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Revue | Cahiers d'économie politique |
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Numéro | no 76, printemps 2019 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- L'anti-colbertisme n'est pas (toujours) un libéralisme : l'exemple de Quesnay - Jean Cartelier p. 9-45 On peut être tenté de chercher l'origine du libéralisme dans les réactions négatives aux politiques mercantilistes suivies jusqu'au XVIIe siècle. Quoique raisonnable, cette idée souffre des exceptions. Quesnay est l'une des plus notables.Sa pensée économique et sociale, quoique radicalement opposée à celle de Colbert, est loin d'annoncer le libéralisme. Elle repose sur un concept incompatible avec un quelconque libéralisme économique ou politique, à savoir le royaume agricole.Forgé en vue d'une refondation de la monarchie française, le concept de royaume agricole permet à Quesnay de relever un défi en théorie économique (comment est-il possible de distinguer deux sortes de richesse alors qu'elles sont homogénéisées par la monnaie) et de justifier une hiérarchie politique traditionnelle par des arguments nouveaux (si un régime républicain est bien adapté pour une république du commerce, un royaume agricole ne peut s'accommoder que d'une monarchie absolue dominée par les propriétaires fonciers).Les principaux traits du libéralisme d'aujourd'hui – dérégulation des flux financiers, flexibilité des salaires, etc. – ne se trouvent pas dans l'œuvre de Quesnay.Quesnay's anti-colbertism does not mean liberalism
One could be tempted to find the intellectual origin of liberalism in the reactions of some thinkers to the mercantilist way of managing the economy. As correct as that view may be, it suffers some exceptions. Quesnay is an outstanding one.His economics, or better his social thought, although a radical critique of Colbert's policy, is far from annunciating the future liberalism. Quesnay's social thought relies on a basic concept which is not compatible with any modern liberalism, either political or economic. That concept is the royaume agricole.Forged in order to support Quesnay's project of a re-foundation of French monarchy, the notion of a royaume agricole allows to overcoming a theoretical challenge in economics (how is it possible to distinguish between different types of wealth if they are all homogenously expressed in money terms) and to justify an old political hierarchy along a new and modern argument (if a republican regime is well-adapted to a trading nation, a royaume agricole cannot be conceived but as an absolute monarchy dominated by landlords).The main characteristics of modern liberalism—deregulation of capital flows, flexibility of wages, etc.—are not to be found in Quesnay's writings.Classification JEL : B3, B11 - La société industrielle d'Aron et Galbraith : des regards croisés pour une vision convergente ? - Alexandre Chirat p. 47-87 L'article propose une confrontation des analyses de deux grands intellectuels du XXe siècle aux destinées croisées, Raymond Aron et John Kenneth Galbraith, eu égard au thème de la société industrielle. Le but de cette contribution est de montrer qu'en dépit de différences contextuelles, disciplinaires et méthodologiques, ces deux auteurs proposent une vision convergente de la société d'après-guerre. L'étude comparative permet alors non seulement de spécifier les traits caractéristiques de leurs pensées à propos d'une époque qui connaît des transformations radicales, mais également de saisir l'esprit intellectuel qui l'anime. Dans cette perspective, nous démontrons qu'il existe des liens électifs puissants entre les thèses dites de la révolution managériale, de la fin des idéologies, de l'institutionnalisation des conflits ainsi que les théories de la convergence. L'article se termine par une présentation de l'étude du pouvoir dans l'œuvre des deux auteurs, lequel apparaît comme un concept nécessaire pour quiconque entend mener une analyse critique et dynamique de la société industrielle.The industrial society according to Aron and Galbraith: Cross views for a converging position?
This paper provides a comparative study of Raymond Aron's and John Kenneth Galbraith's analysis of the Industrial Society. The aim of the article is to show that despites obvious differences, which are contextual, disciplinary and methodological, both develop a convergent vision of post-war society. Our study leads on the one hand to catch specificities of their respective thoughts and on the other to deal with the intellectual spirit of the era they belong to. The relationship between the so-called thesis of the Managerial Revolution, the idea of the end of ideology, the idea of the institutionalization of social conflicts and convergence theories is demonstrated. The paper ends with Aron's and Galbraith's analysis of the concept of power, which is at the heart of their critical vision of the Industrial Society.Classification JEL : B2, P16, P51, Z13 - The private and public normative orderings of the modern firm: Industrial pluralism in a history of organizational thought perspective - Virgile Chassagnon, Naciba Haned p. 89-116 Le développement de la théorie de la firme s'est souvent affranchi d'une analyse de la nature légale et politique des entreprises si bien que la réflexion sur la nature des ordres normatifs est elle-même demeurée marginale. Par ordre normatif, nous entendons un standard de régulation des relations industrielles qui s'applique pour une période donnée à des entités réelles, ici aux firmes. Cet article contribue à la littérature sur le pluralisme industriel en proposant une analyse des évolutions institutionnelles et historiques des firmes et en mettant en exergue une forme d'intrication des ordres publics et privés dans les entreprises.JEL Classification: A12, D20, J50, L20The development of the theory of the firm has included only limited insight into the legal and political nature of business enterprises, and the inquiry into the nature of normative orderings has been obscured. By normative ordering, we mean a regulatory standard regarding industrial relations applicable for a given time to real entities—here, firms. This article contributes to bridging this theoretical gap by examining the historical and institutional evolution of firms concerning industrial pluralism and by focusing on the accuracy of the study of the entanglement of private and public normative orderings in firms.
- Price expectations in neo-Walrasian equilibrium models: Assessing the developments of Hicks's standpoint - Saverio M. Fratini, Enrico Sergio Levrero, Fabio Ravagnani p. 117-149 Depuis la fin des années soixante, la recherche en théorie de l'équilibre général est centrée sur les économies où les marchés au comptant de marchandises coexistent avec des marchés d'actifs et où les échanges suivent une logique séquentielle. L'étude des « économies séquentielles » s'est développée en suivant deux voies inspirées de Value and Capital de Hicks, mettant en évidence la dépendance des choix des agents à leurs anticipations de prix futurs. La première est la théorie de l'équilibre temporaire, dans laquelle les anticipations sont subjectives. La seconde suppose que tous les agents anticipent parfaitement les prix futurs (économies séquentielles avec anticipation parfaite). Cet article souligne que l'inclusion des anticipations parmi les déterminants de l'équilibre pose des problèmes analytiques importants dans les deux approches mentionnées. D'abord, sur la base des études des années 1970 et 1980, nous discuterons les difficultés de la théorie de l'équilibre temporaire dues à la nature subjective des anticipations individuelles. Nous examinerons ensuite les économies séquentielles avec anticipation parfaite. Après avoir illustré la notion d'équilibre sur laquelle repose l'analyse de ces économies, à savoir « l'équilibre des plans, des prix et des anticipations de prix » introduit par Radner [1972], nous démontrons, à la lumière des contributions ultérieures dans ce domaine, que, pour des configurations plausibles de l'économie, la prévision parfaite associée aux équilibres de Radner est théoriquement contestable.JEL Classification: B21; D46; D51; D84Since the late 1960s, research in the field of general equilibrium theory has focused on economies in which spot markets for commodities coexist with some asset markets and trade takes place sequentially over time. The study of ‘sequential economies' has developed along two paths inspired by Hicks's Value and Capital, which stress the dependence of agents' choices on their expectations of future prices. The first is temporary equilibrium theory, in which expectations are subjective. The second postulates that all agents exactly predict the future prices (sequential economies with perfect foresight). This paper points out that the inclusion of expectations among the determinants of equilibrium originates considerable analytical problems within each of the mentioned approaches derived from Value and Capital. On the basis of the studies of the 1970s and 1980s, it first illustrates the difficulties that arise in temporary equilibrium theory due to the subjective nature of individual forecasts. Then it moves on to examine sequential economies with perfect foresight. After illustrating the equilibrium notion on which the analysis of those economies relies, i.e. the ‘equilibrium of plans, prices and price expectations' introduced by Radner [1972], it argues, in the light of later contributions in the field, that for plausible configurations of the economy the perfect foresight associated with Radner equilibria proves theoretically dubious.
- Macroeconomics the Latin American way: Sunkel and the quest for a structuralist model - Mauro Boianovsky p. 151-171 L'article propose un récit des efforts entrepris en Amérique latine pour produire un modèle macroéconomique structuraliste, en prenant appui sur l'exemple de l'économiste chilien Osvaldo Sunkel (né en 1929). Dans ses contributions latino-américaines à l'analyse économique et aux politiques de stabilisation et de développement proposées dans les années 1950-60, Sunkel fût confronté au problème de la construction d'un modèle structuraliste. Nous montrons comment Sunkel a employé la distinction de Schumpeter (1954) entre ‘vision' et ‘modèle scientifique' et comment il prit comme point de départ de ses propres formulations le multiplicateur keynésien et les équations du modèle de croissance de Domar, plutôt que le modèle de Lewis d'une économie duale. Sunkel regretta les difficultés de formalisation du concept de « structure » et de « changement structurel ». Finalement, Sunkel devint un co-fondateur du néo-structuralisme latino-américain dans les années 1990, qui est maintenant considéré comme faisant partie intégrante de l'économie hétérodoxe au niveau international.JEL classification: B22, B31, B50The paper provides a narrative of the effort to develop a structuralist macroeconomic model in Latin America, as seen through the eyes of Chilean economist Osvaldo Sunkel (b. 1929). Sunkel faced the problem of how to model structuralism, an indigenous Latin American contribution to economics and to stabilization and development policies, put forward in the 1950s-1960s. It is shown how Sunkel deployed Schumpeter's 1954 distinction between “vision” and “scientific models”, and how he took the Keynesian multiplier and Domar's growth equations as starting-points for his own formulations, instead of Lewis's 1954 model of a dual economy. Sunkel regretted the difficulties in formalizing the concept of “structure” and “structural” changes. Eventually, Sunkel became a co-founder of Latin American neo-structuralism in the 1990s, which is now regarded part of international heterodox economics in general.
Débats
- Comment peut-on être walrassien ? Réponse à Michel de Vroey - Claire Pignol p. 173-182
Notes bibliographiques
- « Une autre histoire du Système de Law » ou l'histoire d'un autre Système ? - Jean Cartelier p. 183-193
- Lemercier de la Rivière : une théorie politique de l'ordre économique ? - Thierry Demals p. 195-200
- Dans les pas d'Adam Smith dans le Sud de la France - Benoît Walraevens p. 201-208
- Une histoire des idées économiques entre démarche extensive et démarche rétrospective - Abdelkader Slifi p. 209-220
- La guerre dans la pensée économique - Mehrdad Vahabi p. 221-226