Contenu du sommaire : Asie du Sud-Est : fractures économiques et recomposition politique

Revue Revue internationale de politique comparée Mir@bel
Numéro vol 8, no 3, hiver 2001
Titre du numéro Asie du Sud-Est : fractures économiques et recomposition politique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Asie du Sud-Est : fractures économiques et recomposition politique

    • Asie du sud-est : fractures économiques et recomposition politique - Gérard Hervouet accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'Asie du Sud-Est a été profondément fragilisée par la crise économique de 1997. Les impacts sont multiples mais ils apparaissent d'emblée d'ordre économique ce qui a pour effet de concentrer dans ce domaine l'imputabilité des raisons les plus fondamentales de cette grave déstabilisation régionale. Le regard politique, porté plus en amont, ne peut toutefois manquer de discerner les failles de systèmes politiques conçus pour pérenniser la domination de pouvoirs traditionnels. Ces particularités politiques du marché régional et des économies émergentes étaient bien connues, elles étaient documentées et même valorisées dans une certaine mesure par des institutions comme la Banque mondiale. Le choc de 1997 a frappé les pays les plus vulnérables en précipitant surtout la déstabilisation de l'Indonésie dont on anticipait cependant la crise inéluctable de succession. Dans un moment fondamental pour son avenir, l'ASEAN fut incapable d'intervenir. Les changements politiques enregistrés depuis lors dans un grand nombre d'États sont importants mais n'apparaissent pas d'emblée majeurs. Partout une recomposition de l'ordre politique est observée malgré la poussée en parallèle d'une société civile en quête de projets de société alternatifs.
      South-East Asia : economic fractures and political reshuffling. South-East Asia was greatly weakened by the 1997 economic crisis. There were numerous impacts but all appeared from the outset to be economic, which has had the effect of concentrating the attribution of the most fundamental reasons for this serious regional destabilisation on economic causes. The political view, taken further upstream, can not however fail to highlight faults in the political systems, designed to prolong the dominance of traditional powers. These specific political features of the market and emerging economies were well known; they were documented and even hailed to a certain extent by such institutions as the World Bank. The 1997 shock hit the most vulnerable countries above all by precipitating the destabilisation of Indonesia, which was nevertheless expected to undergo the unavoidable crisis of succession. At a crucial moment in terms of its future, ASEAN was incapable of intervening. The political changes seen since then in many States are significant but at first sight do not appear to be major. Throughout the area, political reshuffling has been observed in spite of the concurrent pressure from a civil society in search of alternative social projects.
    • Mondialisation et souveraineté : une réévaluation de leur lien. - Amitav Acharya accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les États en Asie ont généralement considéré favorablement la mondialisation malgré le risque qu'elle a toujours fait peser sur leur souveraineté. La mondialisation n'a pas seulement été employée pour augmenter la puissance et la position des États dans le système international, comme on pourrait l'attendre de relations internationales conventionnelles, mais aussi d'une manière plus fondamentale, pour assurer la sécurité et la légitimité du régime. Cette dernière dimension a toujours été déterminante dans la formation des attitudes et des réponses à la mondialisation. Le risque de perte de souveraineté a été ignoré ou même jugé acceptable là où des formes spécifiques de la mondialisation (comme la production transnationale) pouvaient être aménagées pour servir les objectifs de survie et de légitimité des régimes autoritaires. Les États ont, en outre, recherché à limiter leur exposition et leur participation au processus de mondialisation (comme dans le cas de la transmission des valeurs libérales) quand il était en conflit avec la sécurité du régime. En conséquence, l'attitude des États asiatiques à l'endroit de la mondialisation demeure la prudence.
      Globalisation and sovereignty : a reassessment of their connection. Asian States have generally taken a positive approach towards globalisation, in spite of the risk that it has always posed for their sovereignty. Globalisation has not only been used to increase the power and position of the States in the international system, as one might expect from conventional international relations, but also more fundamentally, to guarantee the security and legitimacy of their regimes. This latter dimension has always been decisive in the development of attitudes and responses towards globalisation. The risk of losing their sovereignty was ignored or even considered acceptable in a context where specific types of globalisation (e.g. transnational production) could be organised to coincide with the objectives of survival and legitimacy of authoritarian regimes. At the same time, the States have also sought to limit their exposure to and participation in the globalisation process (such as through the transmission of liberal values) when they conflicted with the regime's security. As a consequence, the attitude of the Asian States faced with globalisation remains cautious.
    • L'ASEAN et les nouvelles règles du jeu. Le régionalisme en Asie du Sud-Est à l'épreuve de la mondialisation. - Sophie Boisseau accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'ASEAN traverse une période de grande difficulté entraînée en partie, mais pas seulement, par les conséquences de la crise de 1997. Actuellement, l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est doit gérer les prolongements de trois crises simultanées : la crise de l'ASEAN elle-même, produit des dysfonctionnements et des faiblesses intrinsèques à l'organisation régionale; la crise de la souveraineté nationale des pays de la zone et enfin, la crise de la mondialisation. Sur ces trois terrains, l'ASEAN s'est révélée impuissante et donc marginalisée. Néanmoins, dans ce contexte en apparence bloqué, la crise a révélé une autre réalité de l'ASEAN, celle d'une construction sociale. Aujourd'hui, le débat a évolué: les États-membres fe-ront-ils le choix risqué d'une exacerbation souverainiste ou celui d'un nouvel espace politique régional, stabilité au prix d'une éventuelle et relative perte de souveraineté ?
      ASEAN and the new rules of the game. Regionalism in South-East Asia put to the test by globalisation. ASEAN has come through a very difficult time, resulting on the one hand, but not entirely, from the consequences of the 1997 crisis. Currently, the Association of South-East Asian Nations has to manage the prolongation of three simultaneous crises : the ASEAN crisis itself, the product of dysfunction and intrinsic weaknesses of the regional organisation; the national sovereignty crisis of the countries in the area and finally, the globalisation crisis. In these three areas, ASEAN has proved to be powerless and has thus been marginalised. Nevertheless, in this apparently deadend context, the crisis has revealed another ASEAN reality, that of social construction. The debate has now evolved : will the member States risk the choice of exacerbation of sovereign ambitions or opt for a new, regional policy area, offering stability at the price of a potential loss of sovereignty?
    • La politique thaïe : mondialisation, régionalisme et crise économique. - John Funston accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La réponse multi-facettes de la Thaïlande à la crise de 1997 a été basée sur la prémisse que la cause principale de sa situation difficile était la faiblesse de son économie intérieure. Si les dirigeants thaïs n'ont pas complètement ignoré les aspects internationaux, ils ne les ont pas considérés comme les facteurs principaux ni voulus risquer de perdre des appuis internationaux en blâmant les étrangers. Ils ont travaillé de concert avec le FMI et sollicité un large appui régional et international. Mais, principalement, ils ont procédé à une profonde réforme de leur économie nationale et de leurs institutions politiques et économiques. Ces réformes, dont la nouvelle constitution de 1997, ont accentué le caractère démocratique et ouvert de la Thaïlande. Bien que ces réformes doivent encore être poursuivies et qu'elles ont été momentanément ralenties par l'élection du controversé Premier ministre Thksin Shinawatra, elles jouissent de l'appui déterminé de la société civile.
      Thai politics : globalisation, regionalism and economic crisis. Thailand's response to the 1997 economic crisis was a multi-faceted one, premised on acceptance that domestic weaknesses were the main cause of Thailand's predicament. International aspects were not completely ignored, but Thai leaders did not see external factors as the primary cause, nor wish to risk international support by blaming foreigners. They worked closely with the IMF, and also solicited broader regional and international support. Above all, they sought a major transformation of domestic economic, political and related institutions. The 1997 constitution, and supporting legislation, made Thailand a more open and democratic society, weakening the hold of money politics, and the maintenance of self-serving links between business and politics. Reforms still have much to achieve, and the election of controversial Prime Minister Thaksin Shinawatra has slowed momentum, but a determined civil society continues to drive the process forward.
    • La "démocratie à l'indonésienne" : bilan critique d'une transition qui n'en finit pas de commencer. - Romain Bertrand accès libre
    • La Malaisie et la mondialisation : crise et politique de l'ambivalence. - Richard Stubbs accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La mondialisation a permis à la Malaisie d'atteindre des taux de croissances de près de 8 pour cent de 1987 à 1996, mais elle a aussi provoqué la crise asiatique de 1997-98. Les malaisiens s'interrogent donc sur l'importance de l'ouverture de leur économie à l'influence de la mondialisation. En particulier face aux politiques proposées par le Ministre des finances Anwhar Ibrahim, un libéral réformateur, ou par le Premier ministre Mohatir Mohamad, un économiste nationaliste. Ces attitudes sont également influencées par la rivalité politique entre ces deux personnalités. Les efforts de la Malaisie face à la mondialisation se traduisent aussi dans l'élaboration de sa politique régionale.
      Malaysia and blobalisation : crisis and the politics of ambivalence. Blobalisation enabled Malaysia to record rates of growth off around 8 percent from 1987-1996 but it also precipitated the Asian crisis of 1997-8.As a result malaysians are ambivalent about the extent to which the Economy should be opened up to the forces of blobalisation.This ambivalence was evident in the poicies to countr the crisis proposed first by Finance Minister anwhar Ibrahim, a liberal reformer and then by Prime Minister Mahatir mohamad, an economic nationalist. Malaysian attitudes towards the two policies were further confounded by the personal political conflict between Anwar and Mahatir.Malaysia's attempt to manage blobalisation has also been evident in its regional economic
    • Immaturité des politiques et survie face à la crise économique : les cas de l'Indonésie et de Singapour. - Chua Beng Huat accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Avant la crise financière asiatique de 1997, tant Singapour que l'Indonésie pouvaient être décrits respectivement comme des régimes “semi-autoritaire” et “militaro-autoritaire”. Ces régimes accordaient la priorité au développement économique sur le développement politique. Lorsque la croissance économique s'arrêta, la légitimité de ces régimes s'affaiblit sans cependant s'effondrer. Le sort de ces régimes dépend essentiellement d'autres éléments institutionnels sur lesquels ils sont bâtis et qui déterminent, à leur tour, leur capacité à gérer les crises économiques. Les différentes réponses de Singapour et de l'Indonésie à la crise de 1997 sont étudiées.
      Immature polities weathering economic crisis : Indonesia and Singapore. Prior to the 1997 Asian financial crisis, both Singapore and Indonesia could be characterized as “soft-authoritarian” and military-backed authoritarian regimes, respectively. The logic of these regimes is the primacy of economic growth above political development. When the economy backslides and growth stops, the regimes' legitimacy falters but does not necessarily collapse. The fate of each regime depends crucially on other institutional foundations upon which it is built, which in turn determines the ability of the regime to ride out the economic downturns. The differences are demonstrated by the different responses and outcomes, of Singapore and Indonesia, to the 1997 crisis.
    • Une analyse comparée de l'impact de la crise économique asiatique sur les politiques intérieures : le cas du Cambodge. - Sorpong Peou accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le Cambodge, comme étude de cas, est à bien des égards d'un très grand intérêt puisqu'il devint une démocratie libérale après les élections organisées par les Nations Unies en 1993 mais aussi par le coup d'État qui intervint au moment même, en juillet 1997, de la crise économique en Thaïlande. La crise économique asiatique n'a pas été une force majeure destructrice du développement politique du Cambodge. Si cette crise a effectivement contribué à l'appauvrissement économique de ce pays, elle ne fut pas la cause principale du coup d'État. Elle n'a pas non plus contribué de manière prépondérante à la déstabilisation du système politique cambodgien. Les élections nationales relativement paisibles de juillet 1998 et l'établissement d'une nouvelle coalition gouvernementale confirment que la crise économique n'a pas retardé l'apparition de la démocratie. Au Cambodge, des facteurs extérieurs, comme les pressions politiques et diplomatiques exercées par certains acteurs (spécialement l'ASEAN et des organismes humanitaires), l'empêchent de tomber dans le chaos et l'anarchie. Encore traumatisée par les problèmes socio-économiques, la démocratie y demeure cependant fragile.
      A comparative analysis of the impact of the Asian economic crisis on internal politics : the case of Cambodia. As a case study, Cambodia is of great interest in many respects. Following the elections organised by the United Nations in 1993, it became a liberal democracy, but there has also been a coup d'État, which took place in July 1997, at the very same time as the economic crisis in Thailand. The Asian economic crisis was not a destructive force majeure of Cambodian political development. If this crisis indeed contributed to the impoverishment of the country's economy, it was not the main cause of the coup d'État. Neither did it contribute significantly to the destabilisation of the Cambodian political system. The relatively peaceful national elections in July 1998 and the establishment of a new government coalition confirm that the economic crisis has not slowed down the emergence of democracy. In Cambodia, external factors, such as the political and diplomatic pressure exerted by certain parties (especially by ASEAN and humanitarian organisations), prevent it from falling into chaos and anarchy. Still traumatised by socio-economic problems, democracy there nevertheless remains fragile.
    • Les Philippines : une démocratie hésitante dans le contexte international. - David Wurfel accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'examen des politiques suivies par Aquino, Ramos et Estrada révèle un déclin de l'influence étrangère sur la politique philippine, surtout à partir de la dénonciation du traité sur les bases militaires en 1991. Cependant cette influence étrangère, principalement américaine, a été longtemps importante et son impact sur la politique économique demeure sensible. Un faible niveau d'institutionnalisme politique favorise l'influence étrangère, alors qu'une forme extrême de patrimonialisme, comme sous Estrada, l'entrave. Macapagal-Arroyo essaie de promouvoir le renforcement des institutions de l'État, mais demeure, à titre personnel, très ouverte aux conseils économiques américains.
      The Philippines : A stumbling democracy in international context. A review of the Aquino, Ramos and Estrada administrations reveals a declining foreign influence on Philippines politics, especially since the rejection of the bases treaty in 1991. Yet penetration of Philippine politics by foreign, especially US, influences had long been high – and the impact on economic policy still is. Low levels of political institutionalisation facilitate foreign influence, while the extreme form of patrimonialism, as under Estrada, inhibits it. Macapagal-Arroyo is taking tentative steps toward strengthening state institutions, but is personally very open to American economic advice.
    • Du miracle économique à la crise financière en Asie du Sud-Est : érosion des acquis sociaux et retour de la pauvreté ? - Rodolphe De Koninck accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis les années soixante, la plupart des pays du Sud-Est asiatique ont réalisé des progrès considérables au plan tant de la croissance économique qu'à celui du bien-être social. La productivité agricole, l'industrialisation et l'urbanisation ont fait des bonds, alors que des succès importants ont été atteints dans la lutte à la pauvreté, tout particulièrement en Indonésie. Cependant, les disparités sociales et régionales sont demeurées grandes voire se sont accentuées. La crise financière de 1997-98, dont les conséquences négatives au plan économique ont commencé à se résorber, a tout de même laissé des traces profondes, continuant à menacer les acquis sociaux, là aussi surtout en Indonésie.
      From economic miracle to financial crisis in South-East Asia: erosion of social achievements and a return to poverty ? Since the nineteen sixties, most of the countries in South-East Asia have made significant progress both in terms of economic growth and social well-being. Agricultural productivity, industrialisation and urban development have leapt forwards, whilst major successes have been achieved in the battle against poverty, especially in Indonesia. However, the social and regional disparities remain wide and have even broadened. The 1997-98 financial crisis, whose negative economic consequences have begun to be reabsorbed, has nevertheless left deep scars, which continue to threaten social achievements, once again above all in Indonesia.