Contenu du sommaire : Démocratie radicale : retours critiques

Revue Raisons Politiques Mir@bel
Numéro no 75, août 2019
Titre du numéro Démocratie radicale : retours critiques
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial

  • Dossier

    • Une « démocratie radicale » pas si radicale ? : Chantal Mouffe et la critique immanente du libéralisme - Manuel Cervera-Marzal p. 13-28 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Introduite tardivement au sein de l'univers intellectuel francophone, la pensée de Chantal Mouffe fait l'objet d'un intérêt croissant. La philosophe est présentée tour à tour comme une des principales théoriciennes de la gauche radicale, comme une disciple de Carl Schmitt et comme une opposante résolue à la tradition libérale. Pourtant, de l'aveu même de la principale intéressée, Chantal Mouffe se place davantage dans le camp de la « socialdémocratie » que dans celui de la « gauche radicale », elle marque une différence fondamentale à l'égard de Carl Schmitt, et elle revendique son attachement à l'idéal libéral. Partant de ces décalages, le présent article défend l'idée que la pensée de Chantal Mouffe est perçue comme plus radicale qu'elle ne l'est réellement. Chantal Mouffe entend réformer la tradition libérale plutôt que l'infirmer.
      A “radical democracy” not so radical? Chantal Mouffe and the immanent criticism of liberalism
      Introduced belatedly into the French-speaking intellectual world, Chantal Mouffe's thought is of increasing interest. The philosopher is presented as one of the leading theoreticians of the radical left, as a disciple of Carl Schmitt and as a resolute opponent of the liberal tradition. However, according to her own admission, Chantal Mouffe is more in the “socialdemocracy” camp than in the “radical left” camp, she marks a fundamental difference with regard to Carl Schmitt, and she claims her attachment to the liberal ideal. Starting from these discrepancies, this article defends the idea that Chantal Mouffe's thought is perceived as more radical than it really is. Chantal Mouffe intends to reform the liberal tradition rather than denying it.
    • La démocratie radicale et la critique du marxisme : Démocratie, État et conflictualité - Martin Deleixhe p. 29-44 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article explore le contenu et les ambitions de la « démocratie radicale » au moyen d'une étude comparative de sa construction théorique chez deux de ses concepteurs : Chantal Mouffe et Miguel Abensour. Ce qui autorise ce rapprochement est un curieux parallèle dans leur méthode d'exposition de la « démocratie radicale ». L'un et l'autre ont choisi de la définir négativement, à partir d'une critique du marxisme. Le but de notre comparaison est double. Dans un premier temps, elle met en évidence que ces deux auteurs prennent leur distance avec le marxisme selon un mode opératoire très distinct. Alors que Mouffe milite pour que la démocratie radicale s'extraie de la gangue devenue trop étroite du marxisme, Abensour choisit en revanche d'exhumer un texte de jeunesse de Marx pour montrer que ce dernier s'était fait le chantre de la « vraie démocratie ». Dans un deuxième temps, cette étude montre que ce choix théorique charrie de lourdes conséquences politiques, menant à des appréhensions contrastées chez Chantal Mouffe et Miguel Abensour de la relation triangulaire entre démocratie, État et conflictualité.
      Radical democracy and the critique of Marxism. Democracy, state and conflict
      This article explores the content and ambitions of “radical democracy” through a comparison of its theoretical construction in the work of two of its originale thinkers: Chantal Mouffe and Miguel Abensour. What justifies this comparison is a curious parallel in the way both authors developed the concept. They opted to define “radical democracy” negatively through a critique of Marxism. The goal of this comparison is twofold. First, we highlight that, beyond this similarity, the inner logics of their respective critique differ widely. Whereas Chantal Mouffe advocates for radical democracy to break free from the rigidness and the determinacy of Marxism, Miguel Abensour goes back to a text of the young to emphasize its intriguing reference to a “real democracy”. Second, we show that these theoretical choices have important political consequences and lead to contrasted assessments of the triangular relation between democracy, State, and conflict.
    • Démocratie radicale et représentation chez Cornelius Castoriadis et Ernesto Laclau - Arnaud Tomès p. 45-61 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article soulève le problème du rapport entre démocratie et représentation au sein des théories de la démocratie radicale. Il compare les pensées de Cornelius Castoriadis et d'Ernesto Laclau en ce qui concerne l'opportunité d'une représentation du peuple au sein d'un régime politique démocratique. Il apparaît alors clairement une opposition entre ces deux pensées : alors que Castoriadis montre l'incompatibilité entre l'idée d'un auto-gouvernement du peuple et d'une délégation de pouvoir, Laclau insiste au contraire, dans La raison populiste, sur la nécessité de la représentation pour la constitution d'un sujet politique. Il s'ensuit une différence très nette entre eux sur la place de la démocratie représentative : si la démocratie radicale de Laclau considère la démocratie représentative comme son lieu naturel de déploiement, Castoriadis insiste sur la nécessité de dépasser ce cadre formel afin de promouvoir des pratiques authentiquement démocratiques.
      Radical democracy and representation in Cornelius Castoriadis and Ernesto Laclau's thoughts
      This articles raises the problem of the relationship between democracy and representation in the theories of radical democracy. It compares the thoughts of Cornelius Castoriadis and Ernesto Laclau concerning the opportunity of the people's representation inside a democratic regime. Then clearly appears an opposition between these two thoughts: whereas Castoriadis shows that the people's self government is not compatible with the delegation of power, Laclau, on the contrary, stresses on the necessity of representation for the constitution of a political subject. It follows that there is a very strong difference between them relating to the place of representative democracy: if Laclau's radical democracy considers representative democraty as a natural place for its display, Castoriadis emphasizes the necessity to exceed this formal structure as to promote genuine democratic experiences.
    • La démocratie radicale entre action et institution : De la politique adversariale à la politique préfigurative - Audric Vitiello p. 63-93 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La démocratie radicale propose une conception activiste de la politique démocratique, érigeant la participation active à l'exercice du pouvoir en condition nécessaire de l'accès à l'autonomie individuelle et collective. Cet activisme implique le dynamisme d'une démocratie toujours en devenir, marquée par la transformation récurrente, voire continue, des structures comme des acteurs sociopolitiques. L'action politique est ainsi appelée à prendre en charge le processus d'institution des subjectivités démocratiques, soit à travers la confrontation conflictuelle avec l'altérité dans l'espace public, soit à travers l'expérimentation préfigurative de socialités alternatives. Cette perspective théorique fait ainsi écho à la tendance croissante des mouvements sociaux contemporains à adopter des modes d'action préfiguratifs, visant, à travers la création de structures et de relations sociales alternatives, à impulser de nouveaux processus de formation des subjectivités, susceptibles de concurrencer la socialisation antérieure, et de favoriser l'émergence de sujets animés d'un ethos à la fois réflexif et actif, plus favorable à l'engagement dans la pratique démocratique et à l'accès à l'autonomie.
      Radical democracy between action and institution: from adversarial to prefigurative politics
      Radical democracy develops an activist conception of democratic politics, according to which active participation to the exercise of power is a necessary precondition for accessing to both personal and collective autonomy. Activism implies dynamism: democracy is seen as an ongoing, forward-looking process, tasked with the recurrent and reciprocal transformation of both sociopolitical structures and actors. Thus political action has to deal with the process of institution of democratic subjectivities, either through the public confrontation with differences and opponents, or through the prefigurative experimentation of alternative social relations and activities. This theoretical perspective echoes the growing tendency of contemporary social movements to rely on prefigurative actions: the invention of alternative structures or situations intents to impulse new processes of socialization, more conductive to a new ethos, both more active and more reflexive, better able to support the involvement in democracy and the access to autonomy.
    • L'harmonie discordante : un schème pour penser radicalement l'institution de la démocratie - Sophie Klimis p. 95-109 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En partant d'un double questionnement tiré de l'observation des mouvements contemporains dits « des places » et de la singularité de l'institution politico-rituelle des Grandes Dionysies dans l'Athènes classique, il s'agit ici de penser la possibilité d'une démocratie radicale envisagée en tant qu'institution, dans le sillage du projet d'autonomie de Cornelius Castoriadis plutôt que de la démocratie sauvage de Claude Lefort. Pour ce faire, on propose un nouveau schème de pensée politique : celui de l'harmonie discordante. Ce schème vise à rendre pensable la dynamique dialectique de l'institution démocratique, telle qu'elle résulte des mouvements contradictoires qui l'habitent : celui de la recherche de la stabilité
      Discordant harmony: a scheme to radically rethink the institution of democracy
      Questioning the contemporary square citizen movements and the singularity of the political- ritual institution of the Great Dionysia in classical Athens, this paper is about the possibility to consider radical democracy as an institution, following Cornelius Castoriadis's project of autonomy rather than Claude Lefort's “Savage democracy”. Therefore a new scheme of political thought will be proposed: discordant harmony. This scheme aims at thinking the dialectical dynamics of the democratic institution, resulting from its contradictory movements: the impulse searching for stability in an instituted tradition, and the impulse of critique, that is of renewing with instituting creation up to the extreme point ofinsurrection.
  • Recension critique