Contenu du sommaire : Le gardien de la laïcité

Revue Les cahiers de la justice Mir@bel
Numéro no 2018/3
Titre du numéro Le gardien de la laïcité
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Édito

  • Tribune

    • Laïcité, le dévoiement sécuritaire - Denis Salas p. 389-395 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La laïcité d'inspiration libérale issue de la loi de 1905 a peu à peu perdu de sa prééminence en France. La visibilité de l'islam dans la cité a d'abord donné lieu à une législation prohibitive. Puis, face aux attentats de 2015, d'autres réponses répressives sont opposées aux violences de l'islam radical. Dans ce contexte troublé, le juge fait figure de gardien de la laïcité, fidèle au temps long où s'enracine l'héritage libéral de ce concept.
      The liberally-inspired secularism that was established in France by the law of 1905 has gradually lost its pre-eminence. The visibility of Islam within society initially gave rise to prohibitive legislation, before additional repressive responses were introduced to counter the violence of radical Islam in the wake of the 2015 terror attacks. Judges serve within this troubled context as the guardians of secularism, faithful to the long history in which the liberal heritage of the concept is rooted.
  • Dossier. Le gardien de la laïcité

    • Présentation - p. 397-398 accès libre
    • Situation de la laïcité française - Philippe Portier p. 399-413 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article traite du contexte historique dans lequel le concept de laïcité a pris forme en France ainsi que des différents « âges » qui ont marqué son évolution. Il montre comment au séparatisme issu de la loi de 1905 succède peu à peu un dialogue entre les instances religieuses et l'État. Dans un climat dominé par la peur de l'autre, une fracture traverse le débat intellectuel français dont l'article présente les différentes « familles ». Aujourd'hui il est demandé au religieux d'adhérer aux valeurs constitutives de notre culture démocratique. Face à de telles secousses, la jurisprudence du Conseil d'État cherche à préserver l'esprit libéral de la loi de 1905.
      This article examines the historical context in which the concept of secularism has taken shape in France, together with the different 'ages' that have marked its evolution. It shows how the separatism brought about by the 1905 Law on the Separation of the Churches and State has since been replaced by a difficult dialogue between the State and religious bodies. Amid a climate dominated by fear of the other, intellectual debate in France is currently divided between different 'families' which this article delineates. Religious groups are today asked to adhere to the constituent values of our democratic culture, whilst the Council of State, faced with the resulting tremors, seeks to issue judgements that preserve the liberal spirit of the 1905 law in its case law.
    • La laïcité dans l'institution judiciaire - Valérie Dervieux p. 415-428 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La laïcité est un principe dont la définition et la mise en œuvre suscitent des débats passionnés. Au-delà d'une attention médiatique qui contribue à amplifier la perception de tensions sans lien avec la réalité, au-delà d'instrumentalisations politiques qui tendent à transformer ce principe positif du « vivre ensemble » en une « arme », le service public de la justice, comme tous les autres services publics, a besoin d'une régulation dédiée. Or les juridictions de l'ordre judiciaire semblent être, en ce domaine, les oubliées du ministère de la Justice. Oubli légitime ou manque à combler ?
      Secularism is a principle whose definition and implementation give rise to heated debates. Whereas political currents and media feed tensions and tend to transform this positive principle into a "weapon", judiciary needs regulation. However, the courts seem to be forgotten by the Ministry of Justice as far as those questions are concerned. Is it relevant?
    • La mise en perspective du principe de laïcité par la protection judiciaire de la jeunesse - Angèle Roisin p. 429-441 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Eu égard aux caractéristiques et aux problématiques des jeunes pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) du ministère de la Justice, les questions de laïcité et celles liées à la citoyenneté doivent faire l'objet d'un travail éducatif quotidien. Or, la tourmente polémique autour de la laïcité ainsi que le développement du phénomène de radicalisation ont pu conduire à certaines crispations chez les professionnels de la PJJ. Cet article montre comment la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a tenté d'outiller les professionnels par différents moyens afin que ceux-ci puissent avoir des repères pour appréhender la laïcité et aborder la religiosité de manière apaisée dans leur travail éducatif.
      Given some of the characteristics of the young people under the care of the Directorate for the Judicial Protection of Young Persons (PJJ) of the French Ministry for Justice, and the challenges faced by them, issues surrounding secularism and citizenship should be the subject of daily educational work. It is possible, however, that the storm of controversy surrounding secularism, combined with the growing phenomenon of radicalisation, has given rise to certain tensions among the professionals of the PJJ. This article presents different ways in which the Directorate for the Judicial Protection of Young Persons has attempted to provide its professionals with reference points for understanding secularism and with strategies for approaching religion in a more relaxed manner in their educational work.
    • À la base de l'intégration, l'école laïque - Aurélia Merle d'Aubigné, Alain Seksig p. 443-453 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article présente le travail inspiré d'une vision laïque de l'école qui est réalisé par le centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage (CASNAV) au sein de l'Education Nationale. Appuyés sur des exemples concrets, il met en lumière l'apprentissage des valeurs républicaines susceptibles de favoriser l'intégration de mineurs allophones au sein de classes spécialisées.
      This article presents the work carried out by the Academic Centre for the Education of New Arrivals and Children from Itinerant or Travelling Families (CASNAV) within the French national education system. Using concrete examples, it sheds light on the teaching of the values of the Republic in specialized classes that form part of this educational approach to assist the integration of non-French-speaking minors.
    • L'évolution de la pensée du juge administratif en matière de laïcité - Hélène Pauliat p. 455-466 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le principe de laïcité a valeur constitutionnelle, comme certains principes issus de la loi de 1905. L'évolution de la société a conduit le juge administratif à en retenir une interprétation équilibrée. L'installation d'emblèmes religieux peut ainsi, sous certaines conditions, être tolérée. En revanche, le juge impose le strict respect de la laïcité au sein des services publics, particulièrement à l'égard des agents publics, qui en portent l'image et les valeurs. Les convictions des usagers peuvent, elles, être prises en compte, à condition qu'elles ne perturbent pas le fonctionnement du service.
      The principle of secularism has constitutional status, as do some of the principles that have emerged from the 1905 law. The evolution of society has led administrative judges to maintain a balanced interpretation of these principles, even permitting the installation of religious emblems to be tolerated under certain circumstances. On the other hand, judges impose strict compliance with secularism within public services, and especially among the civil servants who are the bearers of the image and values of these services. The beliefs of service users can be taken into consideration, on the condition that they do not disrupt the functioning of the service in question.
    • Comment l'institution judiciaire contribue-t-elle au respect du principe de laïcité ? - Nicolas Bonnal p. 467-477 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La laïcité s'inscrit par essence dans le champ des institutions publiques. Impliquant le respect des croyances et l'égalité de tous devant la loi, elle n'est pas pour autant un concept étranger au contentieux judiciaire. Pour trancher les litiges, le juge a très largement recours à la méthode du contrôle de proportionnalité inspirée de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui le conduit à dire au cas par cas si une restriction apportée à la liberté religieuse par le principe de laïcité est, ou non, nécessaire dans une société démocratique.
      By its very essence, secularism falls within the scope of the public institutions. A concept that implies respect for religious beliefs and the equality of all before the law, it is nevertheless by n˚ means a stranger to judicial proceedings. In resolving such disputes, judges rely heavily on the method of proportionality assessment inspired by the European Court of Human Rights, according to which their task is to determine on a case-by-case basis whether or not a restriction imposed upon religious freedom by the principle of secularism is necessary (or not) within a democratic society.
    • L'application du principe de laïcité dans la justice - Elsa Forey p. 479-490 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En tant qu'institution de l'État et service public, la justice est soumise au principe de laïcité/neutralité qui s'applique à toutes les personnes publiques ainsi qu'à leurs services. La diversité des acteurs judiciaires se répercute-t-elle sur l'application de ce principe à la justice ? Parmi ces acteurs, comment les juges mettent-ils en œuvre leur neutralité lorsqu'ils sont confrontés, dans un litige, au fait religieux ? La présente étude entend répondre à ces deux interrogations qui font l'objet d'une réflexion collective menée à l'invitation de la « Mission Droit et Justice ».
      As a state institution and public service, justice is bound by the principles of secularism and neutrality. Do the diversity which characterizes the judicial system impact on the application of these principles within justice ? Amongst these judicial actors, how can a judge be sure to maintain his neutrality in a case dealing with religion ? This study will seek to answer these two questions through a collective reflection at the behest of the research « Mission Law and Justice ».
    • Le juge, l'éthique et la laïcité. De la laïcité comme principe à la laïcité comme méthode - Jean-Philippe Pierron p. 491-506 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      On invoque souvent la laïcité comme un corps de principes constitutionnels. Ne doit-on pas aussi l'envisager comme une méthode contribuant à l'élaboration et au soutien non seulement d'une déontologie professionnelle mais d'une éthique des professions de la justice ? La judiciarisation est la finalité courte du droit de la laïcité. Dans les relations conflictuelles, sa fonction de neutralisation par la neutralité n'est pas là pour anéantir mais pour apaiser et protéger les libertés individuelles dont la liberté de conscience. Cette finalité courte, souvent spectaculaire dans les « affaires », ne doit pas estomper une seconde finalité. La juridicisation porte la finalité longue de la laïcité : viser la paix, la justice et la fraternité. Depuis plus d'un siècle, la constante jurisprudence du Conseil d'État relativement à la mise en œuvre de la loi 1905 en témoigne. Elle travaille discrètement mais durablement à la mise en œuvre d'un espace-temps social et politique tolérant, partageable et partagé par toutes et tous. Il y a donc plusieurs temps de la laïcité : le temps court pour les biographies, le temps long pour les sociétés, et le temps très lent d'une philosophie de l'histoire dans les relations des religions avec le droit et le politique dont l'histoire du droit est le témoin.
      Secularism is often referred to as a body of constitutional principles. Should it not, however, also be seen as a method that contributes to the elaboration and support, not only of a professional code of conduct, but also of ethics for the judicial professions ? Judicialization is the short-term objective of the law on secularism. In conflictual relationships, its function of neutralization by neutrality is not there to annihilate, but rather to placate and protect individual freedoms, including freedom of conscience. This short-term objective, the results of which are often spectacular in individual cases, should not however diminish the second, longer-term objective of secularism, which is juridification to endeavour to achieve peace, justice, and fraternity. The established case-law of the Council of State with respect to implementation of the 1905 law has testified to this for more than a century, as it works quietly but steadily towards the implementation of a social and political space and time that are inclusive and can be shared by all. Secularism as such has several terms : a short term for biographies, a long term for societies, and a very slow term for a philosophy of the history of relations between religions, law and politics, to which the history of law is witness.
  • Chroniques

    • La médiation pénale en Israël - Michal Alberstein, Béatrice Coscas-Williams p. 509-520 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La médiation pénale a été définie par la Cour suprême israélienne comme étant « un dialogue entre l'accusation [l'État] et l'accusé, dans lequel un médiateur est présent afin de restreindre les points de divergences entre les parties et aboutir à la conclusion d'un accord de Plea-Bargaining ». Son but est avant tout l'efficacité de la justice. Cette procédure s'oppose à la forme traditionnelle de la médiation fondée sur la justice restaurative et qui considère la victime comme une partie intégrante à la procédure. En Israël, la victime est absente de la médiation pénale. Elle est même considérée comme un sujet qui risque de perturber la négociation entre les parties. La médiation pénale israélienne applique un certain nombre de principes qui semblent empruntés à la justice inquisitoire. Il s'agit d'une procédure informelle, non contradictoire, et confidentielle. Ces caractéristiques semblent pouvoir encourager l'accès de la victime Pourtant, la jurisprudence israélienne refuse de l'intégrer. L'utilisation de méthodes de résolution des conflits qui n'exclut pas la victime notamment en Italie ou dans plusieurs États des États-Unis indique qu'il est possible d'intégrer celle-ci au sein de ces nouvelles alternatives au procès. La justice israélienne pourra-t-elle dépasser ces craintes de mettre en péril la stabilité et l'efficacité de la justice et intégrer la victime ?
      Criminal mediation was defined by the Israeli Supreme Court as "a dialogue between the prosecution [the State] and the accused, in which a judge-mediator is present, in order to narrow the gap toward the signing of a Plea-Bargaining agreement ". Its purpose is the efficiency of justice. This procedure is opposed to the traditional form of criminal mediation which is often related to a victim-offender mediation. In Israel, the supreme Court has expressed its opposition to let the victims be part of this practice. In a judgment, the Court states that the presence of the victim could complicate the mediation and inhibit free discussion between the parties. A few years before then, the Court had expresses its fear to integrate into the traditional judicial discourse, elements of restorative justice as apology.Despite this opposition, criminal mediation practiced in Israel uses a number of elements that seems to be borrowed from inquisitorial justice ; The procedure has several common points as it is informal, non-adversary and confidential. These different characteristics may represent a gateway for the victims of crime to justice. The use of conflict resolution methods that do not exclude the victim, especially in Italy or Arizona in the United States, shows that it is possible to integrate the victim into these new alternatives to the trial. These experiences may inspire the Israeli criminal justice system to integrate the victim in criminal mediation without being afraid to harm its stability and effectiveness.
    • Punir les coupables, punir leurs familles ? Le point de vue canadien - Frédéric Mégret p. 523-538 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La peine de prison affecte souvent l'entourage familial du condamné ? Faux problème ou vrai question ? Frédéric Mégret nous informe sur les travaux théoriques qui permettent de documenter ce phénomène. L'invisibilité des familles interroge la rationalité pénale : affecter, est-ce punir ? Les familles peuvent être perçues comme composante active du crime, comme victime passive de sa punition ou comme vecteur de sa peine. La prise en compte de l'impact de la peine sur les familles pourrait fonder l'idée de réforme notamment lors de la détermination de la peine ou de l'aménagement de son exécution. Les familles pourraient être la pièce manquante de ce puzzle complexe, un trait d'union permettant de mieux comprendre comment l'individuel et le social sont imbriqués. La question des familles des condamnés est une invitation ouverte à repenser les systèmes de justice pénale.
      The prison sentence often affects the convict's family circle? Non-issue or real question? Frédéric Mégret informs us on the theoretical works that could explain this phenomenon. The invisibility of families questions the criminal rationality: if we affect, do we punish ? Families can be seen as an active component of crime, as a passive victim of punishment or as a vehicle for their punishment. The fact of considering the impact of the sentence on families could form the basis of a potential reform, particularly when sentencing, or implementing the execution of the sentence. Families could represent the missing piece of this complex puzzle, a hyphen to better understand how the individual and the social are intertwined. The issue of the convincts' families is an open invitation to rethink the criminal justice systems.
    • Le transhumanisme en droit pénal - Camille Kurek p. 541-553 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À l'aube de la révision des lois de bioéthique, le transhumanisme suscite l'intérêt de la communauté scientifique mais également du législateur. Prothèses bioniques, implants cérébraux, thérapie génique ou encore téléchargement de la conscience, les transhumanistes repoussent inlassablement les limites naturelles de l'homme. Fervent protecteur de la personne humaine, le droit pénal est peu à peu gagné par ces nouvelles technologies qui se multiplient et qui peuvent être synonymes de progrès comme de danger.
      Ahead of a revision of the laws of bioethics, transhumanism is arousing the interest both of the scientific community and of the legislator. From bionic prostheses to brain implants, gene therapy, and even the downloading of consciousness, the transhumanists are relentlessly pushing the natural limits of the human being. As a fervent protector of said being, criminal law is slowly being won over by these rapidly multiplying new technologies, which can be synonymous with both progress and danger.
    • La contrainte pénale : symptôme d'une réforme impossible ? - Christian Mouhanna p. 557-569 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'application concrète de la loi du 15 août 2014 et notamment les dispositions instaurant la contrainte pénale montrent bien la difficulté de rompre avec une justice pénale de plus en plus gouvernée par les impératifs de productivité et de rapidité, avec toutes les conséquences liées à cette accélération : décisions prises en mode « automatisé », désindividualisation et inadaptation de ces décisions, impossibilité de prendre du recul par rapport aux situations et en particulier aux récidives multiples. L'échec de la contrainte pénale, mesuré uniquement sur le volet quantitatif, cache en fait une incapacité de l'appareil judiciaire à intégrer un fonctionnement qui ne se limite pas à « produire » des réponses pénales sans prendre en compte leur impact sur les justiciables et leur réinsertion.
      The concrete application of the law of 15 August 2014, and notably the provisions instituting alternative sentences to imprisonment, clearly demonstrates the difficulty of breaking with a criminal justice system which is increasingly governed by the imperatives of productivity and speed, with all of the consequences associated with this acceleration: decisions taken in an ‘automated' manner, the “de-individualisation” and unsuitability of such decisions, and the impossibility of ‘stepping back' from individual situations for the purposes of closer analysis, particularly in cases of multiple repeat offences. The failure of these alternative sentences, which can be measured in quantitative terms alone, in fact conceals an inability on the part of the judicial system to adopt a means of functioning which is not limited to ‘producing' criminal justice responses without taking account of their impact on defendants and their rehabilitation.
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  • Quatrième de couverture - p. 592 accès libre