Contenu du sommaire

Revue Cahiers d'études africaines Mir@bel
Numéro no 235, 2019/3
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Études et essais

    • « Ce n'est pas l'art pour l'art » : Stratégies économiques et sociales dans la production vidéo camerounaise - Giovanna Santanera p. 723-746 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Douala n'est pas seulement la capitale économique du Cameroun, c'est aussi un centre culturel vivant. En plus d'une production artistique internationale hautement reconnue, c'est une scène pour une myriade d'initiatives artistiques plus populaires, telles que des vidéos, de la musique et des spectacles d'humour. Dans cet article, je me concentre sur la production vidéo locale et retrace ses motivations économiques. Ce faisant, j'entends contribuer au débat sur le cinéma africain contemporain en nuançant la distinction nette entre la production francophone, habituellement caractérisée par son engagement politique, et sa contrepartie anglophone, souvent associée au cinéma commercial, comme le Nigérian Nollywood.

      ‪Douala is not only the economic capital of Cameroon, but it is also a lively cultural centre. In addition to a highly credited international art production, it is a stage for a myriad of more popular art initiatives, such as videos, music, and stand-up comedies. In this article, I focus on the local video production and trace its strong economic purpose. In doing so, I intend to contribute to the discussion on contemporary African cinema, blurring the clear-cut distinction between Francophone production, usually characterized by its political engagement, and its Anglophone counterpart, often associated with commercial cinema, such as Nigerian Nollywood.‪
    • The Mulele “Rebellion,” Congolese Regimes, and the Politics of Forgetting - Emery M. Kalema p. 747-781 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      ‪Entre 1963 et 1968, Pierre Mulele mena une rébellion dans la province du Kwilu contre le gouvernement congolais. Le soulèvement se solda par une lourde défaite pour les forces rebelles. Depuis la fin de la rébellion en 1968, chaque régime politique au pouvoir au Congo a traité de manière différente la mémoire de cette rébellion. À travers des fragments de récits, cet article examine en profondeur cette histoire afin de saisir comment la politique de l'oubli a été construite depuis la fin des années 1960. Pendant le règne de Mobutu, cette politique était extrêmement violente. Le régime se distingua par sa capacité à configurer un ensemble de stratégies pour imposer le silence et créer un oubli public concernant Mulele. Le résultat de cette nouvelle forme de discipline et de contrôle, est que les gens furent condamnés à se replier sur eux-mêmes comme des “corps” fragmentés vivant entre les mondes corporel et incorporel (le monde de la mémoire). Mais cette nouvelle forme de discipline et de contrôle se révéla également « partiellement » un échec, étant donné que les souvenirs à propos de Mulele devinrent privés (ou secrets) que la (re)diffusion potentielle de ces souvenirs demeura, notamment par le biais d'un avatar fantomatique. L'avènement de Laurent Désiré Kabila en 1997, ainsi que l'inversion de l'injonction d'oublier Mulele après son arrivée au pouvoir, amenèrent les victimes de la rébellion muleliste à se sentir mentalement « colonisées » par la politique de la mémoire du nouveau régime.‪
      Between 1963 and 1968, Pierre Mulele led a rebellion in Kwilu province against the Congolese government. The uprising ended in a heavy defeat for the rebel forces. Every political regime in Congo from the late 1960s up to the present has differently dealt with the memory of this rebellion. Through fragments of stories, this article looks deeply into this history in order to understand the ways in which the politics of forgetting has been constructed since the late 1960s. During the Mobutu regime, this politics was incredibly violent. The regime distinguished itself by its ability to configure a set of strategies to enforce silence and create a public forgetting about Mulele. The result of this new form of control and surveillance was that people were doomed to fall back on themselves as fragmented “bodies” and live piecemeal between the corporeal world (the body) and the incorporeal world (the world of memory). But this new form of discipline and control also proved to be “partially” a failure, given the fact that memories of Mulele merely became private (or secret) and that the potential (re)publicizing of these remained, in particular via a ghostly avatar. The advent of Laurent Désiré Kabila in 1997, as well as the inversion of the injunction to forget Mulele after he came to power, left Mulele's victims feeling equally and mentally “colonized” by the political memory-work of the new regime.
    • From Grievance to Greed in Somalia : The Formation, Failure and Fall of the United Somali Congress (1989-1991) - Mohamed Haji Ingiriis p. 783-814 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      ‪Dans la littérature scientifique sur la Somalie, les mouvements armés d'opposition qui émergent pendant l'apogée de la Guerre froide sont traités de manière uniforme et unidirectionnelle. Cet article défie cette tendance en retraçant l'émergence et la disparition d'un mouvement populaire de masse, le United Somali Congress (USC). Cet article fournit des comparaisons avec les expériences d'autres mouvements armés d'opposition somaliens et ceux d'autres régions afin de pointer les défauts organisationnels et institutionnels au sein de l'USC. La plupart des mouvements armés sur le continent africain sont parvenus à renverser des régimes autoritaires pendant la fin de la Guerre froide, mais certains ont aussi réussi leur tentative de s'emparer du pouvoir d'État. Contrairement à l'Ethiopian People's Revolutionary Democratic Front (EPRDF) en Éthiopie en mai 1991, le Rwandan Patriotic Front (RPF) en avril 1994 et, auparavant, la National Resistance Army (NRA) en Uganda en janvier 1986, les dirigeants de l'USC en janvier 1991 échouent dans leur tentative de former un État stable et vont jusqu'à prendre les armes les uns contre les autres. Pourquoi l'USC a échoué en 1991 à reconstituer un État qu'il avait combattu pour gouverner à sa place ? Quelle était la configuration de pouvoirs au sein de l'USC ? Comment la contestation à l'intérieur du mouvement, dès le début, a entraîné des conflits chroniques ? Cet article explore la dynamique politique interne de l'USC en s'appuyant sur des entretiens avec des personnages clés (acteurs, protagonistes, promoteurs et négociateurs politiques), des sources visuelles, des rapports des services d'intelligence ainsi que de la propagande imprimée du mouvement.‪
      In the existing academic literature on Somalia, the armed opposition movements that emerged at the height of the Cold War are treated as unidirectional and uniform. This article challenges this tendency by tracing the emergence and evaporation of the once popular mass armed opposition movement, the United Somali Congress (USC). The article provides comparisons with the experiences of Somali and other regional armed opposition movements to argue for a case of institutional and organisational faults in the USC. Most armed movements across the African continent became successful in overthrowing authoritarian regimes during the end of the Cold War, but few of them succeeded in their attempts to seize state power. Unlike the Ethiopian People's Revolutionary Democratic Front (EPRDF) in Ethiopia in May 1991, the Rwandan Patriotic Front (RPF) in Rwanda in April 1994 and, a bit earlier, the National Resistance Army (NRA) in Uganda in January 1986, the USC leadership in January 1991 failed to form a stable state and, instead, turned their weapons on each other. Why did the USC fail in 1991 to reconstitute the state which it had fought to rule? What was the power configuration of the USC? How did power contestation of the movement, from the outset, set the stage for chronic conflicts? In seeking answers to these questions, the article explores the internal USC political dynamics by utilising extensive oral interviews with key figures (players, protagonists, proponents and political brokers), visual sources, intelligence reports and the movement's pamphlets.
    • « Ruines à rebours » : Pour une lecture littéraire des textes ethnographiques de Paul Hazoumé - Ninon Chavoz p. 815-838 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En proposant une analyse des travaux ethnographiques de l'écrivain dahoméen Paul Hazoumé, cet article établit un continuum entre littérature et science. Alors même que Doguicimi, unique roman historique de l'auteur, est souvent réduit au statut de « document » ethnographique, nous proposons d'inverser la perspective en relisant ses écrits scientifiques — Le Pacte de Sang au Dahomey et les articles parus dans la revue régionaliste du père Francis Aupiais, La Reconnaissance Africaine — en adoptant un prisme littéraire. Le présent article met ainsi en évidence la construction de « personnages ethnographiques », susceptibles de devenir le support d'un récit ou d'un discours littéraire, et examine l'émergence d'une poétique de la ruine propice à la description du Dahomey colonial.
      ‪By analysing the ethnographical work of the Dahomean writer Paul Hazoumé, this article aims at establishing a continuum between literature and science. Whereas Hazoumé's historical novel Doguicimi has often been perceived as a clumsy attempt at fiction by a colonial informer, we propose to read the essay Le Pacte de sang au Dahomey and the articles published in La Reconnaissance africaine, a local journal created by the missionary Francis Aupiais, as narrative and poetic experiments. Hazoumé's first writings allow the emergence of “ethnographical characters” such as the spy and the female warrior, and they suggest an aesthetic of ruins which would enable a nostalgic depiction of colonial Dahomey.‪
    • Léopold Sédar Senghor et l'Union soviétique : la confrontation, 1957-1966 : Annexes PDF - Françoise Blum, Constantin Katsakioris p. 839-865 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article présente la correspondance inédite de Léopold Senghor avec l'africaniste soviétique Ivan Potekhine et le poète Evguéni Evtouchenko. Cette correspondance et les autres documents cités éclairent les relations peu connues entre le secrétaire de la Société africaine de culture, Alioune Diop, le président Senghor et l'URSS, qui commencèrent avec le Festival de la jeunesse de Moscou en 1957 et se poursuivirent jusqu'au Festival mondial des arts nègres de Dakar en 1966. Par-delà la méfiance vis-à-vis de Moscou et le conflit entre négritude et socialisme soviétique, les documents illustrent la fascination de Senghor pour Evtouchenko et sa conviction que « les peuples slaves et les peuples noirs » partageaient la sensibilité et la tendresse, malgré les souffrances qu'ils avaient éprouvées, sous-entendu par le colonialisme et le stalinisme.
      ‪This article presents the unpublished correspondence between Léopold Senghor, Ivan Potekhin, the Soviet Africanist, and the poet Evgenii Evtushenko. This correspondence and the rest of the documents highlight the little-known relationships between the Secretary of the Society of African Culture, Alioune Diop, President Senghor and the USSR, from the period of the 1957 Moscow Youth Festival and evolving through the World Festival of Negro Arts in Dakar in 1966. Apart from the mistrust vis-à-vis Moscow and the clash between négritude and Soviet socialism, the documents also demonstrate Senghor's fascination with Evtushenko and his conviction that both “Slavic and Black peoples,” for all the hardships they had suffered from colonialism and Stalinism, at which Senghor hints, shared a similar tenderness and sensibility.‪
    • Témoignages et commémoration d'un massacre survenu en 1913 sur le plateau de Lékana (République du Congo) - Philippe Simon p. 867-880 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Affecté en tant que technicien BTP sur un projet de développement rural au Congo, je me suis intéressé en 1993 à des événements qui se produisirent en 1913 sur le plateau de Lékana. La perception des impôts auprès de la population koukouya amena les autorités coloniales à envoyer la troupe afin de raisonner les villageois qui se révoltaient. Les tirailleurs les poursuivirent jusque dans les collines où l'officier ordonna de les intimider par l'usage du fusil ; mais l'ordre mal interprété par les soldats se traduisit par des blessés et des morts. Parmi les survivants, se trouvait une femme avec son bébé. Ce dernier était toujours de ce monde et vivait à Lagué. Je le rencontrai et il me fit part du déroulement des événements que lui contèrent ses proches. Je conviai une trentaine de villageois à commémorer cette lamentable action qui s'était produite 80 ans plus tôt.
      ‪Working on a rural development project as a building and public works technicien in Congo, I became interested in 1993 in events that occured in 1913 on the Lekana plateau. The collection of taxes from the Kukouya population led the colonial authorities to send the troop of “tirailleurs” to reason with the villagers who were revolting. They pursued them as far as the hills where the officer ordered them to be intimidated by the use of the rifle ; but the order misinterpreted by the soldiers resulted in wounded and dead. Among the survivors was a woman with her baby, who was still alive and living in Lagué. I met him, he told me about the course of events known by his relatives. I invited about thirty villagers to commemorate this sorrowful act that had occurred 80 years earlier.‪
  • Chronique bibliographique

    • Penser l'Afrique ou connaître les sociétés de l'Afrique ? : (seconde partie) - Jean Copans p. 881-908 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cette chronique bibliographique est la seconde partie d'une revue d'ouvrages en études africaines publiés ces dernières années (dont la première partie a paru dans le n° 233 des Cahiers d'Études africaines). Cette seconde partie de la chronique présente des ouvrages en français qui vont de la lecture hégélienne de l'Afrique aux banlieues françaises et à l'état actuel des études africanistes vues depuis la France un demi-siècle après les Indépendances (A. Adler, M. Agier & R. Bazenguissa-Ganga, M. Burawoy & K. von Holdt, J.-P. Dozon, M. Lafay, F. LeGuennec-Coppens & E. Coulibaly, A. Mbembe & R. Bazenguissa-Ganga, L. Miano, L. Wacquant…). Cette suite fait contrepoint à la première partie où sont analysés les ouvrages d'une trentaine de contributeurs d'origine africaine portant sur le paradigme de « l'Afrique-Monde » ainsi que sur l'état de l'université et de la recherche en sciences sociales en Afrique francophone.
      ‪This is the second of a two-part bibliographic review presenting recent publications in African Studies (the first part of which was published in n° 233 of the Cahiers d'Études africaines). The second part of this bibliographic review deals herein with primarily French contemporary authors. The themes run from an examination of Hegel's history of African civilizations to the state of Parisian suburbs, African migrants and French African studies, fifty years since independence (A. Adler, M. Agier & R. Bazenguissa-Ganga, M. Burawoy & K. Von Holdt, J.-P. Dozon, M. Lafay, F. LeGuennec-Coppens & E. Coulibaly, A. Mbembe & R. Bazenguissa-Ganga, L. Miano, L. Wacquant…). This second part stands in counterpoint to the first part of the review in which thirty African authors discussing the paradigm of « World-Africa » are reviewed as well as the state of research and academic institutions in French-speaking Africa.‪
  • Analyses et comptes rendus