Contenu du sommaire : Osaka 1868-1945 : modernités japonaises - Usages politiques de la rue

Revue Histoire urbaine Mir@bel
Numéro no 55, août 2019
Titre du numéro Osaka 1868-1945 : modernités japonaises - Usages politiques de la rue
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier. Ōsaka 1868-1945

    • Ōsaka 1868-1945 : le creuset des modernités japonaises - Guillaume Carré p. 5-11 accès libre
    • Les fournisseurs de main-d'œuvre dans la zone portuaire d'Ōsaka Avant-Guerre - Shimada Katsuhiko, Guillaume Carré p. 13-34 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ōsaka est devenu dans la première moitié du XXe siècle, le cœur économique et industriel de l'empire japonais, expansion qui s'accompagna d'une forte croissance de ses activités portuaires. Celles-ci reposaient sur une main d'œuvre flexible de dockers fournie par des intermédiaires spécialisés. Les agences de ces professionnels de la fourniture de débardeurs, fortement structurées, répondaient aux besoins de l'économie capitaliste des grands groupes industriels en plein essor, mais perpétuaient aussi une organisation du travail basée sur l'exploitation des journaliers qui dérivaient de formes déjà présentes à l'époque des Tokugawa. Ce mélange d'archaïsme et de modernité dans le traitement de la main d'œuvre sur le port d'Ōsaka n'allait pas sans provoquer des problèmes sociaux qui finirent par préoccuper les autorités dans les années 1920, qu'il s'agisse du sort des ouvriers pressurés par ces intermédiaires, mais aussi des liens avérés de ces derniers avec la pègre.
      In the first half of the 20th century, Ōsaka became the economic and industrial heart of the Japanese empire. This expansion coincided with strong growth of its port activities. These activities relied on flexible labour by dockers provided by specialised companies. These highly-structured docking labour agencies met the needs of the capitalist economy of major industrial groups experiencing strong growth. They also perpetuated a labour market organisation based on day labourers which traced its origins back to the Tokugawa period. This mixture of archaic and modern labour methods in the port of Ōsaka triggered certain social problems that the authorities eventually addressed in the 1920s, such as labourers forced to work by these agents, as well as proven connections between these agents and organised crime.
    • La modernisation des chō d'Ōsaka - Iida Naoki, Guillaume Carré p. 35-56 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      On a souvent souligné la persistance dans les villes japonaises du xxe siècle de formes d'associations de voisinage apparemment héritées des chō, les communautés de rues et de quartier qui encadraient la vie des citadins roturiers à l'époque d'Edo. L'examen de la situation d'Ōsaka à l'ère Meiji amène cependant à nuancer ce jugement, même si les situations locales ont pu varier dans le reste du pays. On constate en effet que les réformes sociales et administratives du nouveau régime, en redessinant le maillage territorial de la cité, et en établissant de nouvelles instances de décision et de délibération, ont miné la capacité de contrainte des anciennes communautés sur la vie des habitants, et les divers dispositifs qui maintenaient leur cohésion. Cet effacement des chō fut néanmoins progressif, et la persistance des formes de sociabilité entre habitants d'un même ensemble spatial qui investirent les institutions élaborées par le pouvoir politique ou la vie politique locale, est manifeste dans le processus d'émergence d'une nouvelle société urbaine.
      Historians have often emphasised the continued existence, in 20th century Japanese cities, of neighbourhood associations that were apparently the legacy of the chō (street and neighbourhood communities that organised the lives of urban commons in the Edo period). A review of the situation in Ōsaka in the Meiji period suggests that this view must be amended even though the local situation may have been different than in the rest of the country. Indeed, we note that the social and administrative reforms of the new regime, by redrawing the territorial network of the city, and by setting up new decision-making bodies, undermined the ancient communities' capacity to place restrictions on the lives of inhabitants, as well as the various arrangements that ensured their cohesion. Yet the fading influence of the chō was gradual, and the persistence of forms of sociability amongst the inhabitants of a single spatial area who were active in the institutions created by the political authorities or in local political life, is clear in the emergence of a new urban society.
    • Lien social et sociétés locales dans les villes du japon moderne Les associations d'habitants et les travailleurs défavorisés d'avant-guerre à Ōsaka - Saga Ashita, Guillaume Carré p. 57-79 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'histoire urbaine du Japon moderne, c'est-à-dire depuis l'ère Meiji jusqu'à la seconde guerre mondiale, s'est surtout intéressée à l'évolution des institutions et des politiques, et ce n'est que récemment que l'attention des chercheurs s'est tournée vers l'analyse en profondeur des sociétés citadines. Le dossier sur Ōsaka d'Histoire urbaine donne un aperçu des recherches les plus récentes entreprises sur la métropole du Kansai, en s'inspirant de méthodes déjà éprouvées dans l'historiographie des villes de la période d'Edo. Ces travaux éclairent la manière dont la société de cette cité a vécu la transition entre la société traditionnelle des Tokugawa, et l'ère du capitalisme et de l'Etat moderne triomphant au XXe siècle : qu'il s'agisse de l'évolution des institutions de quartier et de leurs liens avec la politique locale, jusque dans l'avant-guerre, ou de l'exploitation d'une main d'œuvre précaire présente dans tous les secteurs d'activité, c'est à cette époque que sont apparues certaines des questions qui continuent de nos jours à peser sur la société urbaine d'Ōsaka.
      Urban history in modern Japan – i.e. from the Meiji period until the Second World War – has mainly focused on the changes in institutions and policies. Only recently have researchers focused their interest on urban societies. The special Ōsaka dossier in Histoire urbaine gives an overview of the most recent research on the metropolis of the Kansai region, inspired by methods that have already been applied to the historiography of cities of the Edo period. This research sheds light on how this city's society lived through the transition from the traditional society of the Tokugawa Shogunate and the era of capitalism and the triumphant modern state of the 20th century: in terms of changes in neighbourhood institutions and their ties with local politics until the Interwar period, or the exploitation of poor labourers in all business sectors, this era saw the appearance of certain issues that continue to affect Ōsaka's urban society.
  • Dossier. Repenser les usages politiques de la rue au début du XXe siècle

    • Repenser les usages politiques de la rue au début du XXe siècle : Europe-Amériques-Asie - Marianne González Alemán, Frédéric Moret p. 81-89 accès libre
    • A Street-less Revolution: The Production of Political Public Spaces during Iran's 1905-06 Constitutional Revolution - Ashkan Rezvani-Naraghi p. 91-106 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1905-1906, la première révolution moderne de l'histoire contemporaine iranienne débouche sur l'établissement d'une démocratie parlementaire. Plusieurs mois de soulèvement et de protestations forcent le gouvernement à céder aux revendications des manifestants et à accepter la création du premier parlement. À Téhéran, la capitale, les principaux lieux de protestation sont les cours de deux mosquées, un mausolée sacré, et le jardin de l'ambassade de Grande-Bretagne. Dans d'autres grandes villes du pays, les mosquées et les lieux saints s'imposent eux aussi comme les principaux espaces de protestation. La Révolution Constitutionnelle peut donc être comprise comme un mouvement social sans rue durant lequel l'action collective de la population s'est avant tout concentrée dans ses espaces sacrés. Cet article cherche à expliquer les choix spatiaux des manifestants à travers l'analyse de la société urbaine iranienne durant le XIXe siècle et le début du XXe siècle, d'une part, et des répertoires ordinaires de contestation de l'Iran pré-moderne, d'autre part. Il défend l'idée selon laquelle il existe un lien étroit entre la configuration de la société urbaine et la production d'espaces publics politiques dans l'Iran du tournant du siècle. À travers l'étude de la formation de ces espaces publics politiques non-occidentaux, il s'agit d'apporter des éléments de discussion au corpus de connaissances produites par les théories des espaces publics et les théories spatiales des mouvements sociaux qui ont tendance a être dominées par des perspectives européennes et nord-américaines.
      In 1905-06, the first modern revolution in the contemporary history of Iran resulted in the establishment of parliamentary democracy in the country. Months of uprising and protest forced the government to surrender to the protesters' demands and agree to the foundation of the first parliament. In Tehran, the capital, people's major protest sites were the courtyards of two mosques, a holy shrine, and the British embassy garden. Similarly, in other big cities around the country, people mostly used mosques and holy shrines as their primary protest sites. This paper demonstrates that the Constitutional Revolution was largely a street-less social movement during which people primarily depended on their sacred spaces as protest sites. The paper investigates the reasons for people's spatial choices by analysing Iranian urban society in the 19th and early 20th century and examining the common repertoires of contention in pre-modern Iran. It suggests that there is a close relationship between the configuration of urban society and the production of political public spaces in turn-of-the-century Iran. By including a non-Western narrative of political public spaces, this essay adds a vital set of examples to the body of knowledge on spatial theories of social movements and public spaces, which tend to be dominated by European and North American perspectives.
    • The First World War on the Streets: Buenos Aires and New York - Ross J. Wilson, María Inés Tato p. 107-123 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dès le début de la Grande Guerre en août 1914, en Europe, les identités ethniques, culturelles et politiques ont été mobilisées pour les champs de bataille. En dépit de la neutralité des Etats-Unis et de l'Argentine, les effets de la guerre sont également ressentis dans les rues de New York et de Buenos Aires. L'examen des défilés, des manifestations et des expositions qui ont eu lieu dans les rues de Buenos Aires et de New York entre 1914 et 1917, place la « rue-scène » comme mode d'évaluation de l'effet de la guerre sur les pays neutres. Il approfondit les connaissances de l'environnement urbain en tant que théâtre de guerre en examinant deux villes à la fois semblables par la diversité de leur population et différentes en terme d'autorité politique ce qui en font des cas idéaux pour évaluer l'impact profond du conflit. L'expression, le contrôle et la représentation des identités au sein de ces métropoles démontrent qu'alors que les combats réels étaient ailleurs, la guerre était aussi menée dans les rues de Buenos Aires et de New York.
      The outbreak of the First World War in August 1914 brought ethnic, cultural and political identities into conflict on the battlefields of Europe, but on the city streets of New York and Buenos Aires, despite the neutrality of the United States and Argentina, the effects of the war were as keenly felt. Through the examination of the parades, protests and displays that took place on the city streets of Buenos Aires and New York during 1914 to 1917, this paper places the 'street scene' as the vital means of assessing the effect of the war beyond the confining notions of combatant and neutral states. It furthers the scholarship of the urban environment as a theatre of war by examining two cities whose similarities in the diversity of population but differences in political authority make them ideal cases for assessing the far-reaching impact of the conflict. The expression, control and representation of identities within these metropolises demonstrates that whilst the actual fighting was elsewhere the war was still fought on the streets of Buenos Aires and New York.
    • Public Order Acts and their Effects on Street Politics in 1930s Europe: A Case Study of Britain and the Netherlands - Harm Kaal, Casper Kirkels p. 125-140 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Notre contribution revient sur la régulation des manifestations politiques urbaines en Europe de l'Ouest pendant l'Entre-deux-Guerres à partir des cas de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas. Ces pays doivent faire face dans les rues à des mouvements de masse venus à la fois de l'extrême droite et de l'extrême gauche, et à la montée des mouvements socialistes. L'espace public devient l'objet de compétitions entre les groupes politiques qui se présentent comme les plus vitaux, dynamiques, divers, disciplinés et promis au succès du pays. Pour y répondre les gouvernements nationaux et locaux réglementent l'usage des rues pour motifs politiques par exemple en sévissant contre l'usage des uniformes et autres symboles ou en interdisant des manifestations dans certains quartiers de la ville. Cette réglementation suscite un débat entre les défenseurs de l'ordre public et ceux des droits constitutionnels de la liberté d'expression et de la liberté d'association. Pour l'essentiel, cette législation des rues entraîne un débat sur la démocratie et le champ du politique. Notre contribution va tenter de revenir sur les cultures politiques en amont de la réglementation des rues. En Grande-Bretagne, une approche conflictuelle est à la base de la culture politique masculine avec des politiciens capables de négocier sur fond de « chahut » et d'apprivoiser des foules bruyantes. Au Pays-Bas, d'un autre côté, les démonstrations politiques des rues sont contenues et perçues comme une mise en danger de la démocratie parlementaire. Nous allons également discuter l'ambivalence des sociaux démocrates à l'égard de la réglementation politique des rues. Ils souhaitent sévir en direction des extrémistes politiques mais craignent aussi que cela ne se retourne contre leurs propres manifestations publiques et ne les affecte. Nous montrerons aussi que ces régulations sont très spécifiques et se décident en cour de justice. Pour finir nous verrons que jusqu'à la fin des années 1930, les manifestations politiques extrémistes sont repoussées vers les marges de la ville et de fait, éloignées des centres du pouvoir.
      Our contribution offers an investigation of the regulation of street politics in Western Europe in the interwar years based on a case study of Great Britain and the Netherlands. These countries faced similar challenges with mass movements emerging on extreme left and right that often took to the streets and the rise of a self-conscious and influential (mainstream) socialist movement. Public space turned into the scene for an increasing competition between political groups that aimed to present themselves as the most vital, dynamic, diverse, disciplined and successful movements of the country. In response to it, national and local governments regulated the use of the streets for political purposes, for instance by clamping down on the use of uniforms and other political symbols or by prohibiting marches in specific parts of the city. These regulations triggered a debate about the tension between protecting public order and protecting constitutional rights like free speech and the freedom of association. In essence, street politics went hand in hand with a debate about democracy and the domain of politics. In our contribution, we first of all aim to show the impact of different political cultures on the regulation of street politics. In Britain, a confrontational approach formed an essential element of a masculine political culture with politicians who were expected to be able to deal with 'heckling', to tame the rumbustious crowd. In the Netherlands, on the other hand, street politics was contained and perceived as a threat to parliamentary democracy. Secondly, we discuss the ambivalence among social democrats with regard to the regulation of street politics. They tended to be in favour of clamping down on political extremists, but also feared that it might backfire and affect their own public manifestations. Thirdly, we show that regulations were hardly ever very specific. In essence, thus, the limits of street politics were decided in court. Fourth and finally, we show that towards the end of the 1930s street politics of political extremists was pushed to the margins of the city and beyond, far removed from the centers of power.
    • L'ordre ou la liberté ? La redéfinition de l'espace public de Buenos Aires dans les années Trente - Marianne González Alemán p. 141-161 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis les années 1850, les rues de Buenos Aires fonctionnent comme un espace complémentaire à celui de l'élection ; un espace d'intervention citoyenne considéré comme valide et légitime - bien que sous certaines conditions. Pourtant, ce n'est qu'en 1949 que le droit de réunion fait l'objet d'une définition constitutionnelle et législative. En 1932 néanmoins, un arrêté de police sur les réunions publiques impulsé par le gouvernement d'Agustín P. Justo vise à préciser et à définir les règles du jeu dans les rues de la Capitale. Le présent article étudie cette entreprise – dont les fondements se présentent comme inspirés par la pensée des juristes européens – en la replaçant dans le contexte de crise politique propre aux années 1930, tant du point de vue international que local. Le cas argentin fait ainsi apparaître une variante locale originale des difficultés que les démocraties libérales affrontent dans l'entre-deux-guerres. Bien que les termes de la vie politique argentine présentent des similitudes avec ceux qui agitent alors l'Europe, ils prennent place dans le cadre d'une culture et d'un champ politiques spécifiques au sein desquels le problème de la représentation est posé sous un angle différent.
      Since at least the 1850s, the streets of Buenos Aires have served as a complementary space for voters' involvement, which was considered valid under certain circumstances. However, the right of assembly was not defined in constitutional and legislative terms until 1949. In 1932, a Police Order on public meetings, driven by Agustín P. Justo's government, tried to define and prescribe the rules of the political game in the streets of Buenos Aires. The article analyses this regulation on the right of assembly – inspired by European jurists – into the national and international context of the democracy crisis in the 1930s. The Argentinian case shows an original local variation of the difficulties that liberal democracies had to face during the Interwar period. Despite the fact that some terms of Argentinian politics were very similar to European ones, conflicts also took place in the context of a specific political culture in which the problem of representation was set from a different perspective.
  • Étude

    • Les zonages dans le Plan d'aménagement de la région parisienne (1934-1939) - Beatriz Fernandez p. 163-182 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le PARP, projet régional porté par l'État, vise à limiter le poids de la capitale afin de rééquilibrer le territoire national. Le zonage est donc considéré comme l'outil essentiel pour rationaliser la croissance. L'enquête publique (1935) met en évidence une forte contestation locale au PARP et la question du zonage construit l'une des postures d'opposition les plus globales et cohérentes. L'enquête ouvre pourtant un espace de négociation et les demandes concernant le zonage entraînent des modifications importantes dans la version définitive du PARP approuvée en 1939. En analysant le processus de fabrication du projet et ses évolutions dans le temps, cet article vise à interroger dans quelle mesure l'opposition au zonage du PARP a permis une plus grande implication des collectivités locales dans ce démarche d'aménagement étatique qui est souvent perçue comme un processus technique strictement descendant.
      The first regional plan of Paris (PARP) is charged by the French national government in 1934. In order to limit the rapid growth of Paris, it proposed a detailed zoning plan. However, the public enquiry conducted in 1935 revealed a strong local opposition and the zoning plan was specifically contested by local actors and municipalities. The subsequent negotiations between the State services and municipalities led to important changes in the definitive version of the PARP, passed in 1939. This paper intends to examine the zoning techniques of the regional plan of Paris, focusing on the analysis of its evolutions between the first and the final version. It aims to comprehend to what extent local opposition to PARP's zoning plan. led to a higher local involvement in the State's regional plan.
  • Note critique

  • Recensions