Contenu du sommaire : L'invention politique des banlieues à la fin du XXe siècle
Revue | Parlement[s] |
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Numéro | no 30, 2019/3 |
Titre du numéro | L'invention politique des banlieues à la fin du XXe siècle |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction. Quand les « banlieues » sont redevenues un objet politique - Alexandre Borrell p. 11-21
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- Ces quartiers dont on préfère ne plus parler : les métamorphoses de la politique de la ville (1977-2018) - Renaud Epstein, Thomas Kirszbaum p. 23-46 L'histoire de la politique de la ville est marquée par la succession de périodes de relative stabilité, ponctuées de rares et courtes périodes de changements radicaux. Une approche généalogique permet de mettre en lumière les ruptures survenues à trois moments charnières : la mise en place de la Commission nationale pour le développement social des quartiers en octobre 1981, la création d'un ministère de la Ville en décembre 1990 et l'adoption de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003 (dite loi Borloo). Ces tournants conduisent à distinguer trois grandes périodes qui correspondent chacune à une lecture particulière du « problème des banlieues » (et des solutions à lui apporter), résumée dans les trois figures du quartier, de la ville et de la zone. Depuis quelques années, les débats sur la politique de la ville portent sur la légitimité de son existence même, qu'on remette en cause son utilité ou la pertinence d'un traitement privilégié de ces espaces par rapport à d'autres. Après être revenu sur ces critiques dont les fondements s'avèrent, au mieux, fragiles, on s'interrogera sur l'invisibilisation en cours de la politique de la ville.The history of the French urban policy targeting disadvantaged neighborhoods is made of a succession of periods of relative stability, punctuated by rare and short periods of radical change. A genealogical approach makes it possible to highlight the ruptures that occurred at three key moments: in October 1981, December 1990 and August 2003. These turning points lead us to distinguish three main periods, each of which corresponds to a particular interpretation of the “problème des banlieues” and the solutions to be found, summarized in the three figures: the neighborhood, the city and the zone. In recent years, debates on urban policy have focused mainly on the legitimacy of its existence, whether are called into question its usefulness or the relevance of a preferential treatment of these spaces in comparison with others. We will come back to these criticisms, not supported by the facts, and to the growing invisibility of this public policy.
- Quartiers, banlieues, cités : sens commun, sens unique et variation des usages dans le lexique présidentiel sous la Ve République - Alexandre Borrell p. 47-80 Quels mots les présidents de la Ve République ont-ils utilisés pour désigner les banlieues, entendues comme les quartiers périphériques d'habitat collectif, et leurs habitants ? Un recensement exhaustif met en évidence, outre l'utilisation sporadique des « grands ensembles » dans les années 1970, l'émergence de la question des « banlieues », puis des « quartiers » et des « cités » à partir de 1990. Ces trois termes s'installent durablement dans les discours et l'agenda politique des présidents en fonction, et leur sens commun se fige en un sens unique, à partir de 1988 pour le premier, de 1995 pour le second, pendant les seules années 2000 pour le troisième. Les usages spécifiques qu'en font les chefs de l'État successifs révèlent en particulier, au-delà des points communs, les particularités de leurs approches respectives du sujet.What words did the presidents of the French Fifth Republic use to refer to the suburbs, understood as the peripheral neighborhoods of collective housing, and their inhabitants? An exhaustive census reveals, in addition to the sporadic use of “grands ensembles” in the 1970s, the emergence of the question of “banlieues”, then “quartiers”, and “cités” from 1990 onwards. These three words became firmly established in the speeches and political agenda of the presidents in office, and their common meaning became fixed in one single meaning, from 1988 for the first, from 1995 for the second, and only in the 2000s for the third. Their specific use by the successive heads of state reveal, beyond their common features, the particularities of their respective approaches to the topic.
- Le vote des banlieues. Réflexions sur soixante ans de recherche - David Gouard p. 81-100 La question des comportements électoraux en banlieue intéresse depuis longtemps les chercheurs français en sciences sociales, et plus particulièrement les politistes. L'objectif de cet article est d'examiner comment ont évolué les approches, questionnements et méthodologies d'enquêtes traitant du vote chez les habitants de banlieues depuis les années 1960. L'article distingue différentes étapes, depuis les études initiales sur l'ancrage des partis politiques de gauche, en passant par l'étude de l'abstention ou du vote en faveur de l'extrême-droite jusqu'aux recherches plus récentes sur les populations issues de l'immigration ou les nouveaux électeurs des banlieues pavillonnaires.The issue of electoral behaviour in the suburbs has long been of interest to French social science researchers, and more particularly to political science researchers. The aim of this paper is to examine how survey's approaches, questions and methodologies dealing with voting among suburban residents have evolved since the 1960s. The article distinguishes between different stages, from initial studies on the foothold of left-wing political parties, to the study of abstention or voting for the far right, to more recent research on immigrant populations or new voters in the residential suburbs.
- Quand les « banlieues » se définissent elles-mêmes. De Résistance des banlieues au Forum social des quartiers populaires (1989-2012) - Karim Taharount p. 101-122 Grâce aux travaux de différents chercheurs, l'origine et l'évolution du sens du mot « banlieues » sont connues, tout comme les réalités qu'il recouvre pour les institutions qui en font une catégorie d'intervention publique ou les médias qui l'érigent en problème. Cet article propose de changer de point de vue en s'interrogeant sur la définition de ce mot et sur les réalités qu'il recouvre aux yeux d'une mouvance associative qui en est issue et qui a successivement pris la forme et le nom de Résistance des Banlieues, du Mouvement de l'Immigration et des Banlieues, puis du Forum social des Quartiers populaires entre 1988 et 2012. Pour celle-ci, le vocable « banlieue » représentait un enjeu stratégique concernant sa façon de se positionner dans le champ social et politique.The origin and evolution of the meaning of the name banlieues (suburbs) in France are known, as much as the realities that this term conveys to the institutions that make it a category of public intervention or in the opinion of the media that identifies it as a problem (in France, suburbs basically means popular neighborhoods). This article will attempt to change this viewpoint by questioning the definition of this word and the realities that it covers according to an associative movement that comes from these neighborhoods. This movement successively took the shape and the name of Résistance des Banlieues, Mouvement de l'Immigration et des Banlieues, and Forum Social des Quartiers populaires, between 1988 and 2012. And the word banlieues represented a strategic stake in the way it positioned itself in the social and political fields.
- Ces quartiers dont on préfère ne plus parler : les métamorphoses de la politique de la ville (1977-2018) - Renaud Epstein, Thomas Kirszbaum p. 23-46
Sources
- « Le président hip-hop ». Naissance d'un archétype visuel, de François Mitterrand au jeune de banlieue (Plantu, Le Monde, 1990) - Alexandre Borrell p. 123-136
- « Justice en banlieue » : une affiche de campagne du Mouvement de l'Immigration et des Banlieues (1997) - Karim Taharount p. 138-154
Varia
- Une mauvaise lecture politique et religieuse : Gaspard de Coligny et le colloque de Poissy - Nicolas Breton p. 155-170 Le 9 septembre 1561, les propos tenus par Théodore de Bèze à l'ouverture du colloque de Poissy provoquent de violentes réactions parmi l'assistance catholique, et le désarroi de l'amiral Gaspard de Coligny. Pour comprendre cette attitude, il faut remonter aux sources de son engagement en faveur de la Réforme protestante en 1560. À partir de la mort de François II au début du mois de décembre 1560, Coligny semble s'être trompé. Le soutien que lui apporte Catherine de Médicis à la cour et au Conseil du roi, il l'interprète comme un signe de sympathie envers la Réforme et pense sincèrement que le roi et sa mère peuvent rapidement se convertir au calvinisme. Mais si la régente protège ainsi l'amiral, c'est surtout parce qu'elle a besoin de lui pour contrebalancer au Conseil le poids politique des catholiques intransigeants, les Triumvirs.On September 9, 1561, the remarks made by Theodore de Bèze at the opening of the Colloquy of Poissy provokes violent reactions among the Catholic assistance, and the dismay of Admiral Gaspard de Coligny. In order to understand this attitude, it is necessary to go back to the sources of his commitment to the Protestant Reformation in 1560. Since the death of François II in early December 1560, Coligny seems to have been mistaken. Coligny interprets the fact that Catherine de Médicis supports him at the court and at the Royal Council, as a sign of sympathy for the Reformation and sincerely believes that the King and his mother can quickly become Calvinists. However, if the Regent protects the Admiral, it is mainly because she needs him to counterbalance in the Council the political weight of the Triumvirs, uncompromising Catholics.
- Robert Buron : parcours d'un chrétien de gauche (1962-1973) - Roberto Colozza p. 171-186 Le présent article retrace la trajectoire biographique de Robert Buron (1910-1973), avec une attention spécifique à la période allant des années Soixante jusqu'à la mort de cette personnalité centrale, bien que relativement peu connue, de l'histoire de la France contemporaine. Il s'agit d'un parcours qui illustre une certaine vision de la « deuxième gauche », dont Robert Buron, « catho de gauche », fut un représentant influent. Se basant sur une ample gamme de sources – dont les écrits, la correspondance privée et le journal intime de Buron – l'article explore le passage graduel d'un protagoniste de la démocratie chrétienne et des institutions républicaines au champ de la contestation soixante-huitarde et du socialisme clubiste, avant d'intégrer les rangs du nouveau parti socialiste mitterrandien.The article outlines the biographical trajectory of Robert Buron (1910-1973), a prominent but underknown personality in the 20th century French history, by focusing on the period between the Sixties and the beginning of the Seventies. This was a political path that illustrates a particular version of the French New Left, of which Buron, a leftist catholic, was an influent representative. Based on a large range of sources – among them Buron's writings, private correspondence, and personal journal – the article describes the gradual transition of a distinguished exponent of Christian democracy and the State institutions into the field of radical Socialism and the sociopolitical protest of May 68, before joining the newly re-founded Socialist party led by François Mitterrand.
- Une mauvaise lecture politique et religieuse : Gaspard de Coligny et le colloque de Poissy - Nicolas Breton p. 155-170
Lectures
- Lectures - p. 189-213