Contenu du sommaire : Migrations africaines au Maghreb et au Moyen-Orient
Revue | Migrations société |
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Numéro | vol. 32, no 179, janvier-mars 2020 |
Titre du numéro | Migrations africaines au Maghreb et au Moyen-Orient |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
Migrations africaines au Maghreb et au Moyen-Orient coordonné par Ali Bensaad
- Une présence africaine invisibilisée au Maghreb et au Moyen-Orient - Ali Bensaâd p. 13-28 Cet article, en mettant en lumière les différents enjeux que représentent les migrations africaines dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient, introduit le présent dossier thématique. Ce faisant, cette contribution insiste plus globalement sur la nécessité d'étudier ces migrations transsahariennes, invisibilisées par la place prise par les migrations à destination du continent européen dans les discours politiques et médiatiques, mais aussi, de façon plus relative, dans les travaux scientifiques.
- Les migrations africaines dans la Libye post-2014 : guerre, crise économique et politiques d'endiguement - Antonio M. Morone, Olivier Favier p. 29-42 L'enjeu de cette contribution est d'analyser, dans le contexte de la Libye post-2011, l'évolution du cadre migratoire, et plus précisément la situation des migrants africains résidant dans le pays. Nous montrerons que la crise économique et la guerre que connaît la Libye, couplées aux politiques d'endiguement mises en place par l'Union européenne et certains de ses États membres comme l'Italie, ont impacté le projet migratoire de ces individus. Alors que la plupart d'entre eux avaient fait de ce pays leur destination finale dans l'espoir d'obtenir un meilleur niveau de vie, ces différents facteurs, que nous allons détailler et analyser, ont reconfiguré leur projet et les ont poussés à poursuivre leur migration. Si certains ont réussi à atteindre le continent européen, d'autres, après avoir échoué, se sont redirigés vers la Tunisie voisine, comme solution provisoire.
- L'immigration subsaharienne en Tunisie : de la reconnaissance d'un fait social à la création d'un enjeu gestionnaire - Camille Cassarini p. 43-57 L'immigration subsaharienne en Tunisie s'impose depuis 2011 comme nouveau fait social. Si les formes socio-spatiales de cette immigration sont multiples et concernent aussi bien des travailleurs que des étudiants, elle n'en reste pas moins cantonnée à une irrégularité juridique structurelle et à une mise sous silence de la part de l'État. Toutefois, ces populations font l'objet d'une politique de gestion sociale, construite et financée principalement par les organisations internationales et l'Union européenne et mise en œuvre par un ensemble de partenaires humanitaires et associatifs actifs au niveau local. Cet article entend revenir sur les mécanismes ayant construit cette politique de gestion humanitaire et interroge les modalités de sa mise en œuvre. Il contribue ainsi à remettre en débat la « frontière » entretenue entre humanitaire et sécuritaire et propose, à partir du cas tunisien, une réflexion sur l'implication des acteurs humanitaires dans le processus d'externalisation des frontières en Afrique méditerranéenne.
- De la redécouverte de l'altérité à la redéfinition de soi. Les migrations transsahariennes en Algérie - Salim Chena p. 59-74 Cette contribution a pour point de départ l'importance sociale et politique des migrations transsahariennes dans l'Algérie d'aujourd'hui. Elle entend, cependant, replacer ces mobilités dans leur profondeur historique et culturelle, et cherche à exposer la variété des migrations transsahariennes en Algérie, au-delà du seul point focal des migrations irrégulières supposément à destination de l'Europe. L'article procède par un retour sur l'ancrage de ces mobilités dans les transformations socio-économiques de la mondialisation, avant d'envisager les mutations du système migratoire régional sous l'effet de facteurs politiques. Le texte conclut par l'évocation des représentations des Sahéliens et Subsahariens tout en abordant les enjeux de l'altérité dans le processus de construction nationale.
- Dynamiques juridiques et politiques autour des mobilités en Afrique méditerranéenne et sahélienne : inspirations, ambitions et contraintes - Delphine Perrin p. 75-89 Au cours des vingt dernières années, l'ensemble des États de l'Afrique méditerranéenne et sahélienne a entrepris de légiférer sur la question des migrations. Les nouvelles mesures juridiques partagent une orientation essentiellement restrictive et répressive des migrations, consistant, sous des formats divers, en l'intensification des sanctions et le développement des infractions liées à la mobilité, sans création de droits ni amélioration de l'accès aux droits pour les migrants, à l'exception récente du Maroc. Si la pression de l'Union européenne sur ces États, qu'elle considère comme des pays d'origine et de transit de migrants lui étant destinés, est déterminante, cette convergence juridique s'inscrit aussi dans un mouvement mondial de politisation, de juridicisation et de sécuritisation des migrations, observée depuis les années 1990. Les dynamiques juridiques autour des migrations en Afrique méditerranéenne et sahélienne reflètent de grandes tendances transversales, telles que l'extension du risque pénal pesant sur les mobilités, l'engagement à les contenir en amont des frontières et l'instrumentalisation de la lutte contre la traite des personnes et le trafic de migrants. En mettant ainsi à mal les circulations pourtant promues dans l'imagerie et les discours africains, ces dynamiques s'inscrivent moins dans une soumission à des injonctions extérieures que dans des ambitions nationales d'intégration et d'élévation dans un ensemble géopolitique régional et mondial. L'article montre aussi que l'irruption et la diffusion de la problématique migratoire dans la région, même sur un canevas se voulant apolitique, créent la politisation et l'inclusion d'un nombre croissant d'acteurs dans ce nouveau champ politique nourri de voix transnationales.
- Les conséquences des politiques de l'Union européenne sur les trajets migratoires au Soudan et au Tchad - Clotilde Warin p. 91-107 Les politiques de maîtrise des flux migratoires mises en place par l'Union européenne (ue) sont devenues une priorité pour Bruxelles et les États membres, notamment après la « crise des réfugiés » de l'été 2015. Pour s'assurer que les migrants n'atteignent pas les côtes européennes, l'ue signe des accords avec les pays d'origine et de transit des migrants afin qu'ils assurent à leurs frontières le blocage des migrants. Ce prisme sécuritaire de la gestion des migrations a des conséquences sur le terrain : le Soudan est désormais devenu un interlocuteur autorisé de l'Union européenne et le Tchad espère bénéficier du même traitement.
- Contraintes et limites de la politique migratoire marocaine - Jean-Noël Ferrié p. 109-113 Le Maroc a lancé en 2013 une nouvelle Stratégie nationale d'immigration et d'asile (snia), qui s'inscrit dans sa diplomatie africaine. Il s'agit d'une stratégie ouverte aux migrants se situant, de facto, en opposition à la politique poursuivie par l'Union européenne. Toutefois, si la phase de régularisation des migrants a bénéficié à cette politique, la phase d'intégration apparaît plus problématique, notamment à cause de la difficulté pour le Maroc de mettre en place des politiques publiques sociales au bénéfice de l'ensemble de la population et donc, par ricochet, au bénéfice des migrants. En même temps, le pays ne peut échapper aux contraintes qui le lient à l'Union européenne, tout particulièrement le contrôle de sa frontière. Il en découle que sa politique migratoire demeure entravée.
- Migrations africaines et variations religieuses : les églises chrétiennes du Maroc et de Tunisie - Sophie Bava, Katia Boissevain p. 115-129 En faisant dialoguer deux terrains de recherche conduits au Maroc et en Tunisie selon une démarche anthropologique, nous mettrons en lumière les questions que la migration africaine pose aujourd'hui aux institutions chrétiennes, catholique et protestante. Quelles reconfigurations religieuses la présence des migrants induit-elle ? D'un côté, les Églises « historiques » présentes dans les grandes villes, en tant qu'héritières des Églises officielles, ont augmenté le nombre de leurs fidèles et de leurs offices. De l'autre, les Églises pentecôtistes et charismatiques ont fait leur apparition dans les quartiers périphériques. Nous décrirons dans cet article, d'une part, les dynamiques nouvelles entre Églises catholique et protestante au Maroc et en Tunisie, et d'autre part, nous analyserons les manières différenciées dont les autorités ecclésiastiques des deux pays composent avec les orientations distinctes au sein du protestantisme entre les cultes historique et pentecôtiste. Notre hypothèse est que l'histoire des congrégations religieuses chrétiennes au Maghreb, implantées depuis le milieu du XIXe siècle, continue d'influer sur les équilibres actuels.
- À l'ombre des circulations verticales subsahariennes, des circulations horizontales intra-maghrébines ? - Hocine Zeghbib p. 131-148 La mésentente entre les États du Maghreb, l'influence européenne grandissante en matière de lutte contre l'immigration et l'effet de loupe provoqué par le traitement médiatique des migrations subsahariennes ont fait passer au second plan la visibilité des circulations migratoires intra-maghrébines contemporaines dont on a du mal à prendre la mesure. De fait, les circulations horizontales intra-maghrébines, pourtant bien réelles, tendent à être invisibilisées en raison de la surexposition médiatique et sécuritaire des circulations verticales subsahariennes.
- Défis et enjeux de la migration africaine en Israël - Lisa Anteby-Yemini p. 149-164 La société israélienne est divisée sur le sort des 32 000 demandeurs d'asile en Israël, originaires d'Érythrée et du Soudan principalement et détenteurs d'une protection temporaire : d'un côté des mesures gouvernementales d'exclusion, un discours politique criminalisant et des attitudes xénophobes expriment l'hostilité envers cette migration non juive ; de l'autre, une mobilisation inattendue de la société civile en faveur des « réfugiés africains » met en avant un devoir d'hospitalité envers ces populations en quête d'asile et fait usage du passé juif pour légitimer leur accueil. Dans les lieux de co-présence quotidienne, on assiste à des dynamiques également opposées témoignant, d'une part, d'une marginalisation spatiale, sociale et politique des migrants subsahariens, et d'autre part, d'une incorporation de facto sur le marché du travail, dans les institutions scolaires, la culture, les loisirs et les pratiques de consommation locales. Cet article s'interrogera donc sur les défis sociaux, spatiaux, politiques et juridiques posés par cette migration africaine dans un État juif, rejoignant certains défis que connaissent les pays du Maghreb et du Moyen-Orient.
- La route sinaïtique, une économie de prédation et ses impacts - Aliya Aïssou p. 165-169 Depuis 2006, le Sinaï est devenu la route privilégiée de nombreux Soudanais et Érythréens cherchant à se rendre en Israël. Ce flux migratoire a attiré l'attention de chefs bédouins qui ont construit une économie autour de ces mouvements migratoires. Un véritable système de trafic d'êtres humains a été mis en place, prenant en otage les migrants qui sont rançonnés et torturés. Ce modèle économique basé sur le trafic de drogue et de migrants a permis aux chefs bédouins acteurs de ce système un enrichissement considérable. De fait, la route sinaïtique est devenue la route de tous les dangers pour les migrants de l'Afrique de l'Est. Face à l'inaction des autorités égyptiennes et israéliennes, quelques personnalités bédouines extérieures au trafic tentent de s'organiser pour lutter contre ce trafic devenu système.
- « Black is not thought beautiful ». Entre racisme et ancrage, l'expérience migratoire des Africains à Beyrouth - Assaf Dahdah p. 171-175 À l'instar de bien des métropoles du monde, lorsque l'on évoque la mixité voire le cosmopolitisme dans les villes moyen-orientales, les populations étrangères, qui constituent la main-d'œuvre peu qualifiée, sont exclues des représentations communément véhiculées. À Beyrouth, si les ressortissants originaires d'Afrique de l'Ouest, de l'Est ou de Madagascar sont certes devenus des citadins ordinaires des quartiers périphériques et marginalisés, ils font face au quotidien à une précarité sociale et statutaire, et doivent affronter un racisme s'inscrivant dans une grammaire des hiérarchies ethno-professionnelles qui structurent l'espace urbain et l'ensemble des relations sociales.
- Le transit de l'horreur : exilés abyssins en Égypte (1992-2019) - Fabienne Le Houérou p. 177-190 Le présent article s'intéresse à la migration forcée des Abyssins au Caire de 1992 à 2019 en convoquant une enquête, qualitative et quantitative, conduite en Égypte et prioritairement dans la capitale égyptienne entre 2002 et 2005. Cette dernière s'appuie sur une anthropologie des émotions pour identifier — sur une durée de presque trois décennies — les continuités et les ruptures intervenues dans ce registre temporel en questionnant les dates charnières de cette migration. Ce travail insistera particulièrement sur les expressions de la peur et son évolution de la voix même des migrants forcés éthiopiens et érythréens.
- Bibliographie sélective - p. 191-197
- Une présence africaine invisibilisée au Maghreb et au Moyen-Orient - Ali Bensaâd p. 13-28
Note de lecture
Nouveautés documentaires du CIEMI
- Nouveautés documentaires du CIEMI - p. 203-204