Contenu du sommaire : Séduction et peur des images

Revue Les cahiers de la justice Mir@bel
Numéro no 2019/1
Titre du numéro Séduction et peur des images
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Tribune

  • Dossier. Séduction et peur des images

    • Séduction et peur des images - Denis Salas p. 13-14 accès libre
    • Peur de la justice : l'image renversée - Jean-Paul Jean p. 15-20 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les images de justice reflètent leur époque. Nombre d'entre elles mettent en scène sa puissance afin d'inspirer la peur ; d'autres cherchent à susciter l'émotion du public et des accusés ; d'autres encore montrent une justice de notables exclusivement masculine qui fait comparaitre des jeunes victimes avant que dans les années 1970, grâce au combat militant contre les violences sexuelles, on assiste à un renversement des images du procès pénal.
      Images of justice are a reflection of their times. Many of them highlight its power in order to inspire fear ; others seek to stir up the emotions of the public and the accused ; yet others show a justice peopled exclusively by male dignitaries that used to bring before it young victims, until in the 1970s, thanks to activism against sexual violence, an about turn was seen in images of criminal trials.
    • La peine capitale en images à la Belle Époque - Frédéric Chauvaud p. 21-34 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La peine de mort a suscité d'amples discours, tantôt indignés tantôt vantant les mérites du châtiment extrême, mais aussi des images visuelles. Les institutions répressives ont produit ou ont été à l'origine d'images très variées. Dessinateurs, graveurs, peintres, caricaturistes ont donné à voir, chacun à leur manière, en fonction de leurs convictions et de leur style, des scènes d'exécution. La peine de mort n'est donc pas un châtiment sans image. Une part importante de la production iconographique vient d'artistes et de dessinateurs français. Sous leurs pinceaux, leurs ciseaux ou leurs crayons le châtiment extrême suscite souvent un rire de dénonciation destiné à un public plus ou moins vaste. Ils abordent aussi bien la peine de mort en France, qu'en Espagne et en Afrique. L'accent est parfois mis sur le condamné, d'autres fois sur les autres acteurs, parfois encore sur les instruments de mise à mort. Les images ne restent pas isolées. Elles sont mises en circulation au point de constituer une véritable imagerie qu'il importe de prendre en compte pour comprendre les imaginaires sociaux d'une époque.
      The death penalty has given rise to many different types of discourse, some indignant, some extolling the merits of the ultimate punishment, but also visual images. The institutions of law enforcement have produced or been the source of a very wide variety of images. Illustrators, engravers, painters, caricaturists have depicted execution scenes, each in their own way according to their convictions and their own style. The death penalty is therefore not a punishment without images. A large part of these images have been produced by French artists and illustrators. Under their brushes, scissors or pencils, the ultimate punishment often provokes a laugh of denunciation aimed a more or less broad public. They deal with the death penalty not only in France, but also in Spain and Africa. Sometimes the focus is on the condemned person, other times it is on the other people involved and sometimes even on the instruments of execution. These images have not remained in isolation. They have been circulated to the point of becoming a kind of picture book of an era, which must be taken into account to understand its social representations.
    • L'impossible banc des innocents ? - Laurent Bihl p. 35-50 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les prétoires judiciaires forment un espace fondamental du politique, le premier peut-être auquel le peuple ait été confronté chronologiquement au cours de la montée républicaine. Le point de vue adopté pour représenter cet espace - en tant que tel - est déjà intrinsèquement idéologique, avant même le portrait des acteurs qui s'y affrontent. Le lent processus de désacralisation de la justice connaît une accélération au XIXe siècle. La presse, en multipliant les pages illustrées - dont des caricatures - joue un rôle majeur dans cette évolution. Pour autant, l'œil satirique n'est pas univoque : saisir par le trait le corps du prévenu peut le transformer en coupable putatif. En partant du surplomb pour en arriver au box des accusés, ce travail propose quelques remarques sur la représentation de l'espace judiciaire, par une approche intermédiale combinant littérature, images de presse, cinéma et télévision.
      Courtrooms are a fundamentally political space, perhaps chronologically the first the people were confronted with during the rise of the French Republic. The point of view adopted in depicting this space - as such - is already intrinsically ideological, even before we begin to portray the actors who clash there. The slow process of deconsecrating justice gathered speed in the 19th century. The press, by publishing more and more pages of illustrations - including caricatures - played a major role in this development. And yet, the satirical eye is not always unambiguous: embodying the accused in a sketch can easily transform him into a putative guilty character. Starting from a view from above and homing in on the dock, this work offers a few remarks on how the judicial space is depicted, by means of an intermedial approach combining literature, images from the press, cinema and television.
    • La caméra dans le prétoire, miroir de la société - Sylvie Humbert p. 51-70 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les affaires judiciaires constituent le scénario idéal pour le cinéma. Mais, tous les films industriels, scientifiques ou documentaires sont des fictions dans lesquelles le producteur impose sa propre vision des faits, consciemment ou inconsciemment. Avec le développement des premiers cinématographes, Méliès et Pathé, la censure cinématographique fait très vite son apparition. Dénoncer l'injustice, filmer la mort en direct, regarder l'horreur en face, toutes ces images se déclinent entre peur et séduction de la société, entre preuve et témoignage de la justice, entre spectacle et souvenir.
      Court cases constitute ideal scenarios for the cinema. But all industrial, scientific or documentary films are works of fiction, in which the producer imposes his own vision of the facts, consciously or unconsciously. With the development of the first cinematographers, Méliès and Pathé, cinematographic censorship very soon made its appearance. Denouncing injustice, filming death live, looking horror in the face, all these images can be seen as either fear or seduction of society, as evidence or testimony, as spectacle or remembrance.
    • Images animées et censure (États-Unis - France XXe-XXIe siècles) - Christine Baron p. 71-83 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      a censure des images animées repose sur des critères très hétérogènes, mais il existe des constantes dans les manières de censurer. De la veille au procès en passant par le scandale ou la controverse savante, certains films ont connu en France et aux États-Unis un accueil houleux. Cet article examine les modalités de la censure en insistant sur les décalages dans la réception de films dont le sujet est pourtant proche. Il s'agit également de présenter les conditions selon lesquelles des œuvres passent la barre de la censure, voire jouent avec elle. Enfin, en opérant une distinction entre dénonciateur et lanceur d'alerte cet article tente de comprendre les motivations de particuliers ou de groupes qui, par des moyens divers, tentent d'interdire la sortie d'une œuvre et sa diffusion.
      Censorship of moving images rests on criteria that are very heterogeneous, but there are some constant features in the ways they are censored. From ideas of safeguarding the trial to scandal to scholarly controversy, certain films have met with a stormy reception in France and the United States. This article examines the way censorship has been applied, concentrating on differences in the way films are received even when the subject matter is similar. lt also presents how films get past the censors or get round censorship. Finally, by making a distinction between denouncer and whistleblower, this article attempts to understand the motivations of individuals and groups who, by diverse means, attempt to prevent films coming out and being shown.
    • La loi du 6 décembre 1954 et ses conséquences au petit écran - Myriam Tsikounas p. 85-98 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'objectif de cet article est de rappeler les motivations du Législateur qui interdit, par la loi du 6 décembre 1954, de photographier et de filmer, en France, les débats judiciaires. L'enjeu est aussi de dégager la teneur de ce texte et d'essayer, en se fondant sur la série judiciaire En votre âme et conscience, d'en comprendre les failles. L'auteur du projet, le député Jean Minjoz, n'a pas imaginé que la télévision, média alors émergeant, se révélerait rapidement moins visuelle que sonore, plus soucieuse de donner à entendre les grands procès que de les faire voir.
      This article aims to provide a reminder of the motivations of lawmakers when, by the Law of 6 December 1954, they banned the photographing and filming of courtroom proceedings in France. It also attempts to tease out the tenor of that law and to try, based on a television series that recreated trials, En votre âme et conscience, to understand its flaws. The man who drafted this law, MP Jean Minjoz, had not imagined that television, an emerging medium at the time, would quickly reveal itself to be less of a visual than a sound medium, more concerned to have major trials heard than seen.
    • La retransmission en direct des procès - Jean-Paul Jean p. 99-105 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'image du suspect présentée à l'opinion publique dans l'enquête policière, ou de la personne accusée lorsqu'elle comparaît en justice, illustre et conditionne la vision que les médias veulent donner d'une affaire, confortant le plus souvent la thèse de la culpabilité. Le principe de la présomption d'innocence, en limitant le droit à la diffusion des images, veut préserver l'impartialité de la perception des juges et du jury lors de l'audience. Mais le principe de la liberté d'expression et les facilités actuelles d'enregistrement et de diffusion des audiences par le recours aux nouvelles technologies numériques ont beaucoup fait évoluer ce débat, notamment au sein des juridictions pénales internationales et de juridictions étrangères.
      The image of the suspect presented to the public during the police investigation, or the accused when they appear before the court, illustrates and conditions the vision that the media wishes to give of a case, and it is generally one that reinforces the impression of guilt. The principle of "innocent until proven guilty", by limiting the right to broadcast images, seeks to preserve the impartiality of the perception of the judges and jury during the hearing. But the principle of freedom of expression and the current ease with which proceedings can be recorded and broadcast using new digital technologies have changed this debate, in particular within the international courts and abroad.
    • La justice du XXIe siècle, le défi de l'image - Denis Salas p. 107-116 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'absence totale d'images du procès contraste avec la multiplication croissante des images produites dans le procès (photos des scènes de crime, films des auditions, images de vidéosurveillance...). Comment comprendre ce paradoxe ? Faut-il voir dans l'interdit de l'image une forme nouvelle d'iconophobie ? Cet article plaide pour une levée prudente de cet interdit afin de donner à voir l'acte de justice, de le sortir de sa méconnaissance dans l'opinion et de conférer à l'institution judiciaire sa place légitime sur la scène de la démocratie.
      The total absence of images of the trial itself contrasts sharply with the growing multiplication of images produced in and around the trial (photos of crime scenes, films of interviews, video surveillance images, etc.). How can we understand this paradox ? Should the ban on images be seen as new form of iconophobia ? This article argues in favour of a prudent lifting of this ban, so that justice can be seen being done, to change the public's general misunderstanding of it and to give the judicial institution its rightful place on the democratic stage.
    • Emprise et déprise des images : une analyse des pratiques numériques des adolescents - Sophie Jehel p. 117-132 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Nous souhaitons dans cet article exposer les résultats d'une recherche menée entre 2015 et 2017 sur les stratégies des adolescents face aux images numériques violentes, sexuelles et haineuses en nous concentrant sur les pratiques des adolescents les plus vulnérables, en particulier ceux suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse ou par des associations de l'Aide sociale à l'enfance. Nous souhaitons éclairer la question de l'emprise des images sur les adolescents : dépasser la question de l'amour et de la haine des images, qui suppose un pouvoir des images, donc une emprise, à laquelle le public se laisse aller ou résiste au nom de ses goûts et de ses valeurs, pour interroger la possibilité d'une déprise par le développement d'autonomie et de « capabilités » face aux images violentes, sexuelles ou haineuses.
      In this article we set out the results of some research done between 2015 and 2017 on the strategies of teenagers faced with violent, sexual and hate-filled images, concentrating on the practices of the most fragile teenagers, in particular those monitored by the judicial youth protection or child welfare services. We seek to throw some light on the issue of the stranglehold images have over teenagers : to go beyond the question of loving and hating images, which supposes that images have power and therefore influence, to which the public either gives in or resists based on their tastes and values, to examine the possibility of a detachment through the development of autonomy and "capabilities" in the face of violent, sexual and hate-filled images.
  • Chronique

    • Situation de la magistrature turque Interview de Yavuz Aydin - Dragos Călin p. 135-143 accès libre
    • Entretien avec Henri Leclerc - Jean Danet p. 147-160 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À l'occasion de la parution de son ouvrage « La parole et l'action » (Fayard, 2017) Henri Leclerc, avocat au barreau de Paris et ancien président de la Ligne des droits de l'homme, revient dans cet entretien sur les moments saillants de sa carrière : les années fondatrices au contact de son maître Albert Naud, la tentation d'une carrière politique, le choix de la défense collective et la part de l'amitié et de la fraternité dans l'exercice professionnel. Pour lui, l'avocat est avant tout au service de « celui qui est là » et le sens de la défense s'éclaire sous un horizon d'humanité que partagent l'accusé et la victime.
      On the occasion of the publication of his book La parole et l'action (Fayard, 2017), Henri Leclerc, lawyer and member of the Paris Bar and former President of the French Human Rights League, looks back in this interview at some of the highlights of his career : the founding years spent working with his master Albert Naud, the temptation to enter politics, the choice of the collective defence and the role played by friendship and fraternity in his professional practice. For him, a lawyer must service "whoever is there" and the meaning of a defence is illuminated by a horizon of humanity shared by the accused and the victim.
    • Coup de vent sur l'expertise médicale ? : Réflexion sur une apparente remise en cause du cadre ordinaire de l'expertise judiciaire dans un domaine très sensible - Jean-Louis Gillet p. 163-166 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au juge tenu d'appliquer le droit à des faits dont il ne peut apprécier la teneur sans les lumières d'un technicien, une mesure d'instruction est nécessaire. Il s'en trouvera éclairé par un ou plusieurs auxiliaires désignés par lui, experts ou simples consultants présumés détenteurs d'un savoir, dont les opérations constitueront des phases essentielles du procès. Quand le litige à trancher a pour cause la recherche d'une responsabilité médicale l'expertise est concrètement la seule voie ouverte pour la vérification des faits dont le caractère dommageable est débattu.
      Judges obliged to apply the law to facts that they cannot appreciate without the explanations of a technical expert require a degree of instruction. They can be enlightened by one or more auxiliaries that they themselves appoint, experts or simple consultants presumed to have the requisite knowledge, whose interventions will constitute essential phases in the trial. When the dispute to be settled concerns matters of medical liability, expert opinion is, in concrete terms, the only way of verifying the facts whose harmful nature is debated.
    • Le juge des libertés et de détention : un magistrat qui sort de l'ombre - Ali Haroune p. 169-181 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les différentes réformes législatives dans le domaine de la procédure pénale combinées à l'évolution du statut du juge des libertés et de la détention ont profondément changé la nature des fonctions de ce magistrat. Ce dernier devient, peu à peu, le juge du contrôle de la régularité de l'enquête dans la phase préparatoire du procès pénal. Deux éléments ont été déterminants dans l'évolution de son rôle dans le contrôle de la régularité d'actes d'enquête : l'exigence de motivation de ses décisions et la prohibition des motivations dites "serviles".1 Aujourd'hui la motivation des décisions par ce magistrat est devenue une exigence législative notamment dans le domaine des autorisations concernant les techniques d'enquête spéciale mises en œuvre en matière de criminalité organisée. Ce magistrat assure désormais - sous le prisme de la liberté individuelle - le contrôle de la régularité des actes d'enquête, portant non seulement sur la légalité de la mesure, que sur l'appréciation des nécessités de l'enquête ou du respect du principe de proportionnalité.
      The different legislative reforms of legal procedure combined with changes in the status of the Liberty and Custody Judge (juge de la liberté et de la détention) have profoundly changed the role of these judges. They have gradually become the judges in charge of controlling the legality of the investigation in the preparatory phase for the criminal trial, and two elements have been decisive in the evolution of their role in controlling the legality of the investigative acts: the need to give reasons for their decisions and the prohibition of so-called "servile" reasons. Today it has become a legal requirement for these judges to explain the reasons for their decisions, particularly in the area of authorisations concerning special investigative techniques employed in organised crime investigations. They now provide - from the angle of individual freedom - control over the correct use of investigative acts, concerning not only the legality of the measure, but also the appreciation of the needs of the investigation and respect for the principle of proportionality.
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  • Quatrième de couverture - p. 188 accès libre