Contenu du sommaire : Étrangers sans toit ni lieu
Revue | Plein droit |
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Numéro | no 122, octobre 2019 |
Titre du numéro | Étrangers sans toit ni lieu |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Édito
Dossier - Étrangers sans toit ni lieu
- Pas de place pour les étrangers ? - Violaine Carrère, Claire Lévy-Vroelant p. 3-5
- Quand l'accueil se heurte aux logiques de police - Jean-Marie Boutiflat, Pascaline Chappart p. 6-9 Membre du conseil d'administration national de la Fédération des acteurs de la solidarité pendant de nombreuses années, permanent à l'Asti d'Orléans, Jean-Marie Boutiflat a été le gestionnaire du Centre d'accueil des demandeurs d'asile (Cada) de l'association Toits du Monde à Orléans. Ouvert en 2001, ce Cada a été contraint de fermer ses portes en 2013 du fait des sanctions et des injonctions contradictoires préfectorales. Ce « praticien du pouvoir d'agir », comme il se présente, retrace ces douze années de résistance contre l'intrusion des logiques de police dans l'action sociale.
- Mineurs isolés, l'hôtel pour seule protection - Maud Angliviel, Solène Ducci p. 10-13 Bien que les répercussions de la vie en hôtel social soient aujourd'hui connues (difficultés scolaires, instabilité, etc.), de plus en plus de mineurs isolés étrangers y sont hébergés au titre de leur prise en charge par les services de la protection de l'enfance. Une prise en charge minimaliste, inadaptée aux besoins de ces adolescents.
- Ouvrir : l'accueil au Pays basque - Marie Cosnay p. 14-17 L'écrivaine Marie Cosnay partage dans ce texte son expérience d'accueil d'exilés au Pays basque et notamment à Bayonne où le maire fait preuve d'un engagement et d'une conscience des obligations de sa fonction peu communs. Entre possibilités de circuler, offre d'une halte réparatrice et accueil durable, habitants, militants et autorités locales proposent des alternatives à une politique d'inhospitalité qui continue de façonner le quotidien de celles et ceux qui arrivent en France.
- Des foyers aux résidences sociales : un racisme d'État - Michael Hoare p. 18-21 Créés tantôt par les immigrés eux-mêmes, tantôt par les syndicats patronaux, tantôt par l'État, sous la bannière Sonacotra, tantôt encore par des associations, les foyers de travailleurs migrants n'ont jamais été une priorité pour les pouvoirs publics et sont aujourd'hui largement laissés à l'abandon. Les résidents, dont le statut n'a jamais été celui de locataires véritables, pouvaient organiser une vie collective qui compensait l'inconfort des bâtiments. La transformation des foyers en « résidences sociales » fait perdre cette dimension.
- Cohabitation sous contrainte - Laura Guérin p. 22-25 Commencée il y a une vingtaine d'années, la transformation des foyers de travailleurs migrants en résidences sociales a fait du studio individuel le nouveau lieu de vie des résidents. Ce faisant, les anciens espaces collectifs ont disparu, n'autorisant que quelques activités collectives très encadrées. L'observation de trois de ces résidences, dans la région parisienne, montre cependant que le même quotidien perdure. Par de multiples tactiques spatiales et temporelles, les résidents reconstruisent un chez-eux, mais aussi un lieu de sociabilité.
- Un sas de confinement pour les « dublinés » - Léopoldine Manac'h p. 26-29 Un paysage industriel composé d'entrepôts en tôle, une zone de transit pour camions de marchandises, et un hôtel Formule 1 transformé à la va-vite en « Prahda », tel est le décor de l'une de ces structures créées pour l'hébergement de demandeurs d'asile en attente d'être éventuellement transférés dans un autre pays européen, en application du règlement « Dublin ». Dans ce lieu de « rétention à l'air libre », dépourvu d'espaces de vie collective, 90 exilés tentent de rendre leur quotidien vivable.
- Le « droit au logement »… pas pour tous - Julie Clauzier p. 30-32 Adoptée il y a plus de dix ans, la loi Dalo a consacré le caractère universel du droit au logement en obligeant l'État à trouver une solution de logement aux personnes en situation d'urgence. Des voies de recours devraient permettre de rendre ce droit effectif et contraignant. Or, cet accès au logement n'est pas le même pour tous. Pour les personnes étrangères, il est soumis à des conditions restrictives et fait l'objet de pratiques abusives de la part de l'administration, conduisant à un phénomène de renoncement aux droits et à un retour aux solutions précaires d'hébergement et de logement informels.
Hors-thème
- Quand la Géorgie se vide de ses femmes - Maroussia Ferry p. 33-36 Les bouleversements provoqués par la chute de l'URSS ont touché tout particulièrement la Géorgie. La crise économique majeure qui a éclaté alors dans un contexte politique chaotique a entraîné, dès 1991, des flux massifs d'émigration. Caractérisés par leur forte féminisation, ces mouvements migratoires ont provoqué des perturbations qui traversent la société géorgienne actuelle.
- La Cour de l'asile, une usine à décisions - Léo Berthe p. 37-40 Comme toutes les institutions traversées par la question migratoire, la Cour nationale du droit d'asile n'a pas échappé à la logique comptable qui s'est peu à peu imposée dans ce domaine. Réduire les délais d'examen des demandes d'asile, non pour juger mieux et dans un temps raisonnable mais pour faire du chiffre : tel est l'unique objectif des pouvoirs publics, quel qu'en soit le coût pour les personnels et les demandeurs d'asile.
- Quand la Géorgie se vide de ses femmes - Maroussia Ferry p. 33-36
Mémoire des luttes
- Mémoire des luttes : Outre-mer : le combat de Marie - p. 41-44 Marie Duflo nous a quitté·es le 16 septembre 2019. Infatigable militante de la cause des étrangers et étrangères, elle était membre du Gisti depuis vingt ans et en a été la secrétaire générale pendant dix ans. Précieuse, efficace et discrète, elle s'est investie sans compter dans toutes les activités sans lesquelles le Gisti ne serait pas ce qu'il est : les publications, les formations, l'actualisation et l'enrichissement du site, le recrutement et l'encadrement des stagiaires… Mais Marie était aussi de tous les combats politiques. On connaît en particulier son engagement pour la défense des droits des migrant·es en outre-mer et son rôle moteur pour animer le Collectif MOM (Migrants Outre-mer) à la création duquel elle avait pris une part déterminante. À de nombreuses reprises, seule ou avec d'autres, elle a contribué, dans Plein droit, à mettre le projecteur sur ces « terres d'exception » où la France mène, plus encore qu'en métropole, une guerre acharnée contre les migrant·es.
- Mémoire des luttes : Outre-mer : le combat de Marie - p. 41-44
Le focus juridique
- La Cour de cassation évacue le droit à la protection du domicile - Patrick Henriot p. 45-48 Encouragés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme1, les habitants de terrains ou d'immeubles occupés invoquent souvent, devant les juridictions saisies de demandes d'expulsion, le droit à la protection de leur domicile. Certes, l'argument ne permet pas toujours, loin s'en faut, d'obtenir le rejet de la demande. Mais la Cour de cassation avait au moins admis qu'il ne pouvait être statué qu'à l'issue d'une évaluation comparative, d'une part de l'atteinte portée aux droits du propriétaire du fait de l'occupation de son bien et, d'autre part, de l'atteinte au droit à la protection du domicile des habitants qui résulterait d'une décision d'expulsion. Par un arrêt du 4 juillet 2019, elle revient pourtant sur cet acquis : se rebellant contre la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, elle dispense a priori les juges de ce contrôle de proportionnalité. Ce faisant, elle se rallie aux intérêts des seuls propriétaires au détriment de celles et ceux, souvent des personnes étrangères, pour qui une installation précaire est la seule alternative à la rue.
- La Cour de cassation évacue le droit à la protection du domicile - Patrick Henriot p. 45-48