir « possédé » le second empire colonial au monde et de n'avoir aucun lieu de savoir.
      Stereotypes are alive and well. We have never been surrounded by as many stereotypes as we are today, and simultaneously, we have never identified, analyzed and deconstructed them as we do at present. This paradox is typical of our era, in which these matters have become major political issues. Stereotypes challenge social cohesiveness, intercultural concerns, the concept of “diversity,” and also our multicultural societies at a time of increasing populism and rejection of immigration. At this moment, when there are calls for the arts to be “decolonialized,” for museums to be reassessed and for something to be done about their collections, which were “looted during colonial conquests,” and when questions are being asked about how history is taught and what it means to “be French,” it seems important to question the world of museums and history. In short, we need to rethink our collective imagination. This involves more than acknowledging the existence of racial discrimination in both French society and museums. The postcolonial movement, which began a mere twenty or so years ago in France, has mainly shed light on how public authorities use their power to conceal the processes of racialization and to maintain a belief that a norm of “colorblindness” has actually been established. From this point of view, it has become blatantly obvious that, in the context of republican values, the question of race is a “public secret” ; the values that are supposed to have raised public awareness of this problem have instead helped to conceal it. While reflecting on the postcolonial current allows us to get out of this “racial” impasse “together,” the decolonial current is more radical, for it thinks that museums and the arts cannot be decolonialized from the inside. There is no doubt that this will be a challenge for the future : decolonializing museums, deconstructing the stereotypes dormant within them and (someday) opening a museum of colonial history in this country. (One of the paradoxes of France is that this nation, which once “possessed” the world's second largest colonial empire, has no place to think about this).
    • « Vous êtes le roi du monde ! » Les employés de bureau et l'évolution de leur image au Japon - Shinji Iida p. 98-104 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La culture de masse emploie abondamment le stéréotype pour se structurer quitte à le mieux critiquer ou à prendre son contre-pied. En effet, répandu dans toutes les couches sociales, il présente un des moyens les plus efficaces pour établir un espace de complicité avec le public. En même temps, malgré sa puissance représentative, le stéréotype se révèle souvent fragile, car il change de nature selon la société à laquelle il s'adresse ou selon les médias qui le véhiculent. C'est ce changement que nous tenterons d'éclaircir à travers le cas du Sazaé-san, un manga de quatre cases qui a connu une immense popularité et une étonnante longévité dans le Japon de l'après-guerre. Le manga présente en effet deux particularités fort intéressantes pour notre propos. D'abord sa notoriété : publié au départ dans un journal local juste un an après la défaite à la deuxième guerre mondiale, il deviendra une icône du journal le plus influant du pays durant la période qui a connu le redressement impressionnant de l'industrie et la transformation profonde de la société. Ensuite sa complicité avec les médias : diffusé à l'échelle locale ensuite nationale par des journaux, le manga sera adapté au petit écran à partir de 1969 et il continue à être diffusé même aujourd'hui malgré la disparition de son auteure. Ces deux facteurs jouent un rôle déterminant dans le traitement du stéréotype, qu'opère l'un des plus célèbres manga japonais.
      Mass culture is structured through extensive use of stereotypes, even if this sometimes involves contesting or criticizing them. Prevalent throughout all strata of society, stereotypes are among the most effective means of establishing a space of rapport with the public. Yet despite the power of their representations, stereotypes are often revealed to be fragile ; their nature changes in relation to the society they address or the media that convey them. This change is what we seek to throw light on through the case of Sazae-san, a yonkoma manga, which was immensely popular in post-war Japan and has remained surprisingly so since then. This manga has two especially interesting aspects. The first concerns its popularity : originally published in a local newspaper just after Japan's defeat in the Second World War, Sazae-san became an icon of the country's most influential newspaper during the ensuing period, which witnessed the economic miracle and the profound transformation of society. The second concerns its affinity with the media : distributed by local and then national newspapers, the manga was adapted for television in 1969 and continues to be broadcast today, after the death of its creator, Machiko Hasegawa. These two factors play a decisive role in the treatment of stereotypes found in one of the most famous Japanese mangas.
    • Stéréotypes et littérature de jeunesse - Christiane Connan-Pintado p. 105-110 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les livres pour la jeunesse se prêtent au déploiement de stéréotypes dont on se propose de mettre en évidence le double visage, à la fois réducteur et formateur. Cette production éditoriale, soumise à l'injonction paradoxale d'instruire et de divertir, ploie sous les contraintes. Aussi subit-elle la prégnance des stéréotypes linguistiques, narratifs et idéologiques. On ne méconnaîtra pas cependant l'intérêt des phénomènes de stéréotypie qui favorisent la construction de compétences pour former un lecteur de littérature.
      Children's literature lends itself to the diffusion of stereotypes, which have two facets : they are simultaneously reductive and formative. This editorial production, with its paradoxical mission both to teach and entertain, is weighed down by its constraints. It also suffers from the pervasiveness of linguistic, narrative and ideological stereotypes. Yet we do not underestimate the value of stereotypical phenomena, which also promote the development of skills that will shape future readers of literature.
    • Le stéréotype dans la bande dessinée franco-belge : jeux et plasticité narrative - Pascal Robert p. 111-118 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La bande dessinée classique franco-belge, dont il est question dans cet article pour l'essentiel, est, semble-t-il, profondément redevable au stéréotype. En effet, les personnages sont moins des caractères au sens psychologique que des sortes de marionnettes, des vecteurs narratifs qui relèvent d'abord d'une morale. En ce sens le stéréotype du « héros » dans cette BD là est lui-même la version morale du stéréotype : l'homme (plus rarement la femme) de bien, aux valeurs irréprochables, à moins que, tout à l'inverse il ne soit un méchant aux valeurs négatives. Cela dit, cette logique fait également l'objet d'une subversion, qui la courbe quelque peu : ainsi Spirou n'hésite-t-il pas à faire le coup de poing et parfois même contre les douaniers alors que Gaston engage volontiers une guérilla impitoyable contre l'agent Longtarin. Nous voudrions souligner dans cet article la fonction narrative du stéréotype en bande dessinée et le fait que ce stéréotype est doté d'une plasticité qui lui permet d'absorber une déformation qui l'amène à se dépasser comme stéréotype.
      The classic graphic novels of French Belgium, which are the primary focus of this article, seem to be deeply beholden to stereotyping. Their characters are less “characters” in the psychological sense than puppets or narrative vectors that, first and foremost, convey a moral. Therefore the stereotype of the “hero” in these graphic novels involves a stereotypical morality : the hero is a man (or, less frequently, a woman) who is good and has the highest ethical standards, unless there is a reversal and the main character is a villain who has negative values. Yet these tendencies have also been subverted and inflected : for example, Spirou does not hesitate to punch even the customs officials, while Gaston engages in merciless guerrilla warfare against Agent Longtarin. In this article, we would like to emphasize both the narrative functioning of stereotypes in graphic novels and their plasticity : they can undergo deformations that enable them to become more than stereotypes.
    • Le cinéma, petite fabrique de stéréotypes - Thierry Paquot p. 119-124 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le cinéma muet se doit de parler à tous, aussi use-t-il de « clichés » et autres « stéréotypes » pour transporter le public. Devenant parlant, le cinéma favorise la multiplication des « stéréotypes » qui se distinguent de moins en moins des « archétypes » et servent à définir des « genres » (le film noir, le western, la comédie musicale…). Puis, les thèmes traités se diversifiant et le cinéma se mondialisant, les stéréotypes se complexifient et évitent la caricature dans laquelle certains les emprisonnaient au nom d'une normalisation cinévisuelle. De nouveaux « personnages » s'imposent sur les écrans : le jeune, l'homo, le beur, la beurette, etc. Et d'autres s'effacent : le dur à cuire, la femme fatale, le flic tordu, etc. Certains ne percent pas : l'ouvrier, le paysan, le chômeur. Le cinéma s'occupe rarement du social et lui préfére des destins individuels aux contours « typés ».
      Silent films must speak to everyone, so they employ “clichés” and other “stereotypes” to enchant and delight their spectators. The advent of the “talkie” provoked a proliferation of cinematic “stereotypes,” which became less and less distinguishable from “archetypes” and served to define “genres” (film noir, the Western, the musical comedy). Then, as the themes presented in film became more diverse and cinema more globalized, stereotypes became more complex, sidestepping the caricature in which some, who sought to standardize the cinematic image, tried to imprison them. New “characters” began to command the screen : the youth, the homosexual, the North African, and so on. Others faded away : the roughneck, the femme fatale, the dirty cop, and so on. Some never knew stardom : the factory worker, the farmer, the unemployed. Cinema rarely addresses social concerns and prefers to present individual stories shaped by “types.”
    • Les stéréotypes générationnels : fondements, limites et dangers - Gilles Rouet p. 125-133 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Caractériser et/ou catégoriser des sous-ensembles des populations selon les âges ou les époques, par « génération » donc, n'est pas une démarche nouvelle. Les générations n'ont pas les mêmes histoires, et si les valeurs partagées changent, finalement, assez peu, les hiérarchies de ces valeurs évoluent au sein des populations, en fonction des changements de mentalité, des cultures, etc. Mais la généralisation de caractérisations générationnelles s'apparente actuellement à une production et à une diffusion de stéréotypes, pouvant induire d'ailleurs des comportements auto-réalisateurs : « puisque les personnes de ma génération sont ainsi, je dois donc m'y conformer ».Cette démarche normative est développée par certains acteurs économiques, consultants ou encore cabinets de recrutement. Les stéréotypes générationnels, envisagés comme des évidences démontrées, s'imposent alors sous couvert d'une scientificité discutable, ce qui rend nécessaire le recours à des « experts » en génération X, Y ou Z, afin de tenter de maîtriser ces phénomènes…
      Characterizing and/or categorizing a population subgroup on the basis of age or era – in other words, by “generation” – is hardly a novel approach. Different generations do not share the same experiences, and although shared values may be relatively unchanging, hierarchies of value do develop within populations, in relation to alterations in mentality, culture, and so on. However, generalizing generation-specific characterizations currently involves the production and propagation of stereotypes, which can also lead to self-fulfilling prophecy behavior : “because people of my generation are like that, I have to be like that too.”This normative approach is promoted by some economic actors, advisers, and even recruitment consultants. Generational stereotypes, which are thought of as proven facts, are foisted upon us under the pretext of their “scientific validity,” which is dubious ; this means that it is necessary to call upon “experts” from generations X, Y and Z, to try to bring these phenomena under control.
    • Stéréotype, art et publicité - Thierry Consigny, Brigitte Chapelain p. 134-137 accès libre
    • Aux bonheurs du kitsch - Brigitte Munier p. 138-144 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Issu de la révolution industrielle, le kitsch met en œuvre une esthétique conformiste et consensuelle mobilisant la sentimentalité tel le dénominateur commun de toute entente collective : haut lieu de partage et de communication au sein de la culture de masse, il assure le rôle rempli par le cliché et le stéréotype dans la pensée et le discours. Cet article retrace la genèse du kitsch et tente sa définition pour, enfin, en interroger la résistance dans notre société fascinée par le numérique : elle est excellente !Produits de l'instantanéité de l'information, les memes internet questionnent les secousses politiques, médiatiques, et les rapports sociaux. Dans les forums imageboards où ils livrent bataille au politiquement correct, les internautes se jouent avec désillusion de l'ambiguïté entre utilité et nocivité des stéréotypes. Dans un jeu aussi périlleux qu'audacieux, ils malmènent les imaginaires par leurs inépuisables réinterprétations.
      A by-product of the Industrial Revolution, kitsch plays on a conformist and consensual aesthetic that marshals sentimentality as the common denominator of every collective accord ; a hot spot of sharing and communication within mass culture, kitsch carries out the role played by clichés and stereotypes in thought and discourse. This article traces the genesis of kitsch and tries to define it, so that the resistance to it in our society, which is so fascinated by all that is digital, can finally be questioned : it is excellent !
    • Formation des stéréotypes du Juif - Jean Caune p. 145-152 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Mon propos vise à indiquer comment des textes de la littérature, des récits de fiction ou encore des histoires drôles, et moins drôles, ont pu jouer une fonction structurante des différents stéréotypes du Juif développés au cours du xxe siècle. Ce stéréotype s'est progressivement construit dans une histoire et un cadre économique, politique, culturel. Mon approche est de nature communicationnelle : elle relève d'une pragmatique de l'énonciation.Dans ses usages – ses figures et son inscription dans les discours –, le stéréotype du Juif tire une grande partie de ses contenus de la judéophobie qui se singularise par sa persistance dans l'Histoire. Une des premières singularités de ce stéréotype est que la notion de Juif – qu'elle désigne une religion ou plus largement une communauté (un peuple ?) – est problématique. Elle ne va pas de soi. L'énonciation du stéréotype (l'acte de parole) assigne l'autre à une catégorie : elle le renvoie à sa pseudo-nature. La pensée stéréotypée est une « fausse conscience » qui réifie, décontextualise et essentialise. Dans la mesure où l'antisémitisme catalogue et assigne une nature à l'homme juif, il le fige dans ses rapports aux autres. Ce qui pouvait être considéré comme une opinion relève d'une idéologie mortifère dont la fonction est d'assujettir des individus concrets.
      My article seeks to indicate how literary texts, fictional narratives, and humorous (or not so humorous) stories were able to play a role in structuring the different stereotypes of Jews that emerged in the course of the twentieth century. This stereotype was gradually constructed at a historical time and in an economic, political, and cultural context. My approach is communicational in nature and involves a pragmatics of the speech act.In its uses – its figures and its inscription in discourse – the stereotype of the Jew draws much of its content from Judeophobia, whose singularity is its ability to persist throughout History. One of the first specific aspects of this stereotype is that the notion of “the Jew” – whether this term designates a religion or, more broadly, a community (or a people ?) – is problematic. It is not self-evident. Stating the stereotype (a speech act) assigns the other to a category : it refers to this other's pseudo-nature. Stereotypical thinking is a “false consciousness” that reifies, decontextualizes and essentializes. To the extent that anti-Semitism catalogues Jewish people and assigns a nature to them, it freezes them in their relation to others. What might have been considered as an opinion is part of a deadly ideology, the function of which is to subjugate actual, concrete individuals.
    • Le théâtre de Jean-Claude Grumberg : en finir avec le stéréotype - Jean Caune p. 153-155 accès libre
    • Les micro-agressions linguistiques - Elatiana Razafi, Fabrice Wacalie p. 156-157 accès libre
    • Stéréotypes et discriminations dans le recrutement - Jean-François Amadieu, Alexandra Roy p. 162-169 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les stéréotypes ont un effet important en matière de recrutement. Ils sont une des explications du niveau élevé des discriminations observées à l'embauche. Les entreprises, les pouvoirs publics et les chercheurs divergent quant aux moyens de résoudre cette difficulté. Nous pouvons néanmoins dégager quelques conclusions en exploitant plusieurs sondages et méta-analyses ainsi que des études que nous avons menées. La sensibilisation des recruteurs aux stéréotypes est d'une efficacité discutée sur les comportements discriminatoires. La discrimination positive n'est guère utilisable dans le contexte français et renforce les stéréotypes. En revanche la suppression des informations qui déclenchent les associations implicites (le CV anonyme) est une solution ainsi que le traitement automatique des candidatures et l'utilisation d'algorithmes bien que dans ce dernier cas les recherches soient encore peu nombreuses.
      Stereotypes have a significant impact on the process of employment recruitment. They are one explanation for the elevated level of discrimination observed during this process. Private sector companies, public authorities and researchers have diverging views about how to resolve this difficulty. However, an examination of several surveys and meta-analyses in connection with our own research has enabled us to draw several conclusions. The effectiveness of raising recruiters' awareness of stereotypes in addressing discriminatory behavior is debatable. Affirmative action is hardly feasible in the French context and serves to reinforce stereotypes. In contrast, removing information that triggers implicit associations (by using anonymous job applications) is one solution ; another possibility is automated job application processing performed by algorithms, although not much research has been done concerning this approach.
    • Des stéréotypes tenaces sur les banlieues et les zones périurbaines - Hervé Marchal, Jean-Marc Stébé, Anne Lehmans, Vincent Liquète p. 170-175 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article revient sur les stéréotypes contemporains relatifs à la banlieue et aux zones périurbaines, stéréotypes faisant de ces deux territoires des sortes d'entités homogènes coupées des autres territoires urbains et de leurs dynamiques culturelles, politiques et sociales. Dès lors, les banlieues sont réduites à des zones de non-droit, à des ghettos qui existeraient depuis toujours comme s'il s'agissait d'essences naturelles par définition suprahumaines. Quant aux zones périurbaines, elles sont alors vues uniquement comme des territoires similaires relevant du banal et du vulgaire, de l'irresponsabilité écologique de la monotonie architecturale incarnées par la figure du pavillon. D'où l'importance de recherches de terrain qui réhabilitent banlieues et zones périurbaines dans toute leur complexité.
      This article takes another look at contemporary stereotypes concerning banlieues and peri-urban zones in France. Both of them are often treated as homogeneous entities cut off from the cultural, political, and social dynamics of other urban areas. At present, stereotypes of banlieues reduce them to lawless, “no-go zones” : ghettos that have always existed, as if they were natural essences that are, by definition, suprahuman. Peri-urban zones, for their part, are viewed only as territories marked by their uniformity, banality, vulgarity, and ecological carelessness ; their archaeological monotony is embodied by the figure of the “pavillon” or tract home. It is thus important for field research to rehabilitate these banlieues and peri-urban zones, and to depict them in all of their complexity.
  • Partie III. Stéréotypes contemporains

    • Déchiffrer les stéréotypes de genre aux guichets de l'asile - Agathe Menetrier p. 177-185 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Un entretien de détermination de statut de réfugié ne dure que quelques heures. Dans la plupart des cas les demandeurs d'asile attendent pourtant ce moment pendant des années. Des années pendant lesquelles il convient de se préparer, de glaner le plus d'informations possible pour que cet entretien soit un succès. Quand on a fui une région en guerre, il faut savoir prouver qu'on y a réellement habité ; quand on a été persécuté pour ses opinions politiques, il faut montrer l'historique de cet engagement. Quand on a été chassé à cause de son orientation sexuelle, qu'attendent les agents de l'asile ? C'est la question que se posent de jeunes gambiens et gambiennes demandant la protection du HCR à Dakar après avoir fui des violences homophobes. Alors qu'ils.elles doivent déjouer les discriminations quotidiennes de Sénégalais.es pour qui les homosexuel.les sont de « mauvais.es africain.es » et musulman.es, les jeunes queer de Gambie se demandent si les agents de l'asile ont les mêmes stéréotypes. Pour tenter de cerner ces derniers, les apirant.es à l'asile utilisent les réseaux sociaux pour demander conseil à ceux et celles qui ont, avant eux.elles, réussi à accéder au statut de réfugié « LGBT ».
      The interview that determines whether a person will be granted refugee status lasts only a few hours. However, in most cases, asylum seekers may well have been awaiting that moment for years. During those years, it is advisable to prepare oneself by gathering as much information as possible in order to increase the chances that the interview will be successful. Those who have fled from war zones have to prove that they had really lived in them ; those who have been persecuted for their political opinions must show the history of their commitment. What do immigration agents want to know about those who have been driven from their countries because of their sexual orientation ? This is the question asked by young men and women from Gambia, who have fled homophobic violence and are seeking the protection of the UNHCR in Dakar. Since they have had to deal on a daily basis with discrimination by many Senegalese – who consider gays and lesbians to be “bad” Africans and Muslims – queer youth from Gambia wonder whether immigration agents will have the same stereotypes. To try to get a sense of these stereotypes, these asylum seekers use social networking to connect with others who have already succeeded in being granted “LGBT refugee” status.
    • Rhétorique de la résilience et stéréotypie du pastoralisme sahélien : des discours onusiens aux contenus journalistiques - Étienne Damome, Nadège Soubiale p. 186-190 accès libre
    • L'Europe des stéréotypes - Christian Lequesne, Vincent Liquète, Anne Lehmans p. 191-195 accès libre
    • Le stéréotype de la femme-objet au Japon. Jouer à la poupée, jouer au mâle raté - Agnès Giard p. 196-198 accès libre
    • Stéréotypes et algorithmes, entre croyances et certitudes - Franck Renucci p. 199-201 accès libre
    • George Soros : l'énigme des stéréotypes - Peter Brown p. 202-211 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article présente une étude de cas : George Soros, financier et philanthrope, ennemi avéré tantôt de la gauche tantôt de la droite, à l'occasion des deux à la fois, sujet également d'attaques antisémites et de critiques israéliennes. Le parcours de cet individu hors normes, depuis sa naissance en Hongrie entre les deux guerres jusqu'à ses activités de mécène (Central European University, Budapest, notamment), en passant par sa vie de banquier et de spéculateur à Wall Street, révèle des enjeux classiques et nouveaux liés à l'usage des stéréotypes ainsi que le fonctionnement de la communication politique et citoyenne aujourd'hui. Face à l'exploitation de stéréotypes aussi variés que contradictoires, c'est la notion même de stéréotype qui est en jeu.
      This article presents a case study of George Soros : the financier, philanthropist, avowed enemy of both the left and the right (and sometimes both at once) who is also a target of both anti-Semitic slurs and criticism by the Israeli state. This exceptional individual has lived an exceptional life : from his birth in Hungary in the interwar period to his career as a Wall Street banker and speculator, along with his later philanthropic activities, notably with Central European University in Budapest. His life highlights issues involved in the enduring and emerging uses of stereotypes, as well as aspects of how political and public communication operate in contemporary society. The employment of such diverse and contradictory stereotypes in relation to one individual calls the very concept of stereotype into question.
    • Les stéréotypes mis à mal sur la Toile - Marinette Jeannerod p. 212-222 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Issus de l'instantanéité de l'information, questionnant les secousses politiques, sociales et médiatiques, les mèmes produits sur internet requièrent une attention particulière. Cet article propose une plongée dans les forums imageboards, là où les mèmes se propagent et s'encodent. Les internautes y livrent bataille au politiquement correct ; ils se jouent avec désillusion de l'ambiguïté entre utilité et nocivité des stéréotypes. Dans un jeu aussi périlleux qu'audacieux, ils malmènent les imaginaires par leurs inépuisables réinterprétations.
      Arising from the instantaneous immediacy of information and posing a challenge to political, social and media shakeups, memes created on the Internet require special attention. This article dives into imageboard forums, where memes are created and encoded. This is where the wars of political correctness are fought ; internet users play disappointedly on the ambiguous relation between the utility and toxicity of stereotypes. In a “game” that is as perilous as it is audacious, their inexhaustible reinterpretations mistreat the worlds of imagination.
    • La représentation de l'immigré vénézuélien et le populisme de droite au Brésil - Roberto Chiachiri, Cilene Victor p. 223-226 accès libre
    • Les stéréotypes, « avatars » indispensables dans la presse satirique - Joseph Richard Moukarzel p. 227-232 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les stéréotypes dans la caricature sont un moyen de représentation iconographique d'un groupe humain bien défini dans l'espace et le temps, ou la personnalisation d'un objet tout aussi réel mais non vivant, comme un état, un système politique, une idéologie, un phénomène naturel ou fantasmagorique… Dans les deux cas il est difficilement concevable de les dessiner sans prendre pour base un cliché socioculturel ou sociopolitique qui les définit, ou du moins, les illustre communément. Ce sont des conceptions issues d'un imaginaire collectif et émanant de la diversité humaine.Cet article essaye de montrer – études de cas à l'appui – que dans la caricature, les stéréotypes sont des médiations sans lesquelles la communication se complexifie dans son fond et sa forme ; tout comme il essaye de disculper ces « avatars » qui ne sont là que pour la représentation, le message ne se limitant pas à la configuration du personnage mais à sa mise en situation dans le dessin. C'est donc par l'intentionnalité d'une contextualisation, ou scénarisation, qu'il y a construction de sens dans la caricature, et c'est là qu'il faut chercher les frontières entre critique et discrimination.
      In caricature, stereotypes are a form of iconographic representation of a human group – one that is well defined in space and time – or are the personification of an object that is inanimate but very real : a state, a political system, an ideology, or a natural or phantasmagorical phenomenon. In both cases, it is difficult to imagine how to draw such entities without starting off from some sociocultural or sociopolitical cliché, which would define them or would at least illustrate what they have in common. These conceptions arise from a collective imagination and emanate from human diversity.This article seeks, on the basis of case studies, to show that in caricature, stereotypes are mediations, without which communication would become increasingly convoluted in both its form and content ; it also seeks to remove the sense of opprobrium attached to these “avatars,” which are only there as representations. The message being conveyed is not restricted to the way that the character is configured ; it is also found in the situations in which the character is placed in the drawings. What creates meaning in caricature is the intentionality of its contextualization or staging ; this is where the boundaries between criticism and discrimination are located.
    • « Faire évoluer les mentalités dans le sport » - Paoline Ekambi, Vincent Liquète, Anne Lehmans p. 233-237 accès libre
    • Pratiques culturelles des jeunes et stéréotypes - Sylvie Octobre, Anne Lehmans p. 238-242 accès libre
  • Diagonales

    • Regard des journalistes scientifiques sur l'actualité de la recherche biomédicale - Estelle Dumas-Mallet p. 243-251 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cette recherche, basée sur de 21 entretiens approfondis avec des journalistes scientifiques, porte un regard sur le travail d'investigation et de contextualisation opéré par ces journalistes lorsqu'ils couvrent des publications scientifiques dans le domaine de la recherche biomédicale. L'enquête révèle une forte dépendance aux sources. Celles-ci sont rarement remises en question, principalement pour deux raisons. Premièrement, les journalistes sont soumis à des contraintes temporelles et hiérarchiques fortes qui les incitent à utiliser les communiqués de presse des institutions scientifiques tels quels. Deuxièmement, ils associent le système d'évaluation des publications scientifiques par les pairs avec un gage de validité, limitant de fait leur esprit critique vis à vis des découvertes scientifiques.
      This research, based on twenty-one in-depth interviews with scientific journalists, explores how they investigate and contextualize scientific articles in the field of biomedical research. These journalists remain highly dependent on their sources, which, for two main reasons, are rarely called into question. First, the editorial constraints and short deadlines to which journalists are subject lead them to rely unquestioningly on the press releases provided by scientific institutions. Second, the peer review system of evaluating scientific publications is taken as a measure of their validity, which effectively curtails journalists' ability to think critically about scientific discoveries.
    • Merci ou de la gratitude - Thierry Paquot p. 252-256 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Toutes les langues ne possèdent pas un mot pour dire « merci », mais la plupart des sociétés connaissent des règles de politesse qui sont autant de codes pour cohabiter pacifiquement. À défaut d'une formule chacun exprime avec des gestes, des mimiques, des cadeaux, leur gratitude envers autrui. Remercier fait du bien à la personne qui manifeste sa reconnaissance tout autant qu'à son destinataire. Pourtant avec le déploiement des technologies de communication, en particulier le portable, l'on constate l'effacement du « merci », tout comme du « salut », chacun s'enfermant dans sa « bulle » au point d'oublier les règles élémentaires du savoir-vivre. Un simple signe de tête suffit pour éviter d'interrompre sa communication et commander une baguette… Plus la population est concentrée et stressée plus le merci se fait petit et murmuré. Cette perte programmée du remerciement correspond à une urbanité sélective qui témoigne des nouvelles ségrégations.
      Not every language has a word for saying “thank you,” but the vast majority of societies have rules of politesse, which are codes that allow for peaceful cohabitation. In the absence of a specific formula, each person expresses his/her gratitude to the other with gestures, sign language, or gifts. An expression of thanks has good effects upon its recipient ; it can also be just as beneficial for the person who is showing gratitude. However, with the spread of communications technologies, especially smartphones, we see that statements of “thanks,” along with salutations, are being effaced. People are closing themselves off in “bubbles,” and the result is that the basic rules of good manners are being forgotten. A slight movement of the head is all that is needed to order a baguette ; people can remain glued to their smartphones while doing this. In a society in which people are experiencing ever greater stress and are having to concentrate more and more, expressions of gratitude are being reduced to nothing more than a murmur. This programmed loss of giving thanks corresponds to a selective urbanity that reveals new forms of segregation.
  • Lectures

    • Lectures - Brigitte Chapelain p. 257-266 accès libre
  • Hommages