Contenu du sommaire
Revue | Revue Française de Sociologie |
---|---|
Numéro | vol. 60, no 3, juillet-septembre 2019 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Varia
- Raymonde Moulin, 19 février 1924 – 9 août 2019. Hommage à une grande personnalité de la sociologie française - Pierre-Michel Menger p. 335-340
- Proximité spatiale, distance raciale : Analyser la spatialisation des infractions racistes - Abdellali Hajjat, Cécile Rodrigues, Narguesse Keyhani p. 341-383 Cet article soulève la question de la relation entre la probabilité d'occurrence des infractions racistes et les caractéristiques socio-démographiques du territoire. Il s'agit d'abord de faire un état des lieux de la littérature étasunienne et britannique sur la spatialisation des actes racistes en dégageant trois pôles (surdétermination des variables économiques, des variables démographiques, et combinaison des variables économiques et démographiques) et une série d'hypothèses (pouvoir menaçant, pouvoir différentiel, « quartier à défendre »), puis de tester celles-ci à partir du cas français. L'analyse des données géographiques issues d'une enquête collective, portant sur 483 affaires d'infractions racistes traitées dans deux tribunaux correctionnels français, et leur traitement statistique (tris croisés et régression logistique) contestent la thèse du « quartier à défendre », la plus partagée dans la littérature existante, parce qu'elle ne rend compte que d'une partie des actes racistes. Il est préférable de distinguer « racisme de proximité » et « racisme à distance » ainsi que quatre configurations spatiales spécifiques : de voisinage, de « conquête », de « défense » et de neutralité territoriale. Le croisement des données spatiales avec une série d'indicateurs met en lumière l'influence de variables à la fois économiques, sociales et démographiques dans l'occurrence des actes racistes. Ainsi, en prolongeant l'analyse de Jean-Claude Chamboredon et Madeleine Lemaire sur les conflits sociaux dans les grands ensembles français, l'article montre que la proximité spatiale s'articule avec distance sociale et raciale, favorisant les infractions racistes.Spatial proximity, racial distance: analysing the spatialization of racist offences
This article raises the question of the relationship between the probability of racist offences occurring and the sociodemographic characteristics of a particular area. It begins by presenting an overview of the American and British literature on the spatialization of racist acts, and identifying three poles (over-determination of economic variables, demographic variables and a combination of economic and demographic variables) and a series of hypotheses (threatening power, differential power, "defended neighborhood"). It then tests these hypotheses based on the French case. The analysis of geographical data from a collective study of 483 cases of racist offences appearing before two French correctional courts, and their statistical treatment (cross tabulation and logistic regression) challenge the dominant hypothesis in the existing literature, that of "defended neighborhoods", because it only accounts for a portion of racist acts. It is preferable to identify "local racism" and "remote racism" as well as the specific configurations in which it occurs: neighborhood, "conquest", "defense", and territorial neutrality. By correlating spatial data with a range of indicators, this article sheds light on the influence of economic, social, and demographic factors in the occurrence of racist acts. Following on from the work done by Jean-Claude Chamboredon and Madeleine Lemaire on social conflicts in French housing estates, this article shows that spatial proximity works in connection with social and racial distance to make racist offences more likely. - Saisir la position sociale des ménages : une approche par configurations - Joanie Cayouette-Remblière, Mathieu Ichou p. 385-427 Cet article propose une approche originale pour appréhender la position sociale des ménages, susceptible d'améliorer la description et l'explication sociologiques de nombreux objets d'étude. Cette approche configurationnelle, qui repose sur l'usage successif d'analyse géométrique des données et de classifications, permet de prendre en compte à la fois plusieurs membres d'un ménage et plusieurs dimensions de la stratification sociale. Elle est appliquée à deux enquêtes nationales représentatives : « Trajectoires et origines » (TeO, Ined/Insee, 2008) et le « Panel d'élèves entrant dans le secondaire en 2007 » (DEPP-MEN). En plus des variables classiques comme la profession ou le niveau d'éducation, les configurations construites mettent en évidence le poids des variables résidentielles, ainsi que le rôle de la situation familiale et de l'origine migratoire dans la différentiation sociale des ménages. Pour finir, l'article démontre que les configurations ont un pouvoir explicatif supérieur à celui des approches classiques de la position sociale.Capturing household social position: a configurational approach
This article presents an original method for capturing household social position, a configurational approach likely to improve sociological description and explanation of a number of points in this research area. The method consecutively uses geometric data analysis and classification, making it possible to account at once for several household members and several social stratification dimensions. We applied it to two French nationwide representative surveys: Trajectories and Origins (Trajectoires et origines or TeO, Ined/Insee 2008) and a panel survey of students starting secondary school in 2007 (Panel d'élèves entrant dans le secondaire en 2007, DEPP-MEN). In addition to classic variables like occupation or educational attainment, the configurations thus constructed bring to light the impact of residential variables on social differentiation of households together with the role played by family situation and migration origin. The article concludes by showing that configurations have stronger explanatory power than classic approaches to social position. - Une expertise de marché : anticipations marchandes et construction des méthodes toxicologiques dans la réglementation des produits chimiques aux États-Unis - David Demortain, Henri Boullier p. 429-456 L'évaluation des risques des produits est souvent un préalable à leur mise sur le marché. Cette évaluation s'appuie sur une expertise scientifique, fréquemment accusée de privilégier les intérêts des industries assujetties, du fait de l'emprise de ces dernières sur l'économie politique de la science. À partir de l'histoire d'une méthode d'évaluation des produits chimiques promue par l'Environmental Protection Agency (EPA) dès les années 1980, la modélisation des relations structure-activité, cet article examine le rôle respectif des industries et des administrations dans la conception, l'utilisation et la standardisation de l'expertise scientifique des produits. La structuration progressive du travail d'évaluation de l'EPA autour des relations structure-activité, une approche jusque-là plutôt mobilisée par l'industrie pour le développement de nouvelles molécules, montre que cette expertise est le fruit d'une série d'anticipations croisées des industriels et de l'administration en charge de sa réglementation, concernant le marché en train de se former et la somme des biens, incertains, qui le constitue. Plutôt qu'une capture des agences par les industries, le cas étudié ici montre comment les interactions entre une administration, des scientifiques et des entreprises ont participé au développement d'une expertise de marché.Scientific expertise in the marketplace: market expectations and the construction of toxicology methods in chemicals regulation in the United States. Risk assessment of products is often a prerequisite to authorize their placing on the market. This assessment is based on expert scientific evaluation, and is more and more frequently accused of putting industry interests first given the hold of the latter over the political economy of science. Building on the history of a risk assessment method for chemicals promoted by the Environmental Protection Agency (EPA) from as early as the 1980s - the modeling of structure-activity relationships - this article examines the respective roles of industry and government agencies in the design, use, and standardization of the scientific evaluation of products. The fact that the EPA's assessment work was progressively organized around structure-activity relationships - an approach previously used more frequently by the industry itself to develop new molecules - shows that this evaluation was the result of a series of intersecting expectations, on the part of industry actors and of the government agency in charge of its regulation, that related both to the nascent market and to the sum of the (uncertain) goods constituting it. Rather than agency capture on the part of industry, the case studied here shows how interactions between a government agency, scientists, and businesses contributed to the development of a market-oriented form of expert evaluation.
- L'art de ne pas gouverner les conduites : Étude de la conception des campagnes de prévention en nutrition - Camille Boubal p. 457-481 Cet article porte sur l'étude de la conception d'un instrument d'information et d'éducation, les campagnes de communication en nutrition. Au nom de la santé publique, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) diffuse, depuis 2001 en France, des messages sanitaires qui incitent le grand public à respecter des principes de l'équilibre alimentaire (manger 5 fruits et légumes, réduire le sucre, le gras et le sel) et pratiquer une activité physique régulière. Les opérations par lesquelles les conduites alimentaires sont rendues gouvernables ne se font pourtant pas sans mal. Nous montrerons que les concepteurs de cet instrument doivent en effet concilier des logiques plurielles, voire contradictoires : être en accord avec les repères nutritionnels tout en évitant un affrontement direct avec le secteur privé, concilier l'expertise publicitaire avec des contraintes institutionnelles et des principes d'éducation pour la santé. Régler ces systèmes de compatibilité éclipse progressivement l'enjeu d'efficacité auprès de la population générale.The art of not governing behaviors: a study of prevention campaign design in the area of nutrition
This article studies the design of a policy instrument for informing and educating the public; specifically, public communication campaigns to promote healthy nutrition. Since 2001, in the name of public health, French National Institute for Health Education and Prevention (INPES) has been diffusing health messages encouraging the population to follow the principles of a balanced diet (eating five fruits and vegetables a day; reducing sugar, salt and fat intake) and to get regular physical exercise. However, running these operations for making eating behaviors governable has proved no easy matter. Designers of the instrument have had to reconcile several different and indeed contradictory imperatives: complying with nutritional recommendations while avoiding direct confrontation or clashes with the private sector; and reconciling advertising savvy with institutional constraints and health education principles. The question of how to regulate these compatibility systems has gradually eclipsed the issue of effectively informing and educating the general public. - Commentaire de l'article : « L'objectivité sous contrôle », de Claire Vivès - Luc Behaghel, Marc Gurgand, Bruno Crépon p. 483-487
- Réponse à Luc Behaghel, Marc Gurgand et Bruno Crépon - Claire Vivés p. 489-491
Les livres
- Les livres - p. 493-522