Contenu du sommaire
Revue | Politique Américaine |
---|---|
Numéro | no 33, 2019/2 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Alexandra de Hoop Scheffer, François Vergniolle de Chantal p. 5-8
- Introduction : le débat stratégique américain à l'épreuve de la présidence Trump - Jean-Loup Samaan p. 9-21
- Les États-Unis et l'Alliance atlantique - Maya Kandel p. 23-42 Les grands tournants de l'histoire de la politique étrangère américaine correspondent souvent à des évolutions fondamentales dans la relation des États-Unis à l'Europe, plus précisément à des évolutions dans le rapport de puissance transatlantique. La principale rupture si l'on considère le temps long du rapport au monde des États-Unis correspond à la Seconde Guerre mondiale : la relation transatlantique, au sens contemporain du terme, née d'un ensemble d'institutions liant les États-Unis à une grande partie des pays européens, naît également à cette époque, en particulier avec la création de l'OTAN en 1949. L'Alliance atlantique a été créée dans le contexte du début de la guerre froide, pour faire face à la menace soviétique. Ce simple fait est nécessaire à rappeler puisqu'il explique pourquoi, malgré les multiples crises qu'avait traversées l'OTAN pendant les quatre premières décennies de son existence, la crise de l'organisation depuis la fin de la guerre froide est évidemment plus profonde. La question qui se pose aujourd'hui concerne toujours les mêmes deux obstacles existentiels à l'OTAN, réticence américaine à demeurer dans une alliance contraignante (du fait de l'Article 5) et divisions européennes. Or ces deux obstacles, loin de se résorber, n'ont cessé de se renforcer l'un et l'autre depuis la fin de la guerre froide, jusqu'à prendre une ampleur nouvelle depuis 2016 en raison des propos du candidat républicain et désormais président américain Donald Trump, qui a qualifié l'OTAN d'« obsolète ».In American history, the major milestones of the U.
S. foreign policy often reflected deeper changes in the relation of the United States towards Europe, more specifically they reflected an evolution in the transatlantic balance of power. The main long-term change for U.S. global standing occurred throughout the Second World War: the transatlantic relation, in its contemporary understanding, borne out of the institutional order linking the United States to many European countries, also emerged during that era with the creation of NATO in 1949 – a military organization created to address the Soviet threat. This simple fact is worth remembering as it explains why, despite multiple internal crises throughout the four decades of its existence, the challenges NATO has faced since the end of the cold war are more profound. Although NATO has had ups and downs, it now faces a major crisis of unprecedented scope as evidenced by the ways U.S. President Donald J. Trump has characterized the organization as “obsolete”. The main challenge today relates to two enduring issues: U.S. reluctance to comply with the constraints of an alliance such as NATO (in particular due to the provisions of Article 5) and divisions among European countries. In fact, both issues have been exacerbating each other since the end of the cold war. In this context, the current crisis in the transatlantic relationship is of grave concern due to the fact that the American president drives its escalation, through his open skepticism on the value of NATO but also his rhetorical attacks aiming at the European Union and its member states. Moreover, the crisis is worrisome as it evolves while NATO and the European Union both face simultaneous institutional crises. - L'Asie-Pacifique dans le débat stratégique américain. Obama, Trump et la montée en puissance de la Chine - Hugo Meijer p. 43-68 Au vu de l'importance croissante de l'Asie-Pacifique dans le débat stratégique américain, cet article vise à mettre en évidence les principales lignes de continuité et de rupture entre les politiques de défense des administrations Obama et Trump dans cette région et, en particulier, vis-à-vis de la montée en puissance de la Chine. Pour ce faire, il propose une comparaison systématique des principaux éléments constitutifs de la politique de défense américaine en Asie-Pacifique sous les deux présidences : leurs perceptions de la menace vis-à-vis de la Chine ; les objectifs politiques qui en découlent ; et la manière dont ces objectifs se sont concrétisés dans la (re)définition des alliances et des coopérations de défense ainsi que des capacités militaires-technologiques déployées en Asie-Pacifique. À cette fin, l'article mobilise un large éventail de sources primaires, y compris soixante-quinze entretiens semi-directifs menés avec de hauts responsables américains. Ce qui émerge de cette analyse est que, au-delà des slogans électoraux et des aléas de la « diplomatie de twitter », la politique de défense de l'administration Trump en Asie-Pacifique s'inscrit dans une évolution cumulative de long terme plus que dans une discontinuité radicale.In light of the growing importance of Asia-Pacific in the American strategic debate, this article seeks to shed light on the main patterns of continuity and change between the Obama and Trump administrations' policies in the region and, in particular, vis-à-vis China's rise. To do so, it proposes a structured comparison of the main components of U.S. defense policy in the Asia-Pacific under the two presidencies: their threat perceptions of China; the ensuing policy objectives; and the ways in which these objectives shaped the (re) definition of U.S. regional alliances and defense cooperation agreements as well as the military-technological capabilities deployed in the Asia-Pacific. To that end, the article draws on a wide range of primary sources including seventy-five semi-structured interviews with senior U.S. officials. What emerges from this analysis is that, beyond electoral slogans and the vagaries of “twitter diplomacy”, the Trump administration's defense policy in the Asia-Pacific is part of a long-term cumulative evolution rather than a radical departure from previous policies.
- La dissuasion nucléaire américaine et le retour de la compétition stratégique - Corentin Brustlein p. 69-88 Dès son arrivée au pouvoir, Donald Trump a demandé au Pentagone de conduire une révision de la posture nucléaire américaine. Après s'être initialement distinguée par un discours ambitieux dans le domaine du désarmement nucléaire, l'administration Obama avait durci sa posture à partir de 2014 et initié une modernisation de l'arsenal, en réponse à l'aggravation des tensions avec la Russie, la Chine et la Corée du Nord. Nonobstant les propos du nouveau président, la Nuclear Posture Review de 2018 se caractérise par une grande continuité, bien que préparant l'entrée dans une ère de compétition stratégique entre grandes puissances. Réaffirmant la place de l'arme nucléaire dans la stratégie américaine, ces orientations doctrinales renouent en outre avec une conception voyant dans la supériorité militaire le principal moyen d'assurer la sécurité des États-Unis.As soon as he became President, Donald Trump tasked the U.
S. Department of Defense to conduct a review of the nuclear posture. While the Obama Administration had initially laid ambitious plans in favor of nuclear disarmament, from 2014 on it ended up strengthening the U.S. deterrence posture and modernizing the nuclear forces as tensions increased with Russia, China and North Korea. Despite Donald Trump's initial statements, the 2018 Nuclear Posture Review reflects more continuity than change, while preparing U.S. deterrence policy for an era of renewed strategic competition between great powers. These new doctrinal orientations not only reaffirm the role of nuclear weapons in U.S. strategy, but embrace again the view that military superiority is the main way to ensure U.S. national security. - Les États-Unis au défi des guerres irrégulières - Élie Tenenbaum p. 89-112 La guerre irrégulière est une forme de conflictualité qui hante la grande stratégie et la politique de défense des États-Unis malgré leurs efforts pour s'y soustraire. Les attentats du 11 septembre 2001 et les opérations militaires qui suivirent en Afghanistan, en Irak et ailleurs avaient ouvert un nouveau « cycle irrégulier » placé sous le sceau de l'interventionnisme et d'un renouveau de la contre-insurrection – doctrine abandonnée depuis la guerre du Vietnam – qui atteint un apogée à la fin du mandat de George W. Bush. L'arrivée de Barak Obama devait annoncer un certain reflux, marqué par la volonté de se désengager d'Irak, puis d'Afghanistan et de renforcer les partenaires locaux, plus à même de peser sur ces conflits complexes. Ce projet d'architecture de sécurité va pourtant s'effondrer sous les coups des printemps Arabes, du renouveau djihadiste et des stratégies « hybrides » par la Russie, la Chine et l'Iran. Face à cet imbroglio, la nouvelle administration Trump tempête et hésite, balançant entre une rhétorique de désengagement et une pratique de redoublement des efforts.Irregular warfare is a form of conflict that keeps haunting the United States' grand strategy and defense policy in spite of its efforts to avoid it. The 9/11 attacks and subsequent military operations in Afghanistan, Iraq and elsewhere opened a new “irregular cycle”. It witnessed a renewal of counter-insurgency doctrine – abandoned since the Vietnam War – that reached its highpoint at the end of the second term of George W. Bush. The arrival of Barak Obama inaugurated an ebb in irregular warfare, attested by the attempt to withdraw from Iraq and Afghanistan, and to build up partner capacity, deemed more fit to deal with these complex conflicts. However, this security architecture canvas collapsed, shaken by the Arab Spring uprisings, the jihadi renewal and the “hybrid” strategies of Russia, China and Iran. To these challenges, the Trump administration's answer balanced between a pulling out rhetoric and an actual policy of doubling down.
- Genèse d'une culture stratégique américaine autonome. Le prisme des Principles of War et de leur développement doctrinal - Olivier Zajec p. 113-133 La culture stratégique des États-Unis, influencée par Jomini plus que par tout autre théoricien, les a menés à développer une vision spécifique des « principes de la guerre », révélatrice de leur approche singulière des opérations et de l'emploi de la force dans les relations internationales. En décembre 1921, dans le règlement Troops Regulations 10-5, les Américains adoptent une première liste officielle de neuf principes : Objectif, Économie des forces, Offensive, Manœuvre, Unité de commandement, Sûreté, Masse, Surprise et Simplicité. Cette adoption se fait avec enthousiasme, sans doute parce qu'une telle liste normée correspond bien à une gestion scientifique – un management – de l'action de force. Par la suite, cette approche sera critiquée, interrogée et remise en perspective tant par les stratégistes civils les plus influents que par les officiers américains. Pourtant, en un siècle, la liste ne sera paradoxalement jamais modifiée. En revenant sur ces débats, de 1918 à nos jours, cet article propose une relecture de cette résilience conceptuelle paradoxale, en se penchant sur la culture stratégique propre à l'appareil militaire des États-Unis, et un héritage avec lequel l'armée américaine se prépare à affronter les défis opérationnels d'un xxie siècle incertain.The strategic culture of the United States, deeply influenced by Jomini more than by any other theoretician, has led it to develop a specific vision of the “principles of war”, revealing its singular approach to operations and the use of force in international relations. In December 1921, Americans adopted in TR 10-5 a first official list of nine principles: Objective, Economy of Forces, Offensive, Maneuver, Unity of Command, Security, Mass, Surprise and Simplicity. Those principles were enthusiastically adopted, probably because such a standardized list fell in line with a scientific management of operations. Subsequently, from the Cold War era to the last operations in Afghanistan, this approach was criticized and questioned by influential civilian strategists and US officers. Yet, in a century, the list was paradoxically never changed. Returning to these debates, from 1918 to today, this article offers a rereading of this paradox, by examining the strategic culture of the United States, and a doctrinal legacy with which the US military is preparing to face the operational challenges of an uncertain twenty-first century.
- Compte-rendu d'ouvrages - Alix Meyer p. 135-141