Contenu du sommaire : Perception et gestion des risques en Asie du Sud-Est

Revue Moussons : Recherche en Sciences Humaines sur l'Asie du Sud-Est Mir@bel
Numéro no 34, 2019
Titre du numéro Perception et gestion des risques en Asie du Sud-Est
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • In memoriam

  • Articles

    • Perception et gestion des risques en Asie du Sud-Est : une introduction - Bernard Formoso p. 13-20 accès libre
    • De l'incertitude au risque : un outil heuristique - Laurent Dousset p. 21-48 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La notion de risque (ou de perception du risque) est complexe, car elle renvoie de façon intrinsèque à des présents ethnographiques spécifiques qui rendent l'approche comparative difficile. La perception d'un risque est la conséquence de logiques et de dynamiques sociales qui ont permis l'émergence de consensus contextuels à son égard. Cet article s'intéresse à ces processus d'émergence en postulant qu'ils adviennent à des moments et dans des lieux où la réalité vécue ou observée ne reflète pas l'horizon des attentes. Il s'agit alors de situations d'incertitude qui s'avèrent être des moments privilégiés de l'enquête ethnographique. L'article discute les fondements d'une telle anthropologie de l'incertitude, puis l'illustre par un cas d'étude qui traite de la représentation de l'État que véhiculent les habitants du sud de l'île de Malekula.
      The notion of risk (or perception of risk) is complex because it intrinsically refers to specific ethnographic presents that make the comparative approach difficult. The perception of risk is the consequence of social rationales and dynamics from which a contextual consensus have merged. This paper investigates these processes of emergence through the suggestion that they occur in moments and situations in which lived or observed realities do not reflect the horizon of expectations. These are situations of uncertainty that prove to be productive moments for ethnographic enquiry. The article discusses the foundations of such an anthropology of uncertainty, then illustrates the approach through a case study that investigates the representations of the State that articulate the inhabitants of the southern part of the island of Malekula.
    • La pollution de l'air en Thaïlande du Nord : d'un phénomène saisonnier à une crise écologique - Olivier Évrard, Mary Mostafanezhad p. 49-69 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Durant la saison sèche, entre février et avril, un épais nuage de pollution recouvre une grande partie de l'Asie du Sud et du Sud-Est, provoquant de nombreux problèmes sanitaires (maladies respiratoires) et économiques (baisse de la fréquentation touristique, perturbation du trafic aérien). Contrairement aux aspects physico-chimiques et biophysiques (absence de précipitations en saison sèche, inversion des températures, combustion de biomasse notamment), les facteurs sociaux et économiques à l'origine de ce phénomène n'ont pas (ou peu) été étudiés pour l'instant. Dans le cadre d'un projet collaboratif nous montrons que ce nuage de pollution est aussi une production sociale : usages coutumiers du feu pour la gestion des forêts et des champs, transitions rapides vers l'agriculture de marché, exode rural, résidences secondaires dans les campagnes et développement de l'économie touristique, etc. Tous ces éléments contribuent à la constitution de savoirs, de récits et de représentations sur l'environnement qui font partie intégrante du problème de la pollution de l'air : ils en questionnent l'ancienneté, la réalité et la mesure ; ils en désignent fréquemment les responsables, avec pour conséquence de renforcer les divisions, réelles ou fantasmées, entre groupes ethniques, entre classes sociales ou entre urbains et ruraux ; enfin, ils sont repris, tout ou partie, par les décideurs locaux et influencent directement les politiques environnementales. Notre article présente les premiers résultats d'une recherche démarrée à l'automne 2018, en insistant sur son apport pour la sociologie de la connaissance, l'ethnologie de l'Asie du Sud-Est et l'anthropologie des crises environnementales en zone tropicale.
      Each year, between February and April, a thick cloud of haze pollution blankets South and Southeast Asia, triggering numerous environmental, health (respiratory diseases) and political-economic problems (reduced tourist numbers, air traffic disruptions). While the physio-chemical and biophysical drivers (lack of rainfall in the dry season, temperature inversion, biomass combustion in particular) of seasonal air pollution have been extensively studied, the social and economic drivers and consequences are much less well understood. In this paper we argue that the recently dubbed, “haze crisis”, is mediated by historically situated narratives of upland–lowland, Thai–ethnic and urban–rural relations that co-constitute environmental knowledge of the causes and effects of air pollution. In this way, air pollution is as much socially as it is materially produced through, for example, customary uses of fire for forest management and agrarian transitions to plantation agriculture. Further, these long-standing social divisions drive environmental knowledge and policy in the region that often challenges rural livelihoods familiar as well as novel ways. Our article presents the first results of a research project started in autumn 2018, focusing on its contribution to the sociology of knowledge, the ethnology of Southeast Asia and the anthropology of environmental crises in tropical areas.
    • Migration, gestion des risques et patrimoine foncier : de l'Isan à Bangkok - Gwendoline Promsopha p. 71-93 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article participe à une littérature émergente sur la migration, les arrangements fonciers et la vulnérabilité – gestion des risques – dans les pays en développement. En partant de données collectées auprès des migrants venant de l'Isan et installés à Bangkok, nous qualifions les arrangements fonciers mis en œuvre sur les terres des migrants et impliquant souvent des membres de la famille restés sur place. Dans un second temps, nous évaluons la situation économique de ces migrants en termes de risques et étudions la place des arrangements fonciers et leur fonction dans les stratégies de gestion des risques. Le patrimoine foncier rural reste important comme filet de sécurité pour les migrants, même installés à Bangkok depuis de nombreuses années et sans volonté spécifique de retour au village.
      The paper contributes to an emerging literature on rural-urban migration, land arrangements and risk management in developing countries. Using data collected among migrants from the Northeast of Thailand and living in Bangkok, we describe the land arrangements and contract that are often settled with family members. Then, we qualify the nature of the risk and instability encountered by migrants in their new environment, and the risk-coping mechanisms that are available to them. Finally, we assess the specific role of land assets and land arrangements in these mechanisms. We find that farm land remains a significant safety net for migrants, even when they have migrated for many years and do not consider a future return to their village.
    • Crises sociétales : trois réponses locales en Isan (Thaïlande) - Bernard Formoso p. 95-107 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À travers l'évocation de trois crises majeures vécues par des localités du Nord-Est de la Thaïlande, dont chacune relève d'une configuration de risques différente (dilution des rapports sociaux et risque de désintégration du corps social ; non-respect des règles cosmologiques ; intrusion d'esprits maléfiques), l'auteur examine les réponses qui ont été apportées à ces évènements dramatiques par les communautés locales. Deux des crises étudiées illustrent d'autre part les tensions existant entre l'État thaïlandais et les populations rurales du Nord-Est en matière de développement et de gestion de problèmes de société.
      Through the narrative of three major crises experienced by local communities in the North-East of Thailand, each of which exemplifying a different configuration of risks (breakdown of the community, non-compliance with cosmological rules, intrusion of evil spirits), the author examines the responses that have been made to these dramatic events. Two of the crises studied also illustrate the tensions between the Thai state and the peasantry in terms of development and management of social problems.
    • Substances chimiques et peurs alimentaires au Cambodge - Ève Bureau-Point, Seyha Doeurn p. 109-140 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les substances chimiques (ជាតិគីមី jāti gīmī) présentes dans l'alimentation font l'objet d'une préoccupation collective croissante au Cambodge. Malgré leur caractère invisible, l'idée selon laquelle les aliments contiennent des résidus chimiques néfastes pour la santé, a fait son chemin. Tout un ensemble de peurs alimentaires émergent. Un nouvel imaginaire des aliments se répand et chacun tente de mettre en place des stratégies pour s'arranger avec la peur de la contamination. À partir d'une étude ethnographique réalisée au Cambodge entre juin 2018 et mars 2019 auprès de citadins, d'agriculteurs, de vendeurs de riz, de produits frais et de vendeurs d'intrants agricoles, cet article rend compte des imaginaires collectifs des aliments et des accommodements qui s'élaborent en réaction à la peur de la contamination.
      Chemical substances (ជាតិគីមី jāti gīmī) in food is a source of growing concern in Cambodia. Despite the invisibility of these substances, the idea that food contains chemical residues harmful to health is gaining ground. A full range of food scares emerge. A new imaginary of food is spreading and everyone try to develop strategies to arrange with the fear of being contaminated. Based on an ethnographic study conducted in Cambodia between June 2018 and March 2019 with urban people, farmers, rice, fresh fruits, vegetables and input sellers, this article examines the collective imaginaries of food and the adaptations developed in response to the fear of being contaminated.
    • Un espace social « viable » dans un environnement « à risque » ? Réinstallation post-catastrophe et relations à l'espace sur le volcan Merapi (Java, Indonésie) - Adeline Martinez p. 141-167 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article a pour objectif de mettre en lumière les modes de territorialité de l'espace social d'un village des hautes terres du volcan Merapi (à Java en Indonésie), récemment réinstallé à la suite d'une éruption majeure en 2010. Il cherche à montrer dans quelles mesures le relèvement post-catastrophe du village – caractérisé par les nécessités liées à la reconstruction de l'habitat villageois et à la reconstitution des moyens d'existence de ses habitants – s'appuie sur des modes spécifiques de relations à l'environnement volcanique. L'analyse de ces derniers nous permettra d'expliquer pourquoi, même après la réinstallation de ce village hors des zones étiquetées « à risque » par les instances gouvernementales de gestion des risques indonésiennes, les habitants continuent de maintenir des liens intenses et quotidiens avec ces espaces. Ce faisant, nous serons en mesure de comprendre pourquoi, selon les points de vue des habitants, les espaces des hautes terres du volcan sont davantage perçus sous l'angle de leur viabilité plutôt que dans la perspective du danger que peuvent constituer les aléas volcaniques.
      This article aims to highlight the territoriality's modes of the social space of a village located in the Merapi volcano uplands (Java in Indonesia) and recently resettled after a major eruption in 2010. It seeks to show how the post-disaster recovery context —characterized by the necessities related to the reconstruction of the village's settlement and the recovery of the livelihoods of its inhabitants — relies on specific modes of relations with volcanic environment. These analysis will allow us to explain why, even after the resettlement of this village outside the labeled “at risk” areas by Indonesian disaster and risk management authorities, inhabitants continue to maintain intense and daily ties with the uplands. In doing so, we will be able to understand why, according to the points of view of the inhabitants, the volcano's uplands spaces are perceived more from the point of view of their livability rather than from the perspective of the danger of volcanic hazards.
  • Note de recherche

    • Faire face aux risques et à l'incertitude : les réponses d'un village du nord de la Thaïlande - Alexandre Marouen p. 169-184 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cette note de recherche, je décris les réponses développées par une communauté villageoise du nord de la Thaïlande pour se prémunir des divers risques et de l'incertitude auxquels elle est confrontée. Dans un premier temps, je présente les bouleversements récents qu'a connus le village, tant sur le plan agricole que social et économique. Dans un second temps, j'analyse les conséquences de ces évolutions en affirmant que, dans le contexte contemporain, les villageois sont soumis à des nouveaux risques et ressentent une profonde incertitude quant à l'avenir de leur communauté. Face aux risques, les réponses sont de moins en moins locales et il y a une dépendance envers des structures et des acteurs supra-villageois. En revanche, je montre que la communauté mobilise une multitude de moyens religieux pour apaiser l'incertitude de l'existence, et qu'elle développe une activité touristique qui soulage les inquiétudes envers l'avenir.
      In this article, I describe the answers of a northern Thailand village community to protect itself against the varied risks and the uncertainty which it faces. Firstly, I present the major agricultural, economic and social changes lived by the village recently. Secondly, I analyze the consequences of these evolutions by claiming that, in the contemporary situation, villagers are subject to new risks and suffer from a deep feeling of uncertainty regarding their community's future. Before risks, the answers are less and less local and there is a dependency on actors and organizations beyond the village level. By contrast, I show that the community relies on numerous religious means to appease the feelings of uncertainty, and that it is developing a touristic activity helpful in relieving concerns towards the future.
  • Article de compte rendu

  • Comptes rendus